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     Date : 19981126

     Dossier : IMM-1524-98

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 1998

En présence du juge en chef adjoint

ENTRE :

     HABOUBACAR JAZY SOULEMANE,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     APRÈS audition d'une demande de contrôle et d'annulation de la décision rendue le 12 mars 1998 par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié,

     LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :

         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 J. Richard

                                     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19981126

     Dossier : IMM-1524-98

ENTRE :

     HABOUBACAR JAZY SOULEMANE,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

L'INSTANCE

[1]      La présente demande fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, vise le contrôle et l'annulation de la décision rendue le 12 mars 1998 par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).

[2]      Les motifs invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire sont les suivants :

     1.      La Commission n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'elle était légalement tenue de respecter.
     2.      La Commission a rendu une décision entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit.
     3.      La Commission a agi sans compétence ou a outrepassé sa compétence.
     4.      La Commission a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier.
     5.      La Commission a agi de toute autre façon contraire à la loi.
     6.      La section du statut a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.
     7.      En conséquence des erreurs susmentionnées, la section du statut a commis une erreur de droit en n'appliquant pas la définition d'un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS

[3]      Le demandeur est né à Niamey, au Niger, et est entré au Canada comme étudiant étranger le 11 septembre 1993. Il a revendiqué le statut de réfugié au Canada le 21 février 1995.

[4]      Par décision rendue le 27 décembre 1995, la Commission a accordé au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.

[5]      Le 10 juillet 1996, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a présenté une demande d'autorisation de présenter une demande d'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration1. Le motif invoqué était l'obtention du statut de réfugié par des moyens frauduleux, par de fausses indications sur des faits importants et par la suppression ou la dissimulation de faits importants qui ont servi à obtenir la reconnaissance en question.

[6]      Le 31 juillet 1996, le vice-président adjoint de la Commission a accordé au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration l'autorisation de demander à la Commission de réexaminer la décision en date du 27 décembre 1995 par laquelle elle avait reconnu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.

[7]      L'audience d'annulation s'est déroulée le 17 février 1997 à Montréal et, par vidéoconférence entre Montréal et Ottawa, les 16 et 17 juin et le 24 septembre 1997.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]      À l'audition de la présente demande, le demandeur a contesté la décision de la Commission d'annuler sa décision pour deux motifs : premièrement, la manière dont la Commission s'est conduite à l'audience a-t-elle donné naissance à une crainte raisonnable de partialité ou a-t-elle vicié l'équité de l'instance; et, deuxièmement, la Commission a-t-elle omis de tenir compte de toute la preuve et s'est-elle appuyée à tort sur le rapport d'expert de M. François-Pierre Déry, analyste de documents d'identité à Citoyenneté et Immigration Canada.

ANALYSE

[9]      En ce qui concerne l'argument fondé sur la crainte raisonnable de partialité ou sur le déni d'équité procédurale, l'ajournement de l'audience le 17 février 1997 parce qu'un des commissaires était souffrant, l'avis envoyé par télécopieur pour reporter l'audience qui avait été fixée au 16 juin 1997 de 9 h 30 à 13 h 30 le même jour à cause du fonctionnement défectueux de l'équipement, et la décision de la Commission de ne pas permettre à un journaliste d'assister à l'audience comme observateur ne donnent pas naissance à une crainte raisonnable de partialité.

[10]      Le demandeur n'a pas été lésé par le fait qu'il n'a pas obtenu la divulgation complète d'un rapport d'expert le 17 juin 1997 et, partant, n'a pas eu la possibilité de l'examiner, étant donné que la Commission a consenti à la demande d'ajournement au 24 septembre 1997 présentée par le demandeur et a ordonné à l'avocat du ministre de produire une liste complète de documents dans un délai d'une semaine.

[11]      Il ressort des faits qu'un autre rapport d'expert produit par le représentant du ministre a été signifié à l'avocat du demandeur vingt (20) jours avant la date prévue pour la reprise de l'audience le 24 septembre 1997, en conformité avec les Règles.

[12]      Par conséquent, compte tenu du dossier qui m'a été soumis, je conclus que le demandeur n'a pas prouvé l'existence d'une crainte raisonnable de partialité ou d'un déni d'équité procédurale.

[13]      En ce qui concerne la prétention que le tribunal n'a pas examiné toute la preuve, le juge Hugessen a déclaré dans l'affaire Florea2 :

     Le fait que la Section n'a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n'est pas un indice qu'elle n'en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu'à preuve du contraire. Les conclusions du tribunal trouvant appui dans la preuve, l'appel sera rejeté.         

[14]      Les conclusions suivantes que le tribunal a tirées dans sa décision étaient appuyées par la preuve :

     De l'ensemble de la preuve constituée d'au-delà de 80 documents de toute nature et entre autres des témoignages de messieurs Jacques Beaulieu, gérant d'un programme d'immigration pour le MCI à l'ambassade du Canada en Côte d'Ivoire, de monsieur François Déry, analyste de documents identité et de monsieur André Munch, ex-employé à la retraite du laboratoire de science judiciaire et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique du Québec et maintenant spécialiste expert en documents à titre privé, il appert que l'intimé a effectivement utilisé des faux documents pour obtenir son admission à l'université de Sherbrooke, en septembre 1993, admission qui lui a valu l'émission d'un visa d'étudiant par les autorités canadiennes à Niamey.3         
     Il appert de plus que, par la suite, l'intimé a fabriqué d'autres faux documents devant servir à d'autres personnes, sans compter ses tentatives d'admission aux universités Laval de Québec, Guelph en Ontario et Bishop à Lennoxville.4         
     Il appert également que l'intimé avait menti lors de l'audience concernant la revendication de statut de réfugié qu'il avait logée après que les subterfuges précédemment mentionnés fussent apparus soit le 21 février 1995. Il avait alors prétendu, en réponse à la réponse 37 du Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il avait complété et signé, qu'il avait été emprisonné au Niger, en raison de ses opinions politiques et qu'un certain Colonel Bangnou Beido l'avait délivré et lui avait facilité sa fuite vers le Canada en lui fournissant le passeport nigérien, l'admission à l'Université de Sherbrooke de même que le visa d'étudiant émis par l'ambassade canadienne et en le faisant conduire incognito à l'aéroport. Il n'aurait personnellement aucunement participé aux démarches qui lui auraient fourni la "couverture" ourdie par le colonel Beido.5         
     La preuve scientifique présentée par le requérant a démontré que l'intimé avait bel et bien signé lui-même les documents grâce auxquels il était venu le 11 septembre 1993 et revenu le 1er janvier 1994.6         
     De plus, la preuve accueillie à l'audience démontre que contrairement aux prétentions de l'intimé, le Colonel Beido n'a jamais été en charge du camp militaire où l'intimé prétend avoir été incarcéré et que, de plus, les démarches effectuées auprès de l'ambassade canadienne n'ont pu l'être que par monsieur Haboubacar lui-même.7         

[15]      Par conséquent, la Commission pouvait conclure que les renseignements contenus dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur étaient faux. Pour parvenir à la décision que le demandeur avait obtenu la reconnaissance du statut de réfugié par des moyens frauduleux, la Commission ne s'est pas fondée sur le témoignage de M. François-Pierre Déry, ainsi qu'elle l'a déclaré dans ses motifs.

[16]      La Commission a également conclu qu'il n'y avait pas d'autres éléments de preuve justifiant la demande du demandeur, en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration8. Puisqu'il en est ainsi, le tribunal avait le droit d'annuler la décision initiale par laquelle il a reconnu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.

CONCLUSION

[17]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                

                                     Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 26 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :      IMM-1524-98

INTITULÉ :                          HABOUBACAR JAZY SOULEMANE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 8 NOVEMBRE 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

EN DATE DU :                      26 NOVEMBRE 1998

COMPARUTIONS :

PHILIPPE M. CAPELLE                      POUR LE DEMANDEUR

DARRELL KLOEZE                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CAPELLE KANE                          POUR LE DEMANDEUR

OTTAWA (ONTARIO)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

__________________

     1      69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention, accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

     2      Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598.

     3      Décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut) en date du 12 mars 1998, dossier de la demande, à la p. 5.

     4      Ibid., à la p. 6.

     5      Ibid., à la p. 6.

     6      Ibid., à la p. 6.

     7      Ibid., à la p. 6.

     8      69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments de preuve justifiant la reconnaissance du statut.

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