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Date : 20050209

Dossier : IMM-5878-04

Référence : 2005 CF 207

Calgary (Alberta), le 9 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                     ARTUR GAVOCI, BRIXHILDA GAVOCI ET MARCEL GAVOCI

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Le demandeur, Artur Gavoci, son épouse, Brixhilda Gavoci, et leur fils, Marcel Gavoci, sont des citoyens de l'Albanie qui sont arrivés au Canada le 21 septembre 2003. Ils prétendent qu'ils subiront un préjudice grave ou qu'ils seront tués du fait de la vendetta opposant la famille Marku à la famille Gavoci. Dans une décision datée du 16 juin 2004, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande des demandeurs au motif qu'ils disposaient d'une protection de l'État en Albanie. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

LA QUESTION EN LITIGE

[2]                La seule question en litige dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si la conclusion de la Commission, selon laquelle les demandeurs disposent de la protection de l'État, a été tirée sans tenir compte de la preuve.

ANALYSE

[3]                La question de savoir si les demandeurs disposent de la protection de l'État est une décision de la Commission à laquelle la norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique. C'est-à-dire que je ne peux renverser la décision que si elle est manifestement déraisonnable dans le sens qu'elle est nullement appuyée par la preuve.

[4]                La Commission semble avoir accepté la preuve des demandeurs. C'est-à-dire que les demandeurs sont des citoyens albanais qui se sont trouvés dans une vendetta opposant leur famille à une autre famille albanaise. La Commission n'a pas non plus écarté le témoignage selon lequel le frère du demandeur avait été tué.

[5]                Lorsqu'elle a examiné la question déterminante de la disponibilité de la protection de l'État, la Commission a reconnu que les vendettas constituaient un problème sérieux en Albanie. La Commission a également reconnu que « les services de police et le système judiciaire albanais ont des faiblesses et ne sont pas aussi efficaces qu'ils devraient l'être » . Toutefois, après avoir fait précisément référence à certaines parties de la preuve documentaire, la Commission a conclu, dans une série de commentaires, que :

·                       [...] les autorités policières et gouvernementales albanaises font des efforts sérieux pour éliminer le phénomène des vendettas dans le pays, et pour traduire en justice les personnes qui ont perpétré des assassinats au nom d'une vendetta, sans toutefois toujours y parvenir;

·                       [...] l'État albanais exerce un contrôle efficace sur son territoire et qu'il a mis en place des autorités militaires, policières et civiles;

·            [...] les autorités policières albanaises font des efforts sérieux pour mener des enquêtes sur les personnes impliquées dans des querelles familiales ou dans des vendettas.


[6]         Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en omettant de faire référence à certains des éléments de preuve documentaires qui appuient leur position et d'expliquer les raisons pour lesquelles elle a préféré la preuve documentaire sur laquelle elle s'est appuyée.

[7]         Ayant examiné la décision dans son ensemble ainsi que la preuve documentaire à laquelle les deux parties ont fait référence, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur. Bien que la décision soit décousue et difficile à suivre, en la lisant dans son ensemble, je ne peux pas conclure qu'elle était manifestement déraisonnable. Bien que la Commission n'ait pas traité expressément de certaines citations de la preuve documentaire dans sa décision, elle a reconnu, en apportant des précisions, l'existence des éléments de preuve établissant un point de vue contraire. Et les motifs démontrent que le membre avait apprécié ce point de vue contraire. Dans les circonstances, cela était adéquat. L'omission de la part de la Commission de faire référence à tous et chacun des éléments de la preuve contraire ne justifie pas, en l'espèce, l'intervention de la Cour.


[8]         Les demandeurs ont attiré l'attention de la Cour sur la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.) (QL), dans laquelle le juge Evans a fait remarquer, au paragraphe 17, que « plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée " sans tenir compte des éléments dont il [disposait] " » . Les demandeurs soutiennent que les éléments de preuve sur lesquels on a fermé les yeux sont essentiels à la conclusion possible selon laquelle les demandeurs ne disposent pas de la protection de l'État.

[9]         Un examen de la décision Cepeda-Gutierrez, précitée, démontre qu'elle doit être lue dans le contexte. Je remarque que l'erreur susceptible de révision du tribunal dans cette décision était son omission de faire référence à un rapport psychologique personnel déposé par le demandeur, plutôt qu'à des énoncés précis provenant de documents relatifs à la situation du pays en cause. En fait, la Cour n'a trouvé aucune erreur en ce qui concerne la conclusion plus générale du tribunal selon laquelle le demandeur ne faisait face à aucune possibilité sérieuse de persécution en dehors de la ville de Mexico, même si le tribunal n'avait apparemment pas fait mention de tous et chacun des éléments de la preuve contradictoire.

[10]       Dans l'affaire dont je suis saisie, l'erreur alléguée se rapporte à l'omission dans la décision de références explicites à certains passages extraits d'éléments de preuve documentaires. Étant donné les circonstances, les assurances de la Commission, selon lesquelles elle avait examiné l'ensemble des éléments de preuve, de même que ses références explicites à la nature de la preuve contraire, étaient suffisantes. La situation est visée par l'énoncé suivant du juge Evans dans la décision Cepeda-Gutierrez, précitée, au paragraphe 16 :

Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.


[11]       Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[12]       Aucune des parties n'ayant proposé de question pour la certification, aucune ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                            « Judith A. Snider »   

                                                                                                     Juge              

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-5878-04

INTITULÉ :                                           ARTUR GAVOCI, BRUXHILDA GAVOCI ET MARCEL GAVOCI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 8 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 9 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Jean Munn                                               POUR LES DEMANDEURS

Rick Garvin                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners, LLP                                     POUR LES DEMANDEURS

Calgary (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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