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                                                                                                                         IMM-2020-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 18 AVRIL 1997

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

 

 

Entre :

 

                                        CHANDRAPALA JAYAWARDANA,

                                   DOREEN FRANCISCA JAYAWARDANA,

      CHARITH DHARSHANA JAYAWARDANA (représenté par tuteur à l'instance)

              et CHATURIKA JAYAWARDANA (représenté par tuteur à l'instance),

 

                                                                                                                               requérants,

 

                                                                    - et -

 

 

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

 

                                                          ORDONNANCE

 

 

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

                                                                                                                 Signé : Allan Lutfy           

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                         Juge                    

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

 

 

 

 

                                                                                                                         IMM-2020-96

 

 

Entre :

 

                                        CHANDRAPALA JAYAWARDANA,

                                   DOREEN FRANCISCA JAYAWARDANA,

      CHARITH DHARSHANA JAYAWARDANA (représenté par tuteur à l'instance)

              et CHATURIKA JAYAWARDANA (représenté par tuteur à l'instance),

 

                                                                                                                               requérants,

 

                                                                    - et -

 

 

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

Le juge LUTFY

 

 

            Cette demande de contrôle judiciaire contre la décision défavorable de la section du statut de réfugié (le tribunal) ne saurait être accueillie puisque les requérants n'ont pu faire valoir aucune erreur susceptible de contrôle dans cette décision.

 

            Les requérants, composant une famille de Cinghalais citoyens du Sri Lanka, ont revendiqué, à leur arrivée au Canada en février 1995, le statut de réfugiés au sens de la Convention pour cause d'opinions politiques et d'appartenance à un certain groupe social. Le principal requérant (le requérant) est l'époux et le père, chef de la famille.

 

            Il travaillait à son compte comme distributeur itinérant de biens de consommation et d'aliments auprès de commerces de détail dans les régions reculées du Sri Lanka. En décembre 1994, encouragé par les pourparlers de paix en cours, il s'est aventuré pour la première fois à trouver de nouveaux clients dans le Nord-Est du pays, à quelque 500 kilomètres de son village natal d'Ambalangoda (juste au sud de la capitale Colombo), laquelle région se trouvait en grande partie sous le contrôle des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE).

 

            Sur le chemin du retour à son motel à Trincomalee, sa fourgonnette a été arrêtée sous la menace des armes par les LTTE. Après plusieurs heures d'interrogation, de coups, d'accusations d'espionnage pour le compte de l'armée, et de menaces de mort, il a réussi à s'échapper. Il n'a pas cherché l'aide des autorités gouvernementales à Trincomalee de peur qu'elles ne l'obligent à leur indiquer le repaire des LTTE. Il est rentré à Ambalangoda par le train. Quelques jours après, il apprend par des contacts dans la police que l'armée avait pris le camp des LTTE et y avait retrouvé sa fourgonnette et ses papiers d'identité. Le requérant craignait doublement pour sa vie : d'une part que les autorités ne pensent qu'il collaborait avec les LTTE, d'autre part que ces derniers ne le soupçonnent d'être un indicateur à la solde du gouvernement. Deux mois après, le requérant et sa famille ont cherché asile au Canada.

 

            Au Canada, il a reçu d'un ami resté au Sri Lanka une lettre où on peut lire notamment ce qui suit :

 

            [TRADUCTION]

Après ton départ, la police est venue plusieurs fois chez toi. C'est Amitha Akka, ton voisin, qui nous tient au courant. Mon père, par un de ses amis qui a des accointances dans la police, obtient toutes les informations recueillies par cette dernière. Lorsque l'armée s'est emparée du camp des LTTE où tu étais détenu, deux miliciens LTTE capturés à cette occasion ont avoué, entre autres, que le conducteur de la fourgonnette privée faisait des affaires avec les LTTE. Ta fourgonnette est maintenant entre les mains de l'armée, et les autorités militaires ont demandé à la police de t'arrêter et de te leur remettre pour interrogatoire.

 

Tu as eu de la chance d'avoir pu quitter le pays. Les LTTE te soupçonnent certainement d'avoir donné à l'armée les renseignements qui ont conduit à l'attaque contre leur camp. Parce que tu as réussi à t'échapper, ils ont pu donner un faux témoignage pour te faire du mal.

 

            Les requérants soutiennent que les motifs de décision du tribunal ne permettent pas de dire s'il a vraiment pris en considération : a) la déposition du requérant que deux miliciens LTTE qui furent arrêtés par les forces de l'ordre leur ont dit qu'il faisait des affaires avec les LTTE; b) la lettre susmentionnée où on peut lire : « deux miliciens LTTE capturés à cette occasion ont avoué, entre autres, que le conducteur de la fourgonnette privée faisait des affaires avec les LTTE »; et c) l'arrestation et la détention par les autorités gouvernementales d'un sous-inspecteur cinghalais soupçonné d'être un collaborateur des LTTE, telles qu'en fait état la preuve documentaire, savoir l'article intitulé « Tainted Hands » paru dans le Sunday Times du 16 juillet 1995.

 

            Le tribunal a expressément pris acte de la crainte manifestée par le requérant à l'égard des autorités gouvernementales, en ces termes : « parce que sa fourgonnette se trouvait dans le camp des LTTE et que, de ce fait, [l'armée sri-lankaise] et la police le soupçonnaient d'être un partisan des LTTE ». Juste après cette constatation, le tribunal a fait état de la lettre où il était question de la déclaration faite par deux miliciens LTTE que le requérant faisait des affaires avec leur organisation. Que le tribunal ne cite pas expressément dans les motifs de sa décision la phrase invoquée par les requérants, n'est pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Le tribunal comprenait que le requérant craignait les autorités gouvernementales à la suite de la récupération de sa fourgonnette dans le camp des LTTE, ce qu'il a pris en considération. Le requérant s'est enfui du Sri Lanka à cause de cette crainte, sans rien savoir des renseignements que les deux prisonniers LTTE auraient donnés. Le défaut de mentionner cette révélation par les deux prisonniers LTTE n'a aucune importance dans le contexte de l'ensemble des preuves produites, des motifs de décision du tribunal, de sa compréhension de la crainte du requérant et de son examen de la lettre en question.

 

            De même, le tribunal a bien examiné les preuves documentaires produites. Sa mention de l'article « Tainted Hands » dans une des notes de bas de page des motifs de sa décision est incorrecte. Sur ce point encore, cependant, le défaut de mentionner expressément dans ses motifs de décision l'arrestation et la détention, rapportées par la presse, d'un autre Cinghalais ne présente aucune importance dans le contexte de cette affaire, et ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire (v. Hassan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.), page 318).

 

            Le tribunal n'a pas omis de prendre en considération des preuves ayant un rapport avec les prétentions des requérants. Dans ces conditions, il n'a commis aucune erreur dans ses conclusions quant à protection de l'État dont les requérants pourraient se prévaloir.

 

            La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l'une ni l'autre partie n'a présenté une question à certifier.

 

                                                                                                                 Signé : Allan Lutfy           

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                         Juge                    

 

Ottawa (Ontario),

le 18 avril 1997

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

NUMÉRO DU GREFFE :   IMM-2020-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         Chandrapala Jayawardana et al.

 

                                                            c.

 

                                                            Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 26 mars 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LUTFY

 

 

LE :                                                    18 avril 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

 

Mme Jacqueline M. Lewis                                pour les requérants

 

 

Mme Cheryl D. Mitchell                                   pour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Lewis & Associates                                        pour les requérants

Toronto (Ontario)

 

 

M. George Thomson                                       pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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