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Date : 20000915


Dossier : IMM-2805-00



ENTRE :

     DAVINDER SINGH,

     demandeur,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS D'ORDONNANCE



Le juge Muldoon



[1]      Le présent juge ne comprend absolument pas comment la présente cause en est venue à être entendue à Toronto le 10 juillet 2000. Habituellement, notre Cour refusera d'entendre des requêtes répétitives dans une même affaire qui porte un même numéro de dossier, en l'occurrence le IMM-2805-00.

[2]      Le 13 juin 2000, M. le juge Lemieux de notre Cour a exposé les motifs suivants pour étayer son ordonnance rejetant la demande du demandeur :

     [1]      Le 31 mai 2000, le demandeur, Davinder Singh, a présenté une demande fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale dans laquelle il cherchait à obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de traiter la demande de résidence permanente qu'il avait déposée au consulat général du Canada de Buffalo (New York), en février dernier.
     [2]      Le 12 juin 2000, dans le contexte de cette demande de mandamus , le demandeur, qui agit pour son propre compte, a demandé à la Cour de rendre des ordonnances et directives qui seraient valables jusqu'à ce qu'elle entende et tranche sa demande. Il m'a dit à l'audition qu'il cherchait à obtenir de la Cour qu'elle rende une ordonnance enjoignant au défendeur de considérer sa demande de résidence permanente, qui n'avait toujours pas été traitée.
     [3]      Il a fait valoir, pour étayer cette demande, l'argument selon lequel le défendeur avait rejeté, le 27 octobre 1999, une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire qu'il avait présentée en vue d'obtenir qu'une demande antérieure de résidence permanente, qu'il avait déposée après que la Section du statut de réfugié eut, le 25 juin 1997, conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, soit traitée sans qu'il soit tenu de quitter le Canada.
     [4]      La demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire avait été rejetée, entre autres, au motif que le demandeur avait été reconnu coupable de trois chefs d'accusation d'agression sexuelle, le 6 avril 1999. Il a interjeté appel de ces condamnations et obtenu qu'elles soient annulées par la Cour d'appel de l'Ontario le 25 janvier 2000. On a ordonné la tenue d'un nouveau procès. J'ai été informé que le défendeur avait accepté de réexaminer la demande fondée sur des motifs      d'ordre humanitaire vu la décision de la Cour d'appel de l'Ontario.
     [5]      Je suis d'accord avec l'avocate du défendeur que l'ordonnance que le demandeur cherche à obtenir à ce stade-ci du traitement de sa demande de mandamus n'est pas appropriée, car elle aurait pour effet de statuer sur le bien-fondé de cette dernière, c.-à-d. que le défendeur serait tenu de trancher sur-le champ la demande de résidence permanence que le demandeur a déposé à Buffalo en février dernier. Or, la demande de mandamus doit être tranchée seulement après que toutes les étapes prévues par les Règles de la Cour fédérale auront été franchies.
     [6]      Le demandeur a reçu, le 23 mai 2000, une lettre de rendez-vous. Il n'a toutefois pas reçu de demande lui enjoignant de se présenter en vue d'être expulsé du pays. Comme la requête que le demandeur m'a présentée ne visait pas directement à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, il ne serait pas approprié que je fasse des remarques sur le bien-fondé d'une telle demande, dans le cas où le demandeur la présenterait à un stade ultérieur de l'instance.
     [7]      Pour ces motifs, la présente demande est rejetée.


[3]      Le moment auquel « la demande de mandamus doit être tranchée » , comme l'a dit M. le juge Lemieux au paragraphe [5] de ses motifs, était le 13 juin 2000, comme il a déjà été mentionné. En effet, la deuxième demande de réparation que le demandeur avait présentée dans le cadre de sa demande antérieure n'a pas été tranchée :

     [TRADUCTION] « 2. Une ordonnance en mandamus enjoignant au défendeur de traiter la demande du demandeur, à partir de février 2000, et d'accorder le droit d'établissement au demandeur et aux autres membres de sa famille, conformément à la loi » .

Le demandeur a également cherché à obtenir les dépens taxés sur la base des frais entre parties et [TRADUCTION] « toute autre réparation » .


[4]      À l'audition de la présente demande le 10 juillet 2000, la demande de mandamus a été transformée en une

     [TRADUCTION] requête, présentée pour le compte du demandeur, visant à obtenir une ordonnance prévoyant un financement adéquat en vue de l'embauche de membres du personnel supplémentaires au consulat général à Buffalo (New York), de même que des directives enjoignant au consulat général de traiter la demande de droit d'établissement du demandeur.

Le mandamus constitue un recours extraordinaire qui est, par conséquent, de nature discrétionnaire. Les principes qui s'y appliquent ont été admirablement énoncés par la Cour d'appel dans O'Grady c. Whyte [1983] 1 C.F. 719, 42 N.R. 608, et (1982) 138 D.L.R. (3d) 167. Une étude de la jurisprudence en matière de mandamus se trouve dans la décision Apotex c. Canada [1994] 1 C.F.. 742, conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100.

[5]      Dans les documents qu'il a produits dans le cadre de la présente demande, le demandeur a dénoncé l' « indécision » du défendeur, le fait que ce dernier a [TRADUCTION] « intentionnellement tardé à trancher la demande » et « agi de façon malveillante » , le fait que « le demandeur a subi une injustice pendant une période de cinq années » , que « les défendeurs font intentionnellement une exception du cas du demandeur... ce constitue en soi de la mauvaise foi » , etc. Compte tenu de ce mauvais traitement qui n'a cependant pas été établi, il serait avantageux pour le demandeur de ne pas se voir accorder les dépens taxés sur la base des frais entre parties, comme il l'a demandé.

[6]      Au moment où le demandeur a présenté sa demande, la revendication du statut de réfugié qu'il avait déposée en 1995 avait déjà été rejetée, soit en juin 1997. En septembre 1997, le demandeur a présenté une demande de droit d'établissement fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Le demandeur a soutenu devant notre Cour que le défendeur [TRADUCTION] « ne s'est pas occupé de cette demande pendant deux ans. Ils l'ont retardée de deux ans » (transcription, à la page 5). Il a ajouté à l'audition : « Elle a été rejetée en octobre 1999... ils ne m'ont pas accordé de dispense de l'application de l'exigence prévue à l'article 9 de la Loi sur l'immigration qui m'aurait permis de présenter une demande sans devoir quitter le Canada. Et l'un des facteurs était le fait que j'avais fait l'objet de certaines condamnations pour agression sexuelle et -- mais ils n'ont pas tenu compte du fait que j'avais formé un appel devant les tribunaux en Ontario ... et que le 25 janvier 2000, ces condamnations ont été annulées et que [la Cour d'appel de l'Ontario] avait ordonné la tenue d'un nouveau procès (transcription, aux pages 5 et 6).

[7]      Par la suite, le demandeur a porté son attention sur la présente instance. Il a estimé que [TRADUCTION] « une période d'environ six mois s'est maintenant écoulée » depuis le moment où la tenue d'un nouveau procès a été ordonnée en janvier 2000 jusqu'à la date de cette audition mentionnée; en fait le demandeur a dit qu'il a pris le mois de février 2000 comme point de départ. L'audition a eu lieu le 10 juillet 2000, ce qui signifie qu'à ce moment-là, un délai d'un peu plus de trois mois s'était écoulé. Il exagérait en parlant de six mois (transcription, à la page 6).

[8]      Le demandeur a dit à la Cour qu'il avait [TRADUCTION] « joint à la présente requête, à la page [14] » une vue d'ensemble du processus d'immigration publié par le défendeur (transcription, à la page 6). Les pages 8 à 11 de la transcription méritent d'être lues eu égard aux observations du demandeur. La transcription contient certaines répétitions, car le demandeur parlait si vite qu'il était difficile à comprendre. Cependant, il s'est plaint du fait que [TRADUCTION] « la présente affaire constitue clairement un abus de pouvoir de la part du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, car le délai a été causé par l'intervention du ... la conduite du ministre équivaut à un abus de pouvoir » . Il poursuit jusqu'en page 16, où l'on rapporte qu'il a dit que [TRADUCTION] « on me harcèle... sans justification...ils font une exception de la présente affaire » . (transcription, à la page 16).

[9]      Le demandeur soutient qu'il a suivi des études d'avocat quand il était plus jeune. C'est peut-être ce qui explique pourquoi il semble connaître si bien la terminologie juridique. Toutefois, cela n'explique pas pourquoi ses observations ne sont pas assez succinctes. Le demandeur a fait valoir qu'on l'a harcelé particulièrement parce qu'il faisait de la politique fédérale sur le plan local, mais l'explication n'était pas vraiment crédible et elle a été introduite en preuve à l'audition. Le demandeur a besoin de l'aide d'un avocat. En fait, les avocats des deux parties n'ont pas produit assez de preuve.

[10]      L'avocate du défendeur a renvoyé à la vue d'ensemble du processus d'immigration publié par son client et que le demandeur avait plus tôt mentionnée. Elle a d'abord renvoyé au texte qui se trouve à la page 15 du dossier de requête du demandeur, soit [TRADUCTION] « la description du processus suivi au consulat du Canada à Buffalo » en matière de demandes de résidence permanente. [TRADUCTION] « On avise le demandeur que l'ensemble du processus peut prendre de 6 à 18 mois, du début à la fin » . Il s'agissait de la première étape (transcription, à la page 33).

[11]      « Deuxième étape :

     « Faites-nous parvenir l'ensemble des documents formant votre demande » .' Et à la page suivante : 'Il s'agit d'un formulaire de demande signé pour chaque membre de la famille; vous devez répondre à toutes les questions, payer les droits applicables, dans un format acceptable, et envoyer des copies des documents étayant votre demande.
     Troisième étape :
     Nous ouvrirons un dossier et vous assignerons un numéro de dossier. Votre dossier sera créé dans notre système dans un délai de quatre semaines suivant la date à laquelle nous recevrons l'ensemble des documents formant votre demande. Si vous ne payez pas les frais de traitement applicables, l'ensemble des documents formant votre demande vous seront renvoyés. Dans le cas où votre demande serait incomplète, nous vous inviterons à nous fournir les renseignements qui manquent. Si vos formulaires de demande ont convenablement été remplis et que vous avez payez les frais applicables, nous vous enverrons une lettre accusant réception de votre demande. Veuillez prévoir un délai supplémentaire de deux semaines pour la livraison postale ordinaire.


[12]      L'avocate a renvoyé aux notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (CAIPS). Le 17 avril 2000, la note suivante a été inscrite : [TRADUCTION] « Dossier mis à jour. Équipe désignée pour le traitement » . Par conséquent, a-t-elle soutenu, la demande complète du demandeur n'a pas été soumise avant le mois d'avril 2000. Le demandeur n'a pas soumis une demande complète. Il a donc soumis sa demande deux mois et demi après que la tenue d'un nouveau procès a été ordonnée relativement aux accusations d'agression sexuelle qui pesaient contre lui. Le seul délai a été celui que le demandeur lui-même a produit. Par la suite, l'avocate du défendeur a contesté l'absence de preuve du demandeur établissant l'existence de tout retard intentionnel et le fait qu'il n'a pas présenté une demande complète, et elle a décrit la présente demande comme étant frivole et vexatoire et un abus du processus judiciaire.

[13]      La présente affaire est remplie d'ironie. La Cour en a déjà mentionné les ingrédients. Cette affaire a traîné étant donné qu'après l'audition, le demandeur a cherché à produire des documents qui n'avaient pas été présentés légalement ou admis en preuve avant ou à l'audition du 10 juillet 2000, et que la Cour a ordonné que l'introduction de tels éléments de preuve nécessitait le consentement du défendeur, sans lequel l'affaire ne pouvait suivre son cours. Ce problème a enfin été réglé, et aucun nouveau document n'a été produit vu l'absence de consentement.

[14]      Le simple rejet, sans dépens, de la présente demande serait un soulagement pour tous les intéressés. Il s'agirait du résultat convenable et conforme à la loi. La demande sera donc rejetée.



Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2000

En présence de Monsieur le juge Muldoon

     O R D O N N A N C E

[1]      VU la demande que Davinder Singh a présentée afin d'obtenir une ordonnance en mandamus enjoignant au défendeur de traiter la demande du demandeur, à partir de février 2000, et d'accorder le droit d'établissement au demandeur et aux autres membres de sa famille, conformément à la loi, et une ordonnance prévoyant un financement adéquat en vue de l'embauche de membres du personnel supplémentaires au consulat général à Buffalo (New York), de même que des directives enjoignant au consulat général de traiter la demande de droit d'établissement du demandeur, qui a été entendue à Toronto le 10 juillet 2000

LA COUR ORDONNE que les deux aspects de la demande soient rejetés sans que des dépens soient accordés à l'une ou l'autre partie.





« F. C. Muldoon »

     Juge


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-2805-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :          DAVINDER SINGH

                     c.

                     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)- Séances générales

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 10 JUILLET 2000

ORDONNANCE ET MOTIFS D'ORDONNANCE RENDUS PAR M. LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :              15 SEPTEMBRE 2000


ONT COMPARU :


M. Davinder Singh                                  Pour le demandeur

Mme Neeta Logsetty                                  Pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Davinder Singh                                  Pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                          Pour le défendeur

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