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Date : 20060314

Dossier : IMM-2697-05

Référence : 2006 CF 331

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

PETER KANAYOCHUKWU OMEKAM

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]        Il s’agit d’une demande d’autorisation présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) visant à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision d’une agente d’immigration, en date du 10 février 2005, rejetant la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur.

 

[2]        Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l’agente d’immigration et renvoyant l’affaire à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.

 

Contexte

 

[3]        Le demandeur est un citoyen du Nigeria. Il est arrivé au Canada en août 2000 et a demandé l’asile, alléguant qu’il était persécuté par les fondamentalistes musulmans parce qu’il est un chrétien. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié l’a débouté de sa demande d’asile le 22 novembre 2001, ayant conclu que le récit du demandeur n’était pas crédible et que, l’eût-il été, il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Benin City ou à Lagos qui faisait échec à sa demande. Le demandeur a demandé l’autorisation d’engager un contrôle judiciaire de la décision défavorable sur la demande d’asile, qui lui a été refusée par la Cour.

 

[4]        À la suite de la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés, le demandeur a déposé une demande visant l’attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Cette demande a été rejetée au motif qu’elle avait été déposée après l’expiration du délai.

 

[5]        Le 22 juillet 2004, le demandeur a déposé une demande d’ERAR. Il a soutenu qu’il s’exposerait personnellement un risque de persécution au Nigeria de la part de musulmans, en raison de ses croyances et pratiques chrétiennes. Le demandeur a fait valoir qu’il ne disposait pas d’une PRI étant donné que la présence des musulmans fondamentalistes ne se confine pas au Nord du pays mais se fait sentir de plus en plus dans l’ensemble du Nigeria. Le demandeur a aussi présenté des éléments de preuve d’ordre médical attestant qu’il souffre d’une invalidité physique permanente, d’un trouble de stress post-traumatique et de dépression, et que son expulsion au Nigeria le priverait d’un traitement médical efficace et entraînerait vraisemblablement une tentative de suicide.

 

[6]        Le 10 février 2005, l’agente d’immigration a rejeté la demande d’ERAR au motif que le demandeur disposait d’une PRI viable à Benin City et ne s’exposerait pas à un risque de persécution, de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels et inusités s’il retournait dans le pays dont il détient la nationalité. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

Motifs de la décision

 

[7]        L’agente d’immigration a d’abord noté le récit fait par le demandeur de son immigration, notamment les événements qui se sont passés au Nigeria entre 1996 et 2000 et qui ont amené le demandeur à revendiquer l’asile. Elle a dit que la persécution du demandeur avait débuté en 1996, au moment où il avait été détenu par les forces de sécurité pour des accusations mensongères de participation à un mouvement en faveur des droits humains. Au cours de sa détention, le demandeur a été torturé et a subi une fracture du genou droit, ce qui lui cause une invalidité physique permanente prenant la forme d’une claudication. Les principaux événements à l’appui de sa demande d’asile ont eu lieu en 2000, pendant la période où Kaduna a été le théâtre de soulèvements religieux qui ont causé la mort de nombreux chrétiens. La femme du demandeur, qui était enceinte, a été tuée par un groupe de Musulmans et le magasin ainsi que la voiture du demandeur ont été incendiés.

 

[8]        L’agente d’immigration a décidé d’admettre comme nouveaux éléments de preuve tous les éléments produits en vue des demandes d’ERAR et de DNRSRC, du fait que la décision défavorable rendue à l’égard de la demande d’asile était antérieure à la date d’adoption de la LIPR et que, par conséquent, l’article 97 de la LIPR n’avait jamais été pris en considération.

 

[9]        L’agente d’immigration a conclu que la totalité de la preuve produite dans la demande de DNRSRC était suffisante pour répondre aux conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés sur la crédibilité du demandeur. Selon la prépondérance de la preuve, l’agente d’immigration a conclu que le récit du demandeur était crédible.

 

[10]      Toutefois, l’agente d’immigration a décidé que le demandeur n’avait pas adéquatement réfuté la PRI soit à Lagos, soit à Benin City. Le témoignage du demandeur visait principalement à donner une idée de la situation de personnes dans des conditions semblables aux siennes, pour appuyer l’allégation qu’il était en danger s’il retournait à Kaduna. Son témoignage n’abordait pas la question de savoir si Lagos ou Benin City était une PRI viable. Le demandeur a déclaré que les personnes qui s’en étaient pris à lui à Kaduna sont des individus qui fraient dans les coulisses du pouvoir au Nigeria et qui pourraient le retrouver n’importe où au Nigeria, mais l’agente d’immigration a conclu que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour étayer cette affirmation. De plus, le demandeur n’a pas établi que ses amis ou sa famille ont continué de faire l’objet de harcèlement.

 

[11]      L’agente d’immigration a dit que la preuve produite dans la demande d’ERAR établissait que, s’il existait encore des tensions religieuses au Nigeria, elles étaient concentrées dans la zone centrale et au Nord du Nigeria. La preuve ne faisait pas mention de la situation des États d’Edo et du Lagos, où sont situées les villes de Lagos et de Benin City.

 

[12]      L’agente d’immigration a renvoyé aux observations de l’avocat indiquant que la présence des musulmans fondamentalistes n’est pas confinée au Nord, mais se fait de plus en plus sentir dans tout le Nigeria et que la police adopte une attitude de non-intervention. À l’appui de cette observation, le demandeur a fourni des documents relatifs à une agression dont a été victime sa sœur, qui habite Benin City. L’agente d’immigration a décidé d’accorder peu de poids à ces documents, du fait que les agresseurs et le motif de l’agression n’étaient pas connus, et que, par conséquent, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que l’agression était inspirée par des motifs religieux ou par le lien de parenté de la personne visée avec le demandeur.

 

[13]      L’agente d’immigration a examiné la documentation concernant la composition religieuse de la population nigériane, qui indiquait que le Sud est composé en majorité de chrétiens alors que le Nord est composé en majorité de musulmans. Elle a conclu que les conflits religieux sont concentrés dans le Nord, particulièrement dans les États qui ont instauré la charia. L’agente d’immigration a déclaré que le Nigeria est une république fédérale qui confère aux États une large autonomie et qu’il serait donc logique de penser que les États du Sud tiennent compte de leur importante majorité chrétienne.

 

[14]      L’agente d’immigration a déduit de la preuve documentaire que l’État d’Edo était à prédominance chrétienne. Benin City, la capitale de l’État, n’apparaissait nulle part dans la documentation comme une zone de conflits religieux. L’agente d’immigration a également noté que la famille du demandeur et notamment son fils adoptif habitaient à Benin City et seraient de ce fait en mesure de constituer un réseau de soutien pour le demandeur s’il retournait s’établir au Nigeria. L’agente d’immigration a conclu que Benin City était une PRI raisonnable pour le demandeur.

 

[15]      En outre, l’agente d’immigration a pris en compte les éléments de preuve qui établissaient la fragilité de l’état mental et l’invalidité physique du demandeur. L’agente d’immigration a noté qu’une évaluation psychologique de la Dre Pilowsky, datée du 6 août 2004, indiquait la grande vulnérabilité de l’état mental du demandeur et recommandait qu’on lui prescrive des antidépresseurs et qu’il s’adresse au Centre canadien pour les victimes de la torture pour du counseling. Le médecin était d’avis que les conditions des soins médicaux au Nigeria ne sont pas adéquates eu égard aux besoins du demandeur et qu’une mesure de renvoi au Nigeria provoquerait vraisemblablement une autre tentative de suicide. Le dossier comportait aussi une lettre du Dr Watkins, datée du 10 décembre 2002, qui indiquait que le demandeur avait été traité pour la dépression, l’anxiété et les maux de tête depuis juillet 2002. L’agente d’immigration a noté que cette lettre datait de plus de deux ans et qu’aucun élément de preuve récent n’établissait que le demandeur suivait encore des traitements. L’agente d’immigration a déclaré qu’elle accorderait donc peu de poids à la lettre du Dr Watkins.

 

[16]      L’agente d’immigration a noté également qu’aucun élément de preuve n’établissait que le demandeur suivait les recommandations de la Dre Pilowsky ni ne corroborait l’allégation du demandeur relative à sa tentative de suicide. L’agente d’immigration a déclaré que selon l’article 97 de la LIPR, l’incapacité d’un pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats ne constitue pas un risque qui conférerait la qualité de personne à protéger. L’agente d’immigration a conclu que la preuve du demandeur n’établissait pas que l’administration des soins médicaux au Nigeria s’effectuait dans un cadre de persécution tel que le demandeur ou des personnes dans une situation similaire étaient systématiquement ciblés par l’État. L’agente d’immigration a donc attaché peu de valeur probante à l’évaluation fournie par la Dre Pilowsky ou à la preuve documentaire relative à l’état des soins de santé mentale au Nigeria.

 

[17]      S’agissant des éléments de preuve relatifs à la blessure au genou du demandeur, qu’il avait subie lors de sa détention et de ses tortures aux mains des autorités pro-musulmanes, l’agente d’immigration a noté qu’au cours du régime dictatorial du général Sani Abacha, de nombreuses personnes avaient été victimes de violence de la part des forces de la sécurité et un grand nombre de droits avaient été supprimés. Toutefois, l’agente d’immigration a dit que les conditions avaient changé dans le pays depuis 1996, notamment qu’on était passé à un régime démocratique de gouvernement, et qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants pour établir que l’État persécuterait le demandeur, soit pour ses opinions politiques favorables à la démocratie, soit pour son orientation religieuse.

 

[18]      L’agente d’immigration a conclu que le demandeur disposait d’une PRI viable à Benin City, et que pour ce motif, il ne répondait pas à la définition du réfugié dans la Convention ou de la personne à protéger selon les dispositions des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

Questions en litige

 

[19]      Dans son mémoire, le demandeur a demandé que soient examinées les questions suivantes :

            1.         L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur au sujet de la PRI en ne prenant pas en compte la totalité des éléments de preuve d’ordre médical ou en n’y attachant qu’une faible valeur probante? L’agente d’immigration a-t-elle omis de prendre en compte d’autres facteurs pertinents?

            2.         L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur en ne prenant pas en considération la question des raisons impérieuses?

            3.         L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur de droit au sujet du critère du seuil de risque (norme de la preuve) prévu à l’article 96 de la LIPR?

            4.         L’agente d’immigration a-t-elle dénié au demandeur le droit à l’équité procédurale en s’appuyant de manière incorrecte sur la preuve extrinsèque?

 

[20]      Je résumerai les observations des parties sous les titres suivants :

A.     La possibilité de refuge intérieur;

B.     Les raisons impérieuses;

C.     La norme de la preuve;

D.     La preuve extrinsèque.

 

Les observations du demandeur

 

[21]      A.  La possibilité de refuge intérieur

            Le demandeur a fait valoir que l’agente a commis une erreur en concluant à l’existence d’une PRI viable sans prendre en compte les éléments de preuve d’ordre médical qui attestaient de l’instabilité de l’état mental du demandeur. La preuve médicale, a-t-on soutenu, n’avait été prise en compte qu’à l’égard de l’article 97 de la LIPR alors qu’elle concernait directement l’article 96 et l’existence d’une PRI. Le demandeur a soutenu que la question de savoir si un facteur donné est pertinent pour décider si une PRI proposée est « objectivement raisonnable » déborde les faits particulier de l’espèce et que la norme de contrôle appropriée est donc la décision correcte (voir la décision Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 269, au paragraphe 41 (C.F. 1re inst.) (infirmée en appel, [2001] 2 C.F. 164 (C.A.), mais non sur ce point). Le demandeur a fait valoir que la santé du demandeur est un facteur pertinent par rapport à la PRI, comme la capacité du demandeur de s’établir de nouveau dans le pays, et, en l’espèce, la preuve médicale établissait que les capacités d’adaptation du demandeur avaient beaucoup diminué.

 

[22]      B.  Les raisons impérieuses

            Le demandeur a fait valoir que l’agente d’immigration n’a pas traité la question des raisons impérieuses prévue au paragraphe 108(4) de la LIPR. L’agente, a-t-on soutenu, a conclu que la situation avait changé au Nigeria (voir les notes au dossier de l’agente à la page 9 du dossier du tribunal) et avait noté que la Section de la protection des réfugiés avait pris en considération les raisons impérieuses dans sa décision sur la demande d’asile du demandeur (voir les notes au dossier de l’agente à la page 5 du dossier du tribunal). On a fait valoir que le défaut de prendre en compte les raisons impérieuses constituait une erreur fatale (voir la décision Mir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CF 205).

 

[23]      Le demandeur a soutenu que si un demandeur avait été soumis à la torture, ce motif constituait de par sa nature même une raison impérieuse de ne pas se réclamer de la protection de l’État visé. Les personnes particulièrement vulnérables, a-t-on soutenu, ont un fardeau de preuve moins rigoureux pour établir la persécution, la torture, la menace pour la vie ou le risque de traitements ou de peines cruels et inusités ou encore le risque de torture.

 

[24]      C.  La norme de la preuve

            Le demandeur a fait valoir que l’agente d’immigration avait appliqué une norme de preuve incorrecte à l’égard de l’article 96 de la LIPR. Il a renvoyé aux décisions Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4, aux paragraphes 6 à 11, et Begollari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1340, aux paragraphes 17 et 21. On a soutenu que l’agente d’immigration avait fixé la norme de manière trop rigoureuse en déclarant :

[traduction] Bien qu’il soit reconnu que les forces de la sécurité commettent encore des actes abusifs contre les droits humains au Nigeria, il n’y a pas d’éléments de preuve suffisants pour établir que l’État persécuterait le demandeur, soit pour ses opinions politiques favorables à la démocratie, soit pour son orientation religieuse.

 

 

[25]      D.  La preuve extrinsèque

            Le demandeur a fait valoir que la conclusion de l’agente au sujet de la PRI se fonde presque entièrement sur la preuve documentaire qui a été publiée après le dépôt de la demande d’ERAR et des observations du demandeur. On a soutenu que l’agente d’immigration n’a pas respecté la règle établie dans les arrêts Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 49 et Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.), aux paragraphes 27 à 29. Le demandeur a ensuite fait référence à la décision Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, aux paragraphes 28 à 29, où la Cour a conclu que l’équité exige, dans les cas où la preuve documentaire devient accessible après le dépôt des observations du demandeur, qu’elle soit communiquée au demandeur si elle est nouvelle et importante et si elle peut influer sur la décision.

 

Les observations du défendeur

 

[26]      A.  La possibilité de refuge intérieur

            Le défendeur a fait valoir que la norme de contrôle applicable à une conclusion établissant l’existence d’une PRI est le caractère manifestement déraisonnable de la décision (voir la décision Sarker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 353, au paragraphe 7). Il a soutenu que le demandeur n’avait pas produit d’éléments de preuve concrets établissant qu’il était déraisonnable pour lui de se réclamer d’une PRI dans les circonstances (voir l’arrêt Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2001] 2 C.F. 164 au paragraphe 15 (C.A.)).

 

[27]      Le défendeur a soutenu qu’il n’y a pas d’erreur susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans les conclusions de fait de l’agente d’immigration, qui concernent le poids à accorder aux renseignements médicaux relatifs au demandeur. Il a fait valoir que les conclusions de fait d’une décision d’ERAR doivent faire l’objet d’un contrôle selon la norme du caractère manifestement déraisonnable de la décision (voir la décision Nadarajah c. Canada (Procureur général), 2005 CF 713, au paragraphe 13). On a aussi soutenu qu’à part l’évaluation de la Dre Pilowsky réalisée à la demande de l’avocat précédent du demandeur en juillet 2004, aucun élément de preuve n’indique que le demandeur est vulnérable en raison de son état mental.

 

[28]      B.  Les raisons impérieuses

            Le défendeur a fait valoir que l’exception au titre des raisons impérieuses prévue au paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas dans le cas où le demandeur n’est pas réputé avoir qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger (voir la décision Naivelt c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1261). Lorsqu’il existe une PRI, a-t-on fait valoir, le demandeur n’est pas un réfugié ni une personne à protéger (voir l’arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.)). Par conséquent, dans le cas où une PRI a été identifiée, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la possibilité de l’exception pour des raisons impérieuses. Le défendeur a soutenu que la Section de la protection des réfugiés et l’agente chargée de l’ERAR ont conclu que le demandeur disposait d’une PRI à Benin City ou à Lagos ou dans des zones à prédominance chrétienne.

 

[29]      Le défendeur a fait valoir que l’exception relative à des raisons impérieuses vise deux objectifs : reconnaître la légitimité des difficultés psychologiques auxquelles serait exposé un demandeur et protéger les victimes d’atrocités dans le passé contre des préjudices causés par des citoyens dont les attitudes ne se seraient pas réformées en concordance avec la structure politique (voir la décision Suleiman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1125, au paragraphe 13). Le dernier des deux objectifs, a-t-on soutenu, est totalement rempli par une conclusion de PRI viable.

 

[30]      Le défendeur a soutenu que, dams l’hypothèse où l’on établissait qu’il y a eu persécution, il ressort clairement de la formulation du paragraphe 108(4) de la LIPR que l’exception relative aux raisons impérieuses s’applique seulement dans les cas où le demandeur a quitté le pays en raison de persécutions, de torture, de mauvais traitements ou de peines antérieurs. En l’espèce, le demandeur n’a pas quitté son pays après les sévices subis en 1996, mais a continué d’habiter à Kaduna pendant les quatre années suivantes. Le défendeur a fait valoir qu’on peut s’interroger sur la recevabilité de l’exception pour des raisons impérieuses étant donné que le changement historique ou la cessation de la situation sont survenus dans la période où le demandeur habitait toujours au Nigeria.

 

[31]      C.  La norme de la preuve

            Le défendeur a soutenu qu’étant donné la conclusion de l’agente d’immigration sur la disponibilité d’une PRI, le seuil de la norme de contrôle litigieuse n’a pas été franchi dans la mesure où la PRI supprime le risque de persécution du demandeur à son retour (voir la décision Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635 au paragraphe 11). Dans les cas où l’on conclut qu’il existe une PRI, a-t-on fait valoir, le décideur n’est même pas tenu de conclure si le demandeur s’expose à un risque de persécution en cas de renvoi (voir la décision Sarker, précitée, au paragraphe 7). Le défendeur a soutenu qu’il s’ensuit que la norme de la preuve pour établir le risque futur en cas de renvoi n’est pas pertinente, étant donné que la conclusion de l’existence d’une PRI ne comporte pas d’erreur susceptible de donner lieu à un contrôle. On a donc fait valoir que l’emploi du terme « pourrait » en rapport avec une conclusion de risque futur dans la région natale du demandeur n’a pas sa place dans la présente décision.

 

[32]      D.  La preuve extrinsèque

            Le défendeur a reconnu qu’au moins quelques-uns des documents cités par l’agente d’immigration étaient postérieurs aux observations du demandeur. On a soutenu que ces documents sont en parfaite conformité avec les documents présentés par le demandeur et, semble-t-il, avec la décision rendue en novembre 2001 par la Section de la protection des réfugiés. L’agente d’immigration a conclu que la majorité des conflits dirigés contre les chrétiens se produisent dans le Nord du Nigeria, où les États ont adopté la charia.

 

[33]      Le défendeur a soutenu que même lorsqu’un document porte une date postérieure aux observations du demandeur, on n’est pas tenu de le fournir au demandeur dans la mesure où les renseignements relatifs à la situation du pays sont publics et n’ont pas changé depuis le moment des observations (voir la décision Nadarajah, précitée, aux paragraphes 19 à 20). Le défendeur a fait valoir que la seule mention spécifique d’un document postérieur à l’audience dans la décision relative à l’ERAR, outre ce qui précède, est la Background Note : Nigeria, publiée par le US Department of State en janvier 2005 (voir les notes au dossier de l’agente à la page 9 du dossier du tribunal). Le défendeur a soutenu que l’agente d’immigration se fonde sur ce document pour le récit historique des événements politiques survenus au Nigeria avant le départ du demandeur du Nigeria. Le document ne peut donc pas être décrit comme un élément de preuve extrinsèque malgré sa date.

 

[34]      Le défendeur a fait valoir que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461, au paragraphe 26, expose le critère applicable à l’obligation de l’agent chargé de l’ERAR d’informer le demandeur des changements survenus dans la situation du pays. On a soutenu que la décision Mancia porte sur des changements postérieurs aux observations du demandeur et non sur des changements historiques. On a soutenu que le demandeur est réputé savoir sur quel type de preuve l’agent d’immigration s’appuiera à l’égard de la situation générale dans un pays (voir l’arrêt Mancia au paragraphe 22).

 

Analyse et décision

 

[35]      Question n°1

            L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur au sujet de la PRI en ne prenant pas en compte la totalité des éléments de preuve d’ordre médical ou en n’y attachant qu’une faible valeur probante? L’agente d’immigration a-t-elle omis de prendre en compte d’autres facteurs pertinents?

            La raison principale justifiant le rejet de la demande d’ERAR du demandeur était l’existence d’une PRI dans le Sud du Nigeria, précisément à Benin City, où habitent la famille du demandeur et notamment son fils adoptif.

 

[36]      La critère à deux volets pour établir une PRI a été habilement résumé par le juge Mosley dans la décision Kumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 601, au paragraphe 20 :

Pour que la Commission puisse conclure que le demandeur a une PRI viable et sûre, le critère à deux volets suivant, qui a été énoncé et appliqué dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.) et Thirunaukkarasu, précité, doit être rempli :

 

(1) la Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI;

 

(2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances y compris de sa situation personnelle, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s'y réfugier.

 

[37]      Les éléments de preuve d’ordre médical du demandeur étaient pertinents à l’égard du deuxième volet du critère, soit de savoir si les conditions dans la PRI proposée étaient telles qu’il serait déraisonnable pour le demandeur de chercher asile à cet endroit. Le demandeur a soutenu que l’agente d’immigration n’avait pris en considération que les éléments de preuve d’ordre médical relatifs à l’article 97 de la LIPR (personne à protéger), sans les prendre en compte en regard de l’article 96 de la LIPR (crainte fondée de persécution, notamment la question de la PRI). Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous la partie pertinente des notes au dossier préparées par l’agente d’immigration :

[traduction] Le demandeur fait également valoir la fragilité de son état mental. À l’appui de cet argument, il a fourni une évaluation psychologique effectuée par la Dre Pilowsky et la lettre de son psychothérapeute. Le demandeur a également fourni de la documentation sur les conditions inadéquates des soins de santé mentale au Nigeria.

 

L’évaluation de la Dre Pilowsky, datée du 6 août 2004, indique que l’état psychologique du demandeur est très fragile et que, de l’avis du médecin, un retour au Nigeria pourrait même entraîner une nouvelle tentative de suicide. Elle croit que l’état des soins médicaux au Nigeria n’est pas adéquat et ne permet pas de fournir au demandeur les soins dont il a besoin. Elle dit qu’elle recommande la prescription d’antidépresseurs et d’anxyolitiques au demandeur et lui recommande aussi de s’adresser au Centre canadien pour les victimes de torture pout recevoir du counseling.

 

On note que, selon la lettre du 10 décembre 2002 du Dr D. Watkins, le demandeur a été traité pour la dépression, l’anxiété et les maux de tête, du 2 juillet 2002 jusqu’en décembre 2002 au moins. Toutefois, la lettre date maintenant de plus de deux ans. Sauf l’évaluation psychologique de la Dre Pilowsky, aucun élément de preuve n’établit que le demandeur recourt à du counseling ou à des médicaments de manière suivie. Pour cette raison, j’accorde peu de poids à la lettre du Dr Watkins.

 

Comme je l’ai noté ci-dessus, rien n’indique que le demandeur a cherché à obtenir du counseling au Centre canadien pour les victimes de torture ou une autre forme de counseling au cours des deux dernières années. Rien n’indique non plus qu’on a prescrit au demandeur et qu’il prend actuellement les médicaments recommandés par la Dre Pilowsky. S’agissant de la tentative de suicide du demandeur, il est noté que le demandeur ne produit aucune preuve documentaire objective à l’appui de son allégation, dont il a fait part à la Dre Pilowsky. Enfin, il est noté que, selon l’article 97 de la LIPR, l’incapacité d’un pays de fournir des soins médicaux ou des soins de santé adéquats ne constitue pas un risque conférant à la personne la qualité de personne à protéger. Le demandeur n’a pas fourni de preuve documentaire suffisante pour établir que le manque de soins médicaux est le fait d’un acte de persécution de l’État, qui viserait spécifiquement le demandeur ou des personnes se trouvant dans une situation analogue. Pour cette raison, j’attache une faible valeur probante à l’évaluation fournie par la Dre Pilowsky. En outre, j’accorde peu de poids aux articles sur l’état des soins médicaux (spécifiquement des soins de santé mentale) au Nigeria.

 

[38]      L’agente d’immigration a été saisie d’éléments de preuve établissant les lacunes considérables de la prestation des soins de santé mentale au Nigeria. Par exemple, l’article présenté par le demandeur provenant du Journal of Mental Health Policy and Economics, daté du 5 avril 2002, déclarait qu’au Nigeria, [traduction] « il n’y a pratiquement pas de services de santé mentale qui sont fournis dans un cadre de santé publique dans les deux gouvernements locaux examinés. La formation courante n’est pas efficace et presque aucun élément des connaissances apprises ne semble utilisé par les travailleurs des services de santé publique sur le terrain ». Le demandeur a également présenté l’opinion médicale de la Dre Pilowsky au sujet de la vulnérabilité de son état mental, qui indiquait :

[traduction] Il est ressorti clairement au cours de l’entrevue que les souffrances de M. Omekan au Nigeria n’ont pas été seulement physiques, mais qu’elles ont été aussi d’ordre émotif et spirituel. S’il est forcé de retourner en un lieu qu’il associe aux épreuves qu’il a endurées dans le passé, il est probable que M. Omekam subira des préjudices psychologiques graves. Le fait d’être débouté de sa demande d’asile a grandement diminué ses capacités d’adaptation, à un point tel que M. Omekam est dans un état psychologique d’une grande fragilité et qu’il est à haut risque de commettre un suicide. Une mesure de renvoi, à mon avis, provoquerait vraisemblablement une autre tentative de suicide. De plus, il est devenu manifeste qu’un traitement psychologique au Nigeria n’est pas une option parce qu’il associe le Nigeria lui-même à un harcèlement potentiel. Autre point, il est notoire que l’état des soins médicaux au Nigeria est déplorable et M. Omekam ne serait pas en mesure d’y recevoir de traitement approprié, si tant est qu’il en reçoit. Il s’agit d’une affaire extrêmement grave car le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et la dépression grave de M. Omekam ne peuvent s’améliorer qu’avec un traitement professionnel. Pour aider M. Omekam à traiter ses troubles, j’ai écrit une lettre à son médecin recommandant de prescrire au patient des antidépresseurs ou anxyolitiques et j’ai conseillé à M. Omekam de s’adresser au Centre canadien pour les victimes de la torture pour obtenir du counseling.

 

[39]      Compte tenu des éléments de preuve qui précèdent, l’agente d’immigration aurait dû se demander si les conditions de la PRI proposée étaient telles que, compte tenu de toutes les circonstances, y compris de la situation personnelle du demandeur, il était raisonnable pour lui de chercher refuge au Nigeria. L’agente d’immigration a renvoyé à la preuve relative à l’état psychologique du  demandeur et a conclu qu’elle avait peu de valeur probante du fait que le demandeur n’avait pas produit d’éléments de preuve corroborant qu’il avait effectué une tentative de suicide, comme l’alléguait la note du médecin, ou qu’il respectait les recommandations du médecin et suivait un traitement continu. À mon avis, il était manifestement déraisonnable pour l’agente d’immigration de rejeter la valeur de la preuve médicale en se fondant sur ces considérations. Il est irréaliste de demander qu’une tentative de suicide soit « documentée ». Le témoignage d’un médecin ou d’un thérapeute qui rencontre le patient en entrevue peut être le seul élément de preuve objectif attestant une tentative de suicide. Il n’est pas raisonnable non plus d’attendre du demandeur qu’il suive chacune des recommandations contenues dans le rapport du médecin alors que le demandeur a, en fait, demandé et reçu un traitement médical. Le Dr Watkins avait fourni des éléments de preuve qui établissaient que le demandeur avait demandé d’être traité pour la dépression, l’anxiété et les maux de tête il y a deux ans et la Dre Pilowsky a confirmé plus récemment que le demandeur avait pris des médicaments, mais avait cessé d’en prendre un, l’Effexor, à cause des effets secondaires.

 

[40]      En outre, l’agente d’immigration a accordé peu de poids à la preuve relative à la situation des soins de santé mentale au Nigeria parce que cette preuve n’avait pas établi que les soins de santé sont administrés dans un cadre de persécution. Toutefois, la prestation des soins de santé dans un cadre de persécution est une question fort différente de la question de l’existence d’une PRI viable. L’agente d’immigration n’a pas pris en considération s’il était raisonnable ou déraisonnable que le demandeur cherche refuge dans la PRI proposée, compte tenu de la preuve afférente aux problèmes des soins de santé mentale au Nigeria et à l’état psychologique fragile du demandeur. Elle aurait dû en tenir compte en décidant si la PRI était une option viable pour le demandeur.

 

[41]      J’estime donc que l’agente d’immigration a commis une erreur justifiant le contrôle judiciaire en ne prenant pas en considération les éléments de preuve d’ordre médical visés au second volet du critère relatif à une PRI envisagée.

 

[42]      Étant donné ma conclusion au sujet de la question n° 1, je n’ai pas besoin de traiter les autres questions soulevées par le demandeur.

 

[43]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie et l’affaire est renvoyée à un agent d’immigration différent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

[44]      Aucune des parties n’a demandé de soumettre une question grave de portée générale à mon examen en vue de la certification.


JUGEMENT

 

[45]      LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


ANNEXE

 

 

 

Dispositions législatives applicables

 

 

            Les dispositions applicables de la LIPR régissant la demande de protection sont reproduites ci-dessous.

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

 

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

 

c) si elle n’a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n’a pas expiré;

 

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d’asile ou de protection, soit à un prononcé d’irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d’asile.

 

 

 

 

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

 

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l'étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

 

 

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Le ministre peut révoquer le sursis s’il estime, après examen, sur la base de l’alinéa 113d) et conformément aux règlements, des motifs qui l’ont justifié, que les circonstances l’ayant amené ont changé.

 

 

 

 

 

(3) Le ministre peut annuler la décision ayant accordé la demande de protection s’il estime qu’elle découle de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

 

(4) La décision portant annulation emporte nullité de la décision initiale et la demande de protection est réputée avoir été rejetée.

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

 

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

 

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

114. (1) A decision to allow the application for protection has

 

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

 

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

 

(2) If the Minister is of the opinion that the circumstances surrounding a stay of the enforcement of a removal order have changed, the Minister may re-examine, in accordance with paragraph 113(d) and the regulations, the grounds on which the application was allowed and may cancel the stay.

 

(3) If the Minister is of the opinion that a decision to allow an application for protection was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts on a relevant matter, the Minister may vacate the decision.

 

(4) If a decision is vacated under subsection (3), it is nullified and the application for protection is deemed to have been rejected.

 

 

            L’examen de la demande de protection se fonde sur les articles 96 à 98 de la LIPR.

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

            L’article 108 expose l’exception pour des raisons impérieuses.

108. (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

 

 

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

 

 

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

 

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

 

d) il retourne volontairement s'établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

 

 

 

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

 

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

 

 

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

 

 

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

 

108. (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

 

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

 

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

 

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

 

(d) the person has voluntarily become re-established in the country that the person left or remained outside of and in respect of which the person claimed refugee protection in Canada; or

 

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

 

(2) On application by the Minister, the Refugee Protection Division may determine that refugee protection referred to in subsection 95(1) has ceased for any of the reasons described in subsection (1).

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected.

 

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2697-05

 

INTITULÉ :                                       PETER KANAYOCHUKWU OMEKAM

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1er MARS 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 14 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Kristina Dragaitis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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