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Date : 20040830

Dossier : IMM-1235-03

Référence : 2004 CF 1187

Ottawa (Ontario), le 30 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                  MOHAMMAD HOSSEIN SAHRA

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Mohammad Hossein Sahra dit avoir besoin de la protection du Canada en raison de la persécution dont il a été victime en Iran. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande au motif qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour l'étayer. La Commission a conclu que les éléments de preuve présentés par M. Sahra étaient moins que crédibles et que certaines parties de son récit étaient invraisemblables. M. Sahra plaide que la Commission a commis des erreurs importantes dans son analyse de la preuve qu'il a présentée et me demande d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience.

[2]                Je suis d'accord que la Commission a commis des erreurs et j'accorderai la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Questions en litige

[3]                M. Sahra soulève deux questions principales :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les éléments de preuve offerts par M. Sahra n'étaient pas crédibles?

2.          La Commission a-t-elle rejeté à la hâte les raisons données par M. Sahra pour expliquer l'absence de preuve documentaire?

[4]                M. Sahra a également prétendu que la Commission a clairement commis une erreur lorsqu'elle a dit que le père de M. Sahra avait été détenu pour avoir signé une pétition contre l'emprisonnement d'un ami. En effet, le père avait été détenu après s'être battu avec une personne qui faisait circuler une pétition critiquant l'ami emprisonné. La Commission a correctement relaté les faits au début de ses motifs, mais les a mal transmis plus tard. Vu mes conclusions sur les autres questions, je n'ai pas besoin de décider de l'importance de cette erreur.


II. Analyse

A.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les éléments de preuve offerts par M. Sahra n'étaient pas crédibles?

[5]                La Commission a dit que le témoignage de M. Sahra était « non fiable, non crédible et non digne de foi » . Quand M. Sahra est arrivé au Canada, il a dit aux autorités au point d'entrée qu'il avait été actif sur le plan politique en Iran. Il a dit que c'était là le motif de sa fuite au Canada et le fondement de sa demande d'asile. Plus tard, il a dit que les activités de son père et non les siennes étaient à l'origine de ses problèmes. Il a fourni une explication à cette divergence. Il a dit que le passeur qui avait facilité son voyage au Canada lui avait conseillé de concocter un récit d'activisme politique, sinon sa demande d'asile ne réussirait pas. Il a décidé de changer son récit et de dire la vérité lorsqu'il a réalisé que sa version des événements ne résisterait pas à un examen minutieux. La Commission a simplement dit quelle avait trouvé l'explication qu'il avait fournie pour son comportement « insatisfaisante » .

[6]                Il est certainement loisible à la Commission de tirer une inférence défavorable des divergences comprises dans la preuve d'un demandeur. Mais elle doit également tenir compte de l'explication fournie par le demandeur pour le changement à son récit, et relater dans ses motifs les raisons pour lesquelles elle conclue que l'explication est insatisfaisante.

[7]                Ici, la Commission avait l'obligation de tenir compte de l'explication de M. Sahra. Ce dernier n'avait que 17 ans à son arrivée au Canada. Il est possible qu'il ait été induit en erreur par le passeur qui l'avait aidé. Il a donné, à la fois dans son exposé écrit des faits et dans son témoignage oral, un compte-rendu détaillé du mauvais traitement qu'il a subi en Iran. Dans les circonstances, le rejet par la Commission de l'ensemble de la preuve de M. Sahra n'a pas été expliqué de façon adéquate.

B. La Commission a-t-elle rejeté à la hâte les raisons données par M. Sahra pour expliquer l'absence de preuve documentaire?

[8]                M. Sahra n'a fourni à la Commission aucune preuve documentaire au soutien de sa demande. La Commission a cherché à savoir pourquoi le demandeur n'avait pas fourni de dossiers d'école et de rapports de police pour corroborer son récit relativement aux mauvais traitements subis à l'école et à la détention de son père.


[9]                M. Sahra a expliqué que les écoles retiennent normalement les dossiers d'inscription et de progrès et acceptent de les délivrer uniquement une fois que l'étudiant a gradué. La Commission a dit qu'elle « esti[mait] que cette explication n'é[tait] pas fiable » . Elle était d'avis que M. Sahra aurait raisonnablement pu obtenir ses dossiers. Toutefois, la Commission n'a pas tenu compte de la raison que M. Sahra a donnée pour expliquer pourquoi il avait omis de demander à sa mère de tenter d'obtenir ses dossiers d'école. Il a dit dans son témoignage que cela aurait pu mettre sa mère en péril parce qu'il avait quitté le pays illégalement et qu'il était recherché par les autorités. Si elle avait demandé d'obtenir ses dossiers, il aurait été évident qu'elle savait où il se trouvait.

[10]            Pour ce qui est de l'absence de preuve documentaire relative à la détention du père, la Commission ne s'est pas arrêtée à l'explication de M. Sahra selon laquelle les autorités iraniennes n'accepteraient pas de fournir des éléments de preuve montrant leurs agissements.

[11]            Encore une fois, la Commission a omis d'exposer dans ses motifs le fondement de son rejet des explications de M. Sahra. Il était certainement loisible à la Commission de conclure à l'invraisemblance de ces explications. Mais la Commission avait tout au moins le devoir d'en tenir compte et de montrer sur quelle base elle les trouvait insatisfaisantes.

[12]            Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu'un tribunal différemment constitué de la Commission procède à un nouvel examen de la demande de M. Sahra. Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé de question de portée générale pour certification et aucune question n'est formulée.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.          L'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué afin que celui-ci procède à un nouvel examen et statue à nouveau sur l'affaire;

3.          Aucune question de portée générale n'est soulevée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »          

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                   NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-1235-03

INTITULÉ :                                                                MOHAMMAD HOSSEIN SAHRA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 2 JUIN 2004

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                                             LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 30 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Michael Crane               POUR LE DEMANDEUR

Bridget O'Leary                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                                         

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                               

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