Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                           Date: 20010330

                                                                                                                                Dossier : IMM-947-00

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 258

Entre :

                                                  HASSIBA RAKROUK

                                                                                                                 demanderesse

                                                               - et -

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         La requérante demande le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 9 février 2000, dans laquelle la Commission a conclu au désistement de la revendication de la requérante aux termes du paragraphe 69.1(6) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).


[2]         La demanderesse a revendiqué le statut de réfugié le jour de son arrivée au Canada en provenance d'Algérie le 25 août 1999. Le 9 septembre 1999, la demanderesse a rempli et signé un formulaire de « Renseignements sur l'admissibilité » , qui a été mis à la poste le 10 septembre 1999. Elle s'est informée à plusieurs reprises par la suite et a enfin reçu la pochette d'information sur l'immigration renfermant son Formulaire de renseignements personnels (FRP) le 7 ou le 10 décembre 1999. Bien que les formulaires dans cette pochette portent la date du 17 novembre 1999, le cachet de la poste sur l'enveloppe indique que la pochette a été mise à la poste le 3 décembre 1999. La pochette renfermait un avis de comparution pour le 4 janvier 2000.

[3]         À la date de la réception de la pochette, la demanderesse n'avait pas encore retenu les services d'un avocat. Elle était malade et n'a pu commencer à en chercher un qu'à la mi-décembre. La demanderesse a finalement rencontré un avocat avant la date de sa comparution. Elle a rempli son FRP et passé en revue sa réponse à la question 37 avec celui-ci. Elle s'est présentée à l'audience le 4 janvier 2000, où on l'a informée que, suivant son dossier, le 4 janvier 2000 était le dernier jour pour la production du FRP.

[4]         La demanderesse s'est rendue directement au cabinet de son avocat, où on lui a demandé d'attendre. Celui-ci ne s'est pas présenté. Désenchantée, la demanderesse s'est mise à la recherche d'un nouvel avocat, non sans difficulté. Lorsqu'elle a communiqué avec le cabinet de son avocat actuel, Me Goldstein, le 14 janvier 2000, on lui a donné rendez-vous le 21 janvier 2000. Ce jour-là , elle a dit à Me Goldstein qu'elle croyait que son avocat précédent avait obtenu la prorogation du délai au 31 janvier 2000. Elle n'a su que cela n'était pas le cas que lorsque Me Goldstein a appris que la date de l'audience relative au désistement avait déjà été fixée. La demanderesse et son nouvel avocat ont passé en revue son FRP et l'ont produit le 24 janvier 2000. Le 9 février 2000, la demanderesse et son avocat se sont présentés à l'audience relative au désistement.


[5]         À la suite de l'audience relative au désistement de la revendication de la demanderesse, la Commission en est venue à la conclusion suivante : « Vous vous êtes présenté(e) à l'audience, mais vous n'avez pas donné de raisons pour lesquelles la Section du statut de réfugié ne devrait pas conclure à votre désistement. » La Commission n'a pas donné de motifs par écrit. Il ressort toutefois de la transcription de l'audience que la Commission a pris en compte les éléments suivants pour en arriver à sa décision :

-           La Commission ne pouvait comprendre pourquoi la demanderesse, qui est titulaire d'un diplôme universitaire, a témoigné de manière si confuse en ce qui concerne l'adresse où elle habitait depuis le mois d'août.

-           La Commission a conclu qu'il était irréaliste de croire que la demanderesse avait reçu la pochette d'information, mais non les deux lettres de l'Immigration lui demandant de faire diligence pour retourner le FRP.

-           La Commission a noté que la demanderesse avait attendu jusqu'au 4 janvier 2000 avant de se mettre à la recherche d'un avocat. Même si cela est inexact, et qu'elle ait entrepris ses démarches plus tôt, elle n'en a pas moins produit un FRP que le 24 janvier 2000.

[6]         Le paragraphe 69.1(6) de la Loi ( « Désistement » ), qui s'applique en l'espèce, est libellécomme suit :


69.1 (6) La section du statut peut, après avoir donné à l'intéressé la possibilité de se faire entendre, conclure au désistement dans les cas suivants :

a) l'intéressé ne comparaît pas aux date, heure et lieu fixés pour l'audience;

b) l'intéressé omet de lui fournir les renseignements visés au paragraphe 46.03(2);

c) elle estime qu'il y a défaut par ailleurs de sa part dans la poursuite de la revendication.

Si elle conclut au désistement, la section du statut en avise par écrit l'intéressé et le ministre.


69.1 (6) Where a person who claims to be a Convention refugee

(a) fails to appear at the time and place set by the Refugee Division for the hearing into the claim,

(b) fails to provide the Refugee Division with the information referred to in subsection 46.03(2), or

(c) in the opinion of the Division, is otherwise in default in the prosecution of the claim,

the Refugee Division may, after giving the person a reasonable opportunity to be heard, declare the claim to have been abandoned and, where it does so, the Refugee Division shall send a written notice of its decision to the person and to the Minister.


[7]         L'article 32 des Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93-45, exige de plus que la Commission donne à la demanderesse l'occasion d'être entendue sur la question du désistement.


[8]         Il est bien établi en droit que le critère juridique applicable au « désistement » est celui de savoir si le comportement du revendicateur indique qu'il n'a pas l'intention ou le désir de donner suite à sa revendication avec diligence (voir par exemple Izauierdo c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 1669 (1re inst.) (QL), où M. le juge Rouleau a rejeté la demande au motif qu' « il n'existe pas de preuve que la requérante a assidûment poursuivi sa revendication » . De même, dans l'affaire Alegria-Ramos c. Canada (M.C.I.) (1999), 164 F.T.R. 150, M. le juge Dubé a accueilli la demande parce qu' « [I] l n'était pas raisonnable de sa part [la Commission] de conclure que [TRADUCTION] "les demandeurs ne semblent pas tenir à poursuivre leurs revendications." »

[9]         En l'espèce, j'ai le sentiment que plutôt que d'évaluer l'intention de la demanderesse, la Commission a consacré passablement de temps à apprécier sa crédibilité à l'égard de questions non pertinentes, savoir l'adresse où habitait la demanderesse depuis le mois d'août 1999 et l'adresse et les lettres, des questions qui auraient pu être pertinentes si la demanderesse avait cherché à prétendre qu'elle n'avait pas été régulièrement avisée de l'audience. Il est vrai que la Commission a, en fait, examiné la question de savoir si la demanderesse avait ou non retenu les services d'un avocat en temps opportun, ce qui est un facteur pertinent pour établir son intention de donner suite à sa revendication. Je suis convaincu cependant qu'elle n'a pas compris l'explication donnée par la demanderesse, telle qu'elle ressort du passage suivant de la transcription, à la page 53 du dossier du tribunal :

-              O.K., parce que là , c'est seulement après que vous ayez reçu le formulaire de renseignements personnels que vous avez commencé à faire des recherches pour trouver un avocat pour...

R.           Non, mais c'était... c'était avant j'ai... j'ai cherché. J'étais avant avec le... maître Blain, c'était... je pensais pas que le délai était déjà passé quand j'ai... parce que j'ai pris rendez-vous avec maître Blain, avec le... avant le 4 janvier, c'était avant le 4, avant que le... que le délai ne... ne se termine, c'était avant.

[10]       Suivant la transcription, il semble que la Commission ait mis fin aux questions sur ce point et se soit penchée sur une autre question. Toutefois, dans sa conclusion, la Commission dit ceci, à la page 81 du dossier :


Selon votre propre témoignage, vous avez attendu après le 4 janvier pour commencer à faire des démarches pour trouver un avocat pour vous aider. Même si c'était avant, il faut quand même constater qu'en date du 4 janvier, vous n'aviez pas produit le FRP, vous avez attendu jusqu'au 24 janvier pour produire le FRP.

[11]       À mon avis, la Commission, si elle avait apprécié correctement l'intention de la demanderesse de donner suite à sa revendication, aurait conclu qu'il y avait une preuve abondante au dossier qu'elle avait tenté de faire valoir sa revendication avec diligence et qu'elle avait toujours l'intention d'y donner suite. Ces éléments de preuve comprennent le fait qu'elle avait communiqué avec Immigration Canada à de nombreuses reprises pour vérifier l'état de sa revendication, qu'elle était malade en décembre, que son premier avocat n'était pas disponible durant les Fêtes, qu'elle n'était pas satisfaite de son premier avocat et avait dû retenir les services d'un deuxième, qu'elle avait eu de la difficulté à trouver un avocat qui accepterait un mandat d'aide juridique et que dès qu'elle avait obtenu les services d'un avocat, elle avait produit le FRP le jour ouvrable suivant.

[12]       Compte tenu de la preuve donc, je conclus qu'il n'était tout simplement pas raisonnable pour la Commission de conclure que la demanderesse s'était désistée de sa revendication. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission portant que la demanderesse s'est désistée de sa revendication est annulée et il est ordonné à la Commission de constituer un tribunal différent pour décider la revendication du statut de réfugié de la demanderesse.

« Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 30 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                                                                                                           Date: 20010330

                                                                                                                                Dossier : IMM-947-00

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2001

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                                                  HASSIBA RAKROUK

                                                                                                                 demanderesse

                                                               - et -

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                                       ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 9 février 2000, dans laquelle la Commission a conclu au désistement de la revendication de la demanderesse, est annulée et il est ordonné qu'un tribunal différent de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soit constitué pour décider la revendication du statut de réfugié de la demanderesse.

« Yvon Pinard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                              IMM-947-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          HASSIBA RAKROUK c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE 13 FÉVRIER 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                     LE 30 MARS 2001

ONT COMPARU:

M. Michael Goldstein                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Mme Carmela Maiorino                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Michael Goldstein                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.