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[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

  Date : 20000622

  Dossier : IMM-1782-99

 

 

Entre :

 

  AMRIK SINGH SUNIARA

  demandeur

 

  et

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

  défendeur

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

Le juge Muldoon

 

 

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, à l’encontre d’une décision rendue le 2 février 1999 par un agent des visas qui a rejeté la demande soumise par le demandeur au titre de la catégorie des immigrants indépendants, en qualité de comptable de succursale bancaire et responsable des prêts. Le demandeur demande que soit rendue une ordonnance annulant la décision et enjoignant le défendeur à réexaminer sa demande de résidence permanente. La demande a été entendue à Toronto le 15 juin 2000 en présence des avocats de chaque partie.

 

Les faits

 

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des immigrants indépendants et il a été convoqué à une entrevue le 23 novembre 1998.

 


[3]  Lors de l’entrevue, les aptitudes du demandeur à titre de comptable de succursale bancaire ont été évaluées en regard des exigences établies pour le groupe 1171-138 de la Classification canadienne descriptive des professions, Ottawa, Emploi et Immigration Canada, 1977 (ci-après, la CCDP) et le groupe 1111.2 de la Classification nationale des professions, Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, 1989 (ci-après, la CNP). Le demandeur a également été évalué en regard des critères établis pour les responsables des prêts, selon le groupe 1171-210 de la CCDP et le groupe 1231 de la CNP.

 

[4]  Malheureusement, le demandeur n’a pas obtenu la note minimale de 70 points à l’évaluation faite selon l’un ou l’autre de ces groupes; il a donc été jugé non admissible aux termes de l’alinéa 19(2)e) de la Loi sur l’immigration, LRC (1985), c 1-2. Plus précisément, il a obtenu les résultats suivants : [traduction]

 

Comptable de succursale bancaire  CCDP  CNP

Âge  10  10

Facteur professionnel  03  03

FEF/PPS (facteurs études-formation/préparation professionnelle spécifique)  15  15

Expérience  06  06

ERE  00  00

Facteur démographique  08  08

Études  16  16

Anglais  07  07

Français  00  00

Point supplémentaire  00  00

Qualités personnelles  04  04

Total  69  69

 

Responsable des prêts  CCDP  CNP

 

Âge  10  10

Facteur professionnel  03  03

FEF/PPS  11  05

Expérience  06  04

ERE   00  00

Facteur démographique  08  08

Études  16  16

Anglais  07  07

Français  00  00

Point supplémentaire  00  00

Qualités personnelles  05  05 

Total  69  69

 

 

 

[5]  Dans ses notes entrées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), l’agent des visas a inscrit les commentaires suivants basés sur son évaluation des qualités personnelles du demandeur :


[traduction]
QUALITÉS PERSONNELLES : LE CANDIDAT N’A PAS SUIVI AVEC SUCCÈS DE PROGRAMME DE FORMATION APPROUVÉ PAR L’INSTITUT CANADIEN DES COMPTABLES AGRÉÉS, L’ASSOCIATION DES COMPTABLES GÉNÉRAUX ACCRÉDITÉS OU LA SOCIÉTÉ DES COMPTABLES EN MANAGEMENT. IL NE POSSÈDE AUCUN AGRÉMENT. Il N’EST PAS COMPTABLE AGRÉÉ EN INDE ET N’A PAS OCCUPÉ D’EMPLOI MALGRÉ SON EXPÉRIENCE. LES RECHERCHES VISANT À TROUVER DES PERSPECTIVES D’EMPLOI SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL CANADIEN ONT ÉTÉ FAITES PAR LE CONSULTANT.

 

 

[6]  Le 1er février 1999, une lettre de refus a été envoyée au demandeur, lui expliquant en détail la décision de l’agent des visas qui a conclu que le demandeur ne répondait pas aux critères d’immigration au Canada.

 

Questions de droit

 

[7]  Le demandeur soulève deux questions. Il prétend premièrement que l’agent des visas a commis une erreur en limitant trop la portée de son évaluation de ses qualités personnelles. Deuxièmement, il met en doute la prise en compte de sa formation dans le cadre de l’évaluation de ses qualités personnelles, alléguant que son manque de formation a été « comptabilisé en double », compte tenu du fait que la formation est également prise en compte au titre de l’article 2 de l’Annexe I du Règlement sur l’immigration de1978, DORS/78-172.

 

[8]  En ce qui a trait à la première question, le demandeur soutient que l’agent des visas a commis une erreur en se concentrant trop sur l’emploi visé dans son évaluation des qualités personnelles du demandeur. Le demandeur s’oppose également à l’importance que l’agent des visas a accordée au manque de transférabilité de son expérience en comptabilité sur le marché du travail canadien. Il soutient en outre que l’agent des visas a commis une erreur en mentionnant qu’il n’avait terminé aucun programme de formation spécial, car aucun de ces programmes n’était exigé selon les critères établis pour le groupe 1171-138 de la CCDP. Enfin, le demandeur prétend que l’agent des visas a commis une erreur de fait, en indiquant dans ses notes du STIDI que le consultant avait fait la recherche d’emploi pour lui.

 


[9]  Le défendeur fait valoir premièrement que les conclusions de fait d’un agent des visas et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire doivent être examinés en regard de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Le défendeur ajoute que l’agent des visas a, à juste titre, tenu compte des facteurs économiques dans son évaluation des qualités personnelles du demandeur. Quant aux programmes de formation que le demandeur pourrait avoir suivis, le défendeur allègue que l’agent des visas n’a fait que souligner le fait que le demandeur n’avait pas cherché à parfaire ses compétences pour répondre aux exigences du marché canadien. Le défendeur soutient enfin que la conclusion erronée, quant à savoir qui a véritablement fait la recherche d’emploi, n’est pas pertinente, car la recherche d’emploi qui a été faite était de toute façon déficiente.

 

[10]  Le demandeur cite la décision rendue dans l’affaire Maniruzzaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 FTR 139 (TD) en faisant valoir qu’un agent des visas doit tenir compte d’un large éventail de facteurs dans son évaluation des qualités personnelles, notamment lorsque le demandeur est très près d’obtenir le nombre requis de points nécessaires pour que sa demande de résidence permanente soit accueillie. Cependant, bien qu’il ait été déterminé dans l’affaire précitée que l’agent des visas n’avait pas élargi suffisamment sa recherche, on ne peut en dire autant en l’espèce. Qui plus est, le demandeur n’a pas précisé quels autres facteurs l’agent des visas aurait pu prendre en compte. De plus, notre Cour ne saurait admettre qu’un agent des visas a l’obligation de modifier les facteurs dont il doit tenir compte, simplement parce qu’il ne manque que quelques points pour que le demandeur obtienne les 70 points requis. Dès lors que les facteurs en cause sont des facteurs économiques principalement liés à la capacité du demandeur de subvenir à ses besoins, le demandeur ne peut porter plainte; Chen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 RCS 725.

 


[11]  Quant à savoir si l’agent des visas a commis une erreur en insistant sur les différences entre l’expérience des comptables en Inde et celle des comptables au Canada, les faits ne confirment pas les observations du demandeur. Plus précisément, l’agent des visas n’a pas fait référence en termes généraux à la nature de l’expérience acquise en Inde par le demandeur, mais a plutôt souligné le fait que son manque d’expérience (ou de formation) en Inde l’empêchait d’obtenir des notes plus élevées au chapitre des qualités personnelles.

 

[12]  Comme l’agrément et la formation en comptabilité, reconnus par l’Institut Canadien des Comptables Agréés, l’Association des comptables généraux accrédités et la Société des comptables en management, ne sont pas des exigences pour les comptables de succursale bancaire du groupe 1171-138 de la CCDP, l’agent des visas devait-il tenir compte de l’absence d’agrément du demandeur, au Canada ou ailleurs? Le défendeur fait valoir que, puisque le demandeur n’a pas fait certaines études ni suivi certaines formations requises pour devenir comptable au Canada, il était loisible à l’agent des visas de tenir compte de ce manque apparent d’intérêt du demandeur de se perfectionner pour devenir plus concurrentiel. La Cour note que, si l’agent des visas avait tenu compte du manque de formation et d’agrément pour évaluer les exigences de formation et d’entrée, il aurait alors commis une erreur car aucune de ces exigences ne s’applique au groupe 1171-138; Lee v Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (1995), 29 Imm. LR (2d) 222 (FCTD). Il était en revanche loisible à l’agent des visas de tenir compte du manque d’agrément en comptabilité au Canada ou en Inde comme étant un facteur économique pour évaluer les qualités personnelles du demandeur et, dans les circonstances, comme un obstacle à son établissement au Canada.

 


[13]  Quant à la mention, dans les notes du STIDI de l’agent des visas, selon laquelle les recherches sur le marché du travail ont été faites par le consultant et non par Global Placement Services, la Cour juge qu’il s’agit d’une différence sans distinction. Ces notes du STIDI inscrites par l’agent des visas renvoyaient au fait que le demandeur n’avait pas fait de recherches lui-même. Il importe peu que ces recherches aient été faites par le consultant en immigration du demandeur ou par une agence de placement; cela ne change rien. Par cette mention, l’agent des visas cherchait clairement à souligner le peu d’esprit d’initiative du demandeur. Le contre-interrogatoire de l’agent des visas vient confirmer cette conclusion : [traduction]

 

Q.  Et comment avez-vous tenu compte de cette lettre dans votre évaluation des qualités personnelles du demandeur?

R.  Il s’agit certainement d’un facteur. Et j’en tiens compte. Mais j’ai tenu compte, je tiens compte, également d’autres facteurs.

Q.  Mais y avez-vous vu un effort fait en vue de trouver des perspectives d’emploi sur le marché du travail canadien?

R.  Là encore, il ne s’agit que d’un élément; cependant, selon mes observations, ce sont souvent les consultants qui proposent de s’en charger. Cela ne démontre pas nécessairement un effort fait d’abord et avant tout par le demandeur.

 

 

[14]  En ce qui concerne la deuxième question en litige, le demandeur prétend que l’agent des visas a commis une erreur en évaluant ses études et sa formation (ou ses lacunes à ce chapitre) au titre à la fois de l’article 2 – Études et formation et de l’article 9 – Qualités personnelles. Le défendeur soutient pour sa part qu’un agent des visas peut évaluer à nouveau des facteurs déjà évalués au titre des articles 1 à 8 de l’Annexe I du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, pour évaluer les qualités personnelles, si ces facteurs servent à déterminer si un demandeur possède les qualités requises pour réussir son installation au pays.

 

[15]  Le défendeur cite à juste titre de nombreuses décisions où notre Cour a conclu que des facteurs examinés en application des articles 1 à 8 de l’Annexe I peuvent être examinés de nouveau pour évaluer les qualités personnelles, si ces facteurs semblent indiquer une augmentation ou une diminution de la capacité du demandeur de réussir son installation. Ainsi que la Cour l’a mentionné dans Ajmal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 44 Imm. LR (2d) 26 (FCTD), au paragraphe 10 :

 

J’aborde maintenant la question du double calcul du niveau de scolarité et de l’absence de parents au Canada du requérant. Malgré le principe général selon lequel un agent des visas ne peut faire du double calcul lorsqu’il évalue un requérant sur la base des critères énoncés au paragraphe 8(1) du Règlement, il a été établi par la jurisprudence qu’il était acceptable de prendre en considération, dans l’évaluation des aptitudes personnelles, l’un des autres facteurs énumérés, dans la mesure où il est évalué sous un angle différent. (Voir, par exemple, Stefan c. Canada (M.C.I.) (1995), 35 Imm. L.R. (2d) 21 (C.F.1re inst.); Parmar c. Canada (M.C.I.) (12 novembre 1997), IMM-3177-96 (F.C.1re inst.); et Vasilev c. Canada (M.C.I.) (1996), 110 F.T.R. 62).

 


 

[16]  La deuxième observation principale du demandeur soulève un autre problème pour la Cour, du fait que le demandeur fait valoir, au paragraphe 11 de son mémoire juridique, que le parachèvement d’un programme de formation n’est pas une exigence de formation pour le groupe 1171-138 de la CCDP. S’il en est ainsi, et la Cour reconnaît que le demandeur l’a formellement reconnu, on peut alors difficilement prétendre que l’agent des visas a tenu compte de quelque programme de formation dans son évaluation fondée sur l’article 2, car cela équivaudrait à laisser entendre qu’il a tenu compte d’un facteur non pertinent, du moins dans son évaluation fondée sur le groupe 1171-138. La Cour n’est pas convaincue que l’agent des visas ait examiné deux fois la formation reconnue par l’Institut Canadien des Comptables Agréés, l’Association des comptables généraux accrédités ou la Société des comptables en management dans son évaluation des « qualités personnelles », estimant plutôt que l’agent des visas a examiné la formation suivie par le demandeur pour la première fois dans son évaluation des « qualités personnelles » en regard des critères établis pour le groupe 1171-138.

 

[17]  Le demandeur n’ayant pas réussi à prouver l’un ou l’autre de ses arguments, sa demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 21 juin 2000

 

 

  Juge

 


  Date : 20000622

  Dossier : IMM-1782-99

 

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2000

 

En présence de monsieur le juge Muldoon

 

 

 

Entre :

 

  AMRIK SINGH SUNIARA

  demandeur

 

  et

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

  défendeur

 

 

  ORDONNANCE

 

 

VU la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur entendue à Toronto, et après avoir entendu les faits allégués par les avocats de chaque partie,

LA COUR ORDONNE par les présentes le rejet de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.

 

 

  Juge

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