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Date : 20010104

Dossier : T-1744-97

ENTRE :

KHON HA TRI

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

                  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

[1]                 Le demandeur a subi des blessures au dos et au genou alors qu'il était détenu au pénitencier de Warkworth et demande des dommages-intérêts de la Couronne à cet égard. Par suite d'un accord, l'instruction a été scindée en deux parties et j'ai été saisi uniquement de la question de la responsabilité, la question des dommages-intérêts devant être tranchée plus tard, au besoin.


[2]                 Le demandeur avait des problèmes de dos depuis quelque temps déjà avant les incidents donnant lieu à la présente action; ces problèmes ont en effet débuté quelques années auparavant, lorsqu'il a été frappé avec un bâton de baseball et qu'il a reçu un coup de pied dans le dos. Le demandeur s'est également plaint de blessures aux jambes, bien que la preuve n'indique pas clairement laquelle des deux jambes a été touchée à chacune des occasions.

[3]                 Les incidents donnant lieu à la demande de dommages-intérêts remontent au 25 août 1996. Ce jour-là, le demandeur s'est blessé au genou alors qu'il jouait au soccer et s'est présenté à l'hôpital, où on lui a donné un bandage de contention, en plus de lui offrir des béquilles et de lui recommander d'appliquer de la glace; on lui a également proposé de rester à l'hôpital, mais il a préféré retourner dans sa cellule. Plus tard ce jour-là, il est allé prendre une douche et il est tombé en sortant de la salle de douches, aggravant sa blessure au genou.


[4]                 Après cette chute, il s'est fait aider pour retourner à l'hôpital, où il est resté environ six jours. Lorsqu'il a reçu son congé de l'hôpital, le médecin lui a remis une note indiquant que le lit inférieur devait lui être attribué et qu'il ne devrait pas dormir dans le lit supérieur, mais seulement dans celui du bas. Entre la date où il a reçu son congé de l'hôpital et le 18 décembre 1996, le demandeur est tombé plusieurs fois, en raison, apparemment, de la faiblesse de son genou, qui flanchait. Au cours de son témoignage, le demandeur a affirmé qu'il n'a jamais occupé le lit inférieur. Peu avant le 18 décembre 1996, il s'est disputé avec l'autre détenu de sa cellule lorsqu'il a tenté d'occuper le lit inférieur; le nouveau détenu a alors pris les choses du demandeur et les a jetées sur le lit supérieur. Le gardien qui a été appelé au sujet de ce désaccord a décidé de ne pas insister pour que le demandeur obtienne le lit inférieur.

[5]                 Peu après cet incident, le matin du 18 décembre 1996, alors que le demandeur tentait de descendre du lit supérieur, son genou a flanché et il est tombé au sol, se blessant au genou et au dos. Quelque temps après cette chute et après plusieurs consultations auprès de différents spécialistes, il a été conclu que le demandeur avait subi une déchirure du ménisque interne. Aucune preuve d'expert n'a été présentée au sujet du moment où cette déchirure est survenue. Il est possible qu'elle remonte à un événement aussi lointain que le match de soccer. Il se peut aussi qu'elle soit survenue dans la douche ou lorsque le demandeur est tombé du lit. Apparemment, la chute survenue dans la douche a été causée en partie par le fait que le plancher de la douche était très glissant et en partie par le fait que le genou gauche du demandeur a fléchi, de sorte qu'il a basculé vers l'arrière, mais est néanmoins tombé sur le genou. Il se peut que la déchirure ait été causée lorsque le demandeur est tombé en descendant du lit. Étant donné que le genou a flanché dans la douche et à d'autres occasions, notamment lorsque le demandeur est descendu du lit, il m'apparaît plus probable que la déchirure remonte à l'incident du match de soccer et ait été aggravée par les autres chutes survenues pendant ce même automne.


[6]                 En ce qui a trait à la blessure causée lors du match de soccer, il est indubitable que la Couronne n'est pas responsable des blessures que le demandeur pourrait avoir subies lorsqu'il se trouvait sur le terrain de soccer. En ce qui concerne la chute survenue dans la douche, le demandeur soutient que la Couronne est responsable en vertu de la Loi sur la responsabilité des occupants, au motif que le plancher de la douche était glissant et qu'elle n'a pris aucune mesure pour garantir la sécurité des lieux. Il appert de la preuve qu'avant que le demandeur utilise la douche, un plombier est allé réparer le drain de la salle de douches, qui était bloqué. Le demandeur souligne qu'aucun élément de preuve n'indique que le plancher avait été asséché. À mon avis, il est assez évident que, indépendamment de la question de savoir si le plancher a été asséché à un moment ou l'autre, il a certainement été mouillé du fait que les douches étaient régulièrement utilisées, ce que le demandeur savait.

[7]                 Dans l'affaire Meredith v. Canada, [1955] R.C.É. 156, tranchée en 1955 par la Cour de l'Échiquier, le juge Fournier, qui décrivait une situation très similaire, s'est exprimé comme suit :

[TRADUCTION] À mon avis, le plancher que les témoins ont décrit se compare au revêtement de sol de la plupart des vestiaires attenant aux piscines et me semble être un type de revêtement couramment utilisé dans ce genre d'établissement. À mon sens, lors de la chute, cette douche n'était pas différente des autres douches utilisées de façon semblable et aucun élément de preuve n'indique que la chute du demandeur a été causée en partie par une négligence ou par un mauvais entretien de la part de la Couronne ou ses préposés.


[8]                 Après avoir reçu son congé de l'hôpital, soit environ six jours après sa chute dans la douche, le demandeur éprouvait toujours une grande douleur et est tombé à l'occasion parce que son genou flanchait. À mon avis, il est probable que la blessure par suite de laquelle son genou a commencé à flancher est survenue dans la douche ou découle de l'incident qui s'est produit sur le terrain de soccer et a été aggravée par la chute dans la douche.

[9]                 La Couronne ne saurait être tenue responsable de la chute qui a eu lieu dans la douche. À mon avis, la chute survenue lorsque le demandeur est descendu du lit a été causée par la faiblesse du genou et n'a pas provoqué la déchirure du ménisque. Le demandeur s'est bel et bien blessé gravement au genou et au dos lorsqu'il est tombé du lit. Il est indubitable que ces problèmes ont été aggravés par les blessures antérieures subies au dos et au genou et que, du moins dans le cas du genou, la blessure n'avait jamais guéri.


[10]            À mon avis, la chute du lit était directement imputable à l'omission des gardiens de veiller à ce que le demandeur ne soit pas contraint d'utiliser le lit supérieur. Il se peut que le demandeur soit en partie fautif, parce qu'il n'a apparemment pas tenté d'obtenir un lit inférieur avant plusieurs semaines après avoir été informé par le médecin de l'hôpital qu'il ne devrait pas utiliser un lit supérieur. Les employés de la Couronne ont fait preuve de négligence, parce qu'il appert de la preuve que le demandeur a été informé qu'il aurait dû avoir le lit inférieur et a avisé les gardiens en ce sens. Cependant, il semble que le demandeur n'a nullement cherché à occuper un lit inférieur avant d'avoir par ailleurs le droit de le faire, c'est-à-dire, selon la coutume de la prison, avant le moment où il deviendrait le plus ancien occupant de la cellule. Le demandeur a placé ses choses sur le lit inférieur et le nouveau détenu l'a forcé à changer de lit. Le demandeur s'est plaint et a apparemment fait allusion à la note qu'il avait reçue et selon laquelle il devait, pour des raisons médicales, utiliser le lit inférieur. Le gardien qui a été informé de la situation a préféré ne pas insister et a permis au nouveau venu d'accaparer le lit inférieur. Peu après, la preuve indique que le problème anticipé par le personnel de l'hôpital de la prison s'est concrétisé et le demandeur est tombé alors qu'il descendait du lit.

[11]            À mon avis, la Couronne est responsable de l'omission des gardiens de fournir au demandeur un lit inférieur. Ayant conclu que la Couronne était responsable de la chute survenue lorsque le demandeur est descendu du lit supérieur, je souligne que celui-ci est en partie fautif, parce qu'il n'a soulevé la question que plusieurs semaines après avoir été avisé par le médecin de dormir dans un lit inférieur. J'en suis également arrivé à la conclusion que la déchirure du ménisque n'a pas été causée par la chute du lit supérieur. La blessure que le demandeur a subie par suite de la chute aurait été mineure, si le demandeur n'avait pas déjà souffert de problèmes au dos et au genou. Dans les circonstances, je conclus que la Couronne est responsable d'un préjudice minime découlant de la chute du lit et qu'elle n'est pas responsable des blessures survenues sur le terrain de soccer ou dans la douche. À mon avis, aucun élément de preuve n'indique que la chute du lit ait causé des blessures permanentes de quelque nature que ce soit.


JUGEMENT

[12]            Étant donné que les préposés de la Couronne ont omis de fournir un lit inférieur au demandeur et que celui-ci est tombé en descendant d'un lit supérieur, j'en arrive à la conclusion que le demandeur a subi un préjudice et des souffrances minimes et temporaires et j'ordonne qu'une évaluation des dommages-intérêts soit faite, si elle est demandée.

« Peter A. K. Giles »

                                                                                    Protonotaire adjoint            

Toronto (Ontario)

4 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                                T-1744-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 KHON HA TRI

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE MERCREDI 19 JUILLET 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT PAR :                                      LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

EN DATE DU :                                                   JEUDI 4 JANVIER 2001

ONT COMPARU:                                            Me M. Gillen

Pour le demandeur

Me V. McCaffrey

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS

AU DOSSIER :                                                  Schwarz Gillen

Avocats

2040, rue Yonge, bureau 220

Toronto (Ontario)

M4S 1Z9

Pour le demandeur

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour la défenderesse


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010104

Dossier : T-1744-97

Entre :

KHON HA TRI

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

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