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Date : 20040623

Dossier : T-223-04

Référence : 2004 CF 895

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2004

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                     GASTON JOSEPH SYLVAIN

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                             et

                                                                             

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION

DES ALIMENTS

                                                                                                                                          Défendeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Mise en cause

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire afin d'obtenir une ordonnance de mandamus obligeant la défenderesse, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'ACIA), à se conformer au paragraphe 105(1) du Règlement sur la santédes animaux, C.R.C., c. 296 (Règlement).


FAITS

[2]                Le demandeur, en sa qualité de citoyen canadien, qui se représente lui-même, veut forcer la défenderesse à se conformer au paragraphe 105(1) du Règlement et à assurer le nettoyage et la désinfection à fond des moyens de transport des volailles au Canada.

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[3]                Le demandeur affirme que le paragraphe 105(1) du Règlement oblige la défenderesse à assurer le nettoyage et la désinfection à fond des cageots et conteneurs destinés au transport des volailles.

[4]                Selon le demandeur, la défenderesse admet qu'elle éprouve de la difficulté à assurer l'application du paragraphe 105(1) du Règlement et qu'elle n'a pris aucune mesure concrète avant 2002 afin de corriger la situation.

[5]                De plus, le demandeur soutient que la défenderesse a choisi de ne pas appliquer les dispositions du Règlement qui lui donnent le pouvoir d'imposer des sanctions pécuniaires aux membres de l'industrie aviaire. En ce faisant, elle a évité une prise de conscience de la part des membres de l'industrie sur l'importance du nettoyage et de la désinfection des moyens de transport des volailles.

[6]                Le demandeur soutient également que la défenderesse ne donne pas à ses inspecteurs et à ses vétérinaires les moyens scientifiques ou technologiques nécessaires afin de permettre une évaluation rigoureuse quantifiable et qualifiable de l'exécution des obligations dictées au paragraphe 105(1) du Règlement. De plus, la défenderesse prive ses vétérinaires et ses inspecteurs des ressources matérielles et budgétaires nécessaires à la mise en application rigoureuse du paragraphe 105(1) du Règlement.

ARGUMENTS DE LA DÉFENDERESSE

[7]                La défenderesse affirme que le demandeur n'a pas l'intérêt juridique pour demander un mandamus. Elle soutient que le demandeur ne lui a formulé aucune demande qui aurait été refusée. De plus, elle déclare qu'il ne peut pas agir dans l'intérêt public.

[8]                Elle affirme aussi que les faits sur lesquels le demandeur fonde sa demande sont faux. La défenderesse soutient qu'elle applique le paragraphe 105(1) du Règlement. Elle énonce également que la situation d'urgence alléguée par le demandeur n'existe pas. La défenderesse soutient de plus qu'il n'y a rien au dossier qui montre un lien entre la propagation de l'influenza aviaire et les cageots utilisés pour le transport de la volaille.


[9]                Subsidiairement, la défenderesse soutient que la demande ne satisfait pas aux exigences strictes du mandamus. Premièrement, le paragraphe 105(1) impose des obligations aux propriétaires ou aux responsables des cageots, et non à la défenderesse. Deuxièmement, la demande ne satisfait pas aux critères jurisprudentiels reconnus pour obtenir un mandamus.

[10]            La défenderesse soutient qu'elle veille à l'application du Règlement. Or, il s'agit là d'un vaste pouvoir discrétionnaire, et un mandamus ne peut être accordé pour guider l'exercice des pouvoirs discrétionnaires de la défenderesse.

[11]            Par ailleurs, la défenderesse affirme que le demandeur n'a pas démontré en quoi l'ordonnance demandée aurait une incidence sur le plan pratique. Dans les faits, la défenderesse soutient que son plan d'action rencontre les normes internationales.

[12]            Finalement, la défenderesse soutient que les arguments du demandeur sont dénués de toute conséquence relativement à cette demande. De plus, il n'a présenté aucune preuve pour appuyer la plupart de ses allégations.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[13]            Le paragraphe 105(1) du Règlement prévoit ce qui suit :


105. (1) Le propriétaire ou le responsable d'un cageot ou autre conteneur destiné au transport de la volaille doit le nettoyer et le désinfecter à fond avant d'y charger des volailles, à moins que le cageot ou le conteneur ne soit neuf ou n'ait été parfaitement nettoyé et désinfecté après son dernier usage pour le transport de la volaille.

105. (1) Every owner or person in charge of a crate or other container in which poultry are to be transported shall thoroughly clean and disinfect the crate or container before poultry are loaded therein unless the crate or container is new or was thoroughly cleaned and disinfected following its last use for transporting poultry.



QUESTIONS EN LITIGE

[14]            Les questions en litige sont les suivantes :

1.          Le demandeur possède-t-il l'intérêt pour agir?

2.          Si oui, le demandeur a-t-il prouvé qu'il est opportun d'ordonner un mandamus?

[15]            Pour les raisons suivantes, je réponds par la négative aux deux questions, bien que je n'aie qu'à répondre à la première. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

ANALYSE

[16]            En l'espèce, la validité du Règlement n'est pas contestée. Le demandeur cherche plutôt à obliger la défenderesse à appliquer le Règlement d'une manière différente.

[17]            Pour avoir l'intérêt pour agir dans une cause qui ne contient aucune question relative à la constitutionnalité d'une loi ou d'un règlement, le demandeur doit démontrer qu'il a un intérêt particulier ou qu'il souffrira un préjudice personnel (Thorson c. Canada (Procureur général), [1975] 1 R.C.S. 138). En l'espèce, le demandeur ne cherche pas à faire valoir un droit ou à obtenir une réparation à la suite d'une décision prise par la défenderesse. L'essence de la présente demande est de forcer la défenderesse à surveiller l'application du Règlement selon les critères que le demandeur considère appropriés.

[18]            Or, le demandeur n'a présenté aucune demande à la défenderesse et ne peut donc affirmer l'existence d'un droit. De plus, il n'allègue pas avoir subi de dommage en raison des actes ou omissions de la défenderesse.

[19]            Le 9 mai 2002, le demandeur, à titre de vice-président de la compagnie Terra Nova Systèmes inc. (Terra Nova) ratifiait une entente de collaboration scientifique avec Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (Agriculture et Agroalimentaire Canada) concernant un projet de recherche intitulé « Évaluation et contrôle des pathogènes dans le contexte de nettoyage et d'assainissement de cageots de volaille » .

[20]            Dans le cadre de cette entente, la compagnie Terra Nova recevait le 16 juillet 2003 une lettre du Dr. Robert Charlebois dont copie était envoyée au Dr. Richard Lemay indiquant entre autres « les résultats préliminaires sont très encourageants et démontrent que des critères de performances pourraient être établis afin de quantifier le rendement des établissements à obtenir des cageots répondant à des critères microbiologiques précis. [...] La rupture du cycle de propagation de ces agents pathogènes est perçue comme étant de la plus haute importance et contribuera à la fois à la salubrité des aliments ainsi qu'à l'amélioration de la santé animale au Canada. [...] » .

[21]            S'appuyant sur cette lettre, le demandeur soutient que la défenderesse ne fait pas appliquer adéquatement le paragraphe 105(1) du Règlement.


[22]            Un conflit existe entre les parties signataires de l'entente du 9 mai 2002. Le 18 février 2004, une mise en demeure était envoyée par un avocat du service juridique du ministère de la Justice du Canada représentant la partie co-contractante, soit Agriculture et Agroalimentaire Canada, rappelant que Terra Nova n'avait pas encore livré le prototype de nettoyage d'assainissement des cageots de transport de volaille selon son engagement. Le délai pour ce faire se terminait le 3 mars 2004. À ce jour, Terra Nova ne s'est pas acquittée de son obligation.

[23]            L'affidavit du Dr. Richard Lemay (vétérinaire à l'ACIA) démontre que la majorité des établissements d'abattage sous inspection fédérale utilisent différents programmes de salubrité (par 16). Depuis 1981, cette personne visite régulièrement l'ensemble des abattoirs du Québec et affirme que l'état actuel des connaissances et du développement de la technologie pertinente ne permet pas l'application du critère d'absence totale de bactéries dans le lavage des cageots (paragraphe 25). Il ajoute que la présence de salmonelles dans le cheptel aviaire est une donnée de la nature en ce sens que cette bactérie vit de façon normale (asymptomatique) dans le système digestif de toutes les volailles (paragraphe 26). Il conclut donc qu'il est inexact de prétendre que l'un ou l'autre des facteurs pertinents, tel le nettoyage des cageots ait préséance sur les autres (paragraphe 29). Il confirme que la présence d'inspecteurs est toujours pertinente aux différentes étapes soit: l'abattage, l'éviscération, l'inspection, le conditionnement et l'expédition du produit prêt à cuire (paragraphes 11 et 32).

[24]            Le Dr. André Vallières (vétérinaire à l'ACIA) a fait partie des équipes d' intervention d'urgence internationales auxquelles le Canada fait partie. Ces équipes ont géré sur le terrain la crise de la Fièvre aphteuse au Royaume-Uni en 2001 et celle de la Peste porcine classique aux Pays-Bas en 1997. Dans son affidavit, il affirme que le Canada fait partie de l'Office international des épizooties (OIE). Parmi les objectifs principaux de l'OIE, on y retrouve l'apport d'expertise et la stimulation de la solidarité internationale pour contrôler les maladies animales, ainsi que la garantie de la sécurité sanitaire des aliments et la promotion du bien-être animal en utilisant une approche scientifique.

[25]            À titre de membre de l'OIE, le Canada met en oeuvre les recommandations en provenance de cet organisme, dans le but de prévenir l'introduction de maladies animales graves sur son territoire et de les contrôler, dans l'éventualité de leur introduction accidentelle. Le Dr. Vallières mentionne plusieurs éléments de transmission de contamination soit : le contact direct entre un animal infecté et un animal sain mais sensible à l'infection; de façon indirecte par la contamination des aliments ou de l'eau d'abreuvement; le mouvement du personnel dont les vêtements protecteurs sont souillées par des matières infectieuses (fèces); l'utilisation d'équipements souillés et autres (paragraphe 32). Les oiseaux sauvages pourraient aussi être responsables de l'infection des volailles domestiques.


[26]            C'est pourquoi le vétérinaire conclut que les cageots ne représentent qu'un risque parmi tant d'autres de propagation de maladies aviaires et non nécessairement le plus grand (paragraphe 58). Il ajoute au paragraphe 60, « il est faux de prétendre que les cageots mal nettoyés constituent la principale source d'infection par des maladies animales exotiques des élevages de volailles domestiques. Une telle prétention est irréconciliable avec les données scientifiques reconnues. » (je souligne).

[27]            Le demandeur a eu l'occasion d'interroger les représentants des deux plus grands abattoirs au Québec (75 % du marché de la volaille) et ces derniers lui ont expliqué de quelle façon l'industrie s'imposait d'elle-même des mesures de protection contre la contamination lorsque le lavage des cageots était effectué. Un des représentants a admis que malgré toutes les précautions prises, il peut arriver qu'un cageot demeure sale un peu comme un verre qui demeure souillé même après avoir été lavé dans un lave-vaisselle.

LES CRITÈRES POUR OBTENIR UN MANDAMUS

[28]            La Cour d'appel fédérale a énuméré les exigences requises pour accorder mandamus dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.) :

44       La majorité des questions soulevées par les avocats concernent la possibilité d'obtenir des ordonnances de mandamus. J'ai l'intention d'exposer, en termes généraux, les principes qui régissent de telles ordonnances avant de clarifier les questions fondamentales pour le présent appel.

1) Le mandamus: les principes applicables

45       Plusieurs conditions fondamentales doivent être respectées avant qu'un mandamus ne puisse être accordé. Les principes généraux énoncés ci-dessous s'appuient sur la jurisprudence de la Cour (voir globalement, l'affaire O'Grady c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719 (C.A.), aux pages 722 et 723, citant Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294 (C.A. Ont.), à la page 297; et Mensinger c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] 1 C.F. 59 (1re inst.), à la page 66.


1. Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public: Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Hudnik, [1980] 1 C.F. 180 (C.A.); Jefford c. Canada, [1988] 2 C.F. 189 (C.A.); Winegarden c. Commission de la fonction publique et Canada (Ministre des Transports) (1986), 5 F.T.R. 317 (C.F. 1re inst.); Rossi c. La Reine, [1974] 1 C.F. 531 (1re inst.); Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309 (1re inst.); conf. par [1990] 2 W.W.R. 69 (C.A.F.); Bedard c. Service correctionnel du Canada, [1984] 1 C.F. 193 (1re inst.); Carota c. Jamieson, [1979] 1 C.F. 735 (1re inst.); conf. par [1980] 1 C.F. 790 (C.A.); et Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 232 (C.A.).

2. L'obligation doit exister envers le requérant [Voir Note 6 ci-dessous] : La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national (No 1), [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Distribution Canada Inc. c. M.R.N., [1991] 1 C.F. 716 (1re inst.); confirmé par [1993] 2 C.F. 26 (C.A.); Secunda Marine Services Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1989), 38 Admin. L.R. 287 (C.F. 1re inst.); et Szoboszloi c. Directeur général des élections du Canada, [1972] C.F. 1020 (1re inst.); voir aussi Jefford c. Canada, précité.

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Note 6: Habituellement, la règle est qu'un mandamus ne peut être accordé relativement à une obligation envers la Couronne. Historiquement, on a considéré que cette question concernait la qualité pour présenter une demande de mandamus. Au fil des ans, la Cour suprême a considérablement assoupli les conditions de la qualité pour agir; voir les arrêts Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607. Pour un examen de l'application de ces arrêts aux procédures de mandamus, voir l'arrêt Distribution Canada Inc. c. M.R.N., précité, le juge Desjardins, J.C.A., aux p. 38 et 39.

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3. Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment:

a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation; O'Grady c. Whyte, précité; Hutchins c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1993] 3 C.F. 505 (C.A.); et voir Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précité;

b) il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable; voir O'Grady c. Whyte, précité, citant Karavos c. Toronto & Gillies, précité; Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 315 (1re inst.); et Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), précité.


4. Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s'appliquent:

a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d'une manière qui puisse être qualifiée d'"injuste", d'"oppressive" ou qui dénote une "irrégularité flagrante" ou la "mauvaise foi";

b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est "illimité", "absolu" ou "facultatif";

c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire "limité" doit agir en se fondant sur des considérations "pertinentes" par opposition à des considérations "non pertinentes";

d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l'exercice d'un "pouvoir discrétionnaire limité" dans un sens donné;

e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est "épuisé", c'est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l'exécution de l'obligation.

Voir Commission sur les pratiques restrictives du commerce c. Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, [1983] 2 C.F. 222 (C.A.); inf. [1983] 1 C.F. 520 (1re inst.); Carota c. Jamieson, précité; Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) et autre, précité; Maple Lodge Farms Ltd. c. Le gouvernement du Canada, [1980] 2 C.F. 458 (1re inst.); conf. par [1981] 1 C.F. 500 (C.A.); confirmé par [1982] 2 R.C.S. 2; Jefford c. Canada, précité; Merck & Co. Inc. v. Sherman & Ulster Ltd., Attorney-General of Canada, Intervenant (1971), 65 C.P.R. 1 (C. de l'É.); pourvoi rejeté [1972] R.C.S. vi; Distribution Canada Inc. c. M.R.N., précité; et Kahlon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 3 C.F. 386 (C.A.).

5. Le requérant n'a aucun autre recours: Carota c. Jamieson, précité; Maple Lodge Farms Ltd. c. Le gouvernement du Canada, précité; Jefford c. Canada, précité; Harelkin c. Université de Régina, [1979] 2 R.C.S. 561; et voir Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources), [1987] 1 C.F. 406 (C.A.); appel rejeté [1989] 2 R.C.S. 49.

6. L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique: Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1990] 2 C.F. 18 (C.A.), le juge Stone, aux pages 48 à 52; conf. par [1992] 1 R.C.S. 3, le juge La Forest, aux pages 76 à 80; Landreville c. La Reine, [1973] C.F. 1223 (1re inst.); et Beauchemin c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (1987), 15 F.T.R. 83 (C.F. 1re inst.).


7. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé: Penner c. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales (Ont.), [1976] 2 C.F. 614 (1re inst.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité.

8. Compte tenu de la "balance des inconvénients", une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue. (je souligne)

[29]            J'estime que le demandeur n'a pas satisfait aux exigences ci-dessus. La disposition au coeur du présent litige, le paragraphe 105(1) du Règlement, n'impose aucune obligation à la défenderesse mais bien aux propriétaires et aux responsables de cageots destinés au transport de la volaille. Le rôle de la défenderesse consiste à veiller à l'application du Règlement, ce qui relève de son pouvoir discrétionnaire. Or, le demandeur n'a pas montré comment la défenderesse aurait omis de remplir son obligation légale d'agir.

[30]            En effet, le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que la défenderesse ne s'acquitte pas de son obligation de s'assurer que les propriétaires et les responsables de cageots respectent les obligations qui leur sont imposées au paragraphe 105(1) du Règlement.

[31]            De plus, le demandeur ne m'a pas démontré que la défenderesse a agi de manière injuste ou oppressive dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. En fait, le pouvoir de surveillance de la défenderesse est illimité, ce qui veut dire, selon le critère 4(b) énoncé dans l'arrêt Apotex, précité, qu'un mandamus ne peut être accordé. De surcroît, la demande en l'espèce cherche à donner une orientation particulière au pouvoir discrétionnaire de la défenderesse. Je ne vois pas comment je pourrais accorder un mandamus à cette fin.


[32]            En outre, le demandeur n'a pas démontré comment une ordonnance de mandamus aurait une incidence sur le plan pratique. La Cour et le demandeur ne sont pas plus aptes que la défenderesse à déterminer comment elle doit exercer son pouvoir de surveillance.

[33]            Une situation analogue existait dans l'arrêt Distribution Canada Inc. c. Canada (ministère du Revenu national - M.R.N.), [1991] 1 C.F. 716 (1re inst.), conf. [1993] 2 C.F. 26 (C.A.F.). Dans cette affaire, la Cour d'appel a décidé qu'une organisation d'épiciers n'avait pas l'intérêt requis pour présenter une requête visant à obtenir un mandamus pour contraindre le ministère du Revenu national à faire respecter rigoureusement l'article 4 du Tarif des douanes, L.R.C. 1985, c. C-54, qui prévoit la perception de droits de douanes sur certains objets entrant au Canada. Dans cette cause, la Cour a conclu que lorsqu'un fonctionnaire s'est vu attribuer un pouvoir discrétionnaire relativement aux actes qu'il accomplit, à la manière de les exécuter, au destinataire ou au bénéficiaire des actes en question, il n'existe pas d'obligation dont on peut obtenir l'exécution forcée en justice. La Cour ne peut pas forcer un ministère ou un fonctionnaire à accomplir un acte déterminé à un moment déterminé ou au profit d'une personne déterminée. La Cour d'appel a ajouté que les recours qui peuvent être exercés pour sanctionner l'inaction ou l'action fautive d'un ministère ou d'un fonctionnaire sont d'ordre politique et non judiciaire. La Cour ne peut dicter au ministre les moyens à prendre pour faire respecter la loi. Le juge Strayer s'exprime ainsi à la page 729 de l'arrêt :


14       [...] j'estime qu'en l'espèce le ministre du Revenu national n'a pas totalement refusé ou négligé d'appliquer le Tarif des douanes. Il a plutôt comme politique et comme habitude d'appliquer cette Loi en procédant à des recouvrements dans la mesure où cela est faisable, compte tenu des ressources que le Parlement met à sa disposition par le financement de son personnel et de ses installations. Il a aussi manifestement tenu compte des répercussions que les différents degrés d'application de la loi auraient sur les mouvements de touristes américains venant au Canada et sur les files d'attente aux points d'entrée au Canada. Il est de droit constant que si ces considérations n'ont rien à voir avec l'application régulière de la Loi ou si elles dénotent de la mauvaise foi ou des motifs illégitimes de la part du ministre et de son Ministère, elles peuvent donner ouverture à un quelconque contrôle judiciaire. [...]

[34]            J'estime que les conclusions auxquelles la Cour d'appel en est arrivée dans l'arrêt Distribution Canada Inc., précité, sont particulièrement à propos en l'espèce.

[35]            En appliquant cet arrêt ici, j'en viens à la conclusion que le demandeur n'a pas l'intérêt pour agir parce que la défenderesse n'a aucune obligation à son endroit.

[36]            Même si le demandeur avait l'intérêt requis, il n'a pas démontré que la défenderesse ne veillait pas à l'application du paragraphe 105(1) du Règlement. Rien au dossier ne permet de conclure qu'elle n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et pour des motifs légitimes.

[37]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Quant aux frais, une somme forfaitaire de 1 500 $ devra être payée par le demandeur à la défenderesse au plus tard le 31 juillet 2004.

                "Michel Beaudry"               

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                                                           T-223-04

INTITULÉ :                                                          GASTON JOSEPH SYLVAIN et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :                                Le 8 juin 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          L'HONORABLE JUGE BEAUDRY


DATE DES MOTIFS ET

DE L'ORDONNANCE :                                      Le 23 juin 2004

COMPARUTIONS :

Gaston Joseph Sylvain                                             POUR LE DEMANDEUR

(se représente lui-même)

Guy M. Lamb                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gaston Joseph Sylvain                                             POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)                                                  (se représente lui-même)

Morris Rosenberg                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                                 

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