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Date : 20010802

Dossier : IMM-4110-00

ENTRE :

                                                                          FEI KONG

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                 - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

Pour les motifs exposés dans les motifs de l'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

La question suivante est certifiée :

[TRADUCTION]

Dans quelles circonstances le fait qu'un agent des visas effectue, avant l'expiration du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire, le « filtrage d'un dossier » de demande de permis de séjour pour étudiant constitue-t-il un motif d'annulation d'une décision?

« Max M. TEITELBAUM »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


Date : 20010802

Dossier : IMM-4110-00

Référence neutre : 2001 CFPI 852

ENTRE :

                                                                          FEI KONG

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                 - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                       MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]                 Le demandeur conteste par voie de contrôle judiciaire la décision, rendue le 29 juin 2000 à l'Ambassade du Canada à Beijing, par laquelle l'agent des visas Jean François Lesage a refusé la demande de permis de séjour pour étudiant du demandeur en raison d'insuffisance de ressources financières.

Contexte

[2]                 Le demandeur, Fei Kong, est un citoyen chinois de 27 ans. Il a présenté, en avril 2000, une demande de visa pour étudiant à l'Ambassade du Canada à Beijing. Il envisageait séjourner deux ans au Canada.


[3]                 Sa demande était accompagnée d'une lettre d'acceptation, datée du 17 septembre 1999, de la Richard Ivey School of Business de l'University of Western Ontario (dossier certifié du tribunal, page 16). Le demandeur avait été accepté au programme de M.B.A. de deux ans de cette école, pour les cours commençant à l'automne 2000.

[4]                 Le demandeur avait aussi annexé à sa demande une lettre additionnelle qu'il avait lui-même écrite, datée du 18 avril 2000, dans laquelle il clarifiait la composition de sa famille et sa situation financière. Dans cette lettre, il a déclaré que son oncle maternel, Da Tong Xie, avait l'intention d'assurer tous ses besoins pendant la durée de ses études et que son père était également prêt à lui apporter son soutien financier.

[5]                 Le demandeur n'a pas subi d'entrevue.

[6]                 Le 29 juin 2000, l'agent des visas a examiné le dossier du demandeur. On retrouve dans les notes au STIDI ce qui suit :

[TRADUCTION] DEMANDEUR A ÉTÉ ACCEPTÉ AU PROGRAMME DE M.B.A. DE RICHARD IVEY SCHOOL. DEMANDEUR PRÉTEND ÊTRE PARRAINÉ PAR UN ONCLE DONT LE NOM N'APPARAÎT PAS DANS LE FORMULAIRE SUR LA FAMILLE. « ONCLE » PEUT ÊTRE UTILISÉ DE FAÇON TRÈS GÉNÉRALE EN CHINE POUR DÉSIGNER DES PERSONNES QUI N'ONT PAS DE LIEN DE PARENTÉ. PAS DE CERTIFICAT DE PARENTÉ AU DOSSIER, NI D'AFFIDAVIT À L'APPUI. CE TYPE DE FINANCEMENT N'EST PAS ACCEPTABLE ET JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR ET SA FAMILLE ONT LES RESSOURCES FINANCIÈRES POUR LE SOUTENIR PENDANT SES ÉTUDES AU CANADA. REFUSÉ.


[7]                 Dans son affidavit, datant du 25 août 2000, le demandeur soutient qu'il a bel et bien soumis, contrairement à l'affirmation de l'agent des visas trouvée dans les notes au STIDI, un certificat notarié expliquant le lien de parenté entre son oncle et lui (dossier du demandeur, onglet 3, paragraphe 8). Le demandeur déclare aussi, dans son affidavit, qu'il a joint à sa demande des certificats de dépôt originaux (paragraphe 5). Il affirme que les dépôts ont été faits, à son nom, les 15 et 19 avril et le 17 août 1999.

[8]                 Dans son affidavit, l'agent des visas, Jean François Lesage, déclare :

2. Je suis l'agent des visas qui [é]valué la demande d'autorisation d'étude soumise par M. Fei Kong. L'ambassade du Canada a reçu la demande du demandeur le 25 avril 2000.

4. Le 29 juin 2000, j'ai évalué la demande du demandeur et tous les documents soumis à son soutien.

5. [À] la question 11 de sa demande d'autorisation d'étude, le demandeur a d[é]claré disposer de 70 000 $ pour son séjour au Canada. Il a aussi déclaré que ses dépenses au Canada seront assumées par une personne autre que lui-même ou ses parents.

6. Le demandeur a déclaré qu'il serait parrainé par un oncle du nom de Da Tong Xie. [Un] état de compte ban[c]aire au dossier, au nom de Da Tong Xie, montrait des économies de 557 240,37 $US.

7. Da Tong Xie n'appara[î]t pas sur le formulaire « Family Composition » que le demandeur a soumis avec sa demande. Dans ce formulaire, les parents du demandeur ont énuméré leur[s] frères et soeurs.

8. Contrairement à ce que l[e] demandeur allègue au paragraphe 8 de son affidavit, aucun certificat au dossier n'établissait une relation familiale entre lui et Da Tong Xie.

9. Ne pouvant établir clairement la relation entre Da Tong Xie et le demandeur, j'ai pensé qu'il pouvait s'agir d'un parent lointain ou d'un ami de la famille qu'on désigne aussi par l'appel[l]ation « oncle » en Chine.

10. Aucun affidavit au dossier n'établissait l'engagement de Da Tong Xie à parrainer le demandeur.


11. Puisque le demandeur n'a pas accompagné sa demande d'un affidavit de parrai[n]age et d'un document clarifiant sa relation Da Tong Xie, il ne m'a pas convaincu qu'il possède, sans qu'il lui soit nécessaire d'exercer un emploi au Canada, des ressources financières suffisantes pour payer ses frais de scolarité, pour subvenir à ses besoins durant son séjour et pour payer ses frais de transport aller-retour.

12. Le 29 juin 2000, j'ai refusé la demande d'autorisation d'étude du demandeur.

13. Le 24 juillet 2000, nous avons reçu à l'ambassade du Canada une demande de reconsidération de notre d[é]cision accompagné[e] d'un certificat de parenté ainsi que d'un affidavit par lequel Da Tong Xie s'engage à parrainer le demandeur (ce document est mentionné au paragraphe 6 de l'affidavit du demandeur). Ces deux documents ne faisaient pas parti[e] de la demande initiale du demandeur.

[9]                 Comme on peut le constater à la lecture de ce qui précède, l'agent des visas déclare clairement qu'au moment où il a évalué la demande du demandeur, « aucun certificat au dossier n'établissait une relation familiale entre lui et Da Tong Xie. »

[10]            Dans les notes au STIDI, l'agent des visas ne mentionne aucun certificat, notarié ou non, qui pourrait indiquer l'existence d'une telle relation.

[11]            En fait, au paragraphe 13 de son affidavit, l'agent des visas déclare qu'un tel certificat n'a été déposé à l'ambassade que le 24 juillet 2000, ou vers cette date, avec une demande de réexamen.

Position du demandeur

[12]            Le demandeur allègue que l'agent des visas a commis une erreur en ne tenant pas compte des ressources financières dont sa famille disposait pour le soutenir. De plus, le demandeur soutient que l'agent des visas n'aurait dû prendre en considération que les ressources financières nécessaires pour une année d'études et délivrer un visa d'un an.


[13]            Le demandeur allègue que l'agent des visas a commis une erreur en n'examinant pas la documentation qui lui a été soumise et en concluant que Da Tong Xie n'était pas un proche parent. Le demandeur soutient avoir déclaré la nature exacte de leur lien de parenté à deux occasions dans son formulaire de demande.

[14]            Le demandeur soutient que l'agent des visas aurait dû le convoquer pour une entrevue afin de clarifier la nature de son lien de parenté avec Da Tong Xie. Subsidiairement, il ajoute que si jamais l'agent des visas était en droit de conclure que le dossier ne contenait aucun engagement de soutien ni de certificat de lien de parenté, l'agent des visas aurait au moins dû lui donner la possibilité de corriger son dossier.

[15]            Finalement, le demandeur allègue que l'agent des visas aurait dû conserver tous les documents que le demandeur lui a soumis jusqu'à l'expiration du délai pour le contrôle judiciaire.

Position du défendeur

[16]            Le défendeur soutient que le demandeur essaie de présenter, dans son affidavit, des nouveaux éléments de preuve au sujet de Da Tong Xie, qu'il n'avait pas présentés à l'agent des visas.


[17]            Le défendeur maintient que, si l'on se fiait au dossier, la conclusion de l'agent des visas selon laquelle le demandeur ne possédait pas les ressources financières suffisantes était raisonnable. Le demandeur avait indiqué que son oncle, Da Tong Xie, le parrainerait. Il n'a cependant pas donné les renseignements nécessaires concernant son répondant. Par conséquent, l'agent des visas a tenu compte des moyens des parents du demandeur pour la question des ressources financières et a conclu que le dossier ne contenait pas toute la documentation et tous les renseignements nécessaires, clairement demandés dans la trousse de demande.

[18]            Finalement, le défendeur allègue que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'équité en ne donnant pas la possibilité au demandeur de dissiper ses préoccupations. Le défendeur allègue que les préoccupations de l'agent des visas concernant l'insuffisance de ressources financières du demandeur proviennent de la Loi sur l'immigration et de son règlement, que le demandeur aurait dû consulter.

Analyse


[19]            Il est clair que la Cour qui procède à un contrôle judiciaire ne peut examiner que la documentation dont disposait le décideur. Les éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur ne peuvent pas être produits au stade du contrôle judiciaire. Dans le cas présent, il existe un différend sur la question de savoir si certains documents ont été présentés à l'agent des visas. Dans les notes au STIDI plus haut citées, rédigées au moment de l'examen du dossier, l'agent des visas a expressément noté l'absence d'un certificat établissant le lien de parenté entre le demandeur et Da Tong Xie et d'un affidavit à l'appui des allégations du demandeur. Dans de telles circonstances, le témoignage de l'agent des visas devrait être retenu, à moins que le demandeur ne puisse démontrer sa mauvaise foi. Le demandeur n'a pas fait une telle démonstration et, à mon avis, l'agent des visas ne possédait pas les documents en litige au moment où il a rendu sa décision.

[20]            Par conséquent, si l'on se fie au dossier, les conclusions de l'agent des visas concernant la nature du lien de parenté entre le demandeur et Da Tong Xie étaient raisonnables. Il ne suffit pas que le demandeur déclare simplement, comme il l'a fait dans sa lettre additionnelle, que Da Tong Xie était son oncle maternel; le demandeur avait l'obligation d'en fournir la preuve, ce qu'il n'a pas fait.

[21]            J'estime aussi que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'équité en ne convoquant pas le demandeur à une entrevue ou ne lui demandant pas de présenter les documents requis. C'est au demandeur qu'il revient de fournir les renseignements nécessaires pour convaincre l'agent des visas qu'il satisfait aux critères d'entrée au Canada. La trousse de demande est claire à ce sujet. L'agent des visas n'a pas à guider le demandeur point par point ni à constituer son dossier pour lui.

[22]            Je suis convaincu que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[23]            Le demandeur a soumis les questions suivantes aux fins de la certification :

[TRADUCTION]


1) Dans une demande de permis de séjour pour étudiant qui paraît, dans l'ensemble, fondée, si la majorité des documents requis ont été soumis à l'agent des visas et sont à sa convenance, mais qu'il y a eu omission de fournir, avec la demande, un petit nombre de documents requis, l'obligation d'équité implique-t-elle que le demandeur soit avisé de cette omission pour qu'il puisse y remédier soit par l'envoi des documents par courrier soit par une entrevue? L'exigence pour le demandeur de convaincre l'agent signifie-t-elle que le dossier ne doit être examiné qu'une seule fois et que le demandeur n'a pas la possibilité de corriger des imperfections au dossier, et ce en toutes circonstances?

2) Dans quelles circonstances le fait qu'un agent des visas effectue, avant l'expiration du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire, le « filtrage du dossier » de demande de permis de séjour pour étudiant constitue-t-il un motif d'annulation d'une décision? S'il y a eu « filtrage du dossier » , de quelle façon faut-il régler un différend entre le fonctionnaire et le demandeur en ce qui a trait au contenu de la demande présentée à l'agent des visas?

[24]            Comme l'avocat du défendeur l'a déclaré, la première des deux questions proposées par le demandeur ne constitue pas une question grave de portée générale : elle est trop précise et n'est pas une question adéquate aux fins de la certification.

[25]            Je suis cependant prêt à certifier une partie de la deuxième question, pour la portion concernant le « filtrage des dossiers » . Je suis convaincu que si un agent des visas effectue un « filtrage de dossier » avant l'expiration du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire, il risque de causer un préjudice grave au demandeur. En l'espèce, si l'agent des visas avait conservé le dossier complet du demandeur, il aurait apporté une réponse objective à la question de savoir si un certificat de lien de parenté entre le demandeur et son oncle avait été présenté à l'agent des visas quand ce dernier a examiné pour la première fois la demande de permis de séjour pour étudiant du demandeur.

« Max M. TEITELBAUM »

Juge

Ottawa (Ontatio)

Le 2 août 2001

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-4110-00

INTITULÉ :                                                        FEI KONG c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 5 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Teitelbaum

DATE DES MOTIFS :                                     Le 2 août 2001

COMPARUTIONS :

M. Melvin Weigel                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme Pauline Anthoine                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Melvin Weigel                                                 POUR LE DEMANDEUR

Burnaby (Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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