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Date: 19990827


Dossier : IMM-5095-98

ENTRE


QING BING LI,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED


[1]      J'estime qu'il faut d'abord faire des remarques sur deux questions de procédure, qui sont toutes les deux liées au fait que le défendeur a décidé de ne pas s'opposer à la demande d'autorisation que le demandeur a présentée. Cette demande a été présentée le 2 octobre 1998; le dossier de la demande, et notamment l'affidavit que le demandeur a signé le 30 octobre 1998, ont été déposés le 2 novembre 1998. Le 23 novembre 1998, le défendeur a envoyé à la Cour une lettre, en en faisant parvenir une copie à l'avocat du demandeur, dans laquelle il déclarait que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ne présenterait pas d'observations au sujet de la demande, mais qu'il réservait son droit de le faire si l'autorisation était accordée. L'octroi de l'autorisation a pour effet de transformer la demande en contrôle judiciaire.

[2]      Les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration (1993) prévoient qu'au stade de l'autorisation, le défendeur qui s'oppose à la demande peut déposer des affidavits et doit déposer un mémoire :

11.      L'intimé qui s'oppose à la demande :
     a) peut signifier un ou plusieurs affidavits aux autres parties,
     b) doit signifier aux autres parties un mémoire énonçant succinctement les faits et les règles de droit qu'il invoque,
     et les dépose, avec la preuve de leur signification, dans les 30 jours suivant la signification des documents visés au paragraphe 10(2).

[3]      Le 27 mai 1999, Monsieur le juge Denault a accordé l'autorisation au demandeur; l'ordonnance prévoyait ce qui suit, conformément aux ordonnances habituellement rendues par cette cour :

[TRADUCTION]
     [...]
4.      Les affidavits additionnels, le cas échéant, seront signifiés et déposés par le demandeur au plus tard le 28 juin 1999.
5.      Les affidavits additionnels, le cas échéant, seront signifiés et déposés par le défendeur au plus tard le 5 juillet 1999.
6.      Les contre-interrogatoires se rapportant aux affidavits seront, le cas échéant, effectués au plus tard le 15 juillet 1999.
7.      Le mémoire additionnel du demandeur, le cas échéant, sera signifié et déposé au plus tard le 26 juillet 1999.
8.      Le mémoire additionnel du défendeur, le cas échéant, sera signifié et déposé au plus tard le 4 août 1999.
     [...]

[4]      Le demandeur n'a pas déposé d'affidavit et de mémoire en plus de ceux qui avaient été déposés au mois de novembre à l'appui de la demande d'autorisation. Le défendeur n'a pas déposé d'affidavits, mais le 23 juillet 1999, il a déposé un mémoire. Selon l'un des arguments invoqués dans le mémoire, l'affidavit que le demandeur avait signé le 30 octobre 1998 devrait être déclaré inadmissible parce qu'il renferme des éléments de preuve que la SSR n'avait pas à sa disposition.

[5]      L'avocat du demandeur a ensuite présenté une requête en vue de faire radier du dossier le mémoire du défendeur pour le motif qu'il n'était pas équitable qu'il soit déposé aussi tardivement puisqu'il ne renfermait rien qui n'aurait pas pu être présenté à la Cour à l'automne 1998. Il a affirmé que le dépôt, à une date aussi tardive, le privait d'une possibilité adéquate de préparer une réponse. Il a soutenu que les Règles ne renferment aucune disposition permettant le dépôt d'observations à un moment autre qu'au stade de l'autorisation et qu'étant donné que le demandeur n'avait pas déposé de documents additionnels, même s'il était autorisé à le faire en vertu des paragraphes 4 et 7 de l'ordonnance de Monsieur le juge Denault, le défendeur n'avait pas le droit de déposer des documents additionnels lui non plus. Il a soutenu que le mémoire du défendeur devait donc être radié du dossier.

[6]      Je n'ai pas fait droit à cette demande. Dans la lettre du ministre du 23 novembre 1998, on réservait le droit de présenter des observations à une date ultérieure si l'autorisation était accordée. L'avocat du demandeur ne s'est pas opposé à cette position et il n'a pas cherché à ce qu'une date précise soit fixée aux fins du dépôt des observations du défendeur. La disposition de l'ordonnance de Monsieur le juge Denault prévoyant que le défendeur déposerait un [TRADUCTION] " mémoire additionnel " n'est pas assortie d'une condition voulant que le demandeur ou le défendeur déposent des documents additionnels conformément aux paragraphes 4, 5 ou 7 de l'ordonnance. Ces dispositions sont indépendantes les unes des autres et, dans le contexte de la lettre du défendeur du 23 novembre 1998, le paragraphe 8 doit être considéré comme s'appliquant aux observations ultérieures. J'ai donc rejeté la requête visant à faire radier du dossier le mémoire du défendeur.

[7]      J'ai également refusé d'instruire la requête préliminaire que le défendeur avait présentée en vue de faire déclarer inadmissible l'affidavit du 30 octobre 1998 du demandeur. Il me semblait qu'il était trop tard pour que le défendeur adopte cette position. L'affidavit faisait partie du dossier lorsque le défendeur a décidé de ne pas présenter d'observations au sujet de la demande d'autorisation au mois de novembre précédent. Il faisait partie du dossier qui servait de fondement à l'ordonnance par laquelle Monsieur le juge Denault a accordé l'autorisation. Il est maintenant trop tard pour soutenir que cet affidavit ne devrait pas faire partie du dossier.

[8]      J'examinerai maintenant la demande au fond. Le demandeur sollicite une ordonnance infirmant la décision de la section du statut de réfugié (la SSR) selon laquelle il n'était pas un réfugié. Sa revendication était fondée sur l'allégation selon laquelle il était le principal soutien de trois membres de sa famille qui étaient invalides (son frère cadet a eu la polio et, apparemment, il ne peut plus marcher; son père et sa soeur sont atteints d'une maladie cardiaque congénitale). Le demandeur déclare que le gouvernement de la République populaire de Chine ne fournit pas de services médicaux de base aux membres de sa famille et ne lui donne pas une possibilité adéquate de gagner sa vie. Il affirme qu'en sa qualité d'agriculteur, il doit, en vertu de la loi, rester à la ferme et qu'il ne peut pas s'installer dans un centre urbain pour trouver du travail.


[9]      La SSR a rejeté la revendication, en reconnaissant qu'en Chine de nombreuses personnes vivent dans la misère et qu'aucun soin adéquat n'est dispensé aux invalides. La SSR a fait remarquer que cela n'est pas attribuable au fait que le gouvernement ne veut pas fournir de soins médicaux aux invalides, mais au fait que compte tenu des coûts, il n'est pas en mesure de le faire. La SSR a conclu que les épreuves que le demandeur et les membres invalides de sa famille avaient subies ne constituaient pas de la persécution et que cela ne constituait certes pas de la persécution au sens de la Convention - il n'existait aucun lien entre les épreuves subies et un motif reconnu par la Convention (c'est-à-dire la race, la religion, l'appartenance à un groupe social ou des opinions politiques).

[10]      L'avocat du demandeur soutient que la SSR n'a pas examiné l'allégation selon laquelle le demandeur était persécuté en sa qualité de membre d'un groupe social (c'est-à-dire en sa qualité d'agriculteur qui est le seul soutien de sa famille invalide) d'une façon suffisamment détaillée pour que cela constitue une véritable appréciation de sa revendication. L'avocat soutient que la SSR n'a pas tenu compte du fait que le demandeur ne pouvait pas travailler en dehors de la ferme parce que cela était contraire à la loi et qu'il n'avait pas travaillé à Shenzhen, même s'il avait travaillé illégalement ailleurs en Chine.

[11]      Malgré l'absence d'analyse détaillée, la décision de la SSR selon laquelle les épreuves que le demandeur et sa famille avaient subies ne constituaient pas de la persécution et que ces épreuves n'étaient pas attribuables au fait qu'ils appartenaient à un groupe social au sens de l'arrêt Canada (PG) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, est pleinement étayée par le dossier. Je ne suis pas convaincue qu'une analyse plus détaillée eût abouti à un résultat différent. De plus, la SSR se rendait bien compte du fait que l'inscription de tous les résidents, et le retour des résidents des villages à leurs fermes, constituaient une exigence imposée par la loi. Toutefois, elle se demandait si la loi était appliquée d'une façon stricte. La SSR a dit que le demandeur avait travaillé à Yan'an et qu'il avait ensuite essayé de trouver du travail, sans succès, à Shenzhen. Contrairement aux observations de l'avocat, je n'ai pu constater dans la décision de la SSR aucune déclaration selon laquelle celle-ci croyait que le demandeur travaillait à Shenzen. La SSR a désigné le demandeur à titre de migrant économique plutôt que de réfugié au sens de la Convention, et cette décision est juste.

[12]      Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.



     " B. Reed "

     Juge

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 27 août 1999.


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-5095-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Qing Bing Li c.

     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 25 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE REED en date du 27 août 1999


ONT COMPARU :

Douglas Cannon      pour le demandeur

Mark Sheardown      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Douglas Cannon      pour le demandeur

Avocat

Vancouver (C.-B.)     

Morris Rosenberg      pour le défendeur

Sous-procureur général

du Canada

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