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Date : 19991229


Dossier : T-654-99



Entre :

     AURÈLE LABBÉ

     Demandeur

Et:


     MINISTRE DES TRANSPORTS

     Défendeur



     MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU


[1]      Il s'agit en l'espèce d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7, à l'encontre de la décision du Tribunal de l'aviation civile (le tribunal) rendue le 12 mars 1999 à l'effet de maintenir la décision du Ministre des transports d'émettre au demandeur un avis d'amende au montant de 300,00 $ parce qu'il avait contrevenu à la partie III, paragraphe 20(1) du Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes, DORS/87-452.

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[2]      Les faits incontestés sont les suivants. Le 15 avril 1997, suite à une modification des règles en matière de sûreté aux aérodromes du Canada, M. Savard, l'exploitant de l'aéroport international Jean-Lesage, a envoyé une quatrième et dernière mise en demeure à tous les détenteurs de laissez-passer verts existants afin que ceux-ci voient à obtenir le nouveau laissez-passer rouge pour le remplacer. Cette lettre précisait que les laissez-passer qui n'étaient pas renouvelés ou retournés avant le 21 avril 1997 seraient considérés comme des laissez-passer perdus et que leur détenteurs seraient facturés en conséquence.

[3]      À titre de détenteur de laissez-passer vert, le demandeur a été mis au courant de ces changements.

[4]      Le 2 septembre 1997, l'agent de sécurité Gaudreau a croisé le demandeur qui circulait sur l'aire de mouvement de l'aéroport Jean-Lesage à Québec. L'agent Gaudreau a intercepté le demandeur puisque son gyrophare n'était pas en fonction comme le prévoyait la réglementation existante. Après un bref dialogue avec l'agent Gaudreau, le demandeur a continué son chemin sans lui montrer son laissez-passer malgré la demande de l'agent à cet effet.

[5]      Le même jour, l'agent Gaudreau a rédigé un rapport d'infraction de sécurité qui décrivait l'incident comme suit: "S'être trouvé dans une zone réglementée alors qu'il n'était pas détenteur d'un laissez-passer pour cette zone contrairement au paragraphe 20(1) du Règlement".

[6]      Le 3 octobre 1997, le Ministre des transports a émis en vertu de l'article 7.7 de la Loi sur l'aéronautique, L.R.C. 1985, c. A-2, un avis d'amende de 300,00 $ au demandeur parce qu'il avait contrevenu à la partie III, paragraphe 20(1) du Règlement.

[7]      Le demandeur a porté cette décision en appel devant le Tribunal de l'aviation civile. Le 29 mars 1998, la conseillère a maintenu la décision du Ministre des transports et a confirmé le montant de l'amende contre le demandeur.

[8]      Le demandeur a interjeté appel en vertu de l'article 8.1 de la Loi sur l'aéronautique devant le tribunal constitué cette fois de trois conseillers. L'appel fut encore une fois rejeté et le demandeur attaque maintenant cette dernière décision.

[9]      Les dispositions législatives pertinentes en l'espèce sont les suivantes:

Article 7.7(1) de la Loi

7.7(1) Le ministre, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a contrevenu à un texte désigné, l'informe des faits reprochés par un avis établi en la forme et comportant les renseignements que le gouverneur en conseil peut déterminer par règlement et y indique...

7.7(1) Where the Minister believes on reasonable grounds that a person has contravened a designated provision, the Minister shall notify the person of the allegations against the person in such form as the Governor in Council may by regulation prescribe, specifying in the notice, in addition to any other information that may be so prescribed...



Articles 20(1) et 20(5) du Règlement

20(1) Il est interdit d'entrer ou de demeurer dans une zone réglementée à moins d'avoir en sa possession un laissez-passer remis pour cette zone et de se conformer à toutes les conditions de remise ou d'approbation du laissez-passer.

20(1) No person shall enter or remain in a restricted area unless the person has in his possession a restricted area pass in respect of that restricted area and complies with all conditions of issuance or approval of the pass.

20(5) La personne à qui un laissez-passer a été remis par l'exploitant de l'aérodrome ou sous son autorité doit le rendre:

a) soit à la personne qui le lui a remis, dans l'une des situations suivantes:

i) sur demande de cette personne

ii) au terme de son emploi à l'aérodrome ou de toute autre situation ayant donné lieu à la remise du laissez-passer

iii) en cas de violation de toute condition de remise du laissez-passer;

b) soit sur demande de l'exploitant de l'aérodrome.

20(5) Every person who has been issued a restricted area pass by or under the authority of an aerodrome operator shall surrender the pass

(a) to the person who issued the pass

i) at the request of that person

ii) on termination of employment at the aerodrome or other circumstances giving rise to the issuance of the pass, or

iii) on the breach of any conditions of issuance of the pass; and

(b) to the aerodrome operator on his demand.

[10]      Les questions en litige sont les suivantes:

     A.      Le tribunal a-t-il rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire en décidant que le demandeur ne détenait pas un laissez-passer valide en date du 2 septembre 1997, lorsqu'il a été intercepté par l'agent Gaudreau?
     B.      Le tribunal a-t-il erré en droit dans son interprétation du paragraphe 20(1) du Règlement à l'effet que les termes "laissez-passer" font référence à un laissez-passer valide?
     C.      Le tribunal a-t-il erré en droit en concluant que le demandeur contrevenait au paragraphe 20(1) du Règlement à la lumière des faits en l'espèce?

[11]      Le demandeur soumet que la preuve en l'espèce a démontré qu'il a respecté les conditions d'émission ou d'application du laissez-passer sans que celles-ci soient définies. Il argumente que le tribunal, en décidant que le paragraphe 20(1) du Règlement requérait à quiconque entrant ou demeurant dans une zone réglementée de détenir un laissez-passer valide, ne s'est pas basé sur la preuve mais plutôt sur de nouvelles exigences qu'il aurait ajoutées.

[12]      Par ailleurs, le demandeur maintient que le laissez-passer vert qu'il détenait était valide jusqu'en mars 1998. Il ajoute que rien n'indique que la distribution des nouveaux laissez-passer rouges invalidait les anciens laissez-passer verts qui étaient toujours en circulation. En fait, le demandeur soumet que le ministère n'a pas donné au système d'établissement de nouveaux laissez-passer un cadre rigide d'application, c'est-à-dire une date fatidique à laquelle tous les laissez-passer seraient invalidés.

[13]      Le défendeur maintient que la norme de contrôle applicable dans ce cas se situe entre celle de la décision à caractère manifestement déraisonnable et de la décision correcte.

[14]      Le défendeur soumet que c'est à bon droit que le tribunal, tant en première instance qu'en appel, a conclu que le demandeur n'était pas détenteur d'un permis valide en date du 2 septembre 1997. Il affirme que le demandeur savait qu'il devait faire remplacer son laissez-passer vert sans quoi il serait facturé pour un laissez-passer perdu en date du 21 avril 1997, et soumet que ce dernier ne s'est présenté au bureau de la sûreté de l'aéroport que deux jours après l'incident, soit le 4 septembre 1997, afin de remettre son laissez-passer vert.

[15]      Le défendeur maintient que le fait que le demandeur détenait un laissez-passer vert sur lequel était inscrit "expiration: mars 1998" ne démontre pas que le laissez-passer évait toujours valide le 2 septembre 1997. Il soutient plutôt que l'exploitant de l'aéroport a le pouvoir discrétionnaire d'exiger la remise du laissez-passer en vertu du paragraphe 20(5) du Règlement. De plus, le défendeur argumente que M. Savard avait déjà expédié quatre mises en demeure au demandeur avant l'incident et que par conséquent, il était au courant des changements et des démarches qu'il devrait suivre pour s'y conformer.

[16]      Le défendeur soumet que le Tribunal n'a pas erré en droit en décidant que le pargraphe 20(1) du Règlement requérait à quiconque entrant ou demeurant dans une zone réglementée de détenir un laissez-passer valide. Il est implicite, selon lui, que ce paragraphe se réfère uniquement à un laissez-passer valide, sinon, le résultant serait absurde. Le défendeur ajoute qu'en vertu de cette disposition, le laissez-passer du demandeur devait être en sa possession lorsqu'il a été intercepté par l'agent Gaudreau.

[17]      Le demandeur demande à la Cour d'annuler la décision rendue le 12 mars 1999 par le tribunal et de condamner le défendeur à rembourser au demandeur tous les frais et honoraires qu'il a dû encourir en ce qui a trait au présent dossier.

[18]      Il semble bien établi, à la lumière de l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration, [1999] S.C.J. No. 39, qu'une décision discrétionnaire comme celle prévue au paragraphe 7.7(1) de la Loi, rendue par le Ministre des transports, ne pourra être révisée par cette Cour à moins qu'elle ne soit déraisonnable.

[19]      La preuve qui a été présentée dans cette affaire ne semble pas démontrer que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu'il a déterminé que le demandeur ne détenait pas un laissez-passer valide en date du 2 septembre 1997.

[20]      Le paragraphe 20(1) du Règlement prévoit qu'il est interdit d'entrer ou de demeurer dans une zone réglementée à moins d'avoir en sa possession un laissez-passer remis pour cette zone et de se conformer à toutes les conditions de remise ou d'approbation du laissez-passer.

[21]      Il a été mis en preuve que quatre lettres ont été envoyées au demandeur. Un premier avis fut transmis en date du 12 septembre 1996. Un deuxième avis en date du 2 janvier 1997 stipulait comme suit:

Veuillez s.v.p. aviser votre personnel que nous leur accordons jusqu'au 1er février 1997, pour se conformer à la nouvelle réglementation. Passer cette date, les laissez-passer verts seront invalides et par le fait même les personnes affichant ces laissez-passer périmés seront exclues des zones réglementées.

[22]      Un troisième avis fut expédié le 14 janvier 1997 puis, finalement, un quatrième avis fut envoyé le 15 avril 1997. Je tiens à citer le deuxième paragraphe de la page 2 de cette dernière lettre:

Or, il appert que vous ne vous êtes pas conformés à ces demandes. Nous avons demandé aux 28 autres exploitants d'aérodromes signataires de l'entente, de saisir tous les laissez-passer périmés en provenance de l'aéroport international Jean-Lesage.

[23]      Bien que le demandeur soumet ne pas se souvenir avoir reçu les avis en question, Madame Pauline Gagnon, son adjointe administrative, aurait déclaré avoir porté le contenu de ces avis à la connaissance de M. Labbé au moins à deux reprises.

[24]      Le paragraphe 20(5) du Règlement établit clairement que la personne à qui un laissez-passer a été remis doit le rendre sur demande de l'exploitant de l'aérodrome. Ainsi, même si le système d'établissement des nouveaux laissez-passer ne prévoyait pas de date fatidique à laquelle les laissez-passer verts seraient invalidés, il semble clair que le demandeur devait remettre son ancien laissez-passer sur demande, donc aussitôt la demande faite. Or, en l'espèce, la preuve démontre que l'exploitant de l'aérodrome a fait au moins quatre demandes aux détenteurs de laissez-passer au cours d'une période de huit mois, sous forme de mises en demeure. Le demandeur a seulement remis son laissez-passer vers le 4 septembre 1997, soit quatre mois et demi après la dernière mise en demeure et deux jours après avoir été intercepté par l'agent de sécurité Gaudreau.

[25]      À la lumière de ces faits, il semble clair que le demandeur n'a pas respecté le paragraphe 20(5) du Règlement et il serait même possible de dire qu'il ne s'est pas conformé à l'une des conditions statutaires de remise de son laissez-passer prescrites au paragraphe 20(1) du Règlement. Malgré le fait que le demandeur détenait un laissez-passer vert portant la date d'expiration "mars 1998", je suis satisfait qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire conféré à M. Savard en vertu du paragraphe 20(5) du Règlement ce dernier pouvait modifier les conditions du laissez-passer.

[26]      Il est essentiel pour la protection des passagers, des équipages et de toute l'installation aéronautique que des mesures efficaces de surveillance et de sécurité soient établies et respectés par tous. En vertu de la Loi, le Ministre a désigné des administrateurs aux aérodromes leur conférant tous les pouvoirs nécessaires pour imposer les mesures de sécurité appropriées.

[27]      Je suis satisfait que le Tribunal de l'aviation civile n'a commis aucune erreur en décidant tel qu'il l'a fait le 12 mars 1999. Par conséquent, la demande est rejetée.

                                     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 29 décembre 1999

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