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     Date: 19991208

     Dossier: IMM-1234-99


ENTRE :


RANA TARIQ MAHMOOD BHATTI


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McGILLIS

[1]      Le demandeur a contesté, au moyen d'une demande de contrôle judiciaire, une décision datée du 17 février 1999 par laquelle une agente des visas avait refusé la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada.

[2]      Au mois d'octobre 1997, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente; il a déclaré vouloir exercer la profession de « réviseur » , code 5122.0 de la CNP. Selon l'énoncé de ses antécédents professionnels au Pakistan, le demandeur aurait travaillé comme rédacteur d'un journal, le Daily Mashriq, du mois de novembre 1990 au mois de décembre 1993. En outre, du mois de décembre 1993 jusqu'à son arrivée au Canada, au mois d'octobre 1995, le demandeur était propriétaire et rédacteur du Mulazamad-E-Gazette Weekly. Le demandeur a présenté à l'appui une preuve documentaire établissant qu'il était titulaire d'un baccalauréat ès arts ainsi que d'un diplôme en journalisme. En ce qui concerne ses antécédents professionnels, le demandeur a soumis des documents visant à établir qu'il était propriétaire et rédacteur d'un hebdomadaire, le Mulazamad-E-Gazette. À cet égard, il a produit des documents confirmant qu'il avait obtenu l'assentiment du gouvernement du Pakistan pour établir cet hebdomadaire. Par une note datée du 24 avril 1993, l'inspecteur général de la police, à Lahore, a écrit au magistrat du district au sujet de la publication du Mulazamad-E-Gazette, qui était rédigé en ourdou. Dans sa note, l'inspecteur général déclarait qu'il avait vérifié les [TRADUCTION] « antécédents » du demandeur et qu'il les estimait [TRADUCTION] « exacts » . Il a en outre fait remarquer que le demandeur, qui avait une [TRADUCTION] « bonne réputation dans la localité » , voulait publier un hebdomadaire ourdou sur une base commerciale. Le journal devait être imprimé dans les locaux du Daily Mashriq et être diffusé partout au pays; il devait renfermer des informations au sujet des [TRADUCTION] « [...] vacances au sein du gouvernement, des organismes semi-publics et du secteur privé » . Par une note datée du 8 novembre 1993, la direction juridique de la presse du gouvernement du Panjab, à Lahore, a informé le magistrat du district de ce qui suit :

[TRADUCTION]
     Le ministère ne s'oppose pas à ce que l'on authentifie la déclaration prévue à l'article 7 de la West Pakistan Press and Publications Ordinance 1963, qui doit être faite et signée par M. Rana Tariq Mahmood Bhatti, en sa qualité de rédacteur en chef et d'éditeur, et par M. Kalim Akhtar (gardien de la Mashriq Press, Lahore), en sa qualité d'imprimeur, à l'égard du journal en question.


[3]      Étant donné que la direction juridique de la presse avait donné son assentiment, le magistrat du district a informé le demandeur, par une note datée du 13 novembre 1993, que la déclaration concernant l'hebdomadaire Mulazamad-E-Gazette rédigé en ourdou était authentifiée. Afin d'établir que le gouvernement avait donné son assentiment, le demandeur a soumis une traduction certifiée conforme de la première page du Mulazamad-E-Gazette du 11 décembre 1994, sur laquelle son nom figurait à titre de « rédacteur en chef » . Il a également confirmé son emploi antérieur, en produisant une lettre datée du 3 octobre 1997 du rédacteur en chef du Daily Mashriq, à Lahore, qui déclarait qu'il avait travaillé comme rédacteur à cet endroit pendant plus de trois ans, de 1990 à 1993, qu'il s'était occupé des informations et qu'il avait rédigé des articles. Enfin, le demandeur a produit une lettre datée du 5 janvier 1999 du rédacteur en chef du Khabrain Weekly, à Mississauga (Ontario), lui offrant un emploi de [TRADUCTION] « directeur de la rédaction » . Cette lettre était en partie ainsi libellée :

[TRADUCTION]
À la suite des lettres qui ont été échangées, nous avons examiné tous les renseignements que vous avez fournis et nous avons pris connaissance de vos références à l'égard de votre demande d'emploi. Nous confirmons par les présentes que nous vous offrons un emploi à plein temps à titre de directeur de la rédaction de notre hebdomadaire, un journal rédigé en ourdou, emploi que vous commencerez à exercer dès que vous serez disponible.
Nous vous offrons un salaire annuel de 31 200 $ pour une semaine de travail de 44 heures, avec un congé annuel de trois semaines. Le stage durera huit semaines.
Veuillez nous aviser de l'acceptation des conditions d'emploi aussitôt que possible. Nous tenons à vous dire jusqu'à quel point il nous fait plaisir de vous offrir ce poste, étant donné que nous avons besoin d'un rédacteur compétent parlant l'ourdou en vue d'assurer l'essor et le succès de notre journal.


[4]      Le 16 février 1999, l'agente des visas a eu une entrevue avec le demandeur. Dans les notes qu'elle a prises au moment de l'entrevue, l'agente des visas a notamment fait les remarques suivantes :

[TRADUCTION]
Y A-T-IL DES DOCUMENTS ADDITIONNELS ÉTAYANT LES RÉFÉRENCES? IL N'Y EN A PAS. LES RÉFÉRENCES DE L'EMPLOYEUR SONT DATÉES DU MOIS DE DÉCEMBRE 1997, ALORS QU'IL A QUITTÉ SON EMPLOI EN 1993. POURQUOI CES RÉFÉRENCES ONT-ELLES ÉTÉ RÉDIGÉES QUATRE ANS APRÈS SA DÉMISSION? IL A OBTENU LA LETTRE EN VUE D'APPUYER SA DEMANDE, IL N'A PAS D'AUTRES DOCUMENTS FAISANT ÉTAT DE SES ANTÉCÉDENTS. IL A SOUMIS UN JOURNAL PAKISTANAIS, AVEC UNE TRADUCTION PARTIELLE, SUR LEQUEL SON NOM FIGURE À TITRE DE RÉDACTEUR.
ACTIVITÉS : RÉDACTEUR EN CHEF ET PROPRIÉTAIRE. IL S'OCCUPAIT DES POSTES VACANTS, DE L'IMPRESSION, DE LA PUBLICATION ET DONNAIT DES INSTRUCTIONS AU PERSONNEL, IL S'OCCUPAIT DE TOUTES LES QUESTIONS SE RAPPORTANT AU JOURNAL. PEUT-IL FOURNIR PLUS DE DÉTAILS? ESPACE, DÉLAIS, VACANCES, LONGUEUR, TAILLE, ERREURS, FAUTES D'ORTHOGRAPHE, COORDINATION DE LA PRODUCTION, SITUATIONS IMPRÉVUES. Y A-T-IL AUTRE CHOSE? IL N'Y A RIEN D'AUTRE. QUANT À L'AUTRE JOURNAL : INFORMATIONS ET ARTICLES. IL S'OCCUPAIT DES INFORMATIONS ET RÉDIGEAIT DES ARTICLES; IL CHOISISSAIT LES INFORMATIONS ET VÉRIFIAIT L'ESPACE ET L'EXACTITUDE. S'EST-IL OCCUPÉ D'AUTRE CHOSE À UN ENDROIT OU L'AUTRE? IL A RÉPONDU : « C'EST PRINCIPALEMENT LÀ CE QUE JE FAISAIS. »
J'AI COMPARÉ LA DESCRIPTION DE TRAVAIL ET LA CNP. LE DEMANDEUR N'A PAS MENTIONNÉ :
L'APPRÉCIATION DES MANUSCRITS ET DES ARTICLES, LES TEXTES D'ACTUALITÉ ET LES DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES.

[5]      À la fin de l'entrevue, l'agente des visas a informé le demandeur qu'à son avis, il n'avait pas le minimum d'une année d'expérience [TRADUCTION] « [...] à exercer toute la gamme des fonctions d'un réviseur [...] » tel qu'il en est fait mention dans la Classification nationale des professions.

[6]      Par une lettre datée du 22 février 1999, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente. Dans sa lettre, elle a informé le demandeur qu'elle lui avait attribué 72 points en tout, soit plus que le minimum nécessaire. Toutefois, elle a déclaré que son [TRADUCTION] « manque d'expérience » faisait [TRADUCTION] « obstacle » à sa demande. À cet égard, la lettre disait notamment ceci :

[TRADUCTION]
Comme vous l'avez demandé, j'ai apprécié votre demande en tenant compte de la profession de rédacteur que vous envisagiez d'exercer. Selon la description de travail, vous n'avez pas au moins une année d'expérience à plein temps en ce qui concerne les fonctions afférentes à cette profession telles qu'elles sont définies dans la Classification nationale des professions. Vous n'êtes donc pas admissible à titre d'immigrant en ce qui concerne cette profession.

[7]      Dans l'affidavit qu'elle a déposé dans la présente instance, l'agente des visas a traité de la preuve documentaire fournie par le demandeur à l'appui de sa demande de résidence permanente en déclarant ce qui suit :

[TRADUCTION]
7.      J'ai remarqué que les références étaient datées de l'année 1997 alors qu'il avait quitté son emploi en 1993. Le demandeur a expliqué que les références étaient destinées à appuyer sa demande de résidence permanente. Il a également présenté ce qui semblait être une page d'un journal pakistanais, avec une traduction partielle certifiée conforme, sur laquelle figurait son nom à titre de rédacteur. Il y avait également une copie d'un document adressé au magistrat du district concernant la publication d'un hebdomadaire. Il n'a soumis rien d'autre à l'appui de ses antécédents professionnels.
8.      La copie du document d'authentification de la déclaration indique le titre du poste que le demandeur devait occuper et ne renferme aucune description de travail. De plus, rien ne montre qu'il ait entrepris ce travail. La traduction d'une partie du journal montre qu'il travaillait comme rédacteur. Je ne puis conclure, en me fondant uniquement sur ces éléments, que le demandeur a exercé toute la gamme des fonctions qu'un réviseur doit exercer selon la Classification nationale des professions.
[...]
13.      Le demandeur avait présenté une offre d'emploi au Canada à titre de directeur de la rédaction. J'en ai tenu compte en appréciant sa demande. Je n'en ai pas tenu compte lorsque j'ai refusé la demande.

[8]      L'examen de tous les éléments de preuve versés au dossier, notamment des notes de l'agente des visas, de la lettre de refus et de l'affidavit, confirme que l'agente des visas n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve concernant l'expérience que le demandeur avait à titre de rédacteur ou qu'elle n'a pas apprécié tous ces éléments de preuve. En particulier, l'agente des visas ne semble pas avoir tenu compte du fait que le gouvernement paskistanais avait autorisé le demandeur à publier un hebdomadaire sur une base commerciale pour diffusion dans tout le pays. En outre, elle n'a pas tenu compte du contenu des références concernant les trois années pendant lesquelles le demandeur avait travaillé comme rédacteur au Daily Mashriq et a semblé ne pas en avoir tenu compte pour le motif que les références [TRADUCTION] « [...] étaient destinées à appuyer sa demande de résidence permanente » . De plus, elle n'a pas tenu compte du fait que selon deux des documents du gouvernement paskistanais, le journal que le demandeur se proposait de publier devait être imprimé dans les locaux du Daily Mashriq, où le demandeur avait déjà travaillé, selon les références. L'agente des visas ne pouvait donc pas omettre de tenir compte du contenu des références pour le motif qu'elles étaient [TRADUCTION] « [...] destinées à appuyer sa demande de résidence permanente » . Enfin, l'agente des visas a conclu que l'offre d'emploi de directeur de la rédaction d'un hebdomadaire qui avait été faite au demandeur au Canada n'avait rien à voir avec la question de l'expérience. Je ne suis pas d'accord. L'offre d'emploi se rapportait précisément à la profession à l'égard de laquelle l'agente des visas appréciait le demandeur et, partant, elle prouvait dans une certaine mesure l'expérience du demandeur.

[9]      Cela étant, j'ai conclu que la décision par laquelle l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente était manifestement déraisonnable puisque l'agente des visas n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve que le demandeur avait soumis au sujet de son expérience de rédacteur ou qu'elle a omis d'apprécier tous ces éléments.

[10]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour réexamen. L'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.


     « D. McGillis »

     Juge

Toronto (Ontario),

le 8 décembre 1999


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-1234-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      RANA TARIQ MAHMOOD BHATTI

     demandeur

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MARDI 7 DÉCEMBRE 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT du juge McGillis en date du 8 décembre 1999

ONT COMPARU :

     Paul Vandervennen

         pour le demandeur

     Cheryl D. Mitchell

         pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

         Paul Vandervennen

         Avocat

         45, rue St. Nicholas

         Toronto (Ontario)

         M4Y 1W6

             pour le demandeur

         Morris Rosenberg

         Sous-procureur général du Canada

             pour le défendeur     


COUR FÉDÉRALE DU CANADA
     Date: 19991208
     Dossier: IMM-1234-99

ENTRE :
RANA TARIQ MAHMOOD BHATTI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
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