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     Date : 19990305

     Dossier : DES-2-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 5 MARS 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

Entre

     VAL MEREDITH,

     demanderesse,

     - et -

     FRANK PRATT et

     LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ,

     défendeurs

     ORDONNANCE

     LA COUR,

     Par les motifs prononcés en l'espèce, ordonne à M. Barry Denofsky de comparaître de nouveau pour être contre-interrogé sur son affidavit, à la date, à l'heure et au lieu convenus entre les parties, et pour répondre aux questions numérotées 4, 6 et 7 (savoir respectivement les questions 64, 65 et 66),

     Et ordonne au défendeur Service canadien du renseignement de sécurité de payer à la demanderesse ses dépens fixés à 2 500,00 $.

     Signé : Max M. Teitelbaum

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19990305

     Dossier : DES-2-98

Entre

     VAL MEREDITH,

     demanderesse,

     - et -

     FRANK PRATT et

     LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ,

     défendeurs

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge TEITELBAUM

[1]      Il y a en l'espèce requête de la demanderesse Mme Val Meredith tendant à ordonnance à Barry Denofsky de répondre à des questions légitimes touchant à l'affidavit qu'il a établi sous serment le 11 septembre 1998.

[2]      Les motifs invoqués à cet effet figurent dans l'avis de requête, en pages 2, 3, 4 et 5 du dossier de la requête de la demanderesse.

[3]      Il est important de noter que M. Denofsky, représentant le défendeur Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), a refusé de répondre à 51 questions sur objections de son avocate.

[4]      À l'audience, l'avocate du SCRS a reconnu que 39 de ces 51 questions étaient légitimes et, ne s'y opposant plus, elle y a répondu par écrit.

[5]      Par ordonnance en date du 5 octobre 1998, j'ai ordonné que M. Denofsky, qui avait déposé l'affidavit au nom du SCRS, serait interrogé sans préjudice du droit de ce dernier de s'opposer à toute question qui toucherait aux questions de sécurité nationale.

[6]      Cette ordonnance ne laisse aucun doute que l'avocate du SCRS ne pourrait soulever des objections que si la question était hors sujet, était frivole ou touchait aux questions de sécurité nationale.

[7]      Il n'est pas nécessaire de reproduire les 51 questions contestées. Ceux qui s'y intéresseraient pourraient les trouver à la languette " D " du dossier de la requête de la demanderesse.

[8]      Comme noté supra, l'avocate du SCRS s'oppose maintenant à 12 de ces 51 questions. Elles sont numérotées 1 à 9, 11, 34 et 51.

[9]      Pour plus de clarté, il est nécessaire de reproduire les 12 questions auxquelles le SCRS continue de s'opposer du fait que, selon son avocate, elles touchent à des questions de sécurité nationale.

[10]      Numéro 1, Question 62 :

         Savez-vous combien de temps M. Corcoran a pris pour examiner attentivement la liste des questions jointe à son attestation en date du 30 juin 1998?                 

[11]      M. Corcoran est un sous-directeur des opérations (voir la transcription du contre-interrogatoire du 20 octobre 1998 de Denofsky, page 5). Il a signé le 30 juin 1998 une attestation en application des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada.

[12]      Cette question tend à établir combien de temps M. Corcoran a pris pour examiner " attentivement " la liste des questions jointe à son attestation. Je ne vois pas pourquoi M. Denofsky doit répondre à cette question qui n'a rien à voir avec l'affaire. Le temps que M. Corcoran a pu prendre pour examiner les questions jointes à son attestation de fait pas, à mon avis, que celle-ci soit plus ou moins valide.

[13]      L'attestation invoque la sécurité nationale, et je me prononcerai sur ce point plus tard, si besoin est.

[14]      Numéros 2 et 3, Question 62 :

         Pourriez-vous demander à M. Corcoran ce qu'il a fait pour examiner attentivement les questions visées par son attestation?                 
         Pourriez-vous demander à M. Corcoran combien de temps il y a consacré, quelle était la nature de son examen, quels documents il a pu examiner, et avec qui il a pu parler pour parvenir à la conclusion qu'il a tirée?                 

[15]      L'observation faite au sujet de la question numéro 1 s'applique également à celles-ci. En outre, je conclus qu'une réponse de M. Corcoran quant aux documents qu'ils a pu examiner et aux personnes avec qui il a pu parler pour parvenir à la conclusion qu'il a tirée, pourrait toucher à la question de sécurité nationale.

[16]      Numéro 4, Question 64 :

         Êtes-vous disposé à demander à M. Corcoran ou à quelqu'un d'autre du SCRS de nous dire comment on a appris que la défenderesse avait introduit une requête (entendue en Cour de l'Ontario, Division générale, le 7 juillet 1998)?                 

[17]      Il n'y a aucune raison de refuser de répondre à cette question.

[18]      Numéro 5, Question 65 :

         M e Wall s'oppose à ce qu'il soit répondu aux questions relatives à l'attestation, ainsi qu'aux modalités et aux raisons de son dépôt.                 

[19]      Il ne s'agit pas là d'une question, mais d'une assertion. Que pourrait M. Denofsky y répondre?

[20]      Numéro 6, Question 65 :

         Au 30 juin 1998, le Service était-il au courant de la date de l'audition de la requête, le 7 juillet, en Cour de l'Ontario (Division générale)?                 

[21]      Je pense que cette question peut être pertinente et, à la lumière des preuves produites, n'a rien à voir avec les questions de sécurité nationale.

[22]      Numéro 7, Question 66 :

         Au 30 juin 1998, la position du SCRS était-elle que la divulgation des renseignements dont fait état la liste des objections jointe à l'attestation, porterait atteinte à la sécurité nationale du Canada?                 

[23]      Je conclus que le Service peut répondre à cette question par un simple oui ou non. Si la réponse est affirmative, il ne sera pas question de demander à M. Denofsky pourquoi le SCRS est d'avis que la sécurité nationale est en jeu.

[24]      Numéro 8, Question 68 :

         Avez-vous une preuve quelconque que l'avocate du SCRS n'était pas présente à l'audition de la requête, le 7 juillet 1998, en Cour de l'Ontario (Division générale)?                 

[25]      Cette question n'a aucun rapport avec la question de la validité de l'attestation et n'appelle pas une réponse.

[26]      Numéro 9, Question 69 :

         Reconnaissez-vous qu'il n'y a pas eu appel contre l'ordonnance en date du 7 juillet 1998 du juge MacLeod?                 

[27]      Cette question n'appelle pas une réponse car je n'en vois pas le rapport avec l'affaire. Que M. Denofsky convienne ou non qu'il y a eu appel contre l'ordonnance du juge MacLeod ne fait pas que l'attestation déposée par M. Corcoran soit plus ou moins valide.

[28]      Numéro 11, Question 85 :

         Le dépôt de l'attestation était-il motivé par le souci du SCRS d'éviter que soient rendues publiques les informations sur la nature de son enquête sur ce traducteur russe?                 

[29]      Cette question peut avoir de graves conséquences pour la sécurité nationale et il ne faut pas y répondre. Il se peut qu'ultérieurement il soit jugé que la sécurité nationale n'est pas en jeu, mais d'y répondre ne serait-ce que par cette phrase " oui, le SCRS s'inquiète de la divulgation de la nature de son enquête ", pourrait porter indirectement atteinte à la sécurité nationale du Canada.

[30]      Il ne faut pas répondre à cette question.

[31]      Numéros 34 et 51, Questions 139 et 192 :

         Pensez-vous que les propos de Hensler porteraient atteinte à la sécurité nationale du Canada?                 
         Savez-vous à quelle date le SCRS a rendu compte au CSRS à la suite des recommandations de ce dernier?                 

[32]      Malgré l'argumentation éloquente de l'avocat de la demanderesse sur ce point, je ne vois pas en quoi les propos de M. Hensler seraient pertinents ou pourraient aider la Cour à juger de la validité de l'attestation. Je ne vois pas non plus en quoi le fait de connaître la date à laquelle le SCRS a rendu compte au CSRS à la suite des recommandations de ce dernier, pourrait aider la Cour à se prononcer sur la validité de l'attestation en cet état de la cause.

[33]      Il n'est pas nécessaire de répondre à ces deux questions.

[34]      Il y a lieu de souligner que la seule question à trancher par la Cour est la validité de l'attestation déposée en application des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada.

[35]      L'avocat de la demanderesse soutient que " la question centrale qui se pose devant la Cour (c'est-à-dire la Cour fédérale) est de savoir si cette attestation anéantit dans les faits l'ordonnance du juge MacLeod ".

[36]      Ce n'est pas l'ordonnance de Mme le juge MacLeod qui est en cause. Je sais que celle-ci a rendu une ordonnance, que je tiens pour valide tant qu'elle n'est pas infirmée sur appel. Cependant, je ne suis pas tenu de m'y conformer pour me prononcer sur la validité de l'attestation de M. Corcoran, qui a été déposée en application de la Loi sur la preuve au Canada. Le fait que cette attestation est antérieure à l'ordonnance de Mme le juge MacLeod n'a pas pour effet d'anéantir les effets de l'attestation elle-même.

[37]      L'ordonnance de Mme le juge MacLeod ne touchait pas à la question de sécurité nationale. Elle portait sur le point de savoir si les questions à poser avaient un rapport avec l'affaire dont la Cour de l'Ontario, Division générale, était saisie. Ce qui nous occupe en l'espèce, c'est la validité de l'attestation et, en dernière analyse, le point de savoir si la sécurité nationale sera compromise par les réponses aux questions posées.

[38]      La personne qui signe un affidavit, tel M. Denofsky en l'espèce, doit se prêter au contre-interrogatoire au sujet de cet affidavit, mais l'attestation déposée en application des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada peut dispenser de répondre à certaines questions si la sécurité nationale est en jeu.

[39]      Après examen des 12 questions auxquelles s'opposait le défendeur SCRS, j'ordonne par les présentes que M. Denofsky comparaîtra de nouveau pour être contre-interrogé sur son affidavit, à la date, à l'heure et au lieu convenus entre les parties, et pour répondre aux questions numérotées 4, 6 et 7 (savoir respectivement les questions 64, 65 et 66).

FRAIS ET DÉPENS

[40]      L'avocat de la demanderesse soutient avec éloquence qu'il y a lieu d'allouer les dépens à sa cliente peu importe l'issue de la requête en instance.

[41]      Normalement, les dépens sont alloués à la partie qui l'emporte. En l'espèce, ni l'une ni l'autre partie ne l'a emporté en totalité, puisque j'ordonne à M. Denofsky de répondre à trois des douze questions contestées.

[42]      Dans les cas où l'une et l'autre parties réussissent à prouver par leurs conclusions pourquoi il faut répondre à certaines questions et non à d'autres, je n'alloue pas les dépens ou bien ordonne qu'ils suivront le sort du principal.

[43]      Eu égard aux circonstances de la cause, j'alloue à la demanderesse la somme forfaitaire de 2 500,00 $ à titre de dépens.

[44]      Lors du contre-interrogatoire de M. Denofsky, l'avocate du SCRS s'est opposée à 51 questions. C'était son droit. Mais après avoir élevé 51 objections à cette occasion, elle a attendu jusqu'à un ou deux jours ouvrables avant l'audition de la requête pour retirer 39 de ces objections. Cela veut dire que l'avocat de la demanderesse a dû préparer et déposer un avis de requête puis préparer et présenter ses conclusions sur toutes les 51 questions contestées.

[45]      Les choses auraient été bien plus simples si elle avait examiné, dès après le contre-interrogatoire, les questions contestées, puis informé l'avocat de la demanderesse qu'elle ne maintenait ses objections qu'à l'égard de 12 d'entre elles. Il est possible que si celui-ci avait su que seules 12 questions demeuraient contestées, le différend aurait pu être réglé à l'amiable, ce qui nous aurait épargné une perte considérable de temps et d'argent.

CONCLUSION

[46]      M. Denofsky comparaîtra de nouveau pour être contre-interrogé conformément aux présents motifs et le défendeur paiera à la demanderesse la somme de 2 500,00 $ à titre de dépens.

     Signé : Max M. Teitelbaum

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 5 mars 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              DES-2-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Val Meredith c. Frank Pratt et Service canadien du renseignement de sécurité

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      15 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM

LE :                      5 mars 1999

ONT COMPARU :

Michael Rankin                  pour la demanderesse

Peter Bean

Ian Stauffer                      pour le défendeur Frank Pratt

Linda Wall                      pour le défendeur SCRS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener                  pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Tierney Stauffer                  pour le défendeur Frank Pratt

Ottawa (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur SCRS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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