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Date : 19990629


Dossier : T-1299-98

Toronto (Ontario), le mardi 29 juin 1999

EN PRÉSENCE DE M. le juge Mackay


ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     demandeur,


- et -



ISLAM OMAR DARBOUR,

défendeur.



JUGEMENT

     VU l"appel formé par le demandeur contre une décision prononcée par un juge de la Cour de la citoyenneté le 27 avril 1998, conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , et

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des parties

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT : l"appel est accueilli et la décision du juge de la Citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté du défendeur est annulée.

" W. Andrew MacKay "

                                 Juge

Traduction certifiée conforme :


Richard Jacques, LL. L.




Date : 19990706


Dossier : T-1299-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -

     ISLAM OMAR DABBOUR,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE MacKAY

[1]      Le Ministre demandeur interjette appel d"une décision prononcée par un juge de la Cour de la citoyenneté le 27 avril 1998. Le moyen invoqué est que le juge en question se serait trompé en concluant que le défendeur remplissait les conditions de résidence prévues par la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi).

[2]      L"alinéa 5(1)c ) la Loi autorise le Ministre à attribuer la citoyenneté à un résident permanent qui " a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans [...] ". Dans le présent appel, le Ministre prétend que le défendeur n"a pas rempli cette condition.

[3]      Dans l"avis notifiant au Ministre la décision du juge de la citoyenneté, le juge explique de la manière suivante pourquoi il a approuvé la demande du défendeur :

         [TRADUCTION] Malgré un manque de jours de résidence, le demandeur a, par une déclaration d"intention digne de foi et la fourniture d"indices irréfutables, donné la preuve de l"établissement d"une résidence canadienne et d"un mode de vie centralisé au Canada entièrement compatible avec la poursuite d"études à temps plein en médecine à l"université de Damas, en Syrie, où il était inscrit comme étudiant de 4e année à temps plein lorsqu"il est arrivé au Canada comme résident permanent. Toutes les autres conditions ayant été remplies, j"ai décidé d"approuver sa demande de citoyenneté. Documents présentés à l"audition : Imm 1000, le bail d"un appartement au nom de son père, voir le dossier du père #2 8051 Dabbour Omar Mahmoud Ali.

[4]      Le défendeur est arrivé au Canada et a obtenu le droit d"établissement comme résident permanent le 17 juillet 1994. Il a demandé sa citoyenneté le 25 août 1997. Lorsqu"il est arrivé au Canada, il étudiait à temps plein en médecine à l"université de Damas, en Syrie. Dans le questionnaire sur la résidence qu"il a rempli pour la présente demande de citoyenneté, il écrit :

         [TRADUCTION] [...] j"étais étudiant à la faculté de médecine de l"université de Damas, en Syrie [...] J"étais en quatrième année. Il me restait trois ans avant de pouvoir devenir docteur. J"ai essayé de m"inscrire dans plusieurs écoles de médecine au Canada. Mais, on m"a répondu que les différences entre les systèmes ne permettaient pas de créditer les cours que j"ai suivis à Damas et que je devrais tout reprendre de zéro pour pouvoir devenir médecin, ce qui m"aurait fait perdre les longues années d"études en médecine faites à l"école de médecine de Damas.

Après son arrivée au Canada, il a poursuivi ses études de médecine à Damas, ce qui a compris des activités cliniques dans des hôpitaux au Royaume-Uni.

[5]      Pour terminer ses études, le demandeur a passé de longues périodes à l"extérieur du Canada, notamment cinq mois, environ, où il a vécu principalement au Royaume-Uni. Après sa première arrivée, le 17 juillet 1994, il est resté au Canada jusqu"au 18 septembre de cette année-là, date à laquelle il est retourné à l"étranger pour la première fois. Au cours des trois années et un mois environ compris entre son arrivée et son établissement en tant que résident permanent en 1994 et la date de sa demande de citoyenneté, il a, d"après ses propres calculs, été absent du Canada pendant 800 jours, au total. Cela signifie qu"il a résidé au Canada pendant environ 340 jours, au total, avant de présenter sa demande de citoyenneté, ce qui est loin de correspondre à trois ans ou 1 095 jours. Après son arrivée au Canada, il est resté seulement 63 jours avant de retourner poursuivre ses études et il est revenu au Canada temporairement entre ses sessions, son séjour le plus long au pays étant de 92 jours en 1996.

[6]      Pour le compte du Ministre, il a été affirmé que le juge de la citoyenneté a adopté un critère erroné pour apprécier si le demandeur avait rempli les conditions de résidence prévues par la Loi. Subsidiairement, il a été avancé que la décision du juge tend à appliquer une jurisprudence selon laquelle, une fois que la résidence est établie au Canada, elle se poursuit malgré des absences temporaires du pays, à moins que ces absences ne soient considérées comme un abandon de résidence, une fois celle-ci établie.

[7]      Pour le défendeur, il est affirmé qu"au moment de son entrée au Canada, il était à la charge de ses parents; même s"il était majeur, il était encore un étudiant dénué de ses propres ressources. En outre, il est avancé qu"il était apatride à ce moment-là, selon sa demande, même s"il était né au Koweit et étudiait en Syrie depuis quelques années. À son arrivée ici, il avait fait la moitié de ses études en médecine et il ne pouvait poursuivre celles-ci au Canada sans perdre les années qu"il y avait déjà consacrées. Pendant ses séjours à l"étranger, il n"avait pas de résidence permanente, vivant seulement dans des logements loués, aidé par sa famille qui vit à Halifax et chez qui il revenait chaque printemps. Pendant qu"il était au Canada, il a fait du bénévolat auprès des hôpitaux et des organismes locaux. Il s"est fait, dans la région de Halifax, quelques amis avec qui il a gardé le contact lorsqu"il se trouvait à l"étranger.

[8]      En toute déférence, j"estime que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en déclarant que le demandeur a fait la preuve de l"établissement d"une résidence canadienne et d"un mode de vie centralisé au Canada [TRADUCTION] " entièrement compatible avec la poursuite d"études à temps plein en médecine à l"université de Damas, en Syrie, où il était inscrit comme étudiant de 4e année à temps plein lorsqu"il est arrivé au Canada comme résident permanent ". Le critère fixé par la loi n"est pas de savoir si la résidence au Canada est compatible avec le fait de poursuivre, à l"étranger, des études, d'y traiter des affaires ou de s'y livrer à d"autres activités.

[9]      En outre, même si la décision était interprétée comme indiquant que le juge de la citoyenneté a décidé sur la base d"une [TRADUCTION] " déclaration d"intention digne de foi et la fourniture d"indices irréfutables " que le demandeur avait établi une résidence canadienne et avait centralisé son mode de vie au Canada, sur la base du critère énoncé initialement par le juge en chef adjoint d'alors, le juge Thurlow, dans l"affaire Re Papadogiorgakis , [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), j"estime, avec égards, que le juge a mal appliqué le principe tiré de cette affaire. L"intention d"une personne qui demande la citoyenneté peut être pertinente lorsqu"il y a une preuve que la résidence a été établie. En l"espèce, aucune preuve au dossier ne vient étayer la conclusion du juge.

[10]      Il ne suffit pas de ne pas être du même avis que le juge de première instance sur une conclusion de fait. Conformément avec la décision du juge Lutfy dans l"affaire Re Lam , [1999] A.C.F. no 410, le tribunal saisi du contrôle judiciaire d"une décision d"un juge de la citoyenneté cherche à cerner quel critère le juge a appliqué et vérifie ensuite s"il a bien appliqué ce critère. La norme de contrôle judiciaire est essentiellement celle de la décision correcte. En l"espèce, il n"y a tout simplement aucune preuve justifiant la conclusion que le demandeur a établi sa résidence au Canada avant de partir pour la première fois à Damas poursuivre ses études en septembre 1994, quelque 63 jours après son arrivée et son établissement au Canada. Il aurait fallu conclure que la résidence avait été établie à cette époque pour pouvoir conclure que le demandeur avait rempli la condition de trois ans de résidence au Canada même s"il devait être considéré comme un résident par la suite pendant ses absences du pays. Et ce, parce que sa demande de citoyenneté a été présentée moins de trois années complètes après qu"il a quitté le pays pour la première fois en septembre 1994 pour poursuivre ses études et seulement trois ans et un mois environ après son arrivée au Canada pour la première fois.

Conclusion

[11]      J"estime, respectueusement, que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en énonçant le critère applicable pour examiner la résidence en vertu du principe qui reconnaît une résidence continue malgré une absence à l"étranger une fois que la résidence a été établie. Il n"y a tout simplement aucune preuve pour étayer la conclusion selon laquelle le défendeur a établi sa résidence au Canada dans les soixante et trois jours où il est demeuré ici après sa première arrivée et avant de partir poursuivre ses études.

[12]      À la conclusion de l"audition, j"ai prononcé oralement un jugement accueillant l"appel du Ministre.

[13]      Je fais remarquer, pour mémoire, que le défendeur a soulevé une question de procédure dans le dossier de la demande initiale, au sujet du défaut du Ministre demandeur de déposer un affidavit avec sa demande d"appel. Avant l"audition de la présente affaire, Madame le juge Reed a réglé cette question, de manière préliminaire, par une ordonnance interlocutoire rendue dans la présente instance, en faisant remarquer qu"il ne s"agit pas d"une demande de contrôle judiciaire, mais plutôt d"un appel prévu par la Loi sur la citoyenneté qui, suivant les Règles de la Cour fédérale (1998), procède par demande, et que la règle 306 de ces Règles n"exige pas le dépôt d"une preuve par affidavit dans le cadre des appels de la citoyenneté. Le juge Evans en est arrivé au même résultat dans l"affaire Re Lau , [1999] A.C.F. no 339 (C.F. 1re inst.). Compte tenu de ces décisions, aucune question n"a été soulevée à l"audience à propos de l"absence de preuve par affidavit déposée pour le compte du Ministre demandeur, dont le dossier contient l"avis de requête, le dossier écrit provenant de la Cour de la citoyenneté et un exposé des faits et du droit.

                                 W. Andrew MacKay

    

     Juge


OTTAWA (Ontario)

Le 6 juillet 1999


Traduction certifiée conforme :


Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :              T-1299-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Islam Dabbour Omar

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 29 juin 1999

     MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MacKAY

     en date du 6 juillet 1999


ONT COMPARU :     

L. Jaakkimainen

Toronto (Ontario)                      POUR LE DEMANDEUR

Mary Lam

Don Mills (Ontario)                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                      POUR LE DEMANDEUR

Cecil L. Rotenberg, c.r.

Avocats

Don Mills (Ontario)                      POUR LE DÉFENDEUR



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