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Date : 20040819

Dossier : T-1313-04

Référence : 2004 CF 1150

Ottawa (Ontario), le 19 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

BENNETT ENVIRONMENTAL INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ET L'AGENCE CANADIENNE D'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

                                                                                                                                          défendeurs

                                                                          - et -

LA PREMIÈRE NATION D'EEL RIVER BAR,

LA PREMIÈRE NATION PABINEAU,

LES MICMACS DE GESGAPEGIAG, LE GOUVERNEMENT MICMAC DE LISTUGUJ ET LE COMITÉ DE CITOYENS DE BELLEDUNE

                                                                                                                                       intervenants

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE


[1]                Le 21 mai de cette année, par un communiqué de presse émanant de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, le ministre de l'Environnement de l'époque, l'Honorable David Anderson, a annoncé qu'il donnait à Bennett Environmental Inc. avis de son intention de renvoyer son installation d'oxydeur thermique à haute température, située à Belledune, au Nouveau-Brunswick, à une commission d'examen pour que celle-ci évalue les effets transfrontaliers potentiels sur l'environnement au Québec, ainsi que sur les terres fédérales et dans les eaux, le tout suivant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

[2]                Le communiqué de presse ajoute que, bien que les experts fédéraux aient été d'avis que l'installation, qui a pour but de débarrasser les sols contaminés des polluants, n'était pas susceptible de causer des effets transfrontaliers négatifs importants sur l'environnement, le ministre a décidé qu'il était nécessaire de procéder à une évaluation additionnelle parce que Santé Canada était d'avis que les données disponibles étaient trop limitées pour affirmer avec une confiance absolue qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter relativement à la santé humaine pour les collectivités transfrontalières.

[3]                Ce communiqué de presse fut suivi de près par une lettre de l'Agence adressée à Bennett l'avisant de l'intention du ministre et par un communiqué de presse additionnel, le 14 juin, annonçant le renvoi effectif du projet à une commission d'examen fédérale.

[4]                Je suis saisi de la demande de Bennett visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 14 juin. Bennett soutient que :


a) le ministre n'a pas véritablement rendu de décision. Il s'ensuit que la commission d'examen ne peut poursuivre son mandat;

b) s'il a rendu une décision, cela n'était pas une décision que le Parlement lui avait donné le pouvoir de rendre. La Loi permet les évaluations environnementales de « projets » . L'installation de Belledune était rendue bien au-delà de l'étape de « projet » aux mois de mai et de juin derniers. En fait, la construction de l'installation, qui était dûment autorisée par les autorités du Nouveau-Brunswick et qui ne nécessitait aucune approbation fédérale, était complétée à plus de 90 p. 100;

c) si le ministre était autorisé à rendre une décision, elle devrait être annulée, par suite d'un contrôle judiciaire, en raison de son caractère déraisonnable, non seulement parce que les experts fédéraux, y compris Santé Canada, étaient d'avis que le projet n'était pas susceptible de causer des effets transfrontaliers négatifs importants mais aussi parce que la norme proposée était impossible à atteindre, puisque personne ne peut prédire le futur avec une confiance absolue;

d) enfin, la décision devrait être annulée parce qu'elle était inéquitable dans les circonstances.

[5]                Je traiterai de chaque observation à tour de rôle.


LE MINISTRE A-T-IL RENDU UNE DÉCISION?

[6]                La Loi, 1992 L.C., ch. 37, et modifications, prévoit deux façons de faire effectuer une évaluation environnementale fédérale. L'une est obligatoire et l'autre discrétionnaire.

[7]                L'article 5 de la Loi exige qu'on procède à une évaluation environnementale avant qu'une autorité fédérale soit directement impliquée dans un projet, comme d'en être le promoteur et de le mettre en oeuvre, qu'elle accorde une aide financière, qu'elle donne accès au territoire domanial ou qu'elle délivre une approbation, un permis ou une licence nécessaire. Nul ne conteste le fait que l'article 5 ne s'applique pas à l'installation de Bennett.

[8]                Néanmoins, le ministre peut renvoyer ce qui serait par ailleurs considéré comme un projet provincial à une commission d'examen fédérale s'il « est d'avis qu'un projet [...] peut entraîner des effets environnementaux négatifs importants » dans une autre province (article 46), sur le plan international (article 47) ou sur un certain territoire domanial, y compris le territoire d'une réserve mis de côté pour l'usage et au profit d'une bande ou un autre territoire sur lequel les Premières nations ont un intérêt.


[9]                Bennett soutient qu'aucun élément de preuve n'indique que le ministre a réellement renvoyé l'installation de Belledune à une commission d'examen. Aucun élément de preuve n'indique qu'il a signé une directive. Tout ce dont nous disposons, ce sont deux communiqués de presse ainsi que la lettre que Bennett a reçue de l'Agence.

[10]            À mon avis, le ministre a, dans les faits, rendu une décision de renvoyer l'affaire à une commission d'examen.

[11]            Ni la Loi ni la common law ne prescrivent la manière ou la forme de la prise de décision. Si l'intention du Parlement était qu'une décision d'exercer un pouvoir discrétionnaire en vertu des articles 46 à 48 de la Loi devait être mise sous forme écrite, il l'aurait dit. Par exemple, les déclarations faites en vertu de l'article 23 de la Loi suivant des rapports d'étude approfondie doivent être écrites.


[12]            Si l'Agence avait publié des communiqués de presse et des avis sans en avoir le pouvoir, nous serions maintenant au courant. Le ministre de l'Environnement est représenté en l'espèce par le sous-procureur général qui n'a pas été informé que le ministre n'avait pas rendu les décisions qu'il semble avoir rendues. L'unique conclusion à tirer est celle que le ministre a donné des directives pour que l'Agence publie les communiqués de presse faisant part de ses décisions. Il n'est pas important de savoir si ces instructions ont été données verbalement ou par écrit. Cela constituerait une intrusion inappropriée dans le fonctionnement du ministère que d'exiger un affidavit, soit du ministre, confirmant qu'il a rendu une décision, soit de quelqu'un de l'Agence, confirmant qu'il ou elle a reçu des instructions de la part du ministre afin de publier les communiqués de presse et de donner un avis à Bennett. Dans les circonstances, le ministère et l'Agence étaient maîtres de leur propre procédure (Re Therrien, [2001] 2 R.C.S. 3, au par. 88). En fait, le communiqué de presse, en soi, aurait pu constituer un avis suffisant (Stratégies St-Laurent c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1998] A.C.F. no 1349, 156 F.T.R. 273, le juge Rouleau).

L'INSTALLATION DE BELLEDUNE CONSTITUE-T-ELLE UN « PROJET » ?

[13]            La Loi n'autorise que les évaluations environnementales de « projets » , qu'elles soient obligatoires, en vertu des articles 5 et suivants, ou qu'elles soient discrétionnaires, découlant de considérations transfrontalières, comme le prévoient les articles 46 et suivants. Le mot « projet » est défini comme suit à l'article 2 de la Loi :


« projet » Réalisation - y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture - d'un ouvrage ou proposition d'exercice d'une activité concrète, non liée à un ouvrage, désignée par règlement ou faisant partie d'une catégorie d'activités concrètes désignée par règlement aux termes de l'alinéa 59b).

"project" means

(a) in relation to a physical work, any proposed construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to that physical work, or

(b) any proposed physical activity not relating to a physical work that is prescribed or is within a class of physical activities that is prescribed pursuant to regulations made under paragraph 59(b);



[14]            Bennett prétend que l'installation, qui, en mai ou juin de cette année, était construite à plus de 90 p. 100, a perdu son statut de « projet » lorsqu'elle a reçu, au début de 2003, l'autorisation d'aller de l'avant de la part des autorités du Nouveau-Brunswick et qu'elle a agi en conséquence. Les défendeurs répliquent qu'ils ne soumettent pas la construction de l'installation à un examen, mais uniquement l'exploitation qui y est envisagée. Cette exploitation est toujours à l'état de « projet » parce que Bennett n'a pas encore reçu l'approbation finale des autorités du Nouveau-Brunswick. Les intervenants vont plus loin. Ils font remarquer que la délivrance du permis de construction fait l'objet d'un appel. Si ce permis était finalement révoqué, la construction serait illégale dès le départ.

[15]            Dans le but de placer ces observations concurrentes en contexte, il est nécessaire d'examiner le but et l'historique du projet.

[16]            Le 6 août 2002, Bennett a formulé une demande aux autorités du Nouveau-Brunswick afin d'obtenir la permission de construire et d'exploiter une installation d'oxydeur thermique à haute température à Belledune. Cette installation, semblable à une autre qui est exploitée au Québec pour elle depuis quelques années déjà, est principalement composée d'un four tournant. Les sols contaminés proviennent de différents sites de « friche industrielle » en Amérique du Nord et sont soumis à une chaleur élevée dans le but de volatiliser les hydrocarbures entraînés. Ces contaminants sont acheminés dans un brûleur post-combustion où ils sont détruits par une chaleur plus élevée. Les gaz de combustion sont traités dans des unités antipollution atmosphérique en aval. Des échantillons des sols traités, jusqu'à cent mille tonnes par année si le plan d'affaires de Bennett fonctionne, sont ensuite prélevés et analysés pour s'assurer qu'ils satisfont aux normes applicables pour l'utilisation finale envisagée.

[17]            Le projet a été renvoyé à un comité d'examen technique composé de représentants d'un certain nombre de ministères du Nouveau-Brunswick, de même que de représentants du ministère fédéral de l'Environnement ainsi que de celui des Pêches et des Océans. Le 17 janvier 2003, Bennett s'est vue accorder l'autorisation de procéder, sous réserve de différentes conditions. Entre autres, elle devait procéder à une évaluation des risques pour la santé humaine, y compris la modélisation des retombées atmosphériques, installer le matériel antipollution approprié, présenter pour approbation des programmes de surveillance du sol et des eaux souterraines et tenir des séances publiques d'information dans la collectivité de Belledune.

[18]            Bennett a agi en conséquence et, le 9 septembre 2003, s'est vue accorder l'autorisation de construire en vertu des lois sur l'assainissement de l'environnement et de l'air du Nouveau-Brunswick. La construction effective a commencé le 15 septembre 2003. L'autorisation permet une exploitation restreinte de l'installation jusqu'au moment de l'essai de mise en service et de rendement. Avant l'exploitation commerciale complète, une approbation du Nouveau-Brunswick est requise.

[19]            Bennett est confiante que l'installation réussira les essais au four de manière très concluante, le tout à la satisfaction des autorités du Nouveau-Brunswick, et qu'elle sera en exploitation commerciale complète pour le mois d'octobre à venir.

[20]            Le projet n'a pas été bien reçu dans certains milieux. Comme je l'ai déjà mentionné, la délivrance du permis de construction fait elle-même l'objet d'un appel. En octobre dernier, une coalition de citoyens concernés du Nouveau-Brunswick et du Québec a déposé une plainte auprès du ministre au sujet de [traduction] « l'incinérateur de déchets toxiques projeté » . Ils affirmaient que le processus d'évaluation environnementale provincial comportait des failles et ils demandaient qu'une évaluation fédérale soit effectuée au motif que le projet pouvait causer des effets négatifs importants au Québec. Les chefs micmacs de la Baie des Chaleurs et du septième district traditionnel de Gesgapegiag ont également exprimé de sérieuses préoccupations selon lesquelles les collectivités des Premières nations en subiraient les conséquences, tout comme la santé de la faune, de la sauvagine, des oiseaux migrateurs et des espèces aquatiques.

[21]            Le ministre a réagi en demandant une analyse des effets transfrontaliers. Un rapport contenant des observations d'Environnement Canada, de Santé Canada, de Pêches et Océans ainsi que des Affaires indiennes et du Nord a été soumis le 17 mai. Je reviendrai plus loin sur ce rapport.

[22]            Je suis arrivé à la conclusion que l'installation de Bennett à Belledune ne constituait plus un « projet » lorsque le ministre a décidé de la renvoyer à une commission d'examen. Puisque la Loi ne l'autorise à renvoyer que des « projets » à une commission d'examen, il s'ensuit qu'il agissait illégalement, et c'est ce que je déclare. La commission d'examen ne peut procéder.

[23]            Il n'est pas nécessaire de déterminer le moment précis où l'installation a dépassé l'étape du « projet » . Toutefois, elle avait certainement dépassé cette étape lorsque la construction a commencé le 15 septembre 2003. Bennett laisse entendre que le statut de « projet » avait expiré vers le 17 janvier 2003, date à laquelle elle s'est vue accorder l'autorisation de procéder. Elle a immédiatement retenu les services de consultants et s'est engagée à faire exécuter les travaux nécessaires. C'est possible.

[24]            L'économie générale de la Loi est de prévoir à l'avance et d'empêcher, dès le départ, que des travaux qui peuvent être préjudiciables à l'environnement soient exécutés. Le préambule de la Loi parle de la « prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision » et de la participation de la population à l'évaluation des « projets à entreprendre » . De plus, parmi les facteurs qu'une commission d'examen doit prendre en compte, conformément à l'article 16 de la Loi, il y a la question de savoir s'il existe des « solutions de rechange » au projet.

[25]            L'approbation d'un projet ne constitue pas un permis de polluer. Si, dans les faits, l'installation pollue, Bennett doit payer et l'installation pourrait être fermée. Les recours prévus par la common law et par la loi demeurent valables.

[26]            L'installation avait passé le point de non-retour, même lorsqu'on a présenté une requête au ministre pour qu'une commission d'examen soit établie. Bien que l'article 28 de la Loi exige de lui qu'il examine de telles requêtes, une requête ne peut avoir pour effet de faire remonter le temps et de ramener l'installation à l'étape de projet.

[27]            Le paragraphe 50(1) de la Loi porte directement sur la question. Il autorise le ministre à interdire au « promoteur » (Bennett) « d'accomplir tout acte permettant la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie » pendant que l'évaluation des effets transfrontaliers est en cours. Bennett avait agi et fait des choses l'engageant à mettre le projet en oeuvre bien avant que le ministre n'ait renvoyé l'affaire à une commission d'examen.

[28]            Dans l'arrêt Bande indienne des Tsawwassen c. Canada (Ministre des Finances), 2001 CAF 58, 270 N.R. 145, 37 C.E.L.R. (N.-É.) 182, le juge Linden, au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré au paragraphe 11 qu' « [u]ne fois qu'un projet est approuvé et que la construction est légalement commencée, cette approbation ne peut pas être réexaminée. [...] [L]es évaluations environnementales doivent être effectuées seulement en ce qui a trait aux ouvrages proposés qui en sont toujours au stade de la planification. » [Soulignement omis.]

[29]            Les défendeurs font cependant remarquer que, après l'arrêt Tsawwassen, la Loi a été modifiée pour y ajouter le paragraphe 2(3) qui prévoit :


Précision

(3) Il est entendu que la réalisation - y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture - d'un ouvrage, ou l'exercice d'une activité désignée par règlement ou faisant partie d'une catégorie d'activités désignée par règlement pour l'application de la définition de « projet » au paragraphe (1), constituent un projet, au minimum, tant qu'une personne ou un organisme visés aux paragraphes 5(1) ou (2), 8(1), 9(2), 9.1(2), 10(1) ou 10.1(2) envisage mais n'a pas encore pris une mesure prévue à ces dispositions.

For greater certainty

(3) For greater certainty, any construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to a physical work and any activity that is prescribed or is within a class of activities that is prescribed for the purposes of the definition "project" in subsection (1) is a project for at least so long as, in relation to it, a person or body referred to in subsection 5(1) or (2), 8(1), 9(2), 9.1(2), 10(1) or 10.1(2) is considering, but has not yet taken, an action referred to in those subsections.

[30]            Je ne vois pas en quoi le paragraphe 2(3) serait utile. Les personnes auxquelles il réfère sont toutes des fonctionnaires fédéraux, et non pas provinciaux. Je ne vois rien dans la Loi qui indique que le Parlement a voulu établir une ligne temporelle différente à l'égard des projets ayant un lien fédéral indirect et quelque peu occulte par la voie des effets transfrontaliers, plutôt qu'un lien direct par la voie de l'article 5 de la Loi.

[31]            Les intervenants ont saisi la déclaration du juge Linden selon laquelle la construction était « légalement commencée » . Si le permis de construction est finalement révoqué, les conséquences de ce projet relativement au Nouveau-Brunswick doivent être déterminées au Nouveau-Brunswick et par les tribunaux du Nouveau-Brunswick. Il en est de même si le permis d'exploitation final est refusé.


LA DÉCISION ÉTAIT-ELLE DÉRAISONNABLE?

[32]            Essentiellement, Bennett affirme que la science est telle que la concentration maximale de polluants serait à 200 mètres de leur source, ce qui est bien en-deça des limites de sa propre propriété. Étant donné que les propres conseillers des ministres pensent qu'il est improbable qu'il y ait des effets transfrontaliers, étant donné que le ministre avait déjà donné comme réponse à une question en Chambre, provenant d'un député du Bloc Québécois, que l'installation de Belledune était une affaire locale et étant donné qu'une élection fédérale a été déclenchée deux jours après le premier communiqué de presse, le ministre savait, ou aurait dû savoir, que la Loi ne pourrait avoir aucune application. De plus, une norme de « confiance absolue » est impossible à satisfaire. Bien qu'il ait été préférable que Santé Canada dise quelque chose selon quoi il ne pouvait pas fermer la porte à une éventuelle possibilité qu'il y ait des effets transfrontaliers en raison d'une insuffisance de données, plutôt que de dire qu'il n'était pas en mesure de l'affirmer avec une « confiance absolue » , le ministre ne peut être abandonné à son sort sur ces mots.


[33]            Puisque j'ai déjà décidé qu'il ne pouvait pas renvoyer l'affaire à une commission d'examen parce que l'installation ne constituait pas un « projet » au sens de la Loi, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question et je refuse de le faire. Toutefois, j'aurais été très réticent à m'ingérer dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. L'objectif de la commission aurait été de recueillir des renseignements additionnels. Même s'il y avait des motifs politiques, la Cour ne peut en tenir compte (Thorne's Hardware Ltd. c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 106, le juge Dickson, à la p. 112). Il convient également de noter que le premier communiqué de presse a été publié seulement quatre jours après que le groupe de travail a délivré son analyse du rapport.

LA DÉCISION ÉTAIT-ELLE INÉQUITABLE?

[34]            Vu ma décision, il n'est pas nécessaire d'examiner les différents sujets secondaires débattus par les parties sous la présente rubrique, sauf un. Si la commission avait pris des mois ou des années pour accomplir son travail, Bennett aurait incontestablement subi un préjudice du fait que la viabilité juridique de l'installation aurait été mise en doute. Les fonctionnaires fédéraux avaient connaissance du projet depuis l'automne 2002. Si je n'avais pas décidé que l'installation ne constituait plus un « projet » , j'aurais été tenté de décider que le ministre n'était pas justifié de commander des études plutôt que d'agir alors que Bennett dépensait quelque 29 millions de dollars pour préparer l'installation. En d'autres termes, s'il l'affaire était encore un « projet » , j'aurais décidé que, par analogie, Bennett, à titre de promoteur, ne devrait pas être traité différemment des promoteurs « fédéraux » en application des articles 5 et suivants de la présente loi. Par exemple, l'article 11 exige de l'autorité fédérale qu'elle « veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable » .

[35]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens. Bien que Bennett ait visé à obtenir du ministre des dépens sur la base avocat-client, il n'y a eu aucune conduite répréhensible ou scandaleuse de sa part qui le justifierait. Toutes les parties conviennent que c'est la première fois que la Cour est saisie des articles de la Loi relatifs aux effets transfrontaliers. De plus, je ne pense pas qu'il était inapproprié de la part du ministre de tenter de faire la distinction d'avec l'arrêt Tsawwassen à la lumière des modifications apportées par la suite à la Loi. Aucuns dépens ne seront adjugés à l'encontre des intervenants.

                                                                                                                              _ Sean Harrington _            

                                                                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-1313-04

INTITULÉ :                                                                BENNETT ENVIRONMENTAL INC.

c.

LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ET L'AGENCE CANADIENNE D'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

et

LA PREMIÈRE NATION D'EEL RIVER BAR, LA PREMIÈRE NATION PABINEAU, LES MICMACS DE GESGAPEGIAG, LE GOUVERNEMENT MICMAC DE LISTUGUJ ET LE COMITÉ DE CITOYENS DE BELLEDUNE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 13 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 19 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Andrew J. Roman                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Erin M. Tully

Brian Evernden                                                  POUR LES DÉFENDEURS

Eric K. Gillespie                                                           POUR LES INTERVENANTS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson LLP                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Cunningham & Gillespie LLP                             POUR LES INTERVENANTS

Toronto (Ontario)



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