Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040211

Dossier : T-1100-97

Référence : 2004 CF 206

ENTRE :

                                                          ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                          demanderesses

                                                                                   et

                                                                      APOTEX INC.

                                                                                                                                               défenderesse

ET ENTRE :

APOTEX INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

et

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

NOVOPHARM LTD.

défenderesse reconventionnelle


                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH                   

[1]                 Les demanderesses soulèvent la question du sens à donner aux « graves conséquences » dans le contexte de la présente action en contrefaçon de brevet intentée par Lilly relativement au médicament nizatidine.

[2]                 Lilly a présenté une requête en vue de modifier sa déclaration pour demander diverses réparations au titre des « conséquences graves » , sur le fondement que la Cour a indiqué en de nombreuses occasions que de telles conséquences frapperaient le fabricant de médicaments génériques qui envoie un avis d'allégation trompeur à un innovateur pour obtenir l'approbation en vue de la commercialisation d'un médicament générique.

[3]                 Les allégations de fait qui soutiennent la demande de conséquences graves ne sont pas contestées par la défenderesse, qui concède que la conduite dont se plaint Lilly, si elle était prouvée, pourrait donner à Lilly le droit à des dommages-intérêts exemplaires ou à des dépens sur une base avocat-client, mais non à la réparation demandée par Lilly comme sanction de cette conduite.


[4]                 Bref, les allégations de fait qui, comme je l'ai noté, ne sont pas contestées sont les suivantes. La nizatidine était l'objet de deux avis d'allégation et de deux procédures, l'une en vue d'obtenir une interdiction, l'autre en vue d'obtenir un bref de certiorari en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Lilly allègue que, dans le cas du premier avis d'allégation, Apotex a déclaré qu'elle s'appuierait sur la licence obligatoire de Novopharm pour acquérir seulement de la nizatidine produite sous licence, de sorte qu'elle ne contreferait pas le brevet des demanderesses, et que, contrairement à son engagement, Apotex ne vendait pas en fait de la nizatidine produite sous licence.

[5]                 À l'égard du deuxième avis d'allégation, il est allégué qu'une version du procédé qu'utilisait Apotex était différente du procédé revendiqué à l'origine. Lilly a fini par demander un bref de certiorari, annulant l'avis de conformité délivré à Apotex relativement à sa deuxième demande présentée au ministre. Dans sa décision sur cette demande, le juge Teitelbaum a jugé que les renseignements fournis par Apotex relativement au procédé étaient « à tout le moins trompeurs » .    (Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. 87 C.P.R (3d) 83).

[6]                 Une autre procédure est pertinente. À la suite des procédures indiquées ci-dessus, Apotex a intenté une action, encore pendante, en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), dans le dossier T-320-01, dans laquelle elle demande des dommages-intérêts par suite des pertes qu'elle a subies au cours de la période où elle s'est trouvée écartée du marché en raison de la demande d'interdiction de Lilly en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement. J'appellerai cette action la demande d'Apotex en vertu de l'article 8.

[7]                 Sur le fondement des allégations que les deux avis d'allégation d'Apotex sont inexacts et trompeurs, Lilly demande la réparation additionnelle suivante au titre des « conséquences graves » : la suspension de l'action d'Apotex en vertu de l'article 8 et toute autre réparation non précisée que la Cour pourra accorder au titre des « conséquences graves » et de la contrefaçon de brevet.

[8]                 Plus précisément, les éléments contestés du projet de déclaration sont la partie soulignée du paragraphe 32, ainsi que les paragraphes 37(7) et (10) de la déclaration modifiée :

[traduction]

32.            Par conséquent, les demanderesses ont droit à réparation, notamment des dommages-intérêts exemplaires, par exemple le triple des dommages-intérêts accordés pour contrefaçon, ou tout autre montant que la Cour estime juste; une ordonnance déclarant qu'il est interdit à Apotex de demander réparation ou, à titre subsidiaire, suspendant de façon permanente toute demande de réparation en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) à l'égard de la nizatidine; et toute autre réparation que la Cour peut juger appropriée au titre des conséquences graves ou de la contrefaçon de brevet. (Non souligné dans l'original)

33.            Les demanderesses sollicitent donc :

(7)            une ordonnance déclarant qu'il est interdit à Apotex de demander réparation pour tout retard dans la délivrance de son avis de conformité en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) relativement à la nizatidine ou, à titre subsidiaire, suspendant de façon permanente toute procédure de cette nature;      

(10)          toute autre réparation à l'égard de la contrefaçon de brevet et des conséquences graves que les demanderesses peuvent demander et que l'honorable Cour peut accorder, selon ce qui convient dans les circonstances.


LES CONSÉQUENCES GRAVES

[9]                 Le terme « conséquences graves » a fait son apparition dans la terminologie des procédures de contrefaçon de brevet en Cour fédérale dans l'arrêt Hoffmann-La Roche c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du bien-être) (1996) 70 C.P.R. (3d) 206 à la page 213, où le juge Stone a conclu que, si l'énoncé détaillé fourni dans l'avis d'allégation du fabricant du médicament générique devait se révéler inexact, les conséquences pour le fabricant du produit générique « pourraient effectivement être très graves » .

[10]            On retrouve le terme dans la décision du juge Teitelbaum dans l'affaire Eli Lilly, précitée, rejetant la demande d'une ordonnance de certiorari, présentée par les demanderesses, en vue d'annuler l'avis de conformité délivré à Apotex relativement à la nizatidine.

[11]            Notamment, les demanderesses dans cette procédure ont cherché à faire annuler la décision du ministre et révoquer l'avis de conformité d'Apotex précisément sur le fondement qui est adopté dans la déclaration. En rejetant la demande, le juge Teitelbaum a conclu que la procédure de contrefaçon de brevet, et non la procédure de certiorari, est l'instance appropriée pour déterminer les inexactitudes ou les insuffisances des renseignements fournis dans l'avis d'allégation, et que, si l'avis d'allégation était jugé inexact dans la procédure de contrefaçon, la défenderesse « pourrait subir des "conséquences graves" et obtenir, outre des dommages-intérêts ordinaires, des dommages-intérêts exemplaires et les frais entre avocat et client. »

[12]            La Cour d'appel fédérale a également employé le terme « conséquences graves » lorsqu'elle a rejeté l'appel interjeté contre la décision du juge Teitelbaum; dans cet arrêt, le juge Evans a dit :

Si, à l'issue de l'action en contrefaçon, la Cour conclut qu'Apotex a, à la fois, contrefait le brevet de Lilly et agi de manière fautive avant la délivrance de l'ADC, il sera loisible au juge d'accorder des dommages-intérêts exemplaires ou des dépens sur la base procureur-client, comme le juge des requêtes l'a laissé entendre. Ce genre de réparation constituerait certainement des « conséquences graves » de la sorte envisagée par le juge Stone de la Cour d'appel dans l'arrêt Hoffmann-La Roche, précité.

Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. 9 C.P.R. (4th) 439 à la page 442.

[13]            Les demanderesses acceptent que la nature des conséquences graves est, pour l'instant, non définie. Il peut s'agir d'une cause d'action accessoire, ou connexe, à l'action en contrefaçon de brevet, ce qui expliquerait la façon dont les demanderesses ont caractérisé leur action, soit une action en contrefaçon de brevets et en conséquences graves. À titre subsidiaire, dit Lilly, les « conséquences graves » pourraient constituer un ensemble supplémentaire de réparations d'equity ou de common law pour contrefaçon de brevet. Lilly soutient que la nature des « conséquences graves » n'est pas fixée en droit, et puisque la question est soulevée pour la première fois dans la présente action en contrefaçon de brevet, la requête des demanderesses en vue de modifier leur déclaration relativement aux conséquences graves ne devrait pas être rejetée simplement parce que la demande est nouvelle.

[14]            En dépit de l'argumentation habile de l'avocat, je ne trouve rien dans la jurisprudence qui donne à penser que l'avertissement concernant les conséquences graves que pourrait subir un fabricant de médicaments génériques est autre chose que l'annonce de la responsabilité potentielle pour des dommages-intérêts additionnels ou exemplaires qui sont connus en droit et qui peuvent être obtenus actuellement pour contrefaçon de brevet.


[15]          Pour commencer, on ne peut dire que les « conséquences graves » constituent une cause d'action indépendante. Dans l'arrêt Domco Industries Ltd. c. Mannington Mills Inc. and Congoleum Corp. (1990), 29 C.P.R. (3d) 481 à la page 496 (C.A.F.), le juge en chef Iacobucci (tel était alors son titre) a retenu la notion de « cause d'action » exposée par le lord juge Diplock dans l'arrêt Letang c. Cooper, [1964] All E.R. 929 (C.A.), à la page 934 :

[traduction] « Une cause d'action est simplement une situation factuelle dont l'existence donne à une personne le droit d'obtenir du tribunal une réparation contre une autre personne. »

[16]            Dans la décision Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc. _1999_ A.C.F. no 1857, aux paragraphes 15 et 16, j'ai cité l'extrait qui précède et fait observer qu'en plus du volet factuel, il y a aussi un aspect juridique, celui d'obtenir une réparation en justice. Dans cette affaire, j'ai souscrit à la prétention de la défenderesse que le non-respect d'une injonction ne donne pas ouverture à une action en justice, puisque, en droit, le non-respect d'une injonction ne donne pas ouverture à une action au civil. En citant l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Lubrizol Corp. c. Compagnie pétrolière Impériale Ltée (1996), 67 C.P.R. (3d) 1, j'ai conclu que, si la violation d'une injonction n'ouvrait pas droit à une réparation sous forme de dommages-intérêts, en cas de contrefaçon de brevet, la désobéissance à une injonction peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts exemplaires.


[17]            De même, en droit, les allégations portant qu'un avis d'allégation est trompeur ou inexact, à elles seules, ne sont pas des faits qui justifient une réparation précise dans une action ne pouvant être intentée qu'à l'égard de cette seule cause d'action ou qui donnent lieu à une telle réparation. Pour la même raison, les « conséquences graves » ne peuvent non plus être greffées à une action en contrefaçon de brevet comme accessoires à celle-ci. Quant à la jurisprudence citée par l'avocat, elle ne laisse même pas entendre que les allégations des demanderesses à cet égard pourraient fonder une action distincte de l'action en contrefaçon.

[18]            D'ailleurs, dans la procédure de certiorari, en première instance comme en appel, la Cour a refusé d'accorder à Lilly la réparation recherchée pour les inexactitudes alléguées de l'avis d'allégation et a indiqué que Lilly devait plutôt demander les réparations de la contrefaçon de brevet dans une action en contrefaçon de brevet.

[19]            Quant au point de savoir si les conséquences graves peuvent constituer simplement une réparation, l'idée s'accorde avec les motifs du juge Evans et du juge Teitelbaum, qui font ressortir que des réparations comme les dommages-intérêts exemplaires et des dépens élevés constituent en fait des conséquences graves. Les parties conviennent que la liste de réparations donnée par la Cour comme conséquences graves n'est pas exhaustive, mais on ne trouve dans aucun des jugements d'indication que les conséquences graves pourraient équivaloir à des formes de réparation distinctes, nouvelles ou non définies. On ne trouve rien non plus dans l'annonce de conséquences graves faite par la Cour qui donne à entendre que les formes de réparation actuellement ouvertes en cas de contrefaçon de brevet n'offrent pas une réponse satisfaisante aux griefs ayant trait à un avis d'allégation inexact.

[20]            Cela m'amène à conclure hors de tout doute que les allégations qui pourraient appeler des « conséquences graves » ne peuvent fonder une action en justice nouvelle, ou même une action en justice quelconque, et que les « conséquences graves » ne sont rien d'autre que des formes de réparation actuellement ouvertes pour contrefaçon de brevet.

JUGEMENT DÉCLARATOIRE ET SUSPENSION DE L'ACTION EN VERTU DE L'ARTICLE 8

[21]            La forme de réparation que Lilly cherche à ajouter à la demande et à laquelle Apotex s'oppose avec une énergie farouche est la déclaration portant qu'il serait interdit à Apotex d'obtenir une réparation pour tout retard dans la délivrance de l'avis de conformité, dans l'action intentée en vertu de l'article 8 ou, à titre subsidiaire, suspendant de façon permanente toute procédure du genre.

[22]            Lilly concède que la décision sera la même à l'égard du jugement déclaratoire ou de la suspension. Je m'attacherai donc dans mon analyse à la possibilité d'obtenir la suspension.

[23]            Compte tenu des conclusions exposées ci-dessus, je suppose que la question à examiner porte sur le point de savoir si la suspension d'une autre procédure peut être accordée comme réparation dans une action en contrefaçon de brevet ou, pour reprendre la formule des requêtes en radiation, s'il est évident et manifeste que la réparation demandée par Lilly ne peut être obtenue dans une action en contrefaçon de brevet dans laquelle on allègue des inexactitudes des avis d'allégation.

[24]            Lilly commence son argumentation en disant qu'il serait inique d'accueillir une action en dommages-intérêts en vertu de l'article 8, s'il était établi soit que les avis d'allégations étaient inexacts, soit qu'Apotex avait contrefait le brevet de la demanderesse. Elle fait valoir qu'aucune indemnisation ne devrait être accordée au contrefacteur qui peut commercialiser le médicament breveté et demander des dommages-intérêts pour les retards de la commercialisation, en violation directe des droits de brevet de l'innovateur, alors que la justification du retard aurait été d'empêcher la contrefaçon de brevet.

[25]            Les demanderesses, qui ne peuvent citer à la Cour de jurisprudence portant directement sur la question, ont présenté l'argumentation suivante. En tant que tribunal de droit, d'equity et d'amirauté, la Cour fédérale a compétence pour formuler les réparations voulues en common law et en equity, lorsque l'objet du litige relève de sa compétence, par exemple en matière de contrefaçon de brevet et de questions accessoires à la contrefaçon de brevets (Teledyne Industries Inc. c. Lido Industrial Products Ltd. (1982) 68 C.P.R. (2d) 204).

[26]            L'article 50 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit expressément le pouvoir de la Cour de suspendre des instances. De même, dit Lilly, s'agissant de la suspension en général, un tribunal peut suspendre une procédure, même une procédure devant un autre tribunal, lorsque cela sert l'intérêt de la justice. (Wood c. Connolly Brothers, Ltd., 1911 1 Ch. 731 (Eng. C.A.); et Kelman c. MacInnis, _1993_ O.J. No. 505 (C.J. Ont., Div. gén.)). D'autant plus, selon les demanderesses, que la Cour fédérale suspendrait l'action dont elle est saisie, ce qui élimine la question de la compétence.

[27]            À mon avis, les affaires citées ci-dessus dépendent des faits particuliers de chacune et ne soutiennent pas l'affirmation large et générale des demanderesses. Il faut certainement établir une distinction avec la présente espèce.

[28]            Dans l'arrêt Wood, précité, la Division de la Chancellerie a statué qu'elle avait compétence pour interdire les poursuites dans le comté palatin de Lancaster et ordonné qu'il soit interdit au défendeur d'intenter une poursuite ou toute autre procédure devant la cour palatine. En appel, le maître des rôles Cozens-Hardy a statué que la Division de la Chancellerie avait la compétence pour interdire au défendeur d'intenter une poursuite faisant double emploi et vexatoire devant la cour palatine en prononçant une injonction in personam contre le défendeur et a refusé de décider la question de savoir si la Cour de la Chancellerie pouvait prononcer une injonction contre la procédure devant la cour palatine, parce qu'elle était un tribunal inférieur.

[29]            Dans leurs motifs concourants, les lords juges Fletcher Moulton et Buckley s'évertuent, dans l'affaire Woods, à établir une distinction entre l'injonction in personam contre le défendeur et toute ordonnance suspendant une instance dans un autre tribunal. En particulier, le lord juge Buckley a dit, à la page 748 :

[traduction] À mon avis, le demandeur a saisi la cour palatine dans un but qui n'était pas légitime et la procédure était vexatoire et oppressive. Pour ce motif, la Cour est tout à fait justifiée, non pas de s'ingérer dans des affaires relevant de l'autre tribunal, mais d'empêcher la partie de poursuivre son action devant l'autre tribunal.


[30]            Dans la décision Kelman, précitée, la Cour de justice de l'Ontario, Division générale, a accordé la suspension d'une action devant la Cour des petites créances en vertu des alinéas 107(1)(a) et (c) de la Loi sur les tribunaux judiciaires[1], jugeant que les actions n'étaient pas identiques, mais avaient en commun plusieurs questions de fait et de droit importantes et que la prépondérance des inconvénients militait en faveur de la suspension. Il ne s'agit pas d'une affaire analogue à la présente espèce, où il s'agit de suspendre les poursuites devant un tribunal du même degré. Surtout, dans l'affaire Kelman, la Cour avait le pouvoir exprès d'accorder la suspension en vertu du sous-alinéa 107(1)(e)(i) de la Loi sur les tribunaux judiciaires.


[31]            On ne peut soutenir que l'article 50 de la Loi sur les Cours fédérales constitue un tel pouvoir exprès. Pour attribuer le pouvoir extraordinaire de suspendre une procédure devant un autre tribunal, il faut une disposition expresse. À défaut d'un tel pouvoir exprès, la suspension d'instance est manifestement une ordonnance par laquelle la Cour suspend l'instance dont elle-même est saisie, non celle dont un autre tribunal est saisi. (Always Travel Inc. c. Air Canada [2003] A.C.F. no 133; Canadien Pacifique Ltée c. Sheena M. (Le) [2000] 4 C.F. 159.)

[32]            L'observation du juge Hugessen dans la décision Always, précitée, selon laquelle « les cours supérieures ne se donnent pas mutuellement des ordres ni ne s'ingèrent, par ordonnances, dans leurs procédures respectives » , s'applique dans les circonstances. Il n'importe pas que les deux procédures en cause en l'espèce relèvent de la même juridiction, du fait que les juges saisis des deux actions constituent, à mon avis, deux tribunaux séparés et distincts, possédant chacun le pouvoir de contrôler sa propre procédure.

[33]            On ne peut voir dans l'article 50 de la Loi sur les Cours fédérales le fondement législatif permettant à la Cour fédérale siégeant dans une affaire de contrefaçon de brevet de suspendre une action séparée en vertu de l'article 8, éventuellement au stade de l'instruction, dont est saisi un autre juge de la Cour fédérale, même si les deux procédures concernent les mêmes parties, et certains éléments de preuve similaires. Je ne connais pas d'affaire, et Lilly n'en a proposé aucune, dans laquelle une suspension d'une action en Cour fédérale a été demandée ou accordée devant cette Cour dans une procédure autre que celle dont la suspension était demandée.


[34]            Étant donné ma conclusion que la réparation demandée par les demanderesses n'est pas ouverte, je n'insisterai pas sur le fait que, de toute façon, Lilly n'a pas établi qu'il s'agissait d'un cas approprié pour ordonner une suspension d'instance, du fait qu'elle n'a pas fourni de preuve que les procédures font double emploi ou que la solution des questions soulevées dans une procédure serait déterminante pour les questions soulevées dans l'autre procédure.

[35]            Enfin, les demanderesses reconnaissent que rien ne les empêche d'alléguer en défense à l'action intentée en vertu de la partie 8 que l'avis d'allégation était trompeur. Rien ne les empêche non plus de demander une suspension de l'action intentée en vertu de l'article 8 dans le contexte de cette procédure. C'est là, à mon avis, la façon de procéder correcte et indiquée, dans l'hypothèse évidemment où les demanderesses sont en mesure d'établir les éléments nécessaires en vue d'obtenir la suspension.

CONCLUSION

[36]            Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que les « conséquences graves » sont simplement un terme descriptif, plutôt qu'un terme technique possédant une signification précise. Le terme ne désigne pas une cause d'action indépendante, ni une forme de réparation en common law ou en equity qui viendrait sanctionner la contrefaçon de brevet, de sorte qu'on ne peut plaider les conséquences graves par elles-mêmes.                                                                                        

     « Roza Aronovitch »     

Protonotaire          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-1100-97

INTITULÉ :             

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

et

APOTEX INC.

et

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

et

NOVOPHARM LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE :                           23 OCTOBRE 2003

7 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH

DATE DES MOTIFS :                                     11 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

JAY ZAKIAB                                                     POUR LES DEMANDERESSES

BEVERLEY MOORE

DAVID M. SCRIMGER                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

AVOCATS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.r.l.    POUR LES DEMANDERESSES

OTTAWA (ONTARIO)

GOODMANS s.r.l.                                              POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)



[1]Les dispositions pertinentes de la Loi sur les tribunaux judiciaires disposent :

(1) Si plusieurs instances sont en cours devant des tribunaux différents et si, selon le cas

(a) elles ont en commun une question de fait ou de droit;

(b) les mesures de redressement demandées se fondent sur la même opération ou le même événement ou sur la même série d'opérations ou dvénements;

(c) elles devraient, pour toute autre raison, faire l'objet d'une ordonnance prévue au présent article,

le tribunal peut, sur motion, par ordonnance :

(d) soit renvoyer une instance à un autre tribunal et exiger la réunion des instances ou leur instruction simultanée ou en succession immédiate;

(e) soit exiger :

(i) qu'il soit sursis à une instance jusqu ce qu'une décision soit rendue à lgard de l'une des autres,

(ii) qu'une instance soit introduite par voie de demande reconventionnelle dans le cadre de l'une des autres.

(4) La motion est présentée à un juge de la Cour supérieure de justice.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.