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     Date : 19980619

     T-2843-96

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 19 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel d'une décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     et

     SANG TUNG TIM LOK,

     intimé.

     JUGEMENT

     LA COUR,

     APRÈS AUDITION du présent appel à Toronto (Ontario) le mardi 9 juin 1998 et pour les motifs du jugement prononcés ce jour :

     ACCUEILLE l'appel interjeté par l'appelant, le ministre de la citoyenneté et de l'immigration;

     ANNULE la décision en date du 11 novembre 1996 par laquelle le juge de la citoyenneté a accueilli la demande de l'intimé.

     B. Reed

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau

     Date : 19980619

     T-2843-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel d'une décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     et

     SANG TUNG TIM LOK,

     intimé.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE REED

[1]      La Cour statue sur l'appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'une décision en date du 11 novembre 1996 par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté présentée par l'intimé en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté malgré le fait que l'intimé n'avait été physiquement présent au Canada que pendant 107 jours au cours des quatre années qui avaient précédé sa demande de citoyenneté. Aux termes de l'alinéa 5(1)c), pour que sa demande soit accueillie, le candidat à la citoyenneté doit avoir établi une résidence permanente au Canada et avoir, au cours des quatre années qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, c'est-à-dire pendant 1 095 jours. Le juge de la citoyenneté a conclu que la profession de l'intimé obligeait celui-ci à de fréquents déplacements à l'étranger et que le jugement de principe Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (le juge en chef adjoint Thurlow) s'appliquait à son cas. Suivant ce jugement, il n'est pas nécessaire que le candidat à la citoyenneté ait été physiquement présent au Canada pendant la totalité des 1 095 jours. Dans certaines circonstances, les absences du Canada sont réputées être des périodes de résidence au Canada.

Règles de procédure applicables

[2]      Avant l'examen au fond du présent appel, l'appelant a présenté une requête préliminaire en vue d'obtenir une ordonnance déclarant que les nouvelles Règles de la Cour fédérale, qui sont entrées en vigueur le 25 avril 1998, s'appliquent au présent appel et que, par conséquent, l'appel devrait être jugé uniquement sur dossier, sans audition de témoins. L'avocat de l'appelant m'a invitée à tirer une conclusion différente de celle à laquelle le juge Rothstein en est venu dans l'affaire Chan (T-2842-96, 26 mai 1998). J'ai refusé de le faire. D'ailleurs, les circonstances particulières de la présente affaire rendent l'application des nouvelles Règles tout à fait contre-indiquée.

[3]      L'audition du présent appel avait initialement été fixée au 17 mars 1998. Ce jour-là, la date d'audition a été reportée au 9 juin 1998. L'ordonnance d'ajournement obligeait l'intimé à répondre au plus tard le 23 mars 1998 aux prétentions de l'appelant, et à déposer une liste de documents, ainsi qu'une liste de tous les témoins qu'il avait l'intention de faire entendre lors de l'audition de l'appel. La Cour a ordonné à l'appelant de produire son mémoire des faits et du droit au plus tard le 8 avril 1998. L'intimé devait déposer son mémoire au plus tard le 8 mai 1998 et l'appelant devait produire sa réponse au plus tard le 15 mai 1998.

[4]      Ainsi, en date du 25 avril 1998, non seulement les parties étaient-elles assujetties à une procédure dans le cadre de laquelle l'audition de l'appel avait été ajournée en prévision d'une audience au cours de laquelle des témoins seraient appelés à témoigner, mais les mesures procédurales préalables à l'audition étaient essentiellement terminées. La Cour avait imposé par ordonnance certaines de ces mesures en partant du principe que l'intimé serait autorisé à faire entendre des témoins.

[5]      Je ne puis conclure que les nouvelles Règles s'appliquent dans ces conditions. Les nouvelles Règles prévoient une procédure différente de celle qui existait auparavant pour ce qui est des appels interjetés en matière de citoyenneté. Les nouvelles Règles prévoient en effet une série de mesures procédurales étroitement reliées. Les délais fixés pour les mesures ultérieures dépendent des mesures antérieures. La nouvelle procédure commence par l'envoi d'un avis de demande qui doit être signifié dans les 10 jours suivant son dépôt et exige notamment que l'appelant (l'intimé) dépose dans les 30 jours qui suivent le dépôt de l'avis de demande les affidavits et pièces documentaires qu'il entend utiliser à l'appui de sa demande. Même si l'avis d'appel qui a été déposé en l'espèce le 23 décembre 1996 était assimilé à un avis de demande, tous les délais prescrits par la nouvelle règle 300 sont depuis longtemps expirés.

[6]      Bien que les dispositions transitoires contenues au paragraphe 501(1) des Règles prévoient que les nouvelles Règles s'appliquent aux instances déjà introduites1, les nouvelles Règles modifiées sont censées s'appliquer pour l'avenir à compter de la date de leur entrée en vigueur et elles ne sont pas censées annuler ou remplacer les mesures procédurales déjà prises et achevées. Ces dispositions doivent également être interprétées à la lumière des articles 43 et 44 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-212, qui prévoient que les nouvelles dispositions ne s'appliquent que dans la mesure de leur compatibilité avec les instances engagées sous le régime du texte antérieur. En l'espèce, en date du 25 avril 1998, il ne restait plus aucune mesure procédurale à laquelle les nouvelles Règles pouvaient logiquement s'appliquer. À cette date, la procédure que les parties avaient suivie et que la Cour avait prescrite était fondée sur un appel qui a souvent été qualifié de nouveau procès. L'appel devrait donc être entendu sur ce fondement.

Fond de l'appel

[7]      Je passe donc aux faits de l'affaire. L'intimé est arrivé au Canada le 18 janvier 1993 en compagnie de sa femme et de sa fille. Ils sont arrivés au Canada à titre d'immigrants ayant obtenu le droit d'établissement. La femme et la fille de l'intimé ont depuis obtenu la citoyenneté canadienne. L'appelant a maintenant un fils qui est né au Canada.

[8]      L'intimé est retourné à Hong-Kong deux semaines après son arrivée au Canada. Entre la date de son admission au Canada, le 18 janvier 1993, et la date de sa demande de citoyenneté, il a été présent au Canada pendant 170 jours en tout. Ce total a été accumulé à la suite de plusieurs brefs séjours au Canada, dont le plus long a été de 21 jours.

[9]      À leur arrivée au Canada, l'intimé, sa femme et sa fille sont allés demeurer chez la soeur de la femme de l'intimé au 820, Thistledown Crescent, à Mississauga. Le 25 février 1993, l'intimé et sa femme ont acheté un appartement en copropriété au 50, avenue Eglington, appartement 1510, à Mississauga. Sa femme et sa fille ont emménagé à cette adresse. Ainsi qu'il a déjà été signalé, à ce moment-là, l'intimé était à l'extérieur du pays. Sa femme, sa fille et, par la suite, son fils, ont vécu à cette adresse jusqu'en janvier 1996. Après cette date, ils sont allés s'installer au 4471, Heathgate Crescent, à Mississauga, chez un ami qui se trouve à l'étranger et à qui ils ne paient pas de loyer. L'appartement en copropriété de l'avenue Eglington a depuis été donné à bail.

[10]      L'intimé a expliqué ses absences du Canada au cours de la première année qui a suivi l'obtention de son droit d'établissement par le fait qu'il lui avait fallu retourner à Hong-Kong pour y vendre la résidence familiale et par le fait qu'il devait établir des relations pour favoriser l'essor de son entreprise canadienne. En avril 1994, il a constitué en personne morale la World Force Enterprise Ltd., une société ontarienne qui avait deux dirigeants, lui et sa femme, et deux employés, lui et sa femme. Suivant les pièces versées au dossier, cette compagnie lui verse un salaire annuel de 32 000 $ et sa femme ne reçoit aucune rémunération. Il déclare ce revenu dans ses déclarations de revenus canadiennes. On ne sait pas avec certitude s'il déclare les revenus locatifs qu'il tire de son immeuble de l'avenue Eglington : les revenus en question ne figurent pas sur sa déclaration de revenus pour l'année en cause.

[11]      La World Force Enterprise Ltd. n'a pas de bureau. Elle a bien une adresse commerciale, étant donné qu'elle utilise un local commercial qui fournit des services comme la réponse téléphonique et la réception et l'envoi du courrier. Il n'y a aucun document qui démontre que la World Force Enterprise Ltd. exerce des activités commerciales. C'est une société-écran.

[12]      Suivant la preuve, l'intimé travaillait pour la Whole View (Hong Kong) Ltd., une société de Hong-Kong qui exerçait ses activités dans le domaine de l'exportation de tricots. L'intimé a expliqué que son travail au sein de cette entreprise consistait uniquement à donner des conseils à titre de consultant. Il a également affirmé que, même si la Whole View était son seul client pour le moment, il avait entrepris des démarches en vue de recruter d'autres clients pour la World Force Enterprise Ltd. Les pièces versées au dossier ne permettent pas d'ajouter foi au témoignage donné par l'intimé au sujet de la nature de ses rapports avec la Whole View et la World Force.

[13]      Avant d'obtenir le droit d'établissement au Canada, l'intimé avait travaillé comme directeur de la promotion commerciale pour une entreprise de fabrication de tricots de Hong-Kong. C'est dans ce domaine qu'il possède des connaissances et de l'expérience, et il n'est pas étonnant qu'il ait jugé nécessaire de demeurer dans ce domaine.

[14]      L'intimé a témoigné qu'il avait vendu sa maison et ses meubles de Hong-Kong et qu'il avait emmené au Canada tous ses actifs (tels que ses placements dans des certificats de placement garantis). Lorsqu'il retourne à Hong-Kong, il demeure chez ses parents. Lorsqu'il se rend dans d'autres pays, il descend à l'hôtel. J'ai du mal à croire son témoignage qu'il s'est défait de tous les biens qu'il possédait à Hong-Kong et qu'il a emmené tous ses actifs au Canada, compte tenu de ce que j'estime être les aspects moins francs d'autres parties de son témoignage.

[15]      Il ressort du dossier qu'il possède au Canada une voiture, des comptes en banque, des cartes de crédit, un permis de conduire et une carte d'assurance-maladie de l'Ontario. Ce type d'indices de résidence sont faciles à acquérir et, dans de nombreux cas, ne permettent pas vraiment de savoir si le candidat à la citoyenneté a bel et bien établi sa résidence au Canada. L'intimé ne semble être membre d'aucun club et les éléments de preuve concernant son intégration à la société canadienne sont clairsemés. L'intimé est arrivé au Canada en tant qu'entrepreneur immigrant admis et il a investi une importante somme d'argent dans une entreprise de la Nouvelle-Écosse.

Prétentions et moyens des parties

[16]      Le " critère de la résidence " que les tribunaux ont défini en ce qui concerne l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté comporte deux volets : (1) le candidat à la citoyenneté doit établir sa propre résidence au Canada au moins trois ans avant la date de sa demande de citoyenneté; pour ce faire, il doit centraliser son lieu de résidence au Canada; (2) le candidat à la citoyenneté doit conserver son lieu de résidence centralisé au Canada pendant la durée de la période exigée pour remplir la condition des 1 095 jours de résidence.

[17]      L'appelant fait valoir que les éléments de preuve soumis au juge de la citoyenneté démontrent à l'évidence que l'intimé n'a pas établi dans un premier temps sa résidence au Canada dans les trois ans précédant sa demande de citoyenneté, et qu'il n'a pas conservé un mode de vie centralisé au Canada pendant toute la durée de la période en question. L'appelant soutient que cette situation s'explique par les faits suivants. Lors de son établissement, en janvier 1993, l'intimé n'est demeuré au Canada que 14 jours avant de retourner à Hong Kong par affaires. Il s'est absenté du Canada à de nombreuses reprises et pour des périodes prolongées au cours de la période de trois ans pertinente et n'a passé en tout que 170 jours au Canada. Avant de constituer sa propre entreprise en personne morale, l'intimé a passé 365 jours à l'étranger par affaires et a continué à voyager à l'étranger par la suite. L'intimé semble travailler pour une société étrangère, la Whole View (Hong Kong). L'intimé n'a pas de domicile fixe, étant donné que, depuis le 15 janvier 1996, il loge chez des amis. L'intimé a payé peu d'impôts et n'a déclaré aucun revenu provenant de la Whole View (Hong Kong).

[18]      Pour sa part, l'intimé affirme qu'il répond aux critères de résidence posés par la jurisprudence. L'intimé soutient que le juge de la citoyenneté était au courant de tous les faits et que sa décision était raisonnable et justifiée par la preuve. Il affirme qu'il est retourné à Hong-Kong après avoir obtenu le droit d'établissement en 1993 pour recruter des clients pour son entreprise canadienne. Il ajoute qu'il n'était pas un employé de la Whole View (Hong Kong) et que celle-ci ne lui a donc versé aucun salaire, ce qui explique pourquoi il n'avait déclaré aucun revenu provenant de cette source. Il affirme qu'il a établi sa résidence au Canada et qu'il y a centralisé son mode de vie et qu'il ne partait que temporairement. Il souligne finalement qu'il est toujours propriétaire d'une résidence au Canada, bien qu'il la loue de manière à pouvoir loger sans frais chez un ami.

La décision du juge de la citoyenneté

[19]      Je passe donc à la décision du juge de la citoyenneté, qui est manifestement entachée de graves erreurs. Pour conclure que l'intimé avait centralisé son mode de vie au Canada, le juge de la citoyenneté écrit :

     [TRADUCTION]         
     J'en suis arrivé à la conclusion que le requérant avait élu domicile au 50 de l'avenue Eglington, appartement 1510 à Mississauga, en Ontario, au Canada et qu'il avait centralisé son mode de vie au Canada le 18 janvier 1993 [...] [Non souligné dans l'original.]         

[20]      Or, l'intimé n'habitait pas avenue Eglington le 18 janvier 1993. Il n'est pas non plus allé s'installer à cet endroit en février lorsque sa femme et sa fille ont emménagé à cette adresse. Il se trouvait en effet à l'étranger à ce moment-là. Malgré le fait que l'on pourrait considérer qu'il s'agit là d'une erreur mineure si les autres éléments de preuve appuyaient la thèse de l'intimé, en l'espèce, on ne peut qualifier ainsi l'erreur qui a été commise, parce que la preuve n'appuie pas la prétention de l'intimé.


[21]      Au sujet des activités commerciales de l'intimé, le juge de la citoyenneté écrit :

     [TRADUCTION]         
     Le requérant vend des vêtements et d'autres produits textiles à des établissements en gros pour le compte de fabricants étrangers et canadiens. Les fonctions qu'il exerce à titre de directeur de la promotion commerciale pour le compte de la World Force Enterprises Ltd. de Don Mils, en Ontario, l'oblige à de fréquents déplacements à l'étranger. [Mots non soulignés dans l'original.]         

Là encore, la preuve ne justifie pas une pareille conclusion. La preuve documentaire ne permet en effet pas de conclure que l'intimé voyageait à l'étranger pour le compte de la World Force. Ainsi qu'il a déjà été signalé, il s'agit d'une compagnie-écran. La décision du juge de la citoyenneté repose sur de graves erreurs. Force m'est donc de conclure que le juge de la citoyenneté n'a tout simplement pas analysé attentivement les éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[22]      Je passe donc à l'analyse de la preuve à la lumière de la jurisprudence relative à la résidence. L'avocat de l'intimé cite des décisions dans lesquelles les tribunaux ont statué que le facteur déterminant est celui du pays où revient l'intéressé, que celui-ci y soit ou non physiquement présent à un moment déterminé. L'avocat cite le jugement Huang, (1997), 37 Imm.L.R. (2d) 113, dans lequel le juge Dubé a statué que le candidat à la citoyenneté qui a manifestement établi un foyer au Canada avec l'intention d'y maintenir des racines permanentes ne devrait pas être privé de la citoyenneté " simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant des affaires à l'étranger ". L'avocat cite des décisions dans lesquelles le tribunal a conclu que le candidat à la citoyenneté remplissait les conditions de résidence malgré ses absences prolongées (voir, par exemple, les jugements Chun Hon (Tony) Leung , (T-241-97, 22 janvier 1998), (C.F. 1re inst.) (déficit de 762 jours), Leung, (1997), 41 Imm.L.R. (2d) 66 (déficit de 916 jours), Wing-Kee Francis Chow (T-455-96, 20 avril 1998) (C.F. 1re inst.) (déficit de 853 jours) et Felix Ling Chung Wong (T-1850-97, 23 avril 1998) (C.F. 1re inst.) (déficit de 722 jours). Ces décisions doivent évidemment être interprétées en tenant compte de l'ensemble de la jurisprudence.

[23]      Il a été jugé que la condition relative à la résidence vise à donner au candidat à la citoyenneté la possibilité de se " canadianiser ", ce qui ne peut se faire si l'intéressé se trouve à l'extérieur du pays (voir le jugement Pourghasemi , (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259). Il a été jugé que la canadianisation ne peut se faire " en ouvrant des comptes bancaires et en déposant des loyers, des meubles, des vêtements et, encore plus important, des enfants et des conjoints " en un mot, tout sauf la personne intéressée elle-même " au Canada, tout en demeurant personnellement en dehors du Canada [...] " Voir les affaires Hui , (1994), 75 F.T.R. 81, à la page 85 et Choi (T-1637-96, T-1638-96, 29 mai 1997), dans lesquelles les candidats à la citoyenneté avaient été absents du Canada pendant moins de jours que l'intimé à l'instance et qui avaient été déboutés de leur demande de citoyenneté. Les décisions suivantes ont également été citées : Chang, (1998), 222 N.R. 236 (déficit de 836 jours), Hui (précitée) (déficit de 537 jours), Lau, (1996), 33 Imm.L.R. (2d) 266 (déficit de 613 jours), Kan (T-582-95, 3 janvier 1996) (déficit de 422 jours), Chow (T-2629-95, 6 janvier 1997) (déficit de 379 jours) et Lee, (1997), 138 F.T.R. 295 (déficit de 688 jours).

[24]      Dans l'affaire Koo, (1992), 19 Imm.L.R. (2d) 1, le tribunal a énuméré certains facteurs qui sont pertinents lorsqu'il s'agit de décider si une personne déterminée a avec le Canada des liens suffisamment importants pour qu'on puisse dire qu'elle y réside malgré son absence physique. Parmi ces facteurs, mentionnons les suivants : 1) La question de savoir si le candidat était physiquement présent au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté; 2) Le lieu de résidence de la famille proche et des personnes à charge du candidat à la citoyenneté; 3) La question de savoir si la forme de présence physique du candidat au Canada dénote que ce dernier revient dans son pays ou, alors, qu'il n'est qu'en visite; 4) L'étendue des absences physiques et le nombre de jours qui manque pour que le candidat ait les 1 095 jour exigés; 3) La question de savoir si la forme de présence physique est imputable à une situation manifestement temporaire; 6) La question de savoir si les attaches du requérant avec le Canada sont, sur le plan qualitatif, plus importantes que celles qu'il a avec un autre pays.

[25]      Voici les conclusions auxquelles j'en viens après avoir analysé ces facteurs en tenant compte des éléments de preuve qui ont été présentés en l'espèce. 1) L'intimé n'a pas été physiquement présent au Canada durant une période prolongée avant ses absences prolongées : l'intimé n'a été présent au Canada que pendant 14 jours avant son départ. 2) La femme et les enfants de l'intimé résident au Canada, mais son père, sa mère et son frère se trouvent à Hong-Kong, ainsi que bon nombre de ses amis. 3) La forme de présence physique de l'intimé au Canada ne dénote pas que ce dernier " revient chez lui " et le fait que les membres de sa famille vivent maintenant chez un ami et qu'ils ont donné leur maison à bail, s'accorde davantage avec une intention de demeurer au Canada temporairement qu'avec une intention d'y résider en permanence. 4) Les absences physiques de l'intimé sont prolongées; il ne s'agit pas d'un cas-limite. 5) Ses absences physiques ne sauraient être qualifiées de temporaires et sont occasionnées par le travail qu'il effectue pour une société de Hong-Kong; la société canadienne qu'il a constituée n'est qu'une compagnie-écran. 6) La preuve ne démontre pas que les attaches du requérant avec le Canada sont, sur le plan qualitatif, plus importantes que celles qu'il a avec Hong-Kong.

[26]      Il m'est impossible de conclure que l'intimé remplit la condition de résidence. Je dois par conséquent accueillir l'appel interjeté par l'appelant.

     B. Reed

                                         Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 19 juin 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2843-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
                     c. Sang Tung Tim Lok
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          9 juin 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE REED prononcés le 19 juin 1998

ONT COMPARU :

Me A. Leena Jaakkimainen              pour l'appelant

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Me Robin Seligman                  pour l'intimé

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

Me Peter K. Large                  amicus curiae

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me A. Leena Jaakkimainen              pour l'appelant

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Me Robin Seligman                  pour l'intimé

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

Me Peter K. Large                  amicus curiae

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

__________________

     1      Paragraphe 501(1) des Règles :
     Sous réserve du paragraphe (2), les présentes règles s'appliquent à toutes les instances, y compris les procédures engagées après leur entrée en vigueur dans le cadre d'instances introduites avant ce moment.

     2      43. L'abrogation, en tout ou en partie, n'a pas pour conséquence :
     [...]               b) de porter atteinte à l'application antérieure du texte abrogé ou aux mesures régulièrement prises sous son régime;
         c) de porter atteinte aux droits ou avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé;
         e) d'influer sur les enquêtes, procédures judiciaires ou recours relatifs aux droits, obligations, avantages, responsabilités ou sanctions mentionnés aux alinéas c) [...]
     Les enquêtes, procédures ou recours visés à l'alinéa e) peuvent être engagés et se poursuivre, et les sanctions infligées, comme si le texte n'avait pas été abrogé.
     44. En cas d'abrogation et de remplacement, les règles suivantes s'appliquent :
     [...]
         c) les procédures engagées sous le régime du texte antérieur se poursuivent conformément au nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci;
         d) la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie, dans la mesure où l'adaptation en est possible :
     [...]
             (iii) dans toute affaire se rapportant à des faits survenus avant l'abrogation; [...]

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