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Date : 20000925


Dossier : IMM-3529-99

                                    

Ottawa (Ontario), le lundi 25 septembre 2000

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge McKeown

ENTRE :

SELVARAJAH VAIRAMUTHU

PUSHPAKALA SELVARAJAH

RAJINY SELVARAJAH

COWSIYA SELVARAJAH


demandeurs

- et -


LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée comme une question grave de portée générale :

     Est-il nécessaire de motiver un refus du droit d'établissement aux termes du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2?

     « W.P. McKeown »

     JUGE

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.





Date : 20000925


Dossier : IMM-3529-99

                                    

ENTRE :


SELVARAJAH VAIRAMUTHU

PUSHPAKALA SELVARAJAH

RAJINY SELVARAJAH

COWSIYA SELVARAJAH


demandeurs


- et -





LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN


[1]          Le demandeur, sa conjointe de fait et leurs deux enfants demandent le contrôle judiciaire d'une décision, en date du 28 juin 1999, par laquelle l'agente d'immigration a refusé la demande de résidence permanente des demandeurs aux termes de l'article 46.04 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]          Les questions à trancher sont de savoir si le défendeur est tenu de motiver la décision établissant si certains documents sont des papiers d'identité acceptables aux termes du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, et de savoir si le demandeur avait une attente légitime selon laquelle les certificats de naissance qu'il a présentés seraient acceptés à moins que le refus ne soit motivé.

[3]          La lettre datée du 20 janvier 1999 du Centre d'Immigration Canada (Mississauga) énonce :

[TRADUCTION] Même si vous étiez admissible pour demander le statut de réfugié au sens de la Convention, il n'est pas possible de poursuivre l'examen de votre demande parce que les documents que vous avez présentés, soit des certificats de naissance, ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration.

Rien dans la copie certifiée du dossier ni dans une autre preuve présentée par le défendeur ne montre pourquoi les certificats de naissance ont été rejetés. Le rapport descriptif sur les cas comportant des raisons d'ordre humanitaire, en date du 11 janvier 1999, donne des détails expliquant pourquoi d'autres documents présentés par le demandeur n'ont pas été acceptés.

[4]          Le demandeur se fonde sur la décision Popal c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. 352 (1re inst.), dans laquelle le juge Gibson a conclu que le ministre devait motiver la décision de refuser un passeport en cours de validité, ainsi que d'autres documents portant sur l'identité du demandeur. Je suis d'avis qu'il est possible de faire une distinction entre cette affaire et celle dont je suis saisi, parce que le Parlement a dit qu'un passeport en cours de validité doit être accepté en vertu du paragraphe 46.04(8). Par contraste, le libellé du paragraphe laisse entendre que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de décider ce que constituent des « papiers d'identité acceptables » , à condition que ce pouvoir discrétionnaire ne soit pas exercé de manière déraisonnable. Le paragraphe 46.04(8) prévoit ce qui suit :

Tant que l'intéressé n'est pas en possession d'un passeport ou d'un document de voyage en cours de validité ou de papiers d'identité acceptables, l'agent d'immigration est tenu de lui refuser, ainsi qu'aux personnes à sa charge, le droit d'établissement.

Le demandeur a fourni des certificats de naissance comme preuve d'identité. Par conséquent, le ministre conserve la compétence d'exercer un pouvoir discrétionnaire raisonnable pour déterminer si ces documents satisfont aux exigences du paragraphe.

[5]          Le demandeur a allégué que la décision devait également être motivée compte tenu de la propre note des services sur les opérations IP97-29 du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, datée du 22 décembre 1997, qui prévoit notamment que :

L'expression « papiers d'identité acceptables » autorise l'agent qui doit prendre une décision à accepter tout document qui :
- est authentique;
- concerne le réfugié au sens de la Convention;
- fournit une preuve crédible de l'identité de la personne.
Dans le cas où un réfugié au sens de la Convention qui présente une demande du droit d'établissement n'est pas en possession d'un passeport ou d'un document de voyage valide et non périmé, l'agent d'immigration peut accepter d'autres documents qui répondent aux trois conditions mentionnées ci-dessus et constituent donc des papiers d'identité acceptables. Les documents suivants, sans s'y limiter, peuvent être acceptés par l'agent :

La liste de documents qui suit indique notamment qu'un certificat de naissance peut servir à établir l'identité du demandeur.

[6]          Le demandeur soutient qu'il n'allègue pas que l'agente doit accepter le certificat de naissance mais il dit que le refus doit être motivé dans le cadre d'une affaire comme celle dont je suis saisi. Toutefois, à mon avis, l'inclusion du certificat de naissance dans cette note de service ne constitue pas une exigence en vertu de laquelle l'agente devrait motiver la décision de refuser un certificat de naissance.

[7]          Dans le rapport descriptif sur les cas comportant des raisons d'ordre humanitaire, l'agente d'immigration a refusé d'accepter plusieurs autres documents présentés par le demandeur, dont un permis de conduire, une carte d'identité nationale et un certificat sportif. L'agente a jugé que ces documents ne satisfaisaient pas aux exigences du paragraphe 46.04(8). Toutefois, bien que les certificats de naissance soient mentionnés dans les notes de l'agente, la question des certificats de naissance n'est pas abordée dans la partie recommandation et justification du rapport, sauf pour signaler que les certificats de naissance des enfants n'ont pas été présentés.

[8]          Dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge L'Heureux-Dubé a conclu au paragraphe 43 que, « dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision » . Cette obligation comportera l'exigence de motiver une décision. L'arrêt Baker, précité, nomme cinq facteurs devant servir à déterminer le contenu de l'obligation d'équité procédurale : (i) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (ii) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l'organisme; (iii) l'importance de la décision pour les personnes visées; (iv) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et (v) les choix de procédure que l'organisme fait lui-même. L'obligation d'équité procédurale dans le cadre du paragraphe 46.04(8) ne comprend pas l'obligation de motiver une décision. L'agente a précisé qu'elle n'accepte pas les certificats de naissance des parents, et, à mon avis, ce faisant, elle ne commet pas d'erreur. Il ne s'agit pas d'une décision arbitraire. Compte tenu des circonstances de l'espèce, je n'ai pas à décider si l'absence de certificats de naissance des enfants est un point important.

[9]          La décision à prendre est de savoir si le droit d'établissement devrait être accordé en vertu du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration. Les demandeurs n'ont pas obtenu le droit d'établissement. La décision de ne pas leur accorder le droit d'établissement en vertu de ce paragraphe a une certaine incidence sur les demandeurs mais elle n'est pas trop importante. Ils possèdent toujours le droit de rester au Canada, qui leur est conféré par leur statut de réfugié au sens de la Convention, et leur demande pourra être réévaluée une fois qu'ils produiront de meilleures preuves d'identité. Rien ne les empêche de présenter d'autres demandes d'établissement en vertu du paragraphe 46.04(8).

[10]          Il n'existe aucune attente légitime en vertu de laquelle le droit d'établissement sera automatiquement accordé, car certaines conditions exigeantes doivent être remplies avant une telle décision. La procédure servant à présenter des demandes aux termes du paragraphe 46.04(8) et à les évaluer ne préconise pas une obligation d'équité procédurale supérieure. Je remarque que dans la décision Tewelde c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 549 (1re inst.), le juge Muldoon a conclu qu'il n'était pas nécessaire de motiver une décision prise dans le cadre du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration quand la personne concernée est considérée comme un danger pour le public. Je suis d'avis qu'un niveau semblable de pouvoir discrétionnaire est nécessaire pour déterminer ce que sont des « papiers d'identité acceptables » . La décision n'a pas besoin d'être motivée. Je remarque également que dans Popal, précité, on n'a pas dit aux demandeurs quels étaient les documents inacceptables. En l'espèce, les demandeurs ont été informés que les certificats de naissance qu'ils ont fournis n'étaient pas acceptables.

[11]          Une attente légitime est créée quand un décideur, par des mots, une procédure ou une action, crée une attente raisonnable de la part de la personne concernée, en vertu de laquelle un certain processus sera suivi pour le prononcé de la décision. Cela ajoute un élément particulier au processus à l'égard de l'obligation d'équité procédurale que le décideur est tenu de respecter et il y a manquement à l'obligation d'équité procédurale si ce processus n'est pas suivi.

[12]          La doctrine de l'attente légitime est procédurale et ne peut pas servir à créer un droit fondamental ni à entraver l'exercice d'un pouvoir législatif.

[13]          L'inclusion d'un certificat de naissance comme un exemple de ce qui pourrait constituer des « papiers d'identité acceptables » dans la note de service sur les opérations susmentionnée n'a pas créé une attente légitime en vertu de laquelle de tels documents seraient toujours acceptés. La note de service sur les opérations précise que « [l]es documents suivants [...] peuvent être acceptés » . Ce qui ne veut pas dire que ces documents doivent être acceptés. Le Parlement a créé deux catégories différentes au paragraphe 46.04(8), selon lesquelles si une personne possède un passeport ou un document de voyage en cours de validité, alors la personne aura rempli la partie identité de la condition pour obtenir le droit d'établissement. Les déclarations dans la note de service sur les opérations avaient simplement pour but d'illustrer quels documents peuvent remplir le critère d'un papier d'identité acceptable, et ne peuvent pas être interprétées comme signifiant que le défendeur s'engageait à toujours accepter un certain type de document aux fins du paragraphe 46.04(8). Il n'existait aucune attente légitime de la part des demandeurs en vertu de laquelle ces certificats de naissance seraient acceptables.

[14]          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]          La question suivante sera certifiée comme une question grave de portée générale :

     Est-il nécessaire de motiver un refus du droit d'établissement aux termes du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2?

     « W.P. McKeown »

     JUGE


Ottawa (Ontario)

le 25 septembre 2000




Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3529-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      SELVARAJAH VAIRAMUTHU et autres

                     et MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          30 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :              25 SEPTEMBRE 2000




ONT COMPARU :

MICHEAL CRANE                      POUR LE DEMANDEUR
MARTIN E. ANDERSON                      POUR LE DÉFENDEUR

                        

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MICHEAL CRANE                      POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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