Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19981204

     Dossier : T-1769-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 4 DÉCEMBRE 1998

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE

     SUNSHINE VILLAGE CORPORATION,

     demanderesse,

     et

     LA MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN et

     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs énoncés dans les motifs de l'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et les dépens sont adjugés aux défendeurs.

     " Max M. Teitelbaum "

     ________________________________

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     Date : 19981204

     Dossier : T-1769-97

ENTRE

     SUNSHINE VILLAGE CORPORATION,

     demanderesse,

     et

     LA MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN et

     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une présumée décision du ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps (la ministre), telle qu'elle est énoncée dans une lettre du 25 juillet 1997, concernant le maintien de la Commission fédérale d'évaluation créée le 24 mars 1995 en vue d'examiner la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 de Sunshine Village.

[2]      Dans sa requête, la demanderesse, Sunshine Village Corporation, sollicite :

         [TRADUCTION]                 
         1. Une ordonnance de la nature d'un certiorari annulant la décision de la ministre du Patrimoine canadien défenderesse de maintenir une commission fédérale d'évaluation conformément au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement ou à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE). La décision de maintenir une commission fédérale est énoncée dans une lettre de la ministre du Patrimoine datée du 25 juillet 1997; elle a été communiquée au président de la société demanderesse, Ralph D. Scurfield, le 28 juillet 1997.                 
         2. Un jugement déclaratoire portant que la commission d'évaluation établie par la ministre de l'Environnement et par le défendeur, la ministre du Patrimoine, est dessaisie de l'affaire selon la loi.                 
         3. Un mandamus enjoignant à la ministre de l'Environnement défenderesse de mettre fin aux activités de la commission.                 

[3]      Dans le dossier de la requête, la demanderesse énumère les moyens suivants :

         [TRADUCTION]                 
         1. Le promoteur a abandonné le projet ou la proposition à l'égard desquels la commission a été constituée le 20 mars 1997.                 
         2. Les commissions d'évaluation ne sont pas des tribunaux de réglementation permanents.                 
         3. Le ministre de l'Environnement est chargé d'administrer la LCEE. Après que le " promoteur " (la demanderesse) eut abandonné le projet, le ministre de l'Environnement aurait dû abolir la commission parce que c'est lui et non la ministre du Patrimoine qui est responsable de l'application de la LCEE .                 
         4. La décision de conférer des pouvoirs permanents à une commission publique coûteuse comporte de graves conséquences financières pour la demanderesse.                 

[4]      L'avis de requête était étayé par l'affidavit du 18 août 1997 de Ralph D. Scurfield, président-directeur général et actionnaire majoritaire de la demanderesse, lequel figure à l'onglet 3 du dossier de la requête de la demanderesse.

LES FAITS

[5]      La demanderesse, Sunshine Village Corporation (Sunshine), est propriétaire d'un centre de ski commercial dans le parc national Banff et exploite ledit centre. Ce centre est exploité depuis 1934, mais la demanderesse l'a acquis en 1981 seulement. Au cours des années 1970, des discussions publiques concernant l'aménagement de Sunshine ont mené à une proposition et à une approbation de principe par le gouvernement, le 6 avril 1978. Un certain nombre d'installations ont été construites à la suite de la signature, le 15 mai 1978, d'un accord d'aménagement conclu avec le gouvernement fédéral. D'autres installations qui faisaient partie du plan de 1978 mais qui n'avaient pas été construites ont par la suite été incorporées dans la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 (voir l'onglet A,6 du dossier des défendeurs). En 1986, Sunshine a soumis une nouvelle proposition qui a par la suite été abandonnée. De 1989 à 1992, Sunshine a consulté Parcs Canada au sujet d'un nouveau plan d'aménagement, qui a mené à la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992. Par une lettre datée du 31 août 1992, Jean Charest, ministre responsable de Parcs Canada de l'époque, a approuvé en principe, sous réserve d'évaluations additionnelles, la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992; les travaux de construction du projet Goat's Eye ont commencé en octobre 1993. Il y a ensuite eu un litige prolongé (voir l'onglet A, 1 à 5 du dossier des défendeurs) lorsque la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (la SPPSNC) a essayé d'empêcher l'aménagement du centre de ski. Entre le moment où la demande de la SPPSNC a été déposée et celui où les audiences ont été tenues, Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien responsable de Parcs Canada, a demandé qu'une commission d'évaluation soit constituée en vue d'effectuer un examen public des installations ajoutées aux installations existantes, à Sunshine Village. La création de la commission a été retardée à cause du litige, qui était en cours, au sujet de l'aménagement de Sunshine Village.

[6]      Le 24 mars 1995, Sheila Copps, qui était alors vice-premier ministre et ministre de l'Environnement, a créé une commission d'évaluation en vue d'effectuer un examen public indépendant du projet d'agrandissement des installations existantes, lequel comprenait un parc de stationnement plus grand, la rénovation de l'hôtel et de nouveaux télésièges, à l'exclusion de Goat Eye Mountain, conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui venait d'être édictée (dossier de la demanderesse, page 9).

[7]      La commission a été formée en vue d'examiner la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992 de Sunshine Village Corporation (voir onglet A, 6 du dossier des défendeurs) et pour aucune autre raison.

[8]      Le projet d'aménagement et la création de la commission d'évaluation ont abouti à un litige prolongé et ont entraîné de nombreux jugements. Ainsi, en 1995, Sunshine a demandé à la Cour fédérale d'intervenir pour déterminer si la commission d'évaluation avait validement été créée et si elle avait compétence, et notamment pour examiner son mandat. Le juge Heald a rejeté la demande de Sunshine et a statué que la commission avait été créée d'une façon légitime et qu'elle avait la compétence voulue pour examiner la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992, qui comprenait les éléments non construits du plan de 1978 de la demanderesse : (Sunshine Village Corp. c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien) et al. (1995), 100 F.T.R. 284). Cette décision a été confirmée en appel : (Sunshine Village Corp. c. Canada, [1996] 44 Admin. L.R. (2d) 201 (C.A.F.)). L'autorisation de pouvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée. La décision de la Cour d'appel fédérale renferme un résumé complet de l'historique qui a mené à la présente demande de contrôle judiciaire.

[9]      Par suite du résultat final des poursuites judiciaires, la demanderesse a écrit à l'honorable Sheila Copps le 20 mars 1997 pour l'informer qu'elle abandonnait la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992.

[10]      Il me semble, au vu de cette lettre, que la demanderesse a abandonné d'une façon inconditionnelle la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992.

         [TRADUCTION]                 
         Hon. Sheila Copps
         Vice-premier ministre et
         ministre du Patrimoine canadien
         Chambre des communes
         Ottawa K1A 0H3
         Objet : Proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992                 
         Madame,
         J'aimerais encore une fois vous remercier personnellement d'avoir pris le temps de visiter Sunshine Village au mois de janvier dernier pour vous rendre compte vous-même des problèmes qui se posent dans notre entreprise.                 
         J'aimerais vous informer d'une décision que nous avons prise au sujet de la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992 qui a été approuvée par le ministre de l'Environnement le 31 août 1992, et qui a malheureusement fait l'objet d'un litige. Par suite de la décision de refuser l'autorisation de pouvoi que la Cour suprême du Canada vient de prendre, nous abandonnons par les présentes la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992.                 
         Soyez assurée que nous continuerons à collaborer avec vos représentants en vue de respecter l'engagement que nous avons pris dans le bail que nous avons conclu avec la Couronne fédérale, en particulier en ce qui concerne l'exploitation d'une station de ski hors pair.                 
         Si vous désirez me rencontrer, je serai à votre disposition dès que vous le voudrez.                 
         Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes meilleurs sentiments.                 
         Le président,                 
         " Ralph D. Scurfield "
         Ralph D. Scurfield

[11]      Ce présumé abandon inconditionnel est contesté par les défendeurs, qui semblent soutenir que ladite lettre du 20 mars 1997 ne constitue pas en soi un abandon inconditionnel, mais une proposition modifiée. De l'avis des défendeurs, c'est ce que montre la lettre du 5 août 1997 adressée à Sheila Copps, dans laquelle M. Scurfield, pour le compte de la demanderesse, réitérait la décision qu'il avait prise d'abandonner la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992 et faisait savoir que la demanderesse avait l'intention " de revenir au plan de 1978 antérieur à l'entrée en vigueur du Décret " (dossier de demande de la demanderesse, pages 59 et 60).

[12]      À la suite de la lettre du 20 mars 1997 dans laquelle la demanderesse abandonnait la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992, la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, a répondu par une lettre datée du 25 juillet 1997.

[13]      Dans sa réponse, la ministre dit que l'avenir de la Commission d'évaluation devrait être examiné compte tenu des précisions qu'il fallait donner au sujet de la possibilité de revoir divers éléments non construits du plan de 1978.

         [TRADUCTION]                 
         M. Ralph D. Scurfield
         Président
         Sunshine Village Corporation
         Boîte postale 1510
         Banff (Alberta)
         T0L 0C0
         Monsieur,
             Je vous remercie de la lettre que vous m'avez envoyée le 20 mars 1997 au sujet de la décision que vous avez prise d'abandonner la proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992 concernant le centre de ski Sunshine, dans le parc national Banff.                 
             J'ai minutieusement examiné la question et j'aimerais indiquer de quelle façon divers éléments non construits figurant dans le plan de 1978 devraient être revus et examinés en attendant qu'un nouveau plan à long terme soit élaboré. Nous demandons des précisions dans l'intérêt des parties et en vue de réduire l'incertitude associée à l'examen du projet qui a donné lieu par le passé à certaines craintes tant de la part du ministère du Patrimoine canadien que de votre entreprise. En outre, ces précisions doivent être données avant qu'une décision soit prise au sujet de l'avenir de la commission chargée d'examiner l'aménagement du centre de ski Sunshine.                 
             Les représentants du ministère organiseront donc une rencontre avec vous ainsi qu'avec les représentants de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale en vue de déterminer la façon dont la question doit être abordée. M. Charlie Zinkan, directeur intérimaire, Parcs des Rocheuses, communiquera avec vous à cet égard.                 
             J'espère que ces renseignements vous sont utiles.                 
             Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes meilleurs sentiments.                 

     " Sheila Copps"

     Sheila Copps

         [Je souligne.]

[14]      Dans une lettre datée du 5 août 1997 envoyée en réponse à la lettre du 25 juillet 1997 de la ministre, la demanderesse préconisait la dissolution de la Commission d'évaluation et demandait une réponse à ce sujet.


         [TRADUCTION]                 
         Honorable Sheila Copps
         Ministre du Patrimoine canadien
         15, rue Eddy, 12e étage
         Immeuble Jules Léger
         Hull (Québec)
         K1A 0M5
         Madame,
         Je vous remercie de votre lettre du 25 juillet, que vous avez envoyée en réponse à ma lettre du 20 mars 1997. J'aimerais d'abord vous féliciter du succès que vous avez remporté aux élections et d'avoir encore une fois été nommée ministre du Patrimoine canadien.                 
         Dans votre lettre, vous dites ceci :                 
             "Ces précisions doivent être données avant qu'une décision soit prise au sujet de l'avenir de la Commission chargée d'examiner l'aménagement du centre de ski Sunshine. "                         
         Devrions-nous donc supposer que vous avez décidé, ou que le ministre de l'Environnement a décidé par votre entremise, de maintenir la commission d'évaluation?                 
         Nos avocats m'ont informé que l'existence d'une " proposition " était un élément essentiel de l'examen effectué par une commission en vertu du Décret. De même, les commissions créées en vertu de la LCEE peuvent uniquement étudier un " projet " distinct. La commission chargée de l'évaluation de Sunshine que vous avez créée en votre qualité de ministre de l'Environnement à la demande du ministre Dupuy n'a plus la compétence voulue pour examiner notre projet compte tenu de la lettre du 20 mars 1997 (que j'ai envoyée à titre de promoteur). Comme vous le savez, les commissions créées en vertu de la LCEE ne sont pas des tribunaux permanents de réglementation, des commissions de planification, ou des organismes publics du gouvernement ayant une compétence générale. Elles existent uniquement en vue d'étudier les effets d'un " projet " donné, soit dans ce cas-ci celui qui a été approuvé par l'ancien ministre en 1992.                 
         De plus, toute planification d'entreprise redondante dans le soi-disant cadre d'un mécanisme de réglementation va à l'encontre des dispositions du Décret et des dispositions similaires de la LCEE destinées à éviter le double emploi. L'alinéa 4b.1) de la LCEE se rapporte à un seul projet et à une seule évaluation, et non à une évaluation visant à permettre de déterminer si le promoteur soumettra peut-être un projet. La commission en question a définitivement été créée à l'égard d'un " projet " que Sunshine Village, le " promoteur ", a maintenant abandonné, comme vous l'avez reconnu dans votre dernière lettre.                 
         Par conséquent, étant donné que j'ai abandonné la proposition le 20 mars, aucune commission ne peut exister en vertu de la LCEE. En outre, on m'a informé qu'il n'existe pas de pouvoir ou de texte législatif fédéral permettant à une commission de continuer à être compétente à l'égard d'un projet qui a été abandonné. Pourtant, dans votre lettre du 25 juillet, vous semblez conférer des pouvoirs permanents à la commission.                 
         En tant que petite entreprise touristique bien connue exerçant ses activités dans le parc national du Canada le plus ancien et le plus connu, nous avons toujours cherché à respecter l'esprit de notre bail ainsi que ses objectifs. Nous nous sommes engagés de bonne foi dans un processus de planification il y a onze ans, en 1986, en vue de mettre à jour et de modifier le plan à long terme qui avait été approuvé à l'égard de Sunshine Village. Ce processus a abouti au plan de 1992, qui a été approuvé par la ministre. Des événements subséquents nous ont amenés à abandonner ce plan. Une petite entreprise ne saurait se permettre de faire face à l'incertitude et aux frais énormes associés à un processus normalement réservé aux mégaprojets tels que le raccordement permanent avec l'Île-du-Prince-Édouard ou la mine de diamants B.H.P./Diamet dans les Territoires du Nord-Ouest.                 
         Les gestionnaires du parc Banff m'ont assuré à maintes reprises que le gouvernement du Canada n'a pas l'intention de contraindre Sunshine Village à mettre fin à ses activités. Toutefois, les représentants locaux nous ont informés que nous ne pouvons même pas remplacer par un immeuble permanent les roulottes temporaires qui servent de pavillon de jour, à Goat's Eye, tant que l'incertitude qui existe au sujet de la commission n'aura pas été dissipée. Dans l'intervalle, les services aux clients et notre compétitivité à l'échelle internationale en souffrent. Ce sont pour des raisons comme celles-ci que nous avons pris la décision difficile d'abandonner le plan de 1992 qui a été négocié, et de revenir plutôt au plan de 1978 préalable au Décret.                 
         Par conséquent, auriez-vous l'obligeance de me faire savoir si la commission existe encore? Étant donné les délais qui s'appliquent à la Cour fédérale, nous devons obtenir par écrit une réponse claire d'ici le 15 août 1997. Je suis certain que vous comprendriez qu'en l'absence de pareilles précisions, nous devons supposer que dans votre lettre du 25 juillet 1997 vous avez décidé en votre qualité de ministre de maintenir la commission et par simple mesure de précaution, nous nous verrons donc obligés de demander à nos avocats de présenter une demande de contrôle devant la Cour fédérale au plus tard le 25 août.                 
         Dans ma lettre du 20 mars, je disais que je pouvais me rendre à Ottawa (ou à Hamilton) pour vous rencontrer à bref délai si vous croyez que cela permettrait de régler cette question. Je réitère mon invitation.                 
         Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes meilleurs sentiments.                 

     Le président

     " Ralph D. Scurfield "

     Ralph D. Scurfield

[15]      Il ressort de cette lettre que la demanderesse croit que dans sa lettre du 25 juillet 1997, la ministre lui demande de donner des précisions au sujet de ses projets avant qu'une décision puisse être prise au sujet de l'avenir de la Commission. Dans l'avant-dernier paragraphe de la lettre, la demanderesse demande également à la ministre de prendre une décision au sujet de l'existence de la Commission. Elle lui demande d'avoir l'obligeance de lui faire savoir si la Commission existe encore.

[16]      La demanderesse a donc engagé cette instance en cherchant à obtenir, comme je l'ai dit, un certiorari annulant la décision de la ministre de maintenir la Commission.

LES ARGUMENTS

[17]      En résumé, la demanderesse soutient que la lettre du 25 juillet 1997 de la ministre équivaut à un refus de mettre fin aux activités de la Commission d'évaluation. À son avis, la Commission a perdu compétence lorsque le Plan d'aménagement de 1992 a officiellement été abandonné au moyen de la lettre du 20 mars 1997.

[18]      Les défendeurs présentent des arguments qui se rapportent en premier lieu à la lettre de la ministre du 25 juillet 1997 et en second lieu à l'existence et à la compétence de la Commission :

         [TRADUCTION]                 
         a) La décision de la ministre qui fait l'objet du contrôle judiciaire n'est pas définitive. La lettre dit simplement que la ministre croyait qu'il fallait déterminer si la Commission devait poursuivre ses activités après que des discussions auraient eu lieu entre la demanderesse et les employés de la Couronne.                 
         b) En réponse à la prétention de Sunshine selon laquelle la Commission d'évaluation est dessaisie de l'affaire et a perdu compétence par suite de l'abandon du plan de 1992, il est soutenu que la Commission a été créée en vue d'évaluer toutes les propositions d'agrandissement, à Sunshine Ski Village et que cette lettre modifie en fait le plan d'aménagement de Sunshine et ne prive pas la Commission de sa compétence. Les défendeurs soutiennent en outre que la création de la Commission et la validité légale du mandat de la Commission énoncé à l'appendice A constituent une chose jugée.                 


LES POINTS EN LITIGE

[19]      Il s'agit en premier lieu de déterminer si la lettre du 25 juillet 1997 de la ministre est une décision définitive assujettie au contrôle judiciaire.

[20]      Si ladite décision est une décision définitive assujettie au contrôle judiciaire, il faut ensuite déterminer si l'abandon par la demanderesse de la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 était un abandon complet inconditionnel ou si, comme les défendeurs l'affirment, il s'agissait uniquement d'un abandon partiel puisque la demanderesse a l'intention de revenir à son plan de 1978.

[21]      Troisièmement, il s'agit de savoir si la commission d'évaluation a été dessaisie de l'affaire et a perdu compétence par suite de l'abandon de la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992.

[22]      Dans ses plaidoyers écrits, le défendeur soulève la question de savoir si les questions relatives à la compétence de la Commission, et notamment à son mandat, constituent une chose jugée.

ANALYSE

[23]      L'argument de la demanderesse est en somme que l'abandon du plan de 1992 a eu pour effet de priver la Commission d'évaluation de sa compétence puisqu'il n'y avait plus de projet ou de proposition à examiner. La Commission a donc été dessaisie de l'affaire et elle devrait donc être dissoute et la ministre devrait être obligé de mettre fin à pareilles activités.

[24]      La demanderesse soutient que, par la lettre du 20 mars 1997 (ci-dessus), elle a abandonné sans équivoque la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992. Elle soutient que la Commission d'évaluation, qui a expressément été créée en vue d'examiner la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992, n'a plus de projet à examiner et n'a donc plus compétence, et qu'elle est dessaisie de l'affaire.

[25]      Les défendeurs soutiennent que la lettre du 20 mars 1997 dans laquelle la demanderesse faisait savoir qu'elle abandonnait le plan de 1992 modifie en fait le plan d'aménagement de Sunshine. À leur avis, c'est ce que montre la lettre du 5 août 1997 dans laquelle Sunshine exprime son intention de revenir au plan de 1978. Ce passage pertinent se lit comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         Les gestionnaires du parc Banff m'ont assuré à maintes reprises que le gouvernement du Canada n'a pas l'intention de contraindre Sunshine Village à mettre fin à ses activités. Toutefois, les représentants locaux nous ont informés que nous ne pouvons même pas remplacer par un immeuble permanent les roulottes temporaires qui servent de pavillon de jour, à Goat's Eye, tant que l'incertitude qui existe au sujet de la commission n'aura pas été dissipée. Dans l'intervalle, les services aux clients et notre compétitivité à l'échelle internationale en souffrent. Ce sont pour des raisons comme celles-ci que nous avons pris la décision difficile d'abandonner le plan de 1992 qui a été négocié, et de revenir plutôt au plan de 1978 préalable au Décret.                 

[26]      J'ai écouté les arguments de la demanderesse et les garanties offertes par l'avocat de la demanderesse en sa qualité d'officier de la Cour, et je suis convaincu que lorsque la demanderesse a écrit au ministre le 20 mars 1990 (page 57 du dossier de la demanderesse) en vue d'abandonner la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992, elle renonçait à tout ce qui était incorporé dans la proposition, y compris la partie des " éléments non construits du plan de 1978 concernant la région de ski de Sunshine Village " dont il est fait mention à l'appendice A ainsi que celle dont il est fait mention à l'appendice B (pages 16 et 17 du dossier de la demanderesse) qui comprenait ce qui avait été renvoyé à la Commission pour évaluation environnementale (la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992).

[27]      Le mandat complet de la Commission créée par la ministre de l'Environnement de l'époque, Sheila Copps, vers le 24 mars 1995 était énoncé aux appendices A et B (page 9 du dossier de la demanderesse).

[28]      Je crois qu'il est important de répéter que je suis convaincu que l'intention de la demanderesse d'abandonner la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 concernant Sunshine Village incorporait les éléments non construits du plan de 1978, lequel devait faire l'objet d'une évaluation environnementale avant d'être réalisé et faisait partie du mandat (appendice A) de la Commission.

[29]      Les remarques qui précèdent montrent clairement que Sunshine avait l'intention d'abandonner et a abandonné toute la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992, ce qui voulait dire qu'elle renonçait à tout ce qu'il restait à faire, selon le plan de 1978 préalable au Décret.

[30]      Ce que j'essaie de dire, c'est que compte tenu des garanties offertes à la Cour par l'avocat de la demanderesse et de la lettre du 20 mai 1997 de la demanderesse, toute la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 concernant Sunshine Village a été abandonnée. Il ne reste plus de projet ou de proposition à évaluer étant donné qu'il ne reste plus rien à faire selon le plan de 1978 ou selon le plan de 1992, qui prévoit des travaux additionnels (à l'appendice B).

[31]      La question de savoir si Sunshine a l'intention de soumettre, à une date ultérieure, une proposition différente ou une proposition modifiée (en tant que nouvelle proposition) qui reprendrait ou incorporerait en totalité ou en partie les éléments non construits du plan de 1978 est une question séparée et distincte. Au fil des ans, Sunshine et la Couronne ont examiné et évalué un certain nombre de plans d'aménagement qui ont été soumis, modifiés, approuvés, réévalués ou même abandonnés. Étant donné leur complexité et leurs répercussions, il faut réexaminer avec le temps la viabilité et le caractère approprié des projets d'aménagement à long terme. En l'espèce, il est également clair que la décision par laquelle la Cour d'appel fédérale a statué que le plan de 1992 de Sunshine devait être examiné par la Commission était le facteur déterminant dans la décision que Sunshine a prise d'abandonner le plan de 1992 et, comme je l'ai déjà dit, la Cour d'appel, en examinant le plan de 1992 de Sunshine, a également traité de la partie non achevée du plan de 1978 de Sunshine.

[32]      Les deux parties conviennent que s'il ne reste pas de proposition ou de projet à examiner, la commission créée pour examiner la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992 comprenant les parties non achevées ou non construites de la proposition de 1978 est dessaisie de l'affaire et devrait être dissoute.

La lettre du 25 juillet 1997

[33]      Même si j'ai conclu qu'en abandonnant sa proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992, la demanderesse a également abandonné au complet la partie non terminée de son plan de 1978 et que la Commission n'a plus rien à surveiller étant donné qu'il n'y a plus de propositions officielles d'agrandissement concernant Sunshine Village, je ne suis pas convaincu que la lettre du 25 juillet de la ministre soit une décision définitive qui puisse faire l'objet d'un contrôle judiciaire conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

[34]      À mon avis, il est de droit constant que conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, la décision à examiner doit être une décision définitive ou, du moins, une décision portant sur une question de fond.

[35]      En l'espèce, il s'agissait pour la ministre (le tribunal) de savoir si la Commission devait être dissoute puisqu'elle était dessaisie de l'affaire par suite de l'abandon de la proposition relative au Plan d'aménagement à long terme de 1992.

[36]      La ministre a répondu à la demande par la lettre du 25 juillet 1997, dans laquelle elle demandait des précisions étant donné qu'elle semblait s'inquiéter de ce que la demanderesse n'avait pas totalement abandonné le plan de 1978.

[37]      Dans sa lettre du 20 mars 1997, la demanderesse n'a pas donné de précisions à la ministre au sujet de ce qui était abandonné. La ministre a reçu la lettre du 5 août 1997 dans laquelle la demanderesse mentionne qu'elle reprend le plan de 1978 préalable au Décret.

[38]      Dans la lettre du 5 août 1997, la demanderesse dit elle-même qu'elle attendra 30 jours pour recevoir une réponse à la demande qu'elle fait en vue de la dissolution de la Commission et que si elle n'obtient pas de réponse, elle supposera qu'il a été décidé de ne pas dissoudre la Commission.

[39]      Cela montre clairement en soi que la ministre n'a pas pris une décision définitive assujettie au contrôle judiciaire puisqu'aucune décision n'a été prise le 20 juillet 1997.

CONCLUSION

[40]      Puisque je suis convaincu que la ministre de l'Environnement n'a pas pris de décision dans sa lettre du 20 juillet 1997, il ne peut pas y avoir de contrôle judiciaire conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41]      Au cas où je me tromperais en tirant la conclusion susmentionnée et au cas où la Cour d'appel fédérale conclurait que la lettre du 20 juillet 1997 de la ministre est une décision assujettie au contrôle judiciaire, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire et j'accorderais un certiorari annulant la décision de la ministre de maintenir la Commission d'évaluation, je déclarerais que la Commission est dessaisie de l'affaire et j'enjoindrais au ministre de dissoudre la Commission.



LES DÉPENS

[42]      Étant donné que je suis convaincu qu'il n'existe pas de décision à examiner et que cette demande doit être rejetée, les dépens sont adjugés aux défendeurs.

     " Max M. Teitelbaum "

     ________________________________

     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 4 décembre 1988.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1769-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Sunshine Village Corporation c. le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l'Environnement

LIEU DE L'AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 1er décembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge TEITELBAUM en date du 4 décembre 1998

ONT COMPARU :

Daniel Carrol/William Tilleman          POUR LA DEMANDERESSE

Edmonton (Alberta)

Kirk Lambrecht                  POUR LES DÉFENDEURS

Edmonton (Alberta)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Field, Atkinson, Perraton              POUR LA DEMANDERESSE

Edmonton (Alberta)

Ministère de la Justice              POUR LES DÉFENDEURS

Edmonton (Alberta)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.