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     IMM-2374-96


ENTRE

     KLAVDIA PETROVA,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE SUPPLÉANT HEALD



         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 24 juin 1996 prise par l'agente d'immigration K. Clemmens (l'agente d'immigration). Par cette décision, l'agente d'immigration a conclu que la requérante ne remplissait pas la condition de trois ans aux fins d'admissibilité à la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée (IMRED). La requérante demande que cette décision soit annulée, et que l'affaire soit renvoyée à un autre agent d'immigration pour nouvel examen et nouvelle décision.

La décision de l'agente d'immigration     

         L'agente d'immigration n'a pas motivé sa décision. La décision elle-même se lit : [TRADUCTION] "La présente vise à vous informer que vous ne remplissez pas la condition de la période d'admissibilité de trois ans. Nous avons calculé que votre période d'admissibilité commencerait le 22 septembre 1998. Vous devriez présenter de nouveau votre demande après cette date." Il existait également une mention dans un document appelé [TRADUCTION] "Histoire du client". Cette mention est ainsi rédigée : [TRADUCTION] "**DEMANDE AU TITRE DE LA CATÉGORIE DES IMRED présentée tôt - N'EST PAS ADMISSIBLE AVANT LE 22 SEPT. 98 DOSSIER COMPLET RETOURNÉ À LA CLIENTE. KAC -CIC MISS-25 JUIN 96." Les initiales "K.A.C." semblent être celles de l'agente d'immigration. La date du 22 septembre 1998 est pertinente puisqu'exactement trois ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la Cour a rejeté la demande de la requérante visant à obtenir l'autorisation d'intenter une action en contrôle judiciaire de la décision de la S.S.R. (22 sept. 1995). En application de l'article du Règlement sur l'immigration , DORS/78-172, une personne ne peut faire partie de la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée dans les trois ans suivant la conclusion d'une telle demande devant la Cour. Il semble clair que la décision de l'agente des visas reposait sur le fait que la période de trois ans susdite ne s'était pas écoulée puisque le rejet par la Cour de la demande d'autorisation était daté du 22 septembre 1995.

Les faits

         La requérante, ainsi que ses deux filles et ses deux petits-enfants, sont entrés au Canada le 19 décembre 1991 après s'être enfuis de l'Estonie. Le 5 février 1993, la S.S.R. a conclu que la requérante, sa fille Jelena Anikina et son petit-fils Artur Anikin n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. La Cour a refusé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision le 22 septembre 1993. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a par la suite conclu que l'autre fille de la requérante, Rufina Sirotinina, et la petite-fille de celle-ci étaient des réfugiées au sens de la Convention. La requérante a présenté une requête visant à faire rouvrir par la S.S.R. sa revendication du statut de réfugié. Cette requête a été rejetée le 28 juin 1995. Une demande d'autorisation relativement à cette décision a été déposée à la Cour le 14 juillet 1995. Toutefois, la demande n'a jamais été mise en état. Le dossier de la requérante n'a pas été déposé à la Cour. En conséquence, la Cour a rejeté la demande d'autorisation le 22 septembre 1995.

         Les points litigieux en l'espèce doivent être tranchés selon les faits entourant la demande qui a été rejetée le 28 juin 1995. La requérante dit qu'elle n'a pas autorisé son avocat à déposer la demande pour son compte. Cette déclaration est étayée par l'affidavit de Mendel Green, c.r. son ancien avocat. Dans cet affidavit, Me Green a dit avoir déposé la demande de son propre gré, sans que la requérante le sache ni qu'elle y consente. La fille de la requérante, Jelena Anikina, a également confirmé par affidavit qu'elle n'avait pas donné à Me Green l'instruction de déposer la demande. Est jointe à son affidavit une lettre que Me Green lui a envoyée pour expliquer qu'il avait agi sans son autorisation pour préserver ses droits et les droits du petit-fils de la requérante. Il ressort de la preuve que la requérante n'a pas elle-même autorisé la demande, et que Me Green a agi de sa propre initiative, avec les meilleures intentions, puisqu'il a honnêtement cru qu'il préservait les intérêts de ses clients.

Les points litigieux     

1.      L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en déclarant l'admissibilité de la requérante à partir de la date du rejet de la demande non autorisée d'autorisation d'instituer une demande de contrôle judiciaire?
2.      L'agente d'immigration a-t-elle eu tort de n'avoir pas tenu compte des observations de la requérante relativement aux faits incontestés entourant la demande d'autorisation non autorisée?

Analyse     

         La principale question soulevée par la présente demande peut être formulée en ces termes simples : Les particuliers devraient-ils subir les conséquences juridiques des mesures prises par leur avocat sans leur autorisation?

         Le comte d'Halsbury de la Chambre des Lords1 a répondu à cette question par la négative et en termes clairs : ]TRADUCTION] "...et me proposer qu'une Cour de justice est liée par un acte d'avocat non autorisé au point qu'elle se prive de son autorité générale sur la justice entre les parties est, à mon avis, l'idée la plus extraordinaire que j'aie jamais entendue... dire qu'un avocat peut contredire ce que son client a dit et agir sans l'autorisation de ce dernier, de manière à lier la cour elle-même est une idée à laquelle, certainement, je ne consentirai jamais."


         Ce principe a été suivi devant les tribunaux canadiens2. Toutefois, lorsque, dans des circonstances urgentes, un avocat agit sans autorisation, le client peut toujours être lié pourvu qu'il y acquiesce et adopte les procédures3.

         De même, lorsqu'un client retient les services d'un avocat et offre de faire de lui son mandataire, il peut être lié par les actes non autorisés de cet avocat en vertu du droit du mandat.

         À mon avis, le dossier de l'espèce n'établit pas l'existence d'un acquiescement ni d'une offre. En fait, l'action a été rejetée parce qu'elle n'était pas en état. Le dossier établit clairement que l'action n'a pas été autorisée par la requérante.

         En conséquence, je conclus que la demande de contrôle judiciaire déposée le 14 juillet 1995 a été déposée sans autorisation et aurait dû être écartée aux fins d'examiner l'appartenance de la requérante à la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée (IMRED). Il s'ensuit que, à mon avis, l'agente d'immigration a commis une erreur dans le calcul de la date exacte du début de la période d'attente de trois ans.

Conclusion

         Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision en date du 24 juin 1996 de l'agente d'immigration K. Clemmens annulée, et l'affaire renvoyée pour qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen et prenne une nouvelle décision en prenant pour acquis que la demande d'autorisation d'instituer une demande de contrôle judiciaire déposée par l'avocat de la requérante le 14 juillet 1995 ne devrait pas être examinée dans la détermination de l'admissibilité de la requérante à la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée.

Certification

         Ni l'un ni l'autre des avocats n'a proposé la certification d'une question grave de portée générale en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je souscris à cette vue de l'affaire. En conséquence, il n'y aura pas lieu à certification.

                             "Darrel V. Heald"

                                     J.S.

Toronto (Ontario)

Le 21 mai 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA


     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :                      IMM-2374-96


INTITULÉ DE LA CAUSE :              KLAVDIA PETROVA

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                              ET DE L'IMMIGRATION



DATE DE L'AUDIENCE :              Le 20 mai 1997


LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge suppléant Heald


EN DATE DU                      21 mai 1997


ONT COMPARU :

Lorne Waldman                      pour la requérante

Lori Hendriks                      pour l'intimé

                    


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman

281, avenue Eglinton est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                          pour la requérante



George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA







     IMM-2374-96


ENTRE

     KLAVDIA PETROVA,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1      Neale v. Lennox [1992] A.C. 465, à la page 470.

     2      Voir, par exemple, Davis v. Campbell (1986), 9 C.P.C. (2d) 48.          Voir également Smith v. Robinson (1992), 7. O.R. (3d) 550 (Div. Gén.).

     3      Voir HPR Management v. Morse (1991), 49 C.P.C. (2d) 208.

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