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Date : 20001026

Dossier : T-624-90

ENTRE :

                                      JANES NOSEWORTHY LIMITED, syndic des

                            biens de la société faillie Giovannini's Construction Limited,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                          - et -

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                                                                                                     défenderesse.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY :

[1]         Par voie de requête présentée par le demandeur, conformément à la règle 220(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), la Cour est appelée à statuer sur certaines questions exposées par les parties dans un exposé conjoint des faits. Madame le protonotaire Aronovitch a ordonné qu'au lieu de procéder à l'instruction de la présente action, la Cour statuera sur les questions convenues.


[2]         L'exposé conjoint des faits et les questions convenues concernent le droit du syndic à certains fonds à la suite de la faillite de Giovannini's Construction Limited (la Société). Cette Société avait obtenu l'attribution d'un contrat pour la construction d'un brise-lames à Sibley's Cove à Terre-Neuve. Conformément au contrat, la Société s'est procurée un cautionnement d'exécution et un cautionnement pour la main-d'oeuvre et les matériaux auprès de la Halifax Insurance Company, qui est devenue la caution pour l'exécution du contrat. La caution était tenue d'assumer le rôle de la Société dans l'éventualité d'un défaut de sa part.

[3]         Le contrat de construction prévoyait que la défenderesse (la Couronne) verserait des paiements périodiques, selon les demandes d'acompte pour les factures soumises, sous réserve qu'elle en retiendrait une partie en attendant que le projet soit terminé. La Couronne a approuvé une demande d'acompte d'environ 152 300,00 $, présentée par la Société le 30 septembre 1988, pour des travaux accomplis et des matériaux fournis, et, sous réserve de la retenue convenue, elle a approuvé le paiement du solde, à savoir de 144 680,66 $. En fait, ce paiement n'a pas été versé à la Société avant qu'elle cesse les travaux le 25 octobre 1988 et avant que la défenderesse ne soit avertie par une banque, le 28 octobre, que la Société lui avait fait cession de ses créances comptables.

[4]         Le 1er décembre, la Couronne a averti la Société qu'elle était réputée avoir abandonné les travaux, et agissant comme le contrat le lui permettait, elle a appelé la caution en garantie pour l'achèvement du contrat. Par la suite, elle a réglé des demandes de paiement présentées par certains tiers pour des fournitures qu'ils avaient procuré à la caution et elle a pris des dispositions pour verser à la caution certains paiements relativement aux demandes présentées pour l'achèvement des travaux.


[5]         En août 1989, la Société a été déclarée en faillite et le demandeur a été nommé syndic des biens de la Société faillie. Le syndic a alors demandé qu'on lui paie la valeur des travaux achevés et des matériaux fournis pour lesquels la Société avait présenté une demande le 30 septembre 1988 et qui n'avait pas été payée. Le syndic a fini par engager la présente action au moyen d'une déclaration datée du 1er mars 1990. Il demande que la Couronne lui paie le montant qui était dû à la Société.

[6]         L'exposé conjoint des faits, incluant des questions convenues auxquelles la Cour doit répondre, telles qu'elles ont été approuvées par le protonotaire Aronovitch pour la présente instance, sont exposés à l'annexe A des présents motifs.

Le litige

[7]         Comme il est indiqué au paragraphe 16 de l'exposé conjoint des faits, les parties ont convenu que, dans la présente instance, la Cour doit statuer sur les questions suivantes :

a)    Le syndic demandeur a-t-il droit au montant dont le paiement a été autorisé le 5 octobre 1988 (144 680,44 $) ou au montant déclaré comme représentant la valeur des travaux achevés et des matériaux fournis au 30 septembre 1988 (152 295,20 $)?

b)    Si l'on présume qu'une partie des travaux achevés ou des matériaux fournis entre le 30 septembre 1988 et le 1er décembre 1988 a été achevée ou fournie par Giovannini, le syndic demandeur a-t-il droit au montant que cela représente?

[8]         Au moment de l'audition de la présente affaire, l'avocat du demandeur a informé la Cour que le syndic demandeur ne réclamait maintenant que le montant de 144 680,44 $, soit le montant dont le paiement avait été autorisé le 5 octobre 1988, et qu'il ne demandait plus, dans le cadre de la présente action, le paiement des travaux achevés ou des matériaux fournis entre le 30 septembre 1988 et le 1er décembre 1988.

[9]         En conséquence, la seule question qui a été débattue devant moi et la seule question qui a été abordée en l'espèce est celle de savoir si le syndic demandeur a droit au montant dont le paiement à la Société a été autorisé le 5 octobre 1988, à savoir 144 680,44 $.

La position des parties

[10]       Pour le compte du syndic demandeur, il a été avancé qu'en sa qualité de syndic des biens de la Société faillie, il a droit au paiement du montant dont le paiement à la Société avait été approuvé le 5 octobre 1988, c'est-à-dire le montant réclamé pour les travaux et les matériaux fournis au 30 septembre 1999, soustraction faite de la retenue convenue dans le contrat.

[11]       À l'appui de cette prétention, l'avocat invoque principalement la décision Re Jason Construction Ltd., [1972] 29 D.L.R. (3d) 623, 6 W.W.R. 203, 17 C.B.R. (N.S.) 158 (C.A. Alb.), et la décision Re Newtown Construction Limited (1983), 45 Nfld and P.E.I. R et 132 A.P.R. 239 (C.S.T.-N., Div. 1re inst.), des affaires qui, paraît-il, seraient analogues au présent cas. Dans la première affaire, un entrepreneur en construction, s'étant engagé par contrat à construire un immeuble, avait pris des dispositions pour obtenir un cautionnement d'exécution comme l'exigeait le contrat et avait procédé aux travaux. Sa première demande d'acompte prévue par le contrat était attestée par l'architecte et un chèque pour ce montant, dont on avait soustrait la retenue convenue, avait été remis à l'entrepreneur. Lorsqu'il a présenté le chèque à la banque pour toucher son paiement, le propriétaire avait transmis un contre-ordre, ayant appris, après l'émission du chèque, que l'entrepreneur avait fait cession générale de créances comptables à la banque. Peu après, l'entrepreneur a fait une cession de biens en vertu de la Loi sur la faillite, amenant l'application d'une disposition du contrat permettant au propriétaire de résilier le contrat et d'achever le projet. C'est ce que le propriétaire a fait et il a appelé la caution en garantie pour qu'elle achève le contrat conformément à son cautionnement.

[12]       Lorsque le projet a été terminé, la somme attestée par l'architecte, et pour laquelle le chèque avait été tiré, a été réclamée par le syndic de faillite, par la banque et par le propriétaire de l'immeuble qui la réclamait à titre de compensation pour l'augmentation du prix attribuable au fait que la caution avait achevé la construction. La Cour d'appel, dans cette affaire, a confirmé la décision du juge de première instance qui avait rejeté la demande du syndic, et la demande du propriétaire pour compenser la hausse du prix payé attribuable au fait que la caution avait achevé la construction. Finalement, la banque, cessionnaire des créances comptables de l'entrepreneur, a été jugée fondée à recevoir le montant réclamé. La Cour a statué que le moment crucial était la date à laquelle la créance avait pris naissance, à savoir la date à laquelle l'architecte avait attesté du paiement, parce qu'alors la créance était [TRADUCTION] « devenue la propriété de l'intimée » (la banque).

[13]       Dans l'affaire Newtown, le gouvernement de Terre-Neuve, étant endetté envers Newtown Construction pour un travail à forfait que cette société avait exécuté, avait demandé à la Cour, par voie de question préjudicielle, d'établir qui, parmi les créanciers de Newtown réclamant des sommes dues, avait droit au paiement. Finalement, les demandes dont il fallait établir l'ordre de priorité les unes par rapport aux autres étaient celle de la banque, en sa qualité de cessionnaire des créances comptables de Newtown aux termes d'une cession enregistrée avant le défaut d'exécution de Newtown dans le cadre du contrat, et celle de la caution, qui avait achevé le contrat après le défaut de Newtown. Le juge Goodridge, tel était alors son titre, a reconnu la priorité de la banque cessionnaire dans les circonstances de cette affaire.


[14]       En l'espèce, le syndic avance que, le 5 octobre 1988, lorsque la Couronne a approuvé le paiement de la demande de la Société pour un montant de 144 680,44 $, la Société avait droit à ce paiement. Les travaux n'avaient pas été retirés de la Société, elle n'était pas encore en défaut et il n'existait aucun droit de compensation. Le syndic, représentant finalement la Société pour le bénéfice de ses créanciers, avait le droit, prétend-on, au paiement du montant dont la Couronne avait approuvé le paiement.

[15]       Pour le compte de la défenderesse, il est prétendu que la demande du syndic ne peut être différente de celle de la Société et cette demande était assujettie aux modalités du contrat. Celui-ci envisageait précisément les circonstances qui sont survenues dans cette affaire, à la clause 38, qui prévoit, en partie, que :

38.1 Le Ministre peut, à son entière discrétion, retirer à l'entrepreneur la totalité ou une partie des travaux et recourir aux moyens qui lui semblent appropriés pour achever les travaux si l'entrepreneur

38.1.1           fait défaut ou retarde à commencer les travaux ou à exécuter les travaux avec diligence et à la satisfaction de l'ingénieur, dans les six jours suivant la réception par l'entrepreneur d'un avis par écrit du Ministre ou de l'ingénieur, conformément à l'article CG11;

38.1.2           a négligé d'achever quelque partie des travaux dans le délai imparti par le contrat;

38.1.3           est devenu insolvable;

38.1.4           a commis un acte de faillite;

38.1.5           a abandonné les travaux;

38.1.6           a fait cession du contrat sans le consentement requis au paragraphe CG3.1; ou

38.1.7           a de quelque autre façon fait défaut d'observer ou d'accomplir l'une quelconque des dispositions du contrat.

38.2 Si la totalité ou une partie quelconque des travaux a été retirée à l'entrepreneur conformément au paragraphe CG38.1,

38.2.1           l'entrepreneur n'a droit, sauf dispositions du paragraphe CG38.4, à aucun autre paiement dû et exigible; et

38.2.2           l'entrepreneur est tenu de payer à Sa Majesté, sur demande, un montant égal à la totalité des pertes et dommages que Sa Majesté aura subis en raison du défaut de l'entrepreneur d'achever les travaux.

38.3 Si la totalité ou partie des travaux retirés à l'entrepreneur conformément au paragraphe CG38.1 est achevée par Sa Majesté, l'ingénieur établit le montant, s'il y en a, de toute retenue ou demande d'acompte de l'entrepreneur existant au moment où les travaux lui ont été retirés et dont, selon l'ingénieur, on n'a pas besoin pour assurer l'exécution des travaux ou pour rembourser à Sa Majesté les pertes ou dommages subis en raison du défaut de l'entrepreneur.

38.4 Sa Majesté peut verser à l'entrepreneur le montant qu'on jugera non requis suivant le paragraphe CG38.3.


[16]       La défenderesse prétend que, dans ces circonstances, toute demande formulée par le syndic est assujettie aux clauses 38.2.1, 38.3 et 38.4 du contrat et que, étant donné qu'il n'a été établi aucun paiement à la Société aux termes de la clause 38.3, aucun paiement n'est dû au syndic. En outre, elle fait valoir que l'approbation du paiement d'un certain montant le 5 octobre 1988 ne transférait aucun droit de propriété sur ce montant. Tout au plus, la Société pourrait plutôt prétendre à un droit de poursuivre pour ce montant. Aux termes du contrat, ce droit était assujetti aux dispositions des clauses 38.2.1 et 38.3. Aussi, tout droit à un paiement dont jouissait la Société s'est éteint et il n'a été établi aucun montant d'une « demande d'acompte de l'entrepreneur existant au moment où les travaux lui ont été retirés » qui serait payable à l'entrepreneur ou à son syndic, selon ce que prévoit la clause 38.3.

Conclusion

[17]       Ni l'affaire Jason Construction ni celle de Newtown ne correspond exactement aux faits de la présente affaire. En l'espèce, le syndic réclame du propriétaire du projet. Il n'est pas question d'établir l'ordre de priorité parmi des demandes formulées par d'autres contre le propriétaire. En l'espèce, la cessionnaire des créances comptables de la Société, une banque, ne peut faire reconnaître aucune demande parce qu'elle a négligé de donner à la Couronne l'avis de la cession qu'exige la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 68 et 69. En outre, il ressort que, dans aucune des affaires invoquées par le syndic demandeur, le contrat conclu entre la Société et la Couronne, aux termes duquel les travaux ont été accomplis et qui a donné naissance à la demande de paiement, ne prévoyait précisément les circonstances qui sont survenues.


[18]       Dans le présent cas, à mon avis, le contrat prévoit aux clauses 38.2.1, 38.3 et 38.4 les circonstances qui se sont produites en l'espèce et les dispositions qui y sont précisées n'ont pas été remplies. Il est vrai, comme le demandeur le prétend, que le 5 octobre 1988, quand la Couronne a approuvé le paiement d'un certain montant à la Société, cette dernière n'était pas en défaut et elle poursuivait l'exécution des travaux conformément au contrat. L'approbation d'un paiement peut bien avoir fait naître un droit de poursuivre en vertu du contrat, mais elle n'engendre aucun transfert de droit de propriété sur le montant approuvé. Ce montant constitue le « montant, [...] de toute [...] demande d'acompte de l'entrepreneur existant au moment où les travaux lui ont été retirés » selon les termes employés à la clause 38.3 du contrat. Conformément à la clause 38.2.1, le droit de la Société de réclamer le paiement de ce montant s'est éteint lorsque les travaux lui ont été retirés.

[19]       Par convention conclue entre la Société et la Couronne, plus précisément par la clause 38, il a été entendu que la Couronne pourrait retirer les travaux à la Société, pour des motifs valables, et prendre des dispositions pour l'achèvement des travaux par un autre. En cas de concrétisation de cette éventualité, la convention prévoyait que toute demande non réglée de la Société qui existait avant que les travaux ne lui soient retirés, était payable seulement si la Couronne en décidait ainsi aux termes de la clause 38.4, pour le montant établi par l'ingénieur, comme le prévoyait la clause 38.3. Aucun établissement d'un tel montant n'a eu lieu en l'espèce.

[20]       Étant donné que, selon ce que prévoyait le contrat, la demande de la Société ne pouvait faire l'objet de poursuites dans les circonstances qui se sont produites, le syndic demandeur n'a pas de demande à formuler contre la Couronne.

[21]       Par conséquent, ma réponse à la seule question à trancher dans la présente instance est non, le syndic demandeur n'a pas droit au montant dont le paiement a été autorisé le 5 octobre 1988, à savoir 144 680,44 $. Cette réponse est reprise dans une ordonnance distincte. Les dépens sont adjugés à la défenderesse suivant la base habituelle des frais entre parties, d'un montant que


les parties peuvent convenir ou, à défaut d'entente, pour un montant établi conformément à la colonne III du tarif B des Règles de la Cour.

                                                                                                                (Signé)W. Andrew MacKay              

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

le 26 octobre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                                       T-624-90

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                 ANNEXE « A »

                                                 EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1.          Le 21 mai 1985, ou vers cette date, Giovannini's Construction Limited (Giovannini) a fait cession générale de ses créances comptables à la Banque de Nouvelle-Écosse (la Banque), cession qui a été enregistrée au Registry of Deeds and Companies (bureau d'enregistrement) de la province de Terre-Neuve le 29 mai 1985 sous le numéro 16584. Sa Majesté la Reine (Sa Majesté) n'a jamais été avisée de la cession comme le prescrit l'article 69 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C., ch. F-11.

2.          Le 21 juillet 1988, ou vers cette date, Giovannini a conclu un contrat avec Sa Majesté, représentée par le ministre des Travaux publics, pour la construction d'un brise-lames à Sibley's Cove, dans la province de Terre-Neuve (le Contrat). Le Contrat était un contrat à prix unitaire par lequel Sa Majesté s'engageait à verser un montant maximal de 841 650,00 $. Le Contrat devait être exécuté avant le 1er décembre1988.

3.          Les modalités de paiement du Contrat prévoyaient en partie ce qui suit :

1.1_     Sujet à toutes autres dispositions du contrat, Sa Majesté paie à l'entrepreneur, aux dates et de la manière énoncées ci-après, le montant par lequel

1.1.1 l'ensemble des montants prévus à l'article MP2 excède

1.1.2 l'ensemble des montants prévus à l'article MP3

et l'entrepreneur accepte le paiement comme paiement final de tout ce qu'il a fourni et fait relativement aux travaux auxquels le paiement se rapporte.

2.1      Les montants mentionnés à l'alinéa MP 1.1.1 sont l'ensemble :

2.1.1 des montants prévus dans les Articles de convention, et

2.1.2 les montants, s'il en est, payables à l'entrepreneur conformément aux Conditions générales.

3.1      Les montants mentionnés à l'alinéa MP1.1.2 sont l'ensemble des montants, s'il en est, que l'entrepreneur est tenu de payer à Sa Majesté en vertu du contrat.

3.2      Dans tout paiement fait à l'entrepreneur le fait pour Sa Majesté d'omettre de déduire d'un montant mentionné à l'article MP2 un montant mentionné au paragraphe MP3.1 ne peut constituer une renonciation à son droit de faire une telle déduction, ni une reconnaissance de l'absence d'un tel droit lors de tout paiement ultérieur à l'entrepreneur.

4.1      Dans les présentes modalités de paiement , « période de paiement » s'entend d'un intervalle de 30 jours consécutifs ou de tout autre intervalle plus long convenu entre l'entrepreneur et l'ingénieur.


4.2      À l'expiration d'une période de paiement, l'entrepreneur remet à l'ingénieur une demande d'acompte écrite et y décrit toute partie achevée des travaux et tous les matériaux livrés aux lieux des travaux, mais non incorporés aux travaux, durant la période de paiement visée par la demande d'acompte.

4.3      L'ingénieur, dans les dix (10) jours suivant réception d'une demande d'acompte mentionnée au paragraphe MP4.2,

4.3.1 fait l'inspection de la partie des travaux et des matériaux qui y sont décrits, et

4.3.2 présente un rapport sur les progrès des travaux, dont il envoie copie à l'entrepreneur, et dans lequel il indique la valeur de la partie des travaux et des matériaux décrits dans la demande d'acompte qui, selon lui,

4.3.2.1    sont conformes aux dispositions du contrat, et

4.3.2.2    n'étaient visés par aucun autre rapport concernant des travaux du contrat.

4.4      Sous réserve de l'article MP1 et du paragraphe MP4.5, Sa Majesté, au plus tard 30 jours après la présentation du rapport sur les progrès des travaux mentionné au paragraphe MP4.3, paie à l'entrepreneur,

4.4.1 une somme égale à 95 p. 100 de la valeur indiquée dans ce rapport sur le progrès des travaux, si l'entrepreneur a fourni un cautionnement pour le paiement de la main-d'oeuvre et des matériaux,

4.4.2 un montant égal à 90 p. 100 de la valeur indiquée dans ce rapport sur le progrès des travaux, si l'entrepreneur n'a pas fourni un cautionnement pour le paiement de la main-d'oeuvre et des matériaux.

4.5      Pour que l'obligation de Sa Majesté qui est énoncée au paragraphe MP4.4 soit exécutoire, l'entrepreneur doit avoir préparé et remis à l'ingénieur une déclaration sous serment décrite au paragraphe MP4.6 à l'égard d'une demande d'acompte mentionnée au paragraphe MP4.2.

[...]

5.1      Ni le rapport sur le progrès des travaux mentionné au paragraphe MP4.3, ni les paiements effectués par Sa Majesté en conformité des Modalités ne doivent être interprétés comme une admission que les travaux et les matériaux sont, en totalité ou en partie, complets, satisfaisants ou conformes au contrat.

[...]

7.1    Sans restreindre tout droit de compensation ou de retenue découlant explicitement ou implicitement de la loi ou d'une disposition quelconque du contrat, Sa Majesté peut opérer compensation de toute somme due par l'entrepreneur à Sa Majesté en vertu du contrat ou de tout contrat en cours, à l'encontre des sommes dues par Sa Majesté à l'entrepreneur en vertu du contrat.

3. Les Conditions générales du contrat prévoyaient en partie ce qui suit :

37.2 Si l'entrepreneur n'achève pas les travaux au jour fixé par les Articles de convention mais achève ces travaux par la suite, l'entrepreneur paie à Sa Majesté un montant égal à l'ensemble

37.2.1        de tous les salaires, gages et frais de déplacement versés par Sa Majesté aux personnes surveillant les travaux pendant la période de retard,

37.2.2        des coûts engagés par Sa Majesté en conséquence de l'impossibilité pour Sa Majesté de faire usage des travaux achevés pendant la période de retard, et

37.2.3        de tous les autres frais et dommages supportés ou subis par Sa Majesté pendant la période de retard par suite de l'inachèvement des travaux à la date prévue.

[...]

38.1 Le Ministre peut, à son entière discrétion, retirer à l'entrepreneur la totalité ou une partie des travaux et recourir aux moyens qui lui semblent appropriés pour achever les travaux si l'entrepreneur


38.1.1        fait défaut ou retarde à commencer les travaux ou à exécuter les travaux avec diligence et à la satisfaction de l'ingénieur, dans les six jours suivant la réception par l'entrepreneur d'un avis par écrit du Ministre ou de l'ingénieur, conformément à l'article CG11;

38.1.2        a négligé d'achever quelque partie des travaux dans le délai imparti par le contrat;

38.1.3        est devenu insolvable;

38.1.4        a commis un acte de faillite;

38.1.5        a abandonné les travaux;

38.1.6        a fait cession du contrat sans le consentement requis au paragraphe CG3.1; ou

38.1.7        a de quelque autre façon fait défaut d'observer ou d'accomplir l'une quelconque des dispositions du contrat.

38.2 Si la totalité ou une partie quelconque des travaux a été retirée à l'entrepreneur conformément au paragraphe CG38.1,

38.2.1       l'entrepreneur n'a droit, sauf dispositions du paragraphe CG38.4, à aucun autre paiement dû et exigible; et

38.2.2       l'entrepreneur est tenu de payer à Sa Majesté, sur demande, un montant égal à la totalité des pertes et dommages que Sa Majesté aura subis en raison du défaut de l'entrepreneur d'achever les travaux.

38.3 Si la totalité ou partie des travaux retirés à l'entrepreneur conformément au paragraphe CG38.1 est achevée par Sa Majesté, l'ingénieur établit le montant, s'il y en a, de toute retenue ou demande d'acompte de l'entrepreneur existant au moment où les travaux lui ont été retirés et dont, selon l'ingénieur, on n'a pas besoin pour assurer l'exécution des travaux ou pour rembourser à Sa Majesté les pertes ou dommages subis en raison du défaut de l'entrepreneur.

38.4 Sa Majesté peut verser à l'entrepreneur le montant qu'on jugera non requis suivant le paragraphe CG38.3.

39.1 Le retrait de la totalité ou d'une partie des travaux à l'entrepreneur en conformité de l'article CG38 n'a pas pour effet de libérer l'entrepreneur d'une obligation quelconque découlant pour lui du contrat ou de la loi, sauf quant à l'obligation pour lui de continuer l'exécution de la partie des travaux qui lui fut ainsi retirée.

4. Conformément aux modalités du Contrat, Giovannini a fourni à Sa Majesté un cautionnement d'exécution et un cautionnement pou la main-d'oeuvre et les matériaux, tous deux datés du 26 juillet 1988 et dans lesquels The Halifax Insurance Company (la caution) se portait caution.

5. Une demande d'acompte, datée du 30 septembre 1988, a été envoyée à Sa Majesté pour couvrir la période se terminant le 30 septembre 1988. Le paiement a été autorisé le 5 octobre 1988. La partie des travaux achevés et les matériaux se trouvant sur les lieux des travaux le 30 septembre 1988 se montaient à 152 295,20 $. Après l'application de retenues, le montant dont le paiement a été approuvé se montait à 144 680,66 $. Ce montant n'a pas été payé à Giovannini.

6. Vers le 25 octobre 1988, Giovannini a cessé les travaux sur le chantier.

7.    Le 28 octobre 1988, la Banque, dans une lettre rédigée par le gérant de sa succursale de Rowan Street, a averti Sa Majesté de sa cession. Dans une autre lettre rédigée par un avocat le 14 novembre 1988, la Banque a averti Sa Majesté de la cession.


8. Le 1er décembre 1988, Sa Majesté, estimant que Giovannini avait abandonné le Contrat, a écrit à cette Société pour déclarer qu'elle considérait que cette Société avait abandonné le Contrat et ajouter que, conformément à la condition générale numéro 38 du Contrat, celui-ci était retiré à Giovannini. Sa Majesté a sommé la caution d'achever le Contrat.

9.    La caution a envoyé à Sa Majesté une autre demande d'acompte, en date du 31 mai 1989. Cette demande visait les travaux achevés ou des matériaux livrés entre le 1er avril 1989 et le 31 mai 1989. La partie des travaux achevés et les matériaux livrés au cours de cette période se montaient à 178 844,93 $ et l'ensemble des travaux achevés et des matériaux livrés au 31 mai 1989 atteignait 396 418,00 $. La valeur des travaux achevés et des matériaux livrés dans l'exécution du Contrat avant le 1er avril 1989 aurait donc été au maximum de 217 573,07 $.

10. Bien que la Société Giovannini affirme qu'à la date du défaut, elle avait droit à un montant additionnel de 150 000 $, Sa Majesté soutient qu'il aurait fallu produire une preuve pour établir quelle est la portion des travaux achevés et des matériaux livrés entre le 30 septembre 1988 et le 1er décembre 1988 est attribuable à Giovannini et quelle est la portion attribuable à la caution. Le montant maximal de ces travaux est de 65 457,87 $. (217 573,07 $ moins 152 295,20 $.)

11. Après la réception de la demande d'acompte en date du 31 mai 1989, Sa Majesté a payé à la caution la somme de 231 916,66 $.

12. Sa Majesté a reçu, de la caution, une autre demande d'acompte, datée du 15 juillet 1989, pour la période comprise entre le 31 mai 1989 et le 15 juillet 1989, dans laquelle il était indiqué que d'autres travaux avaient été achevés ou d'autres matériaux livrés pour un montant de 267 000,00 $. Cette demande précisait que le total des travaux achevés et des matériaux livrés au 15 juillet 1989 était de 663 976 $. Par la suite, Sa Majesté a versé un montant de 254 180,10 $ à la caution.

13. Par une ordonnance de séquestre modifiée prononcée par la Cour suprême de Terre-Neuve, en date du 4 août 1989, Giovannini's Construction Limited, (la Société faillie), a été déclarée en faillite conformément à la Loi sur la faillite, L.R.C. 1970, ch. 33 (la LOI). Le demandeur a été nommé syndic des biens du failli.

14. En février 1990, Sa Majesté a effectué d'autres paiements prévus par le Contrat. Conformément aux modalités du Contrat, elle a soustrait des sommes autrement exigibles un montant de 37 020,63 $ qu'elle a retenu pour retard dans l'achèvement du Contrat. Sa Majesté, avec le consentement de la caution, a payé à Revenu Canada, à Travail Canada et à Harbourview Supermarket Limited des dettes contractées par Giovannini dans l'exécution du Contrat qui se montaient à 28 293,13 $. Le montant de 319 644,88 $ a été versé à la caution. Par la suite le montant de 32 730,00 $, qui avait été retenu par Sa Majesté en attendant la confirmation selon laquelle certaines autres demandes fondées sur le Contrat avaient été payées, a été versé à la caution.


15. Des copies des Articles de la convention, des modalités de paiement et des conditions générales du Contrat, du cautionnement d'exécution, du cautionnement pour la main-d'oeuvre et les matériaux, de la lettre de la Banque en date du 28 octobre 1988 et de la lettre de l'avocat pour le compte de la Banque en date du 14 novembre 1988 sont jointes aux présentes et font partie de l'exposé conjoint des faits.

16. Par la présente requête, il est demandé à la Cour de statuer sur les questions suivantes :

a)         Le syndic demandeur a-t-il droit au montant dont le paiement a été autorisé le 5 octobre 1988 (144 680,44 $) ou au montant déclaré comme représentant la valeur des travaux achevés et des matériaux fournis au 30 septembre 1988 (152 295,20 $)?

b)         Si l'on présume qu'une partie des travaux achevés ou des matériaux fournis entre le 30 septembre 1988 et le 1er décembre 1988 a été achevée ou fournie par Giovannini, le syndic demandeur a-t-il droit au montant que cela représente?


Date : 20001026

Dossier : T-624-90

ENTRE :

             JANES NOSEWORTHY LIMITED, syndic des

biens de la société faillie Giovannini's Construction Limited,

                                                    demandeur,

                            - et -

                     SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                 défenderesse.

VU l'ordonnance de madame le protonotaire Aronovitch en date du 4 février 2000, rendue conformément à la règle 220, des questions de droit pertinentes à la présente action ont été approuvées pour être tranchées à partir d'un exposé conjoint des faits au lieu de l'instruction de la présente action,

APRÈS avoir entendu les avocats des parties à St-John's, à Terre-Neuve, le 6 juillet 2000, date à laquelle l'avocat du demandeur a informé la Cour que la seule question à trancher dans la présente instance est celle exposée dans les termes de l'ordonnance qui suit, et la Cour ayant considéré les observations des avocats,


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.               La Cour, en ayant été informée par l'avocat au moment de l'audition de l'affaire, déclare que la seule question sur laquelle elle était appelée à statuer au cours de la présente instance est la suivante :

Le syndic demandeur a-t-il droit au montant dont le paiement a été autorisé le 5 octobre 1988, c'est-à-dire à 144 680,44 $?

2.               La présente Cour répond à la question posée au premier paragraphe par la négative - c'est-à-dire non.

3.               La défenderesse obtiendra les dépens sur la base habituelle des frais entre parties d'un montant dont les parties peuvent convenir ou, à défaut d'entente, d'un montant qui sera taxé conformément à la colonne III du tarif B des Règles de la Cour.

                                            (Signé)W. Andrew MacKay              

JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE GREFFE :                                             T-624-90

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Janes & Noseworth Ltd. et al. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                St-John's (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :                              6 juillet 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY le 26 octobre 2000

ONT COMPARU :

Mme Stephanie Hickman                                                           POUR LE DEMANDEUR

M. John Ashley                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :         

Patterson, Palmer, Hunt, Murphy                                               POUR LE DEMANDEUR

St. John's (Terre-Neuve)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

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