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Date : 20000502


Dossier : IMM-2451-99


ENTRE :


YONG CHEN


demanderesse


- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agente des visas L. Chau, du Consulat général du Canada à Hong Kong, rendue le 30 avril 1998, selon laquelle la demande de résidence permanente de la demanderesse était rejetée.


LES FAITS

[2]      La demanderesse est citoyenne de la République populaire de Chine. Elle a obtenu en 1992 un baccalauréat ès arts avec une majeure en japonais à l'université Guangxi, à Nanning.

[3]      La demanderesse a travaillé comme interprète pendant près de sept années.

[4]      Elle a présenté sa demande dans la catégorie des immigrants indépendants en tant qu'interprète, mais sa demande a été rejetée à la suite de l'entrevue.

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[5]      L'agente des visas a évalué la demanderesse au regard de la profession d'interprète (titre 5125.3 de la CNP) et lui a accordé 61 points d'appréciation :

         Âge                      10
         Demande dans la profession          01
         Études et formation              15
         Expérience                  00
         Emploi réservé              00
         Facteur démographique          08
         Études                      15
         Anglais                  07
         Français                  00
         Personnalité                  05

                             ---

         Total                      61

[6]      La demanderesse n'a obtenu aucun point d'évaluation pour le facteur de l'expérience au motif qu'elle n'avait pas la formation exigée par la CNP pour être évaluée au regard de la profession d'interprète, soit un baccalauréat en traduction.

[7]      L'agente des visa a donc rejeté sa demande.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]      L'agente des visas a-t-elle commis une erreur lors de son interprétation des conditions d'accès à la profession d'interprète contenues dans la Classification nationale des professions?

ANALYSE

[9]      Je dois d'abord me pencher sur une question préliminaire portée à mon attention par la demanderesse en ce qui concerne la lettre du DRHC. La demanderesse a demandé que la lettre du DRHC soit retirée du dossier et que la Cour ne tienne pas compte du paragraphe 8 de l'affidavit qu'elle a déposé. La Cour a accueilli cette requête.

[10]      La CNP établit les conditions d'accès à la profession pour les interprètes :
     Un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe et une spécialisation en traduction, en terminologie ou en interprétation au niveau des études supérieures sont exigés.
[11]      Dans sa lettre de refus, l'agente des visas a écrit :
     [traduction]
     Vous n'avez obtenu aucun point d'évaluation pour le facteur de l'expérience car vous n'avez pas la formation exigée par la CNP pour être évaluée au regard de cette profession, soit un baccalauréat en traduction.

[12]      L'agente des visas n'a pas fait référence à la discipline connexe mentionnée dans la CNP.

[13]      Les notes au STIDI indiquent ce qui suit :
     [traduction]
     Selon la CNP, les interprètes et les traducteurs doivent détenir un baccalauréat en interprétation/traduction et une spécialisation en interprétation, en traduction ou en terminologie au niveau des études supérieures.

[14]      En énonçant les conditions d'accès à la profession, l'agente des visas a encore une fois omis de mentionner l'autre possibilité prévue à la CNP qu'est la discipline connexe.

[15]      Les notes au STIDI se lisent comme suit :
     [traduction]
     Elle n'avait pas de baccalauréat en traduction ou d'équivalent décrit à la CNP dans les conditions d'accès à la profession d'interprètes/traducteurs. En conséquence, je ne suis pas convaincue qu'elle satisfait aux exigences en matière de formation applicables aux interprètes et aux traducteurs.
     [...]
     J'ai examiné ces certificats et j'ai avisé l'immigrante éventuelle qu'ils ne pouvaient être considérés comme un équivalent ou un substitut d'un baccalauréat en traduction pour la profession qu'elle avait choisie.
     (Non souligné dans l'original)

[16]      À la lecture des notes au STIDI, il est évident que premièrement, l'agente des visas n'a pas tenu compte de l'élément relatif à la discipline connexe figurant dans les conditions d'accès à la profession et que deuxièmement, elle a appliqué une autre condition d'accès à la profession que celle prévue à la CNP. La CNP exige une discipline connexe et l'agente des visas a exigé un « équivalent » ou un « substitut » de la discipline.

[17]      Le terme « related » (connexe) est défini comme suit dans le dictionnaire Webster : [traduction] « lié en raison d'une relation établie ou susceptible d'être découverte » ; le terme « discipline » (discipline) est défini comme étant [traduction] « un domaine d'étude » .

[18]      Le terme « equivalent » (équivalent) est défini dans le dictionnaire Webster comme suit : [traduction] « correspondant ou virtuellement identique, plus particulièrement quant à l'effet ou à la fonction » . La nécessité de détenir un diplôme équivalent est une exigence plus rigoureuse que la nécessité de détenir un diplôme connexe.

[19]      Le terme « substitute » (substitut) est défini dans le dictionnaire Webster comme signifiant [traduction] « ce qui remplace quelque chose ou joue le même rôle » . Le diplôme substitutif n'a même pas à être connexe à un diplôme en traduction. Un diplôme substitutif constitue une exigence bien plus générale que celle stipulée dans la CNP; tout diplôme en langue pourrait facilement être considéré comme un substitut d'un diplôme en traduction.

[20]      Si le législateur avait exigé un diplôme équivalent ou substitutif, il aurait facilement pu le préciser. Le législateur a plutôt choisi un diplôme dans une discipline connexe. En appliquant une condition d'accès à la profession différente, l'agente des visas a mal interprété les conditions d'accès à la profession et a commis une erreur de droit.

[21]      De plus, encore une fois, j'ai beaucoup de réserves à l'égard du fait que les agents des visas évaluent les compétences en interprétation des demandeurs. Je ne vois pas comment les agents des visas sont experts dans ce domaine.

[22]      Dans la décision Gao c. Canada (M.C.I.) (9 mars 2000) IMM-2453-99 (C.F. 1re inst.), la Cour a exprimé des réserves à l'égard de cette question :

         En absence d'un examen normalisé, je ne comprends pas comment l'agente des visas pouvait évaluer les compétences professionnelles de la demanderesse dans ce domaine.

[23]      Les agents des visas évalueront-ils les compétences professionnelles des ingénieurs ou des chefs cuisiniers? De toute évidence, ils ne sont pas bien placés pour le faire.

[24]      À mon avis, cette pratique consistant à évaluer les compétences professionnelles des interprètes n'est pas appropriée et les demandeurs devraient obtenir des points sur la base des facteurs prévus au Règlement et non pas sur la base de leurs compétences en tant qu'interprètes.


[25]      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un agent des visas différent pour qu'il rende une décision sur celle-ci.


Pierre Blais

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 2 MAI 2000


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :                  IMM-2451-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          YONG CHEN c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              VANCOUVER
DATE DE L'AUDIENCE :              LE 28 AVRIL 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                  2 MAI 2000




ONT COMPARU :

M. Dennis Tanack                      POUR LA DEMANDERESSE
Mme Pauline Anthoine                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dennis Tanack

Vancouver (C.-B.)                      POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                     
Sous-procureur général du Canada              POUR LE DÉFENDEUR
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