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Date : 20020711

Dossier : T-1505-01

Ottawa (Ontario), le jeudi 11 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                               HELMUT OBERLANDER

                                                                          demandeur

                                      - et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

VU la requête du demandeur pour la délivrance d'une ordonnance visant à surseoir à la poursuite et à l'achèvement d'une enquête à son sujet menée par la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande de contrôle judiciaire;

ET VU les éléments de preuve déposés par les parties, ainsi que les observations qu'elles ont soumises;


                                                                                                                                                           Page : 2

ET pour les motifs de l'ordonnance délivrée aujourd'hui;

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis soit rejetée.

     

      (signé) Michael A. Kelen                                                                                                                   _________________________

          JUGE

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                                                                                                           Date : 20020711

                                                                                                                                     Dossier : T-1505-01

Référence neutre : 2002 CFPI 771

ENTRE :

                                                           HELMUT OBERLANDER

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN :

[1]                 Il s'agit d'une requête pour la délivrance d'une ordonnance visant à surseoir à l'enquête en cours devant la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

  

[2]                 Par la décision du juge MacKay dans l'affaire Canada (M.C.I.) c. Oberlander, [2000] A.C.F. no 229, [2000] C.C.S. no 4139 (C.F.P.I.), notre Cour a reconnu que le demandeur avait obtenu la citoyenneté canadienne en faisant une fausse déclaration ou en dissimulant intentionnellement des faits essentiels lors d'une entrevue d'immigration à son arrivée au Canada en 1954, tombant ainsi sous le coup de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. La décision de 50 pages est un document complet et détaillé qui reflète les 16 jours qu'a duré l'audience.

[3]                 Les circonstances renvoient particulièrement aux fonctions du demandeur en sa qualité de traducteur au sein de l'Einsatzkommando 10a, l'un des groupes qui servaient d'unités mobiles d'exécution pour le compte de l'Allemagne nazie au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont on estime le bilan d'exécution à plus de deux millions de personnes, en majorité des civils. C'est notamment en ces termes que le juge MacKay a décrit cette unité ainsi que la participation du demandeur :

¶ ¶ 189 Le défendeur, Helmut Oberlander, est né àHalbstadt (aussi connu sous le nom de Molochansk), en Ukraine, le 15 février 1924. Sa famille faisait partie des Volksdeutsche dont les ancêtres s'étaient installés àHalbstadt il y a à peu près 250 ans.

¶ ¶ 190 En 1941, à l'âge de 17 ans, il avait terminé l'école secondaire et il parlait couramment l'allemand et le russe. En septembre, ou au début d'octobre, les troupes allemandes sont arrivées àHalbstadt et l'ont libéré, lui et sa famille, d'un camp où les Russes les retenaient. Par la suite, on lui a intimé l'ordre d'apporter son aide à l'enregistrement des Volksdeutsche de la région ainsi que de participer à la réparation des immeubles et des routes de la ville.

¶ ¶ 191 En octobre 1941, ou en février 1942 aux dires de M. Oberlander, les autorités locales lui ont ordonné de se rapporter aux forces allemandes d'occupation en qualité d'interprète. C'est ce qu'il a fait, mais il déclare que ce n'était pas volontairement ou par libre choix, mais bien par peur de représailles s'il refusait.


¶ ¶ 192 Il a étéaffecté à l'Einsatzkommando 10a (Ek 10a), connu aussi sous le nom de Sonderkommando 10a, une unité de police allemande faisant partie de la Sicherheitspolizei (Sipo) et de la Sicherheitsdienst (SD). Ces deux organisations jouaient le rôle de police de sécurité pour les Schutzstaffell (SS), qui contrôlaient leurs opérations àpartir de Berlin. Cette unité de kommando comprenait des membres qui venaient d'autres services de police allemands, ainsi que du personnel auxiliaire, notamment les interprètes, chauffeurs et gardiens, qui étaient recrutés parmi les Volksdeutsche ou les prisonniers de guerre russes.

¶ ¶ 193 L'unité Ek 10a était l'une des équipes de l'Einsatzgruppe D (EG D), qui faisait partie d'un des quatre Einsatzgruppen, désignés comme A, B, C et D. C'étaient des groupes opérationnels spéciaux de police qui opéraient derrière la ligne de front de l'armée allemande dans les territoires occupés de l'Est entre 1941 et 1944. Leur rôle était d'assurer la réalisation des objectifs de l'Allemagne nazie. Parmi leurs fonctions, ils servaient d'unités mobiles d'exécution. On estime que les Einsatzgruppen et la police de sécurité sont responsables de l'exécution de plus de deux millions de personnes, en majorité des civils. Il s'agissait surtout de Juifs et de communistes, mais il y avait aussi des Tsiganes, des personnes souffrant d'une incapacité et d'autres personnes dont l'existence était estimée être contraire aux intérêts de l'Allemagne. [...]

  

[...]

¶ ¶ 197 Rien dans la preuve ne démontre que le défendeur aurait participé personnellement aux atrocités infligées aux civils par l'unité Ek 10a. Son témoignage portant qu'il ne connaissait pas le nom de son unité avant 1970 n'est pas crédible, c'est-à-dire qu'il n'est pas digne de foi, non plus que son affirmation qu'il a été mis au courant des actes commis contre les Juifs par l'unité Ek 10a, savoir leur « relocalisation » , ce qu'il a appris vouloir dire exécution, seulement lorsqu'il était àKrasnodar et à Novorossiysk à l'automne de 1942.

  

[4]                 Le juge MacKay a par la suite résumé le processus par lequel le demandeur est arrivé au Canada et s'est notamment exprimé sur la façon dont celui-ci s'est comporté à cet égard :


¶ ¶ 210 Je conclus qu'on ne lui aurait pas délivré un visa sauf si l'agent de sécurité, suite à son entrevue avec M. Oberlander, avait indiqué que celui-ci avait « passé l'étape B » , c'est-à-dire qu'il avait passé le contrôle de sécurité. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que cette autorisation n'a pu être accordée à M. Oberlander que s'il n'a pas dit la vérité au sujet de son expérience durant la guerre au sein de l'unité Ek 10a, ou s'il n'en a pas parlé. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu'il a fait une fausse déclaration quant à ses antécédents ou qu'il a dissimulé des faits essentiels lors de son entrevue avec l'agent de sécurité. Par conséquent, je conclus que, par la suite, il a été admis au Canada aux fins de la résidence permanente en raison du visa qu'on lui a délivré àKarlsruhe, et que cette admission a étéobtenue par fausse déclaration ou par la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[5]                 Le juge MacKay a ensuite conclu en ces termes :

Conclusion

¶ ¶ 211 Après avoir évalué la preuve avec soin, la Cour conclut selon la prépondérance des probabilités que le défendeur Helmut Oberlander a été admis à la résidence permanente au Canada en 1954 en raison d'un visa obtenu par fausse déclaration ou par la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Par la suite, il a acquis la citoyenneté en 1960.

¶ ¶ 212 Je conclus que M. Oberlander n'a pas été légalement admis à la résidence permanente au Canada et qu'il n'était donc pas un immigrant reçu. Il ne pouvait donc acquérir un domicile canadien au sens de la Loi sur l'immigration qui s'appliquait au moment où il est venu au Canada. Par la suite, il a acquis la citoyenneté en 1960 en déclarant qu'il avait acquis un domicile canadien, ce qui n'était pas le cas. Il a donc acquis la citoyennetécanadienne par suite d'une fausse déclaration.

¶ ¶ 213 Subsidiairement, si l'on jugeait qu'il a été admis au Canada légalement aux fins de la résidence permanente, je conclus que c'était suite à une fausse déclaration ou à la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Or, c'est suite à cette admission qu'il a obtenu la citoyenneté. En vertu du paragraphe 10(2) de la Loi sur la citoyenneté, il est réputé avoir acquis la citoyenneté par fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

¶ ¶ 214 En conséquence, je conclus que le défendeur, Helmut Oberlander, a acquis la citoyennetécanadienne par fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels, au sens du paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté. Une décision est délivrée en ce sens.


[6]                 À la suite de la décision du juge MacKay, le gouverneur en conseil a procédé à la révocation de la citoyenneté canadienne du demandeur au moyen du décret C.P. 2001-1227 daté du 12 juillet 2001. Le demandeur cherche actuellement à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.

[7]                 Le 27 août 2001, on produit un rapport fondé sur l'article 27 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans lequel on allègue que M. Oberlander est une personne visée à l'al. 27(2)i) de la Loi, soit une personne qui a perdu sa citoyenneté. Le même jour, on émet une directive prévoyant la tenue d'une enquête et la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié débute l'enquête.

[8]                 La présente requête vise à surseoir à l'enquête relative au statut d'immigrant du demandeur jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire qu'il a déposée à l'encontre du décret en vertu duquel on a révoqué sa citoyenneté.

LOI PERTINENTE

[9]                 Les dispositions pertinentes de la Loi sur la citoyenneté qui servent de fondement au décret prévoient :



Décret en cas de fraude

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

                 a) soit perd sa citoyenneté;

                 b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

Présomption

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens.

Order in cases of fraud

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

                 (a) the person ceases to be a citizen, or

                 (b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect, as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

Presumption

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.


ANALYSE

[10]            Dans l'arrêt Toth c. M.E.I. (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.) en particulier et dans la jurisprudence de la Cour fédérale s'y rapportant, notre Cour a clairement établi le critère applicable à la délivrance d'une ordonnance de sursis. On peut résumer ce critère en trois volets de la manière suivante :

1. Question sérieuse à juger

2. Préjudice irréparable

3. Balance des inconvénients

Le demandeur doit satisfaire à chacun des volets pour se voir octroyer un sursis.


Question sérieuse à juger

[11]            Je ne suis pas convaincu que la demande de contrôle judiciaire qu'a déposée M. Oberlander à l'encontre du décret soulève une question sérieuse. M. Oberlander a fait valoir quatre arguments à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire :

1.              Le gouverneur en conseil a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire;

2.            Le gouverneur en conseil a commis une erreur en omettant de fournir des motifs à l'appui de sa décision;

3.              Le gouverneur en conseil a privé M. Oberlander du traitement équitable auquel il avait droit;

4.              Le décret est déraisonnable.

[12]            En ce qui a trait à l'argument relatif au pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté, le décret s'inscrit dans les limites de l'article 10 tant selon la version anglaise que française. L'article 10 prévoit précisément la révocation de la citoyenneté d'une personne qui l'a obtenue au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Cette situation s'applique à M. Oberlander. Pour que le décret soit légal et valide, il importe peu que le gouverneur en conseil ait révoqué la citoyenneté sur une base discrétionnaire aux termes de la version française ou parce qu'il était tenu de le faire aux termes de la version anglaise. Par conséquent, je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'une question sérieuse.


[13]            Quant à l'obligation de motiver une décision, M. Oberlander cite l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans l'arrêt Baker, la Cour suprême du Canada a statué qu'il est permis d'examiner le dossier pour dégager les motifs de la décision. En l'occurrence, les motifs de la décision se fondent de toute évidence sur la décision rendue par la Cour fédérale qui, au terme d'une longue audience, a conclu en 50 pages de motifs que M. Oberlander avait obtenu la citoyenneté en 1960 au moyen d'une fausse déclaration ou par la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. J'estime frivole l'argument avancé par le demandeur à cet égard.

[14]            L'avocate de M. Oberlander a admis à l'audience que les deux premiers arguments au soutien de la demande de contrôle judiciaire du décret étaient les plus convaincants. Je ne suis pas d'avis que les deux derniers arguments, quant à savoir si M. Oberlander a bénéficié d'un traitement équitable et si la décision était déraisonnable, soulèvent de sérieuses questions. Aucun fait important n'a été allégué pour étayer sérieusement l'argument selon lequel M. Oberlander a été privé d'un traitement équitable, ou que le décret portant révocation de sa citoyenneté (pour les motifs prévus à l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté) est déraisonnable.

[15]            En conséquence, je conclus que la demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre du décret ne soulève aucune question sérieuse. Cependant, pour les motifs qui suivent, il n'est pas nécessaire que je me prononce à ce sujet car je ne suis pas d'avis que M. Oberlander subira un préjudice irréparable.


Préjudice irréparable

[16]            M. Oberlander cherche à obtenir le sursis de l'enquête d'immigration menée en application de l'article 27 de la Loi sur l'immigration. M. Oberlander ne sollicite pas le contrôle judiciaire de l'enquête, pas plus qu'il n'allègue le caractère illégal ou irrégulier de celle-ci. L'enquête peut ou peut ne pas donner lieu à la prise d'une mesure d'interdiction de séjour à l'endroit de M. Oberlander. Selon le défendeur, la thèse de M. Oberlander relative au « domicile » , qui se fonde sur l'article 123 de la Loi sur l'immigration et qui est susceptible d'empêcher la prise d'une mesure d'expulsion, pourrait être défendable. (Quoique le défendeur concède que cet argument pourrait être avancé, je note que le juge MacKay a statué dans l'affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Oberlander, précitée, au paragraphe 212 en particulier, qu'étant donné que M. Oberlander n'avait pas été légalement admis à la résidence permanente au Canada, il n'a donc pu acquérir un domicile canadien au sens de la Loi sur l'immigration telle qu'elle s'appliquait à son arrivée au Canada.)

[17]            Le défendeur fait valoir que, par le dépôt d'une demande de sursis fondée sur une demande de contrôle judiciaire du décret, une instance tout à fait distincte, M. Oberlander tente de contourner l'application normale de la Loi sur l'immigration. Si aucune mesure d'expulsion n'est prise à l'endroit de M. Oberlander, aucun sursis n'est nécessaire. S'il y a prise d'une mesure d'expulsion, M. Oberlander dispose alors du droit prévu par la loi de demander l'autorisation d'en solliciter le contrôle judiciaire. À ce stade-ci des procédures, la demande de sursis est prématurée.


[18]            En conséquence, dire qu'une mesure d'expulsion sera prise relève de la conjecture. Il n'existe aucun élément de preuve démontrant clairement que M. Oberlander sera expulsé. Il n'existe donc aucun élément de preuve démontrant clairement que M. Oberlander subira un préjudice irréparable si l'enquête devait se poursuivre jusqu'à terme.

[19]            Subsidiairement, notre Cour a conclu que les conséquences naturelles de l'expulsion, telles que la dislocation et la séparation de la famille, ne satisfaisaient pas aux exigences associées au préjudice irréparable. Dans l'affaire Melo c. Canada (MCI), [2000] A.C.F. no 403 (C.F.P.I.), le juge Pelletier (aujourd'hui juge à la Cour d'appel) a défini le « préjudice irréparable » comme :

[...] un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de coeurs brisés.

  

[20]              On peut résumer de la manière suivante le préjudice irréparable qui, aux dires du demandeur, résultera du rejet de la demande de sursis :

1.                    Les conséquences qu'aura l'enquête à l'égard de son épouse qui est âgée;

2.                    Les conséquences à l'égard de sa fille atteinte de maladie mentale;

3.                    Les conséquences à l'égard du reste de la famille, y compris son autre fille et ses petits-enfants;

4.                    Les bouleversements qui en résulteront à son égard.

Ces conséquences sont indissociables de celles qui sont inhérentes à l'expulsion et, partant, ne constituent pas un préjudice irréparable.


[21]            Les décisions auxquelles M. Oberlander se réfère en matière de préjudice irréparable portent sur la situation de jeunes enfants qui seront soumis à des épreuves ou des situations difficiles, ou lorsqu'il existe une probabilité sérieuse que la vie ou la sécurité du demandeur soit mise en péril. Ces circonstances n'existent pas en l'espèce. Advenant son expulsion, M. Oberlander peut toujours continuer à donner des directives à son avocat de l'étranger afin de poursuivre les démarches relatives à la demande de contrôle judiciaire du décret. S'il a gain de cause, il peut revenir au Canada en tant que citoyen canadien. D'ici là, l'épouse de M. Oberlander et sa fille à charge peuvent aller rejoindre M. Oberlander à l'étranger ou demeurer au Canada et lui rendre visite. Aucun élément de preuve n'établit clairement que M. Oberlander subira un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Si le stress qu'entraîne la dislocation pouvait justifier l'octroi d'un sursis à une mesure d'expulsion, peu de gens seraient expulsés. Être expulsé signifie se séparer des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne naturellement de « séparations forcées et de coeurs brisés » , comme l'a dit avec éloquence le juge Pelletier dans l'affaire Melo, précitée. Si l'on se fie à la preuve, le litige en cours a occasionné un stress important à l'égard de M. Oberlander, son épouse et sa fille atteinte de maladie mentale. Le stress découle de façon inhérente d'un litige de cette nature, tout comme il est inhérent aux procédures d'expulsion. Pareil stress n'équivaut pas à un préjudice irréparable.

Balance des inconvénients


[22]            Comme le demandeur n'a pu satisfaire au second volet du critère de l'arrêt Toth, il n'est pas nécessaire que je procède à l'analyse détaillée du troisième volet. De toute évidence, dans les circonstances, la balance penche en faveur de l'obligation qu'a le gouvernement d'accomplir son devoir de revoir le statut des personnes dont la citoyenneté a été révoquée. C'est à ceux qui ont été investis du pouvoir délégué aux termes de la loi adoptée par notre gouvernement élu qu'il appartient à juste titre de décider si M. Oberlander devrait être tenu de quitter le Canada. La Cour n'interviendra pas pour retarder ce processus légal lorsque les éléments essentiels d'une suspension d'instance n'ont pas été réunis.

CONCLUSION

[23]            Compte tenu de ce qui précède, la demande de sursis est rejetée.

  

      (signé) Michael A. Kelen                                                                                                                   _________________________

          JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JUILLET 2002

   

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-1505-01

INTITULÉ :                                              HELMUT OBERLANDER

demandeur

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE LUNDI 3 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :           LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                              LE JEUDI 11 JUILLET 2002       

COMPARUTIONS :                                 Mme Barbara Jackman

M. Eric Hafemann

Pour le demandeur

M. Donald MacIntosh

M. John Loncar

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JACKMAN, WALDMAN & ASSOCIATES

281, avenue Eglinton Est

            Toronto (Ontario) M4P 1L3

Pour le demandeur

Eric Hafemann

Avocat

500, promenade Dutton

Waterloo (Ontario)    N2L 4C6

Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                             Date : 20020711

                                          Dossier : T-1505-01

ENTRE :

HELMUT OBERLANDER

                              demandeur

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                        défendeur

                                                                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                     

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