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                                                                                                                                         Date :    20011213

                                                                                                                            Dossier : IMM-4395-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 1373

Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2001

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE EDMOND P. BLANCHARD

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                                                 MARIAN PETREA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Me Roberto Colavecchio, commissaire à la Section d'appel de la Commission de l'immigration et de la Section du statut de réfugié ( « Section d'appel » ) rendue le 27 juillet 2000.


[2]                 À l'audience de ce contrôle judiciaire, la Cour a constaté l'absence du défendeur. La Cour est néanmoins satisfaite que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire ait été signifiée au défendeur, conformément à l'ordonnance du 26 septembre 2000 de Me Richard Morneau, protonotaire, qui autorisait un mode spécial de signification, soit en laissant un exemplaire certifié conforme à une personne autorisée, au greffe de la Cour fédérale à Montréal afin que le document y soit affiché.

[3]                 Le 29 juillet 1998, le défendeur a présenté une demande de parrainage de parent à l'endroit de son épouse Claudia Cocilnau.

[4]                 Le 10 août 1998, Claudia Cocilnau, étant l'épouse du défendeur, a pu présenter une demande de résidence permanente au Canada à titre de personne de la catégorie de famille.

[5]                 Le 1er mars 1999, Claudia Cocilnau a participé à une entrevue avec un agent des visas concernant sa demande de résidence permanente au Canada.

[6]                 Le 22 mars 1999, l'ambassade du Canada à Bucarest a informé Claudia Cocilnau et le défendeur que la demande de résidence permanente au Canada et la demande de parrainage de parent avaient été refusées car Mme Cocilnau n'était pas admissible aux termes de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration ( « Loi » ), L.R.C. 1985, c. I-2, car elle ne faisait pas partie de la catégorie des parents au sens du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-1/72, ( « Règlement » ).

[7]                 L'agent des visas a déterminé que Mme Cocilnau s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


[8]                 Le 23 avril 1999, le défendeur a déposé un avis d'appel auprès de la Section d'appel à l'encontre de la décision de l'agent des visas du 22 mars 1999. L'appel fut entendu le 6 mars et le 1er mai 2000. La Section d'appel a accueilli l'appel du défendeur le 27 juillet 2000.

[9]                 En accueillant l'appel de la décision de l'agent des visas, Terry Brown, la Section d'appel a tenu les propos suivants :

En faisant l'analyse du dossier on remarque que la personne qui a fait l'entrevue n'est pas la personne qui a rendu la décision concernant la demande de visa. Les notes électroniques (CAIPS) à la page 22 indiquent clairement que Terry Brown, qui est troisième Secrétaire à la Section d'immigration en Roumanie, a discuté avec un agent d'immigration non identifié de l'entrevue avec la requérante pour ensuite rendre une décision sur la demande de visa. Le principe de droit est très clair, la personne qui prend la décision doit être celle qui entend l'affaire.

Suite à cette erreur flagrante qui cause un préjudice pour l'appelant l'appel est accueilli.

[10]            L'unique question en litige est la suivante : Est-ce que la Section d'appel a commis une erreur de droit en se saisissant de l'appel du défendeur et en l'accueillant sans avoir examiné si elle en avait la juridiction?

[11]            Dans l'arrêt Khangura c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) (2000), 191 F.T.R. 311, le juge O'Keefe a traité de la norme de contrôle applicable dans des appels de décisions d'agent de visas. Au paragraphe 21 de sa décision, le juge O'Keefe précisait :

[21]     La norme de contrôle qui s'applique à la décision de la section d'appel est celle de la décision correcte lorsqu'une question de droit est en cause et celle de la décision raisonnable simpliciter lorsqu'une question de fait et de droit est en cause. Les conclusions de fait tirées par la section d'appel ne devraient être annulées que si elles sont manifestement erronées.


[12]            Pour les fins du présent litige, l'unique question en litige porte sur une pure question de droit, la norme appropriée est donc celle de la décision correcte.

[13]            Le demandeur argumente que la Section d'appel n'a pas la juridiction pour se prononcer sur un appel interjeté conformément au paragraphe 77(3) de la Loi lorsque la personne qui a fait la demande de droit d'établissement n'est pas un membre de la catégorie des parents. Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :


77.(1) l'agent d'immigration ou l'agent des visas, selon le cas, peut rejeter une demande parrainée d'établissement présentée par un parent pour l'un ou l'autre des motifs suivants - dont doit être alors informé le répondant :


77.(1) Where a person has sponsored an application for landing made by a member of the family class, an immigration officer or a visa officer, as the case may be, may refuse to approve the application on the grounds that       



    a) le répondant ne rempli pas les conditions fixées par les règlements;


(a) the person who sponsored the application does not meet the requirements of the regulations respecting persons who sponsor applications for landing, or


    b) le parent ne remplit pas les conditions fixées par la présente loi et ses règlements.


(b) the member of the family class does not meet the requirements of this Act or the regulations,



and the person who sponsored the application shall be informed of the reasons for the refusal.


[...]


...


77(3) Appel interjeté par un répondant

(3) S'il est citoyen canadien ou résident permanent, le répondant peut, sous réserve des paragraphes (3.01) et (3.1), en appeler devant la section d'appel en invoquant les moyens suivants :


77(3) Appeals by sponsors

(3) Subject to subsections (3.01) and (3.1), a Canadian citizen or permanent resident who has sponsored an application for landing that is refused pursuant to subsection (1) may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds:


a) question de droit, de fait ou mixte;


(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and


   b) raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale.


(b) on the ground that there exist compassionate or humanitarian considerations that warrant the granting of special relief.



[14]            Le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration, 1978, se lit comme suit :


(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.


[15]            Dans son ouvrage Immigration Law and Practice, Toronto, Butterworths, 2 vol. (à feuilles mobiles), 1992, mise à jour juillet 2001, aux pages 10.41-10.42, l'auteur Lorne Waldman précise ce qui suit :

10.145.1    ... If the Appeal Division determines that the applicant is not a member of the family class, then the appeal must be dismissed because the Appeal Division only has jurisdiction to hear an appeal from the rejection of an application for landing made by a member of the family class.

[16]            Selon la jurisprudence en la matière, lorsqu'un demandeur n'est pas visé par la définition de « parent » , la Section d'appel ne possède pas la juridiction pour se prononcer sur une demande d'établissement. Ainsi, je suis d'avis que la Section d'appel doit d'abord considérer l'ensemble de la preuve et ensuite conclure si la personne qui a présenté une demande parrainée d'établissement est un parent ou si elle fait partie de la catégorie prévue au paragraphe 4(3) du Règlement. Dans l'éventualité où la Section d'appel juge que l'individu est une personne prévue au paragraphe 4(3) du Règlement, celle-ci n'a donc pas la juridiction pour déterminer si la décision de l'agent des visas est justifiée. Le juge Muldoon dans l'arrêt Samra c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2000] A.C.F. no. 1491, en ligne : QL, au paragraphe 11, a appliqué ce raisonnement en affirmant que :


... La section d'appel ne peut entendre des appels concernant des parents que lorsque la section a jugé que le demandeur est visé par la définition; lorsque la section estime que le demandeur n'est pas visé par cette définition, elle n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la demande d'établissement. C'est ce que démontrent les décisions prononcées par le juge Blais dans Chattat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (29 juillet 1998, IMM-5200-97).

[17]            En l'espèce, la Section d'appel ne s'est pas penchée sur cette question de juridiction. Dans ses motifs, elle ne fait aucune analyse des faits pertinents pour déterminer si Mme Cocilnau était une personne comprise dans la catégorie des parents selon la définition. À mon avis, un tel exercice est nécessaire afin de déterminer si la Section d'appel avait la juridiction pour se prononcer sur le bien fondé du rejet de la demande de droit d'établissement.

[18]            Le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Taggar c. Canada, [1989] 3 C.F. 576, n'a laissé planer aucun doute, l'appel doit être conféré par la Loi, soient, pour les fins de la présente affaire, l'appel quant au refus d'une demande de droit d'établissement, doit être soumis par une personne appartenant à la catégorie de la famille du répondant. De plus, le savant juge ajoutait à la page 582 :

... En l'espèce, la Commission avait donc à se prononcer sur la validité du mariage de la répondante avec M. Ranjit Singh Taggarp afin de déterminer si elle avait compétence pour entendre l'appel.

[19]            Il est impossible de conclure, à la lumière des motifs de la décision de la Section d'appel, que le répondant, Mme Cocilnau, est effectivement membre de la catégorie des parents, une détermination nécessaire afin de conférer juridiction à la Section d'appel. À défaut d'une telle détermination, je suis tenu de conclure que la Section d'appel a agi sans juridiction.

[20]            Pour l'ensemble de ces motifs la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


[21]            L'avocat du demandeur n'a proposé la certification d'une question grave de portée générale découlant de la demande de contrôle judiciaire. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         La demande de révision judiciaire est accueillie.

2.         L'affaire est renvoyée devant un tribunal nouvellement constitué de la Section d'appel de la CISR pour nouvelle audition et détermination.

3.         Ces motifs et ordonnance soient signifiés personnellement au défendeur par le demandeur dans un délai de vingt (20) jours de la date de cette ordonnance.

                                                                                                                              « Edmond P. Blanchard »                 

                                                                                                                                                                 Juge                  

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