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     IMM-2527-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 JUILLET 1997.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOYAL

ENTRE

     ADELINO FRANCES,

     requérant,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du délégué du ministre est annulée. Le requérant a droit à ce que son cas soit réexaminé en vertu du paragraphe 70(6) de la Loi. Il est à espérer que les notes du délégué du ministre seront beaucoup plus exactes et qu'on donnera de nouveau au requérant l'occasion de faire des observations.

                             L-Marcel Joyal
                                     Juge
Traduction certifiée conforme :     
                     F. Blais, LL.L.

     IMM-2527-96

ENTRE

     ADELINO FRANCES,

     requérant,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     M O T I F S D E L"O R D O N N A N C E

LE JUGE JOYAL :

     À l'issue de l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, j'ai informé les avocats des parties qu'à mon humble avis le requérant avait le droit de faire déterminer de nouveau son statut de résident permanent au Canada.

     Le problème auquel faisait face le requérant était la décision qu'avait rendue le délégué du ministre, en vertu du paragraphe 70(6) de la Loi sur l'immigration (la " Loi "), selon laquelle il avait violé les conditions imposées par la Section d'appel de l'immigration et constituait un danger pour le public au Canada. Il se trouvait ainsi expulsable sur-le-champ du Canada en direction du Portugal, son pays natal.

     Le pouvoir du ministre ou de son délégué d"expulser une personne pour le motif qu'il " constitue un danger pour le public " est un pouvoir très draconien. Selon la jurisprudence, il s'agit là d'une décision purement administrative, n'exigeant le respect que d'un minimum de règles " d'équité ". Plus récemment, il a été déclaré qu'il n'est pas nécessaire de motiver la décision. Par conséquent, le pouvoir discrétionnaire est exercé sans aucun droit de regard à toutes fins utiles. Et pourtant, il est permis d'affirmer que les conséquences de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire peuvent être extrêmement traumatisantes pour la personne concernée. En l'espèce, on a fait remarquer que le requérant est venu au Canada des Açores à l'âge de cinq ans, qu'il a vécu au Canada toute sa vie, qu'il est marié à une citoyenne canadienne, qu'il a un enfant né au Canada et qu'il ne connaît que très peu de mots en portugais. De plus, ses parents et ses frères et ses soeurs sont ici avec lui au Canada et les membres de la famille se soutiennent les uns les autres.

     Tout ce qui précède fait partie intégrante de la décision de la Section d'appel de l'immigration, en date du 17 février 1994, lorsque la mesure d"expulsion contre le requérant, en date du 10 février 1993, a été suspendue pour une période de quatre ans. En d'autres termes, quelles que soient les conclusions négatives qui auraient pu être tirées au sujet du comportement criminel du requérant, l'ordonnance de suspension de la mesure d"expulsion indique une approche beaucoup plus positive.

     Cela m'amène au point essentiel de ma décision en l'espèce. Les conditions imposées par la Section d'appel de l'immigration étaient pour la plupart des conditions de pure forme ou de nature administrative, c'est-à-dire se présenter tous les six mois, déclarer tout changement d'adresse, d'emploi ou de situation matrimoniale. Ce ne sont pas là des ordonnances d'interdiction. Évidemment, il y a des conditions plus impératives, c'est-à-dire " faire des efforts raisonnables pour chercher et conserver un emploi " et " respecter toutes les conditions de la libération conditionnelle et les ordonnances judiciaires ".

     Il est très clair qu'au cours des mois qui ont suivi la suspension de l"expulsion le requérant n'a pas paru, à de nombreuses occasions, respecter les conditions de sa libération conditionnelle. Le 1er décembre 1994, la libération conditionnelle du requérant a été automatiquement révoquée en raison d'une accusation de conduite dangereuse. Cependant, sa libération conditionnelle a été rétablie le 5 mai 1995 lorsqu'il a été acquitté de l'accusation. Ensuite, le 4 octobre 1995, la libération conditionnelle a été suspendue. Cette suspension a été réexaminée, et un mois plus tard, elle a été annulée. Il ressort de la feuille de décision post-libératoire de la Commission nationale des libérations conditionnelles en date du 3 novembre 1995 qu'il existait certainement des choses positives à dire au sujet du requérant.

     Malheureusement, son histoire ne s'arrête pas là. Dans un mémoire présenté par le ministère de l'Immigration au délégué du ministre, au moment où le requérant avait obtenu un bon emploi à Guelph, mais traversait aussi une période matrimoniale acrimonieuse, on a prétendu qu'il avait menti aux agents de l'immigration en falsifiant son adresse en septembre 1995, violant ainsi les conditions dont l'ordonnance de la Section d'appel de l'immigration était assortie. Le ministère de l'Immigration a déclaré qu'il était incarcéré au pénitencier de Millhaven à l'époque et que sa libération conditionnelle avait été révoquée le 15 août 1995. L'examen des faits indique que ces deux déclarations sont fausses, mais elles n'ont pas été corrigées.

     Il y a plus. Le mémoire déclare que le requérant [TRADUCTION " ... a démontré qu'on ne peut avoir confiance qu'il va respecter les conditions imposées. Il a violé les conditions de sa libération conditionnelle ainsi que les conditions imposées par la Section d'appel de l'immigration ". Nulle part il n'est fait mention cependant que les accusations d'octobre 1995 ont été retirées plus tard ni que le requérant a été acquitté de celles de novembre 1995 en février 1996.

     Je ne dis pas que ces erreurs suffisent à trancher la question en litige dont je suis saisi. Néanmoins, elles doivent être prises au sérieux parce que le mémoire de l'agent de réexamen est le seul document sur lequel le délégué du ministre peut fonder sa décision. Et, comme je l'ai mentionné précédemment, c'est une décision qui a des conséquences extrêmement sérieuses et préjudiciables. Raison de plus pour s'assurer avec beaucoup plus de soin que les faits mentionnés par les agents de réexamen soient exacts. À cet égard, le dernier paragraphe du mémoire parle en termes très généraux et négatifs et sans réserve du fait que le requérant " constitue un danger pour le public " sans mentionner même indirectement le fait que le requérant n'a fait l'objet d'aucune condamnation criminelle depuis sa condamnation plusieurs années auparavant. À mon humble avis, les observations faites dans de tels documents sont comme des plots radar. S'ils sont erronés, les conclusions qu'on en tire alors ne valent rien.

     J'ai déjà dit que le domaine du pouvoir discrétionnaire du ministre est effectivement très vaste et très bien protégé contre le contrôle judiciaire. Cependant, l"exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel exige fondamentalement que les conclusions, avis ou inférences exprimés soient fondés sur des faits exacts et substantiels. C'est à cela que le requérant a droit, ni plus ni moins. Autrement, à mon humble avis, la décision est suffisamment viciée pour mériter d'être réexaminée.

     En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du délégué du ministre est annulée. Le requérant a droit à ce que son cas soit réexaminé en vertu du paragraphe 70(6) de la Loi. Il est à espérer que les notes du délégué du ministre seront beaucoup plus exactes et qu'on donnera de nouveau au requérant l'occasion de faire des observations.

                             L-Marcel Joyal
                                     Juge

O T T A W A (Ontario)

Le 4 juillet 1997.

Traduction certifiée conforme :         
                         F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Numéro du greffe : IMM-2527-96

Entre :

     ADELINO FRANCES,

     requérant,

ET :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-2527-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Adelino Frances c. M.C.I.
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 18 juin 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE JOYAL

EN DATE DU 4 juillet 1997

ONT COMPARU :

Gary R. Clewley                  pour le requérant
Kevin Lunney                  pour l"intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gary R. Clewley

Toronto (Ontario)                  pour le requérant

George Thomson

Sous-procureur général

du Canada                      pour l"intimé
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