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Date : 20000822


Dossier : T-1049-00



ENTRE :


     M.M. INTERNATIONAL BUSINESS DIRECTORIES LTD.

     - et -

     174440 CANADA INC.,

     demanderesses,

    

     - et -

     INTERNATIONAL BUSINESS INDEX

     - et -

     DINH-HUNG (SIMON) DUONG

     - et -

     VINECAN TECHNOLOGIES INC.

     - et -

     3682099 CANADA INC.

     - et -

     365823 CANADA INC.,

     défendeurs solidaires.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROTHSTEIN (de droit)



[1]          Il s'agit d'une requête visant :

     a)      la prolongation d'une ordonnance Anton Piller rendue le 20 juin 2000 ordonnant la saisie de documents des défendeurs; et
     b)      la conversion en injonction interlocutoire de l'injonction provisoire accordée le 20 juin, interdisant aux défendeurs [TRADUCTION] « d'offrir à la vente, exposer, annoncer, vendre, fabriquer, distribuer des DISQUES DE DONNÉES et DONNÉES (selon les définitions) et d'en faire le commerce de toute autre manière » , ainsi que « d'attirer l'attention du public sur les marchandises (des défendeurs) de manière à créer ou risquer de créer de la confusion entre ces marchandises et les marchandises et services des demanderesses » .

[2]          Les demanderesses publient et distribuent un annuaire commercial sous forme papier et sous forme de disque compact. Les défenderesses de Winnipeg, International Business Index et 3652823 Canada Inc., et les défendeurs de Montréal, Dinh-Hung (Simon) Duong, Vinecan Technologies Inc. et 3082099 Canada Inc., distribuent tous des annuaires commerciaux sur disque compact.

[3]          Les demanderesses affirment que tous les défendeurs de Winnipeg et de Montréal, contrevenant aux alinéas 7b), c) et e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, ont attiré l'attention du public sur leurs annuaires de manière à créer de la confusion entre les annuaires des défendeurs et celui des demanderesses et qu'ils ont fait passer leurs annuaires pour celui des demanderesses. Les demanderesses soutiennent également que les défenderesses de Winnipeg, contrevenant au paragraphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce, ont contrefait la marque de commerce des demanderesses en faisant usage du nom International Business Index et d'un logo semblable, selon elles, à celui des demanderesses. Elles allèguent de plus que les défendeurs ont violé le droit d'auteur des demanderesses en utilisant pour la compilation de leurs annuaires des données étant la propriété exclusive des demanderesses.

[4]          Le défendeur Duong avait été un salarié des demanderesses et, soit au cours de son emploi soit peu de temps après, il est entré en concurrence avec elles. Selon les demanderesses, Duong s'est emparé des données exclusives des demanderesses pour les utiliser dans la compilation de l'annuaire des défendeurs de Montréal. Les demanderesses affirment que Duong s'était associé au frère d'un directeur des défenderesses de Winnipeg. Elles allèguent que les données exclusives des demanderesses ont été transmises aux défenderesses de Winnipeg et qu'elles ont été utilisées dans la compilation de leur annuaire.

[5]          J'ai conclu que l'ordonnance Anton Piller doit être annulée et que la demande de conversion de l'injonction provisoire en injonction interlocutoire doit être rejetée.

[6]          S'agissant de l'ordonnance Anton Piller, les exigences à respecter sont établies par les termes maintes fois cités de lord Ormrod dans l'affaire qui a donné sa désignation courante à l'ordonnance, Anton Piller K.G. v. Manufacturing Processes et al. [1976] 1 Ch. 55, à la page 62 :

[TRADUCTION] Tout d'abord, il faut un commencement de preuve très solide. Deuxièmement, le préjudice réel ou possible doit être très grave pour le requérant. Troisièmement, il faut la preuve manifeste que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets pouvant servir de pièces à conviction et qu'il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces avant que puisse être introduite une demande inter partes.

Bien que je ne doute aucunement que les éléments de preuve des demanderesses à l'étape actuelle constituent un commencement de preuve très solide contre les défendeurs, la question de la prolongation de l'ordonnance Anton Piller n'exige pas une analyse approfondie du bien-fondé de leur cause parce que les demanderesses n'ont manifestement pas satisfait au deuxième critère, en établissant qu'elles auraient subi un préjudice très grave.

[7]          Les demanderesses affirment qu'il y a de la confusion sur le marché entre leur annuaire commercial et ceux des défendeurs, mais je n'ai aucune preuve de l'étendue du préjudice subi par les demanderesses depuis que les défendeurs ont commencé à commercialiser leurs annuaires sur disque compact. Faute de cet élément de preuve en l'espèce, je ne vois pas comment je pourrais apprécier si le préjudice causé aux demanderesses par les activités des défendeurs est très grave.

[8]          Les demanderesses font valoir qu'à partir des chiffres de revenus des défendeurs produits en preuve, on peut raisonnablement déduire que les demanderesses ont perdu un revenu équivalent. Toutefois, les demanderesses n'ont présenté absolument aucune preuve financière. Je ne puis dire si les revenus des défenderesses représentent un pourcentage fort ou faible des ventes des demanderesses et, même si je le pouvais, je ne peux simplement présumer, sans éléments de preuve directs établis par les demanderesses, qu'elles ont perdu exactement le montant des revenus des défendeurs.

[9]          Dans WIC Premium Television c. Levin, [A.C.F.] n º 652 (QL), la juge Sharlow (tel était son titre à l'époque) a fait observer au paragraphe 23 que le critère pour accorder une ordonnance Anton Piller n'est pas simplement l'existence d'une cause d'action et un certain préjudice -- il faut faire la preuve d'un préjudice grave. Cette preuve fait défaut en l'espèce.

[10]          Je n'ai pas besoin d'aller au-delà pour l'ordonnance Anton Pilller. Elle doit être annulée.

[11]          En ce qui concerne la demande d'injonction interlocutoire, je suis prêt à reconnaître que les demanderesses ont satisfait au critère, fort peu exigeant, de la gravité du préjudice et qu'en dépit de certaines lacunes au stade actuel, leur cause n'est ni frivole ni vexatoire. La difficulté, qu'on retrouve dans nombre de demandes d'injonctions interlocutoires, réside dans la preuve du préjudice irréparable.

[12]          Comme seule argumentation sur le préjudice irréparable, les demanderesses plaident que si l'injonction interlocutoire n'est pas accordée, les défendeurs ne seront pas en mesure de payer les dommages-intérêts qui pourraient être attribués aux demanderesses au moment du procès. Elles présentent en preuve des chiffres de ventes des défendeurs de Montréal, de l'ordre de 150 000 $ par mois, et des chiffres extraits du grand livre des défenderesses de Winnipeg qui suggèrent un excédent des revenus sur les dépenses de 235 000 $ pour une période de sept mois. Cependant, comme je l'ai indiqué précédemment, les demanderesses n'ont présenté aucun élément de preuve étayant le préjudice réel ou possible subi ou susceptible de l'être du fait des activités des défendeurs. Faute de cette preuve, il est impossible de décider si les défendeurs sont en mesure de payer les dommages-intérêts susceptibles d'être attribués aux demanderesses au procès.

[13]          Les demanderesses ont également fait valoir que, dans le cas d'une violation manifeste d'une marque de commerce ou du droit d'auteur, la Cour n'est pas tenue de conclure explicitement au préjudice irréparable ou de décider que la prépondérance des inconvénients est favorable aux demanderesses. Les demanderesses s'appuient sur Jercity Franchises Ltd. c. Foord (1990), 34 C.P.R. (3d) 289 et sur les affaires qui y sont citées. Ces affaires tendent à soutenir la position que, dans le cas où une contrefaçon raisonnablement manifeste d'une marque de commerce a été établie, le caractère adéquat des dommages-intérêts comme réparation et la prépondérance des inconvénients n'ont pas besoin d'être examinés plus avant.

[14]          Je suis d'avis que cette jurisprudence, toutefois, a été renversée par des décisions plus récentes de la Cour d'appel fédérale, qui établissent que la preuve du préjudice irréparable doit être claire et non fondée sur des suppositions et qu'elle ne peut se déduire de la preuve de la violation de la marque, de la confusion créée sur le marché ni même de la preuve d'une perte d'achalandage subie par les demanderesses (Syntex Inc. c. Apotex Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129, à la page 135 (C.A.F.) et Centre Ice Inc. c. Ligue Nationale de Hockey (1994), 53 C.P.R. (3d) 34, aux pages 53 et 54 (C.A.F.)). Le juge Tremblay-Lamer résume cette jurisprudence plus récente dans Caterpillar Inc. et al. c. Chaussures Mario Moda Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 338, aux pages 343 et 345, et il ne serait d'aucune utilité de reprendre ici ce résumé. Qu'il suffise de dire que la preuve d'une contrefaçon de la marque de commerce, de la confusion créée ou de la perte d'achalandage est insuffisante.

[15]          En l'absence de preuve du préjudice irréparable, la demande d'injonction interlocutoire est rejetée.

[16]          Les dépens sont réservés à l'accord entre les parties; à défaut d'accord, les défendeurs peuvent demander à la Cour une conférence téléphonique pour débattre la question des dépens.



     Marshall Rothstein

                                             Juge


Toronto (Ontario)

Le 22 août 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier


N º DU GREFFE :              T-1049-00                 
INTITULÉ DE LA CAUSE :      M.M. INTERNATIONAL BUSINESS DIRECTORIES LTD.

                

                     - et -174440 CANADA INC.
                     - et - INTERNATIONAL BUSINESS INDEX
                     - et - DINH-HUNG (SIMON) DUONG

    

                     - et - VINECAN TECHNOLOGIES INC.
                     - et - 3682099 CANADA INC. - et - 365823 CANADA INC.

            

DATES DE L'AUDIENCE :          DU JEUDI 17 AOÛT AU SAMEDI 19 AOÛT 2000
LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN

                        

DATE :                  LE MARDI 22 AOÛT 2000


ONT COMPARU :               M. Harold W. Ashenmil, c.r.
                                 Pour les demanderesses
                        

                     M. Colin R. MacArthur, c.r.

                                 Pour les défenderesses de Winnipeg

                     M. Claude Benabou

                                 Pour les défendeurs de Montréal

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      PHILLIPS, FRIEDMAN, KOTLER
                         Avocats
                         1010, rue de La Gauchetière Ouest, Bureau 900
                         Montréal (Québec)
                         H3B 2P8

                    

                                 Pour les demanderesses
                                 Tél. : (514) 878-3371
                                 Téléc. : (514) 878-3691

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER (suite):

                         AIKINS, MAC AULAY & THORVALDSON
                         Barristers & Solicitors
                         30 th Floor, 360 Man Street
                         Winnipeg (Manitoba)
                         R3C 4G1

                    

                                 Pour les défenderesses de Winnipeg
                                 (International Business Index et 3652823 Canada Inc.)
                                 Tél .: (204) 957-0050
                                 Téléc. : (204) 957-0840
                         YANOFSKY COOPERSTONE
                         Avocats
                         770, rue Sherbrooke Ouest, Bureau 1700
                         Montréal (Québec)
                         H3A 1G1
                                 Pour les défendeurs de Montréal
                                 (Dinh-Hung (Simon) Duong, Vinecan Technologies Inc. et 3682099 Canada Inc.)
                                 Tél. : (514) 282-9144
                                 Téléc : (514) 282-8870

                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 20000822

                        

         Dossier : T-1049-00


                     ENTRE :

                     M.M. INTERNATIONAL BUSINESS

                     DIRECTORIES LTD.

                     - et -

                     174440 CANADA INC.,

     demanderesses,

    

                     - et -

                     INTERNATIONAL BUSINESS INDEX

                     - et -

                     DINH-HUNG (SIMON) DUONG

                     - et -

                     VINECAN TECHNOLOGIES INC.

                     - et -

                     3682099 CANADA INC.

                     - et -

                     365823 CANADA INC.,

     défendeurs solidaires.

                    


                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                            

                    




     Dossier : T-1049-00

Toronto (Ontario), le 22 août 2000

EN PRÉSENCE du juge Rothstein (de droit)

ENTRE :


M.M. INTERNATIONAL BUSINESS DIRECTORIES LTD.


- et -


174440 CANADA INC.,


demanderesses,




- et -


INTERNATIONAL BUSINESS INDEX


- et -


DINH-HUNG (SIMON) DUONG


- et -


VINECAN TECHNOLOGIES INC.


- et -


3682099 CANADA INC.


- et -


365823 CANADA INC.,


défendeurs solidaires.



ORDONNANCE



     LA COUR ORDONNE :



  1. .      L'ordonnance Anton Piller rendue le 20 juin 2000 est annulée.
  2. .      La demande d'injonction interlocutoire est rejetée.

  3. .      Les dépens sont réservés à l'accord entre les parties; à défaut d'accord, les défendeurs peuvent demander à la Cour une conférence téléphonique pour débattre la question des dépens.



                                 Marshall Rothstein     

                                         Juge



Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

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