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     Date : 19971127

     Dossier : T-1613-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 27 NOVEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

     GLAXO WELLCOME PLC,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande est rejetée.

                             W.P. McKeown

                             Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date : 19971127

     Dossier : T-1613-97

ENTRE :

     GLAXO WELLCOME PLC,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]      La requérante veut interroger le Ministre intimé en vue d'identifier les importateurs canadiens de certaines expéditions de la drogue appelée chlorhydrate de ranitidine durant les années 1995, 1996 et 1997. La requérante détient deux brevets à l'égard de cette drogue et cherche à identifier les contrefacteurs présumés afin de protéger lesdits brevets.

[2]      La question est de savoir si la Cour devrait lui accorder, en équité et à titre de redressement, le droit à un interrogatoire préalable.

[3]      La Cour n'a jamais accordé en équité un tel redressement et là où les tribunaux l'ont fait, ils ont reconnu qu'il s'agit d'un redressement exceptionnel.

[4]      À mon avis, la condition essentielle pour autoriser cette sorte d'interrogatoire préalable est l'incapacité du requérant à avérer, par d'autres voies judiciaires ou par ses propres moyens, les renseignements qu'il veut obtenir. La requérante peut se prévaloir du contrôle judiciaire et sa demande en ce sens a été instruite en même temps que celle-ci.

[5]      De plus, elle n'a pas épuisé tous les moyens qui s'offrent à elle. Elle a présenté, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, une demande qui a été refusée. Elle aurait pu en appeler à cette Cour conformément à l'article 41 de cette même loi et tous les arguments invoqués ici auraient pu l'être dans le cadre de cette procédure.

[6]      D'autres procédures existent aussi. La requérante a, sans l'aide du Ministre, repéré un contrefacteur possible, la société Torpharm. Elle aurait pu retenir les services d'enquêteurs privés, comme elle l'a fait autrefois, mais sans trop de succès. Elle a le droit, aux termes de sa licence obligatoire, de demander une seconde vérification de ses porteurs de licence (voir le paragraphe 7 de l'entente concernant la licence obligatoire). Là encore, la requérante a pris cette mesure dans le passé. Un de ses porteurs de licence a avoué qu'au cours du troisième trimestre de 1996, il avait déclaré 3 000 kilos de moins qu'il n'en avait vendu et pourtant, la requérante n'avait pas demandé une nouvelle vérification à cet égard. Elle pouvait éventuellement se réclamer du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) pour obtenir le nom des compagnies qui ont reçu un avis de conformité (AC) à l'égard de la drogue. Je n'attache aucune importance à cette démarche.

[7]      La requérante s'est longuement fondée dans ses observations sur l'affaire Norwich Pharmacal Co. v. Commissioners of Customs and Excise, [1973] 2 All E.R. 943 (H.L.), mais cette cause diffère, à mon avis, du présent litige, parce que le Ministre n'a pas obtenu le pouvoir discrétionnaire de divulguer les renseignements qu'il a reçus et, par conséquent, la Cour avait discrétion en la matière. Lord Morris of Borth-y-Gest a mis ce point au clair dans la décision Norwich Pharmacal, précitée, en disant à la p. 954 ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         ... À cet égard, les prescriptions de l'art. 3 du Finance Act de 1967 sont importantes. Les commissaires obtiennent le droit de divulguer certains renseignements à des tiers si le secrétaire d'État est convaincu que ce serait dans l'intérêt national, mais aucun pouvoir d'approbation n'est accordé touchant la divulgation du "prix des marchandises ou du nom de l'importateur". Cela montre que l'identité des importateurs tombe dans un domaine que le législateur juge particulièrement délicat. (Voir également l'art. 127 du Finance Act de 1972).                 
         L'étape suivante consiste à examiner si le tribunal devrait délivrer l'ordonnance requise et si cette action serait conforme ou non à l'intérêt national. S'il y a une interdiction légale (comme celle qu'énonce le paragraphe 17(2) de la Agricultural Marketing Act 1931 : voir Rowell v. Pratt), la question est, bien sûr, réglée. En l'absence d'une telle interdiction, il me semble que, dans les circonstances spéciales entourant le cas présent et en m'appuyant quelque peu sur des précédents, l'intérêt de la justice justifie que la Cour délivre l'ordonnance requise sauf si certaines questions d'intérêt public sont déterminantes au point qu'elles l'emportent sur l'appui à la cause de la justice dans l'intérêt général. Je comprends très bien les raisons invoquées ici et qui ont sans doute leur poids, mais après les avoir examinées en regard de la portée très limitée de l'ordonnance objet de la demande, je suis fermement d'avis que l'intérêt public prépondérant justifie aujourd'hui la délivrance d'une telle ordonnance...                 

     [note de renvoi omise]

[8]      Dans l'affaire Alfred Crompton Amusement Machines Ltd. v. Customs and Excise Commissioners (No. 2), [1974] C.A. 405 (H.L.) - une cause tranchée deux semaines après celle de la Norwich Pharmacal, précitée, - lord Cross of Chelsea, confirmant les observations faites à la page 428, a énoncé, à mon point de vue, les principes appropriés applicables par le Ministre dans le cas qui m'est soumis. Il dit :

         [TRADUCTION]                 
         ... Les raisons servant à invoquer le privilège à l'égard des documents 2(c) sont en résumé les suivantes : (1) que les commissaires ne sont pas habilités à communiquer des documents et des renseignements qu'ils ont obtenus en vertu des pouvoirs que leur confère le paragraphe 24(6) de la Loi; (2) même s'ils ont le droit de divulguer de tels documents et renseignements, ils porteraient, ce faisant, préjudice à l'intérêt public du fait que pareils documents et renseignements sont de nature confidentielle, qu'un sentiment de réprobation générale en résulterait si l'on apprenait que des renseignements de cette sorte obtenus dans le cadre de l'exercice de pouvoirs coercitifs pouvaient être communiqués à autrui, y compris les concurrents des déclarants, que les commerçants seraient portés après cela à ne plus répondre à des demandes de renseignements de cette sorte et que les bonnes relations liant habituellement les commerçants et leurs agents d'une part et de l'autre, les commerçants avec qui ils traitent, seraient compromises.                 

[9]      Il examine ensuite, à la page 433, l'affaire Norwich Pharmacal précitée, en soulignant que [TRADUCTION] "l'objection à leur communication ne se fonde pas sur leur nature, mais sur la manière dont on les a obtenus."

[10]      Le Ministre s'acquitte de son obligation légale de recueillir ces renseignements et, contrairement à ce qui se fait en Grande-Bretagne, c'est lui que le Parlement canadien investit du pouvoir de décider de la divulgation et sa décision est susceptible de contrôle judiciaire. En autorisant l'interrogatoire préalable, je passerais outre au point de vue du Parlement en la matière. Je note aussi en passant, que le représentant de la requérante a admis que celle-ci s'attend que le gouvernement maintienne le caractère confidentiel des renseignements qui lui sont fournis en application de la loi. Le point de savoir si le Ministre a exercé à bon escient son pouvoir discrétionnaire relève de la procédure de contrôle judiciaire.

[11]      Les trois causes canadiennes, à savoir Re Johnston and Johnston's Restaurants Ltd. (1980), 93 A.P.R. 333 (P.E.I.S.C.) et 341 (C.A.), Leahy v. Dr. A.B. (1992), 113 N.S.R. (2d) 417 (S.C.T.D.) et Re Comeau (1986), 77 N.S.R. (2d) 57 (S.C.T.D.), où l'on a accordé le droit d'interrogatoire préalable, ont été instruites à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse où les règles de la Cour accordent ce droit. Les Règles de la Cour fédérale, tout comme celles de la Cour de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et des autres provinces canadiennes diffèrent à cet égard. Leur critère est essentiellement le même que la norme anglaise et j'ai examiné les raisons pour lesquelles je ne devrais pas, en toute équité, accorder le droit d'interrogatoire préalable.

[12]      Ayant statué négativement sur le fond de la question, il n'est pas nécessaire que je détermine si la prérogative de la Couronne en common law de ne pas se soumettre à un interrogatoire préalable existe encore ou non.

[13]      La demande est rejetée.

                             W.P. McKeown

                             Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 27 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1613-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      GLAXO WELLCOME PLC c.
                     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      12 NOVEMBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :              27 NOVEMBRE 1997

ONT COMPARU :

SIMON V. POTTER,              POUR LA REQUÉRANTE

CHRISTOPHE RUPAR,              POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVIE RENAULT              POUR LA REQUÉRANTE

OTTAWA (ONTARIO)

GEORGE THOMSON              POUR L'INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)

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