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Date : 19990728


Dossier : IMM-4988-98


Ottawa (Ontario), le mercredi 28 juillet 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE GIBSON


ENTRE :

     TONG XU,

                                     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                     défendeur.


     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agente des visas en l'instance est annulée et la question est renvoyée au défendeur pour examen et décision par un autre agent des visas.

     Le demandeur a droit aux dépens, que je fixe à 1 200 $.


     Page : 2

     Aucune question n'est certifiée.


FREDERICK E. GIBSON

Juge




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.





Date : 19990728


Dossier : IMM-4988-98


ENTRE :

     TONG XU,

                                     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                     défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON :


[1]      Les présents motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas rejetant la demande de Tong Xu visant l'obtention d'une autorisation d'étudier au Canada, ainsi qu'un visa de visiteur en conséquence. La décision de l'agente des visas a été transmise au demandeur dans une lettre en date du 26 août 1998. Cette lettre est rédigée en partie comme suit :

         [traduction]

         Cette lettre fait suite à votre demande, ainsi qu'à l'entrevue d'aujourd'hui, portant sur un séjour temporaire au Canada à titre d'étudiant.
         Toutes les personnes qui demandent l'autorisation d'étudier au Canada, ainsi que la délivrance d'un visa de visiteur en conséquence, doivent, en application avec les paragraphes 13.(2) et 15.(1) du Règlement sur l'immigration, convaincre l'agent des visas :
             - que leur séjour prévu au Canada sera de caractère temporaire;
             - qu'elles ont des ressources financières suffisantes pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs personnes à charge, s'il en est, durant leur séjour au Canada ainsi que pour payer les frais de retour à leur départ du Canada; et
             - qu'elles ont été acceptées dans un établissement d'éducation accrédité.
         Suite à l'entrevue de ce jour et à l'examen des renseignements que vous avez soumis à l'appui de votre demande, celle-ci ne peut être approuvée pour l'instant. Vous ne m'avez pas convaincue que vous satisfaites aux exigences pour l'obtention d'une autorisation d'études ou d'un visa de visiteur. Il n'apparaît pas approprié d'étudier votre demande plus à fond pour l'instant.
         Nous ne vous recommandons pas de représenter votre demande. Toutefois, si vous désirez le faire, je vous suggère d'attendre au moins un an et de ne présenter une nouvelle demande que si vous croyez que votre situation a changé de façon significative. ...

[2]      Bien que la lettre de rejet soit datée du 26 août 1998, comme je l'ai déjà mentionné, l'entrevue du demandeur par l'agente des visas n'a eu lieu que le 31 août 1998. On n'a pas contesté le fait que la lettre de rejet a été préparée avant l'entrevue, et qu'elle a tout simplement été remise au demandeur à la fin de celle-ci sans aucune modification ou aucun ajout qui refléterait l'impact de l'entrevue.

[3]      L'avocat du demandeur a soutenu que la décision en cause devait être annulée pour trois motifs, savoir : premièrement, parce que l'agente des visas a limité l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en appliquant une politique générale de la Section des visas de Hong Kong concernant le rejet des demandes de visa d'étudiant présentées par les élèves du secondaire en provenance de la République populaire de Chine; deuxièmement, parce que l'agente des visas a donné naissance à une crainte raisonnable de partialité en appliquant la politique générale et en préparant la lettre de rejet avant l'entrevue du demandeur; et, troisièmement, parce que la décision de l'agente des visas était abusive et arbitraire, ou qu'elle avait été prise sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[4]      Je vais d'abord traiter brièvement du troisième motif. Dans Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)1 j'ai écrit ceci :

         Le requérant mineur a demandé un visa pour entrer au Canada afin de poursuivre un programme d'études d'une durée de neuf mois. Une telle demande porte manifestement sur une autorisation " temporaire ". Il est de la nature des visas d'étudiant d'être délivrés pour des périodes limitées. Si le requérant mineur, sur les conseils de sa famille, décide dans l'avenir qu'il souhaite continuer ses études au Canada, il lui faudra demander le renouvellement de son visa ou un nouveau visa. Il sera alors loisible à l'intimé d'examiner chaque fois l'ensemble des circonstances lorsque le requérant mineur demandera le renouvellement de son visa ou un nouveau visa. Si, à une étape quelconque des études du requérant mineur, il devient manifeste que ses liens avec Hong Kong sont relâchés au point de ne plus être suffisants pour assurer son retour dans ce territoire, alors il sera clairement justifié de refuser la demande de renouvellement du visa ou la demande de nouveau visa. Mais, d'après la preuve dont était saisi l'agent des visas le 12 août 1996, je conclus que celui-ci a pris une décision arbitraire en concluant que la demande du requérant mineur d'entrer au Canada n'était pas " à titre temporaire "2.

Bien que l'autorisation d'études demandée ici ait été pour une période plus longue, la preuve portant sur le caractère temporaire du séjour du demandeur au Canada semble avoir été plus forte que celle qui avait été présentée dans Wong. Ceci étant dit, j'en viens maintenant aux questions de la limite à l'exercice du pouvoir discrétionnaire et de la crainte raisonnable de partialité qui, j'en suis convaincu devraient être déterminantes dans la présente affaire.

[5]      Comme je l'ai indiqué plus tôt dans ces motifs, la lettre de rejet de l'agente des visas a été préparée dans sa forme finale avant que cette dernière ne rencontre le demandeur en entrevue. Le fait que la date de la lettre de rejet soit antérieure à la date de l'entrevue me semble n'être rien d'autre qu'une erreur de transcription.

[6]      Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)3, Madame la juge L'Heureux-Dubé, après avoir examiné le test de la crainte raisonnable de partialité exposé par le juge de Grandpré, dissident, dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie4, et constaté qu'il a été décidé que le test relatif à la crainte raisonnable de partialité pouvait varier, comme d'autres éléments de l'équité procédurale, selon le contexte et le genre de fonction exercée par le décideur administratif concerné, s'exprime ainsi au paragraphe 48 :

À mon avis, les membres bien informés de la communauté percevraient la partialité dans les commentaires de l'agent Lorenz. Ses notes, et la façon dont elles sont rédigées, ne témoignent ni d'un esprit ouvert ni d'une absence de stéréotypes dans l'évaluation des circonstances particulières de l'affaire.

[7]      Je suis convaincu qu'un examen de la façon de procéder de l'agente des visas en l'instance nous mène à la même conclusion. En contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agente des visas a admis que la Section des visas du Haut-commissariat du Canada à Hong Kong a des inquiétudes systématiques quant aux jeunes ressortissants de la République populaire de Chine qui désirent venir faire leurs études secondaires au Canada. Le demandeur tombe dans cette catégorie. Le fait de préparer la lettre de rejet avant l'entrevue est certainement pratique sur le plan administratif lorsqu'on croit connaître le résultat de l'entrevue, mais il pourrait raisonnablement être perçu comme une limite posée à l'exercice du pouvoir discrétionnaire et comme donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[8]      Autrement dit, pour reprendre les mots de Madame la juge L'Heureux-Dubé, la préparation de la lettre ne témoigne ni d'un esprit ouvert ni d'une absence de stéréotypes dans l'évaluation des circonstances particulières de l'affaire. Il en irait différemment dans une situation où une lettre type, où des paragraphes, seraient emmagasinés en mémoire et instantanément disponibles pour être incorporés à d'autres commentaires, même brefs, qui refléteraient le contenu de l'entrevue avec une personne telle que le demandeur. J'en conclus que la préparation à l'avance de la lettre de rejet et la présentation de cette lettre au demandeur à la fin de l'entrevue, sans qu'elle ait été modifiée de quelque façon que ce soit pour refléter l'évaluation des circonstances particulières de l'affaire, telles qu'elles sont apparues à l'entrevue, fait ressortir une limite posée à l'exercice du pouvoir discrétionnaire et ferait qu'un membre bien informé de la communauté percevrait la partialité de la part de l'agente des visas.

[9]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire renvoyée au demandeur pour examen et décision par un agent des visas différent. Le défendeur a droit aux dépens pour sa demande, que je fixe à 1 200 $.

[10]      Aucun des avocats n'a recommandé que je certifie une question. Aucune question ne sera certifiée.



FREDERICK E. GIBSON

Juge


Ottawa (Ontario)

le 28 juillet 1999






Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-4988-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :      TONG XU c. M.C.I.


LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY


DATE DE L'AUDIENCE :          LE 20 JUILLET 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              28 JUILLET 1999



ONT COMPARU :


M. Michael Sherritt                          POUR LE DEMANDEUR

M. Brad Hardstaff                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Sherritt Greene                          POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)


M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      (1997), 39 Imm. L.R. (2d) 78 (C.F. 1re Inst.); appel rejeté, dossier no A-533-97, le 23 juin 1997, dans lequel le juge Létourneau de la Cour d'appel écrit ceci :              Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, lorsqu'il faut mettre dans la balance tous les faits et facteurs [notamment : les liens avec le pays d'origine, la plausibilité des motifs présentés pour étudier au Canada, l'âge du demandeur, l'admission préalable accordée par une institution d'enseignement au Canada, ainsi que la probabilité de retour au pays d'origine] permettant de déterminer si le demandeur est, oui ou non, un visiteur au sens de la Loi.

2      Voir à l'appui IMM-2751-97 et IMM-2752-97. Ces deux affaires ont été entendues ensemble. Elles sont répertoriées sous l'intitulé Mittal (tuteur à l'instance) c. Canada (MCI) (1998), 147 F.T.R. 285, (C.F. 1re Inst.). Dans Yu (tuteur à l'instance) c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993) 21 Imm. L.R. (2d) 1, le juge McKeown est arrivé à une conclusion différente.

3      [1999] J.C.S. no 39 (Q.L).

4      [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394.

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