Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040820

Dossiers : T-90-02 et T-91-02

Référence : 2004 CF 1157

ENTRE :

                                                           ERIC SCHEUNEMAN

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

Introduction

[1]                Eric Scheuneman (le demandeur) a déposé deux demandes de contrôle judiciaire d'une décision (la décision) rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) par laquelle elle a rejeté ses plaintes contre le Conseil du Trésor et contre Ressources naturelles Canada (RNCan) (les plaintes). Le demandeur s'était plaint que son licenciement par RNCan et la politique sous-jacente du Conseil du Trésor du 23 septembre 1996 (la politique du Conseil) étaient discriminatoires.


[2]                Les deux demandes ont été entendues conjointement le 28 juillet 2003. Le demandeur, qui se représentait lui-même, était présent à l'audience mais ne s'est pas adressé à la Cour parce qu'il préférait se fier à ses prétentions écrites. Toutefois, l'avocat du défendeur a présenté une plaidoirie et la Cour a ordonné qu'une transcription rapide soit faite afin que le demandeur puisse l'utiliser en préparant les prétentions écrites regroupées qu'il a déposées en réponse le 1er août 2003. Cette procédure a été suivie parce que le demandeur ne voulait pas plaider sa cause de vive voix.

Les faits

[3]                Le demandeur a commencé à travailler pour RNCan en 1981 comme analyste technique principal. Quatre ans plus tard, en 1985, un diagnostic a confirmé qu'il souffrait d'une encéphalo-myélite myalgique (la maladie), laquelle occasionne une profonde fatigue. C'est pour cette raison qu'il a commencé à travailler à la maison.


[4]                En 1988, le demandeur s'est vu accorder un congé sans solde (CSS) et, six ans plus tard, le 12 décembre 1994, il a remis à RNCan une lettre du médecin qui mentionnait qu'il était toujours malade et qu'il serait incapable de retourner au travail pendant de nombreuses années. À trois reprises, le demandeur a refusé la retraite pour raisons médicales parce que cela comportait une réduction de prestations. Il a également refusé de mettre à jour la lettre de son médecin, laquelle datait de 1994. En bout de ligne, après huit années de CNP, il a fait l'objet d'un licenciement motivé de la part de RNCa, et ce, à compter du 13 décembre 1996, parce qu'il était incapable de remplir ses fonctions. Selon RNCan, son licenciement a été fait en conformité avec la politique du Conseil.

[5]                La lettre de cessation d'emploi est datée du 29 novembre 1996 et elle mentionne essentiellement ce qui suit :

[traduction]

La présente est pour vous informer que, en conformité avec l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (maintenant l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique) et en vertu du pouvoir qui m'est délégué, vous faites l'objet d'un licenciement motivé quant à votre emploi auprès de la fonction publique du Canada, et ce, à compter de la fermeture des bureaux le 13 décembre 1996.

La raison de votre licenciement a trait au fait que vous êtes incapable de remplir vos tâches. Vous êtes absent de votre travail pour des raisons médicales depuis le 6 septembre 1988. Le dernier certificat médical que vous avez présenté était daté du 14 décembre 1994 et confirmait que vous seriez incapable de retourner au travail pendant de nombreuses années. Par conséquent, on vous a encouragé à demander une retraite médicale mais vous avez refusé cette solution.

Depuis ce temps, vous n'avez fourni au ministère aucune attestation médicale témoignant que vous serez capable de retourner au travail dans un avenir prévisible. De plus, vous ne vous êtes pas présenté à l'examen médical qui avait été prévu pour vous à Santé Canada afin de fixer une date de retour au travail.

En raison de votre longue absence du travail et de l'absence de documents médicaux attestant que vous êtes capable de retourner au travail dans un avenir prévisible, je n'ai pas d'autre choix que de mettre fin à votre emploi.

En conformité avec l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, vous disposez de 25 jours pour formuler un grief quant à la présente décision.


La procédure de règlement des griefs

[6]         La procédure de règlement des griefs décrite ci-après (la procédure de règlement des griefs) est fondée sur l'article 15 de la Charte. Le demandeur a déposé son grief auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) le 17 janvier 1997. À cet égard, il a prétendu avoir été victime de discrimination parce qu'il a été licencié en raison de sa maladie. Ce grief a été rejeté le 30 octobre 1998 dans les termes suivants :

Toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas réussi à me convaincre, d'après l'ensemble de la preuve, que l'employeur a violé de quelque manière que ce soit la LCDP ou la Charte en le licenciant.

[7]                Le demandeur a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CRTFP et, le 15 novembre 1999, la demande a été rejetée par Monsieur le juge Cullen dans la décision Scheuneman c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] 2 C.F. 365 (la décision Cullen). Au paragraphe 52, Monsieur le juge Cullen a examiné la prétention du demandeur selon laquelle ses droits prévus à l'article 15 de la Charte avaient été violés par la politique du Conseil et a notamment examiné si le demandeur avait établi une preuve prima facie de discrimination.

[8]                Les conclusions du juge Cullen sur cette question sont énoncées aux paragraphes 58 et 59 et se lisent comme suit :


58. La politique en cause ne ressemble pas à d'autres qui avaient été appliquées sans nuances au détriment d'un petit nombre de personnes; voir Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536. La politique est assez souple pour accommoder même les personnes qui ne peuvent travailler pendant plusieurs années par suite d'une maladie prolongée. Cette politique n'est donc pas discriminatoire à l'encontre du demandeur.

59. Le demandeur n'a perdu le statut d'employé sans solde qu'après une absence de huit ans, au lieu de deux, et seulement parce qu'il était très clair qu'il ne pouvait revenir travailler dans un avenir prévisible. Je ne peux concevoir une mise en oeuvre plus sympathique et humaine d'une politique sur les congés. Le licenciement du demandeur est la conséquence de son entêtement à refuser d'accepter que ce congé soit, par sa nature même, une mesure limitée dans le temps. Les actions des fonctionnaires du Ministère dans la mise en oeuvre de la politique ne peuvent donc être qualifiées de discriminatoires. En conséquence, on ne peut pas dire que le traitement accordé au demandeur est discriminatoire à première vue au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. L'arbitre avait donc raison de conclure comme il l'a fait sur la question de savoir [page 399] s'il y avait une preuve suffisante pour étayer l'existence d'une discrimination.                                                                                                                                         [Non souligné dans l'original]

[9]                Le 1er décembre 2000, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel du demandeur. Monsieur le juge Evans, s'exprimant au nom de la Cour, a tiré les conclusions suivantes dans l'arrêt Scheuneman c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1997.

Je suis d'accord avec le juge des requêtes pour dire que l'appelant n'a pas réussi à démontrer que son congédiement constituait un acte discriminatoire au sens de la Charte. La preuve non contestée établissait que l'appelant, après avoir épuisé son droit à un congé pour invalidité, a obtenu un congé non rémunéré, ce qui lui a permis de conserver ses avantages en matière d'assurance de soins de santé et soins dentaires et de faire compter ce congé comme une période d'emploi aux fins de sa pension.

Il a finalement été congédié huit ans après le début de sa maladie. Au moment de son congédiement, la preuve médicale établissait que l'appelant ne pouvait effectuer aucun travail, même à temps partiel, et qu'il était improbable qu'il soit capable de travailler dans un avenir prévisible. L'appelant a refusé d'envisager une retraite pour cause médicale parce qu'il estimait que les conditions d'une telle retraite n'étaient pas attrayantes.

Selon moi, ces faits n'établissent pas qu'il y a eu manquement à l'article 15. L'appelant a été congédié parce qu'il n'était pas capable d'accomplir aucun travail et qu'il était improbable qu'il puisse travailler dans un avenir prévisible. L'un des éléments fondamentaux de la relation employeur-employé est que l'employé soit capable d'accomplir un travail pour l'employeur ou de recommencer à travailler dans un délai raisonnable, s'il est temporairement invalide pour une cause médicale. Le congédiement d'une personne qui ne remplit pas cette condition ne constitue pas de la discrimination fondée sur une déficience physique au sens de la Constitution.


Je peux très bien comprendre pourquoi l'appelant préférerait demeurer indéfiniment en congé non rémunéré. Toutefois, un employeur assujetti à la Charte n'est pas tenu par l'article 15 de suivre les meilleures pratiques en matière d'emploi ni de conserver indéfiniment son emploi, même sans rémunération, un employé qui, comme l'appelant, ne sera peut-être pas capable de travailler avant plusieurs années.                                                                                                                                                    [Non souligné dans l'original]

[10]            Le 21 juin 2001, la Cour suprême du Canada a refusé l'autorisation d'interjeter un pourvoi. Plus tard cette année-là, le 1er novembre 2001, la Cour suprême du Canada a également rejeté la demande de réexamen de la décision de refuser l'autorisation d'interjeter un pourvoi présentée par le demandeur.

[11]            Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Cour suprême du Canada de ne pas réexaminer sa demande d'autorisation d'interjeter un pourvoi et cette demande a été rejetée par Monsieur le juge Pinard de la Cour fédérale. La décision du juge Pinard a par la suite été confirmée par la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême du Canada a rejeté l'autorisation d'interjeter un pourvoi le 22 janvier 2004.

Les procédures devant la Commission des droits de la personne


[12]            Le 5 mars 1998, le demandeur a déposé des plaintes auprès de la Commission. Contrairement à la procédure de griefs, ces plaintes (les procédures devant la Commission) ne mettent pas en cause l'article 15 de la Charte. Elles sont plutôt fondées sur les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C 1985, ch. H-6 (la LCDP). La Commission a nommé un enquêteur et, le 19 août 2000, celui-ci a déposé deux rapports d'enquête (les rapports) datés du 19 août 2000 dans lesquels il recommandait le rejet des plaintes.

[13]            À la demande du demandeur, la Commission s'est abstenue de donner suite au rapport jusqu'à ce que les instances du demandeur soient tranchées. Par conséquent, ce n'est que le 13 décembre 2001, après que la Cour suprême du Canada eut rejeté l'autorisation d'interjeter un pourvoi et eut rejeté la demande de réexamen, que la Commission a rendu la décision dans laquelle elle a rejeté les deux plaintes.

[14]            La partie pertinente de la décision se lit comme suit :

[traduction]

La Commission a examiné le rapport qui vous a été antérieurement transmis ainsi que toute observation déposée en réponse au rapport et a décidé, en vertu de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte (B47189) contre Ressources naturelles Canada parce que :

·                le plaignant est incapable de remplir les fonctions de son poste et est incapable de prévoir une date de retour au travail;

·                le défendeur a tenté de répondre aux besoins du plaignant.

La Commission a également décidé de rejeter la plainte (B47190) contre le Conseil du Trésor parce que :

·                la politique du défendeur en matière de licenciement prévoit des mesures visant à aider les personnes handicapées;

·                la différence entre les employés handicapés qui sont capables de prévoir une date de retour au travail et les employés qui ne sont pas capables de prévoir une date de retour au travail n'est pas fondée sur un motif énuméré de discrimination.


La loi et la politique de la Commission

(voir annexe A pour le libellé des articles 7, 10 et 15 de la LCDP ainsi que des parties de la politique de la Commission)

La position du demandeur

[15]            Les documents du demandeur mentionnent les questions suivantes :

1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu'il n'y avait aucune preuve prima facie de discrimination?

2.        Plus particulièrement, la Commission a-t-elle commis une erreur dans son choix du groupe de comparaison?

3.        La Commission a-t-elle commis une erreur quant à l'obligation de RNCan de répondre aux besoins du demandeur?

4.        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de certains documents soumis par le demandeur?

5.        La Commission a-t-elle commis une erreur en se fiant aux rapports parce qu'ils accordaient une importance indue aux décisions de la Cour dans la procédure de règlement des griefs?

6.        La Commission a-t-elle commis une erreur quant à l'application de l'article 15 de la LCDP?


Questions 1, 2 et 3      Preuve Prima Facie de discrimination, groupe de comparaison et réponse aux besoins

[16]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas appliqué correctement la jurisprudence établie en matière de droit de la personne lorsqu'elle a apprécié la politique de la Commission. Le demandeur a notamment renvoyé à l'arrêt Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons-Sears Ltd. [1985] 2 R.C.S. 536, paragraphe 18:

Une condition d'emploi adoptée honnêtement pour de bonnes raisons économiques ou d'affaires, également applicable à tous ceux qu'elle vise, peut quand même être discriminatoire si elle touche une personne ou un groupe de personnes d'une manière différente par rapport à d'autres personnes auxquelles elle peut s'appliquer.

[17]            Sa position est que la politique de la Commission est discriminatoire envers les personnes handicapées, qu'elle ne permet pas suffisamment de composer avec les différences individuelles et, par conséquent, contrevient à l'article 10 de la LCDP. Selon le demandeur, la politique de la Commission est discriminatoire envers les employés handicapés qui ne peuvent pas retourner au travail parce qu'elle mène inévitablement à leur licenciement. Comme le demandeur s'est vu refuser toute possibilité d'emploi parce que son handicap l'empêche de retourner au travail, il prétend qu'il a établi prima facie une preuve de discrimination.


[18]            Selon sa prétention, la première question à trancher est de savoir si la présente question a été décidée dans le processus de règlement des griefs. Le demandeur affirme qu'elle n'a pas été décidée parce qu'il existe des différences entre l'article 15 de la Charte et les articles 7 et 10 de la LCDP. Toutefois, selon moi, ces différences apparaissent après qu'une preuve prima facie a été établie. Dans les affaires relatives à l'application de la Charte, une fois que la contravention a été établie, la justification aux termes de l'article premier de la Charte est la question en litige. Elle soulève souvent des questions générales d'intérêt public. Dans les affaires en matière d'emploi en vertu de la LCDP, une fois qu'une preuve prima facie de discrimination a été établie, la réponse aux besoins d'une personne par un employeur devient la question en litige. Il s'agira habituellement d'une enquête limitée qui vise la situation précise d'un employeur et d'un employé.


[19]            Quant à la preuve prima facie, le demandeur n'a pas laissé entendre et je n'ai relevé aucune différence importante entre la méthode à adopter en vertu de la Charte et celle à adopter en vertu de la LCDP. Par conséquent, j'ai conclu que, une fois que la Cour d'appel fédérale a eu maintenu la décision Cullen et que la Cour suprême du Canada a eu refusé l'autorisation d'interjeter un pourvoi dans la procédure de règlement des griefs, la décision de la Cour d'appel portant que le demandeur n'avait pas établi prima facie une preuve de discrimination découlant de son licenciement était finale. En tirant cette conclusion, j'ai souligné que les faits se rapportant à la question préliminaire de savoir si une preuve prima facie a été établie sont les mêmes dans la procédure de règlement des griefs que dans la procédure de la Commission et que la question de la preuve prima facie avait précisément était traitée par le juge Cullen et par la Cour d'appel fédérale de la manière décrite plus haut, au paragraphe 9 ainsi qu'aux paragraphes suivants. J'estime que la décision de la Cour d'appel est un arrêt de principe qui tranche la présente question ainsi que les questions 2 et 3 de la présente demande.

Question 4      Omission de tenir compte de certains documents

[20]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de nombreux documents qu'il avait envoyés à l'enquêteur.

[21]            Selon le paragraphe 11 des observations faites en réponse par le demandeur le 1 août 2003, les certificats qui ont été déposés au nom de la Commission en vertu de l'article 317 des Règles de la Cour fédérale et qui figurent à l'onglet 1, volume 1, du dossier du défendeur posent problème. Le demandeur fait remarquer à juste titre qu'ils visent à énumérer l'ensemble des documents qui ont été soumis à la Commission lorsqu'elle a rendu sa décision. Il souligne ensuite que, dans le dossier T-90-02, quelque 159 pages de documents qu'il a soumis n'ont pas été énumérées et, dans le dossier T-91-02, quelque 560 pages n'ont pas été mentionnées dans le certificat. Ces pages seront appelées le « document » . Il semble que le document soit la documentation qui a été envoyée par le demandeur à l'enquêteur avant qu'il ne rédige ses rapports.

[22]            Comme les rapports ne comprennent pas le document, il semble que le demandeur a raison et que, en fait, la Commission n'était pas saisie du document lorsqu'elle a rejeté ses plaintes. Toutefois, il n'est pas allégué que l'enquêteur a omis de tenir compte du document.


[23]            Ceci étant dit, la question est de savoir si la Commission a contrevenu aux règles de l'équité procédurale en tranchant l'affaire sans examiner le document. Cette question a été décidée dans l'affaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak [1995] 2 C.F. 455. La Cour d'appel fédérale a conclu aux paragraphes 11 et 24 que la Commission n'était pas tenue ou censée examiner les documents qui ont été soumis à l'enquêteur lors de la rédaction de son rapport.

Question 5      La Commission s'est fondée à tort sur les décisions de la Cour mentionnées dans les rapports

[24]            Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en se fiant aux rapports parce qu'ils accordaient une importance indue aux décisions de la Cour dans la procédure de règlement des griefs. Il affirme également que l'enquêteur n'a mené aucune enquête indépendante et qu'il s'est tout simplement fié à la décision Cullen.


[25]            J'ai examiné chacun des rapports et, à juste titre, le paragraphe 59 de la décision Cullen est cité, l'enquêteur a également examiné le libellé de la politique de la Commission, les allégations du plaignant et les prétentions du défendeur. De plus, l'enquêteur a effectué sa propre analyse indépendante sur la différence entre les employés en CSS qui peuvent prédire et ceux qui ne peuvent pas prédire quand ils retourneront au travail. Selon moi, les rapports étaient les documents indépendants exigés dans les circonstances et la Commission n'a pas commis d'erreur en se fiant à ceux-ci pour rendre sa décision.

Question 6      L'article 15 de la LCDP

[26]            Le demandeur prétend que le défendeur ne peut pas se servir de l'article 15 de la LCDP pour justifier la politique de la Commission ou la pratique de RNCan (l'article 15 est reproduit à l'annexe A). Le demandeur affirme que l'exception pour l'exigence professionnelle justifiée (EPJ) ne peut pas s'appliquer à sa situation parce qu'elle a été conçue pour s'appliquer à une situation différente : une situation dans laquelle une personne est au fond capable d'occuper un emploi. À cet égard, il a invoqué l'arrêt de la Cour suprême du Canada Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin) qui a établi un critère à trois volets servant à statuer sur l'EPJ. Il affirme également que l'article est inapplicable parce que sa position a été déclarée excédentaire en 1990, et, pour ce motif, le critère de Meiorin ne peut pas être appliqué de façon significative car il n'y a actuellement aucun poste à partir duquel on peut établir des exigences professionnelles.

[27]            Il n'est pas nécessaire d'examiner cette question compte tenu de ma conclusion que la Cour d'appel fédérale a décidé que le demandeur n'avait pas établi une preuve prima facie de discrimination. Toutefois, s'il y avait eu preuve de discrimination, je n'aurais pas été convaincue des prétentions du demandeur et j'aurais appliqué l'exception prévue à l'article 15 de la LCDP.


Conclusion

[28]            La question fondamentale dans la présente instance consiste à savoir si la décision de la Commission était raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances. Pour les motifs susmentionnés, cette question reçoit une réponse affirmative.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                   T-90-01 & T-91-01

INTITULÉ :                                                    ERIC SCHEUNEMAN

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 JUILLET 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 20 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Eric Scheuneman

pour son propre compte                                    POUR LE DEMANDEUR

Catharine Moore                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eric Scheuneman

pour son propre compte                                    POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada       


                                            ANNEXE A

L'article 7 de la LCDP prévoit ce qui suit :


Employment

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee, on a prohibited ground of discrimination.

1976-77, c. 33, s. 7.

Emploi

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects_:

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d'emploi.

1976-77, ch. 33, art. 7; 1980-81-82-83, ch. 143, art. 3.


L'article 10 de la LCDP prévoit ce qui suit :


Discriminatory policy or practice

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment, that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

R.S., 1985, c. H-6, s. 10; 1998, c. 9, s. 13(E).

Lignes de conduite discriminatoires

10. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

L.R. (1985), ch. H-6, art. 10; 1998, ch. 9, art. 13(A).


Des exceptions sont toutefois prévues à l'article 15, lequel est ainsi libellé :



Exceptions

15. (1) It is not a discriminatory practice if

(a) any refusal, exclusion, expulsion, suspension, limitation, specification or preference in relation to any employment is established by an employer to be based on a bona fide occupational requirement;

Accommodation of needs

(2) For any practice mentioned in paragraph (1)(a) to be considered to be based on a bona fide occupational requirement and for any practice mentioned in paragraph (1)(g) to be considered to have a bona fide justification, it must be established that accommodation of the needs of an individual or a class of individuals affected would impose undue hardship on the person who would have to accommodate those needs, considering health, safety and cost.

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires_:

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;

Besoins des individus

(2) Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.                


La politique de la Commission

La politique de la Commission prévoit ce qui suit :



Policy objective

To provide an equitable and consistent application of leave without pay.

Policy statement

It is the policy of the government to permit employees to take unpaid absences from work for personal or other reasons while maintaining continuity of their employment.

Appendix A - Standards For Leave Without Pay Situations

Illness or injury

When employees are unable to work due to illness or injury and have exhausted their sick leave credits or injury on duty leave, managers must consider granting leave without pay.

Where it is clear that the employee will not be able to return to duty within the foreseeable future, managers must consider granting such leave without pay, for a period sufficient to enable the employee to make the necessary personal adjustments and preparations for separation from the Public Service on medical grounds.

Where management is satisfied that there is a good chance the employee will be able to return to duty within a reasonable period of time (the length of which will vary according to the circumstances of the case), leave without pay provides an option to bridge the employment gap. Management must regularly re-examine all such cases to ensure that continuation of leave without pay is warranted by current medical evidence.

Management must resolve such leave without pay situations within two years of the leave's commencement, although they can, in some circumstances, be extended to accommodate exceptional cases.

The period of such leave without pay must be flexible enough to allow managers to accommodate the needs of employees with special recovery problems, including their retraining.

Employees who become disabled and who, as a result of their disability, will no longer be able to carry out the duties of their position, may be entitled to a two-year priority for employees who become disabled pursuant to the Public Service Employment Regulations, Section 36. The priority period would begin on the day on which a competent authority certifies that they are ready to return to work, provided that that day is within two years after they became disabled. This priority entitlement continues even if, as a result of their disability, these individuals cease to be employees.

All such leave without pay will be terminated by the employee's:

- return to duty;

- resignation or retirement on medical grounds;

- lay-off pursuant to Section 29 of the Public Service Employment Act; or

- termination for reasons other than breaches of discipline or misconduct, pursuant to Section 11(2)(g) of the Financial Administration Act.

Objectif de la politique

Assurer l'application équitable et uniforme des congés non rémunérés.

Énoncé de la politique

Le gouvernement a pour politique de permettre aux employés de s'absenter du travail pour des raisons personnelles ou autres sans être rémunérés, tout en leur assurant la continuité d'emploi.

Appendice A - Normes concernant les congés non rémunérés

Maladie ou blessure

Les gestionnaires doivent envisager d'accorder un congé non rémunéré aux employés qui ne peuvent travailler pour cause de blessure ou de maladie et qui ont épuisé leurs crédits de congé de maladie ou de congé d'accident du travail.

S'il est clair que l'employé ne sera pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible, les gestionnaires doivent envisager d'accorder un congé non rémunéré d'une durée suffisante pour permettre à l'employé de prendre les dispositions nécessaires en prévision de sa cessation d'emploi de la fonction publique pour raisons médicales.

Si la direction est convaincue qu'il y a de bonnes chances que l'employé retourne au travail dans un délai raisonnable (dont la durée variera selon les circonstances), un congé non rémunéré peut être considéré afin qu'il n'y ait pas d'interruption d'emploi. La direction doit réexaminer tous ces cas périodiquement afin de s'assurer que le congé non rémunéré n'est pas prolongé sans raisons médicales valables.

La direction doit régler les cas de congé non rémunéré dans les deux ans qui suivent la date du début du congé, mais cette période peut être prolongée si des circonstances exceptionnelles le justifient.

La période de congé non rémunéré doit être suffisamment souple pour permettre aux gestionnaires de tenir compte des besoins des employés ayant des problèmes particuliers de réadaptation, comme le besoin d'un recyclage.

Les fonctionnaires qui deviennent handicapés et qui, de ce fait, ne sont plus en mesure d'exercer les fonctions de leur poste peuvent avoir droit à une priorité de nomination pendant une période de deux ans conformément à l'article 36 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique. La période de priorité commencerait le jour où l'autorité compétente atteste que le fonctionnaire est apte à retourner au travail, pourvu que ce jour survienne dans les deux ans suivant la date où il est devenu handicapé. La priorité continue de s'appliquer même si la personne cesse d'être un fonctionnaire en raison de son handicap.

Il faut mettre fin à tous ces types de congé non rémunéré en faisant en sorte que l'employé :

- retourne au travail;

- démissionne ou prenne sa retraite pour des raisons     médicales;

- soit mis en disponibilité conformément à l'article 29 de

    la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;

- soit licencié pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, conformément à l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.