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Date : 20040901

Dossier : T-1065-04

Référence : 2004 CF 1205

Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 1er septembre 2004

En présence de MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :                                

                               SUNSOLAR ENERGY TECHNOLOGIES (S.E.T.) INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                  FLEXIBLE SOLUTIONS INTERNATIONAL, INC.

                                                    FLEXIBLE SOLUTIONS INC.

                                                           et DANIEL O'BRIEN

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présence instance découle d'une action en contrefaçon de marque de commerce. La Cour a examiné deux questions à Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 août 2004.


[2]                Il s'agissait en premier lieu d'une requête déposée par la demanderesse en vue de modifier l'intitulé de la cause. L'un des défendeurs était désigné comme étant « Flexible Solutions Inc. » . L'avocat a attiré l'attention de la Cour sur le fait que c'était là d'une erreur et que la défenderesse « Flexible Solutions Inc. » , aurait plutôt dû être désignée sous l'appellation « Flexible Solutions Ltd. » .

[3]                Avec le consentement des parties, l'intitulé de la cause est donc par la présente modifié comme suit :

                                 SUNSOLAR ENERGY TECHNOLOGIES (S.E.T.) INC.

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                                    FLEXIBLE SOLUTIONS INTERNATIONAL, INC.,

                                   FLEXIBLE SOLUTIONS LTD., et DANIEL O'BRIEN

                                                                                                                                            défendeurs

[4]                Les défendeurs auront 15 jours suivant la date de la présente ordonnance pour déposer une défense et demande reconventionnelle modifiée.

[5]                L'autre question à trancher concernait l'appel d'une décision en date du 14 juillet 2004 par laquelle le protonotaire Hargrave a rejeté une requête des défendeurs visant à faire radier le défendeur Daniel O'Brien comme partie. Subsidiairement, les défendeurs demandaient à la demanderesse de fournir des précisions quant à diverses allégations contenues dans sa déclaration. Il a été ordonné de fournir les précisions et une déclaration détaillée modifiée a ainsi été déposée à la Cour le 28 juillet 2004.


[6]                Dans son ordonnance du 14 juillet 2004, le protonotaire a écrit ceci au sujet de la demande visant à faire radier M. Daniel O'Brien à titre de partie défenderesse :

[TRADUCTION] Selon la lecture que je fais de la déclaration, les circonstances qui y sont évoquées peuvent raisonnablement permettre de conclure que M. O'Brien, à titre de président des deux sociétés défenderesses, pourrait avoir participé à la commission d'actes délibérés qui étaient de nature à constituer une contrefaçon, ou qui reflètent une indifférence à l'égard du risque de contrefaçon, satisfaisant ainsi au critère de la responsabilité personnelle de l'administrateur ou du directeur d'une société, énoncé dans la décision National Merchandise Manufacturing Co. Inc. (1978) 40 C.P.R. (2d) 164, à la p. 174. Cela ne signifie pas que la preuve contre M. O'Brien soit à toute épreuve, mais plutôt qu'il est loin d'être manifeste, clair et hors de tout doute qu'il n'y a pas de cause d'action raisonnable contre M. O'Brien. La demande visant M. O'Brien ne sera pas radiée.

[7]                Les seules allégations de faits substantiels qu'a formulées la demanderesse à l'encontre du défendeur à titre personnel, M. O'Brien, sont les suivantes :

3. ... Le défendeur Daniel O'Brien est président et directeur des sociétés défenderesses et son adresse est le 2614 Queenswood Dr. Victoria (C-B), V8N 1X5.

17. Les sociétés défenderesses, sous l'autorité et la direction du défendeur Daniel O'Brien, utilisent sans l'autorisation de la demanderesse, l'expression « TROPICAL FISH » comme marque de commerce.

18. Les sociétés défenderesses, sous l'autorité et la direction du défendeur Daniel O'Brien, utilisent sans autorisation l'expression « Tropical Fish » en liaison avec la vente de poisson et en liaison, entre autres, avec le site Web, la documentation sur les ventes et la sollicitation téléphonique de la demanderesse.

19. Les sociétés défenderesses, sous l'autorité et la direction du défendeur Daniel O'Brien, ont également copié et utilisé, sans autorisation, le mot « Fish » de manière à tromper le public quant à la qualité, la source et l'origine des marchandises vendues par les défendeurs sous la marque de commerce ECOSAVR.

[8]                Les seules modifications soumises par la demanderesse dans la nouvelle déclaration détaillée relativement au défendeur désigné M. O'Brien figuraient au paragraphe 18, que je reproduit ici :

18.            Les sociétés défenderesses, sous l'autorité et la direction du défendeur Daniel O'Brien, utilisent sans autorisation l'expression « TROPICAL FISH » en liaison avec la vente de poisson et en liaison (...) avec le site Web, la documentation sur les ventes, la documentation financière et technique et la sollicitation téléphonique de la demanderesse et de fait les défendeurs ou les personnes agissant au nom et sous la direction des défendeurs ont faussement affirmé aux clients de la demanderesse que la demanderesse n'exploite plus son entreprise, que TROPICAL FISH est le produit des défendeurs, que les défendeurs ont rebaptisé TROPICAL FISH sous le nom d'ECOSAVR, que la demanderesse ne peut plus vendre TROPICAL FISH. De plus, les défendeurs dirigent les utilisateurs internet vers leur site en utilisant illégalement la marque « TROPICAL FISH » ;

[9]                Tous les autres paragraphes de la déclaration renvoient aux défendeurs généralement et on y formule diverses conclusions portant que les actes des défendeurs constituent respectivement « une adoption et imitation délibérées » et « une contrefaçon volontaire » . respectivement.

[10]            Les défendeurs font valoir que ni la déclaration ni la déclaration détaillée ne contiennent d'allégations concernant des actes du défendeur M. O'Brien, sauf en ce qui a trait aux actes faits « sous l'autorité et la direction » des sociétés défenderesses. Les actes de contrefaçon sont allégués avoir été le fait des sociétés défenderesses ou « des personnes agissant en leur nom » .


[11]            L'ordonnance que rend le protonotaire en se fondant sur une question de droit est assujettie au contrôle judiciaire suivant la norme de la décision correcte. La Cour doit maintenant déterminer si la déclaration contient des allégations de faits substantiels suffisants pour autoriser le maintien d'une action dirigée à titre personnel contre le dirigeant d'une société.

[12]            On fait valoir que dans les motifs de son ordonnance, le protonotaire a estimé que « ... la déclaration [...] renvoie à des circonstances qui peuvent raisonnablement permettre de conclure que M. O'Brien, à titre de président des deux sociétés défenderesses, pourrait avoir participé à la commission d'actes délibérés qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l'égard du risque de contrefaçon » .

[13]            On soutient que M. O'Brien ne doit pas avoir simplement « participé » aux agissements des sociétés défenderesses; que pour être tenu responsable, il doit avoir été véritablement au courant de la probabilité de contrefaçon ou avoir été indifférent à l'égard des risques de contrefaçon, et que cette connaissance doit être plaidée de façon précise.

[14]            Selon la règle 174 des Règles de la Cour fédérale, un acte de procédure doit contenir un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde. Selon la règle 181, l'acte de procédure doit contenir des précisions sur chaque allégation lorsqu'il s'agit de fraude ou d'abus de confiance.

[15]            On ne m'a pas convaincu que la déclaration ou la déclaration détaillée répondent à l'une quelconque de ces obligations; non plus qu'elles fournissent suffisamment des précisions aux défendeurs pour leur permettre de préparer une défense appropriée.

[16]            Les principes et la jurisprudence qui définissent la responsabilité des dirigeants et administrateurs de sociétés sont généralement tirés de l'arrêt Mentmore Manufacturing Co. Ltd. et al. c. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. et al., 40 C.P. R. (2d). Au nom de la Cour, le juge Le Dain a statué qu'un administrateur ne pouvait être tenu personnellement responsable même dans un cas où le président et principal actionnaire contrôle manifestement la société et en dirige les activités. « C'est ce qu'il a fait, dit-il, qui importe » .

[17]            Dans cette affaire, le juge de première instance avait estimé que les principaux actionnaires étaient « à la source des politiques et directives pratiques, commerciales, financières et administratives... » . Il avait conclu qu'il fallait que les administrateurs ou les dirigeants aient directement ordonné ou autorisé les actes reprochés et que les actes reprochés constituent une contrefaçon, et il avait rayé les noms de l'administrateur et des dirigeants comme parties défenderesses.


[18]            En Cour d'appel fédérale, le juge Le Dain a confirmé la décision du juge de première instance. Il a souligné que pour tenir l'administrateur ou le dirigeant d'une société responsable d'un délit, il faut établir que les actes commis ont été directement ordonnés. Sinon, a écrit le juge Le Dain à la page 171 de la décision :

Cela rendrait les postes d'administrateur ou de dirigeant principal excessivement hasardeux si le degré d'administration normalement requis en matière de fabrication et de vente dans une société pouvait par lui-même rendre l'administrateur ou le dirigeant personnellement responsable des actes de contrefaçon de sa société. Il s'agit là d'un principe qui devrait, à mon avis, s'appliquer non seulement à une grande société, mais aussi à une petite société dont les actions sont concentrées en quelques mains. Il n'y a pas de raison pour qu'une petite société à dirigeant unique ou dirigée par deux personnes ne soit régie par des principes de responsabilité différents du seul fait que ses actionnaires et administrateurs jouent généralement, par la force des choses, un rôle direct et actif plus grand dans la gestion des affaires de la société.

[19]            Il a poursuivi en ces termes à la page 174 :

Je ne pense pas qu'on doive aller jusqu'à poser en principe que l'administrateur ou le dirigeant doit savoir ou avoir des raisons de savoir que les actes qu'il ordonne ou accomplit constituent des violations. Ce serait imposer une condition de responsabilité qui n'existe pas, généralement [...] À mon avis, il existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l'administrateur ou le dirigeant n'était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d'actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l'égard du risque de contrefaçon.

[20]            Dans l'arrêt Painblanc c. Kastner (1994), 58 C.P.R. (3d) 502, le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale, s'exprimant au nom de la Cour, a d'abord souligné le fait que la Cour était saisie de l'appel d'une décision du juge de première instance qui avait refusé de rayer le nom d'un défendeur. Il a repris l'allégation contenue dans la déclaration, laquelle était ainsi conçue :

[TRADUCTION] 3. Le défendeur Painblanc (ci-après appelé "Painblanc") est un homme d'affaires demeurant à Villa L'Amandior, En Senaugin, 1162 Saint-Prex, Suisse. Painblanc est le directeur général et l'actionnaire majoritaire de la défenderesse Lacroix. Agissant seul ou de concert avec d'autres, Painblanc a directement autorisé la constitution, la direction, la gestion et l'exploitation de Lacroix et en est directement responsable; il a participé directement aux activités de Lacroix et plus précisément aux activités décrites aux présentes.


Il a ensuite conclu :

Le savant juge des requêtes semble avoir pensé qu'il fallait permettre aux demandeurs-intimés de déterminer s'ils pouvaient apprendre d'autres faits et obtenir d'autres éléments de preuve impliquant Painblanc lui-même au cours de l'interrogatoire préalable. La Cour est d'avis qu'en concluant en ce sens, le juge a commis une erreur de droit et s'est fondé sur un principe erroné. Une action en justice n'est pas une enquête à l'aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu'elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive.

[21]            Après examen des allégations contenues dans la déclaration de même que dans la déclaration détaillée, j'estime qu'elles ne comportent aucun fait sur lequel un défendeur ou la Cour pourrait se fonder pour conclure qu'il y a eu « commission délibérée d'actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l'égard du risque de contrefaçon » .

[22]            Ces principes ont été clairement examinées par le juge Le Dain dans l'arrêt Mentmore, précité, et ont été confirmés dans Painblanc. L'affirmation par le protonotaire que « à titre de président des deux sociétés défenderesses, [il] pourrait avoir participé à la commission d'actes délibérés » ne peut étayer son refus de rayer le nom du défendeur. Je suis d'avis qu'il a appliqué le mauvais principe juridique.


[23]            De toute évidence, il faut établir que M. O'Brien a fait davantage que participer aux agissements des sociétés défenderesses. Il faut alléguer les actes véritables du dirigeant de la société. La simple affirmation d'une conclusion n'est pas l'allégation d'un fait substantiel et elle ne peut pas étayer une cause d'action contre un défendeur à titre individuel. On ne peut pas « raisonnablement conclure » que la participation de M. O'Brien était suffisamment active pour qu'on puisse parler d'actes délibérés de sa part. Comme l'écrit le juge Hugessen dans l'arrêt Painblanc, précité, « [u]ne action en justice n'est pas une enquête àl'aveuglette » .

[24]            Ainsi que l'ont demandé les défendeurs, l'appel est accueilli; le nom de David O'Brien est par la présente rayé à titre de partie défenderesse. Avec dépens au défendeur-demandeur, que je fixe à 1 500,00 $, débours compris.

(Signature) « Paul Rouleau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

I HEREBY CERTIFY that the above document

is a true copy of the original filed of record

in the Registry of the Federal Cour

on the _______ day of ___________ A.D. 20 ____

Dated this _______ day of ____________ 20 ____

                                                                                             

                 Iris Hill, Registry Officer


                                                  COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1065-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         SUNSOLAR ENERGY TECHNOLOGIES (S.E.T.) INC. c. FLEXIBLE SOLUTIONS INTERNATIONAL, INC. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Vancouver (C-B)

DATE DE L'AUDIENCE :                            24 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE ROULEAU

DATE :                       1er septembre 2004

COMPARUTIONS :

Paul Marcil                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Franc Boltezar                                                   POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marcil & Cooper                                               POUR LA DEMANDERESE

Pointe Claire (QC)

Smart & Biggar                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Vancouver (C-B)


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