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Date : 20000829


Dossier : IMM-470-99



ENTRE :

     CUI YING CHEN

     demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW, J.C.A.


[1]          La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas selon laquelle elle n'est pas une « fille à charge » au sens de la définition prévue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978. La question litigieuse est de savoir si, à l'époque pertinente, elle « sui[vai]t » à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle dans une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement. Mme Chen prétend que, depuis 1995, elle suit des cours à temps plein au Guangzhou Qiaoguang Financial Guidance College, un pensionnat, où elle étudie l'anglais.

[2]          La preuve qui m'a été soumise est constituée par un affidavit de la demanderesse, à l'égard duquel elle n'a pas été contre-interrogée, et le dossier du tribunal. Le dossier comporte la lettre de refus datée du 6 octobre 1998 et les notes au STIDI. Je n'ai tenu aucun compte de l'affidavit de Zhan Yun Chen, signé le 9 mars 1999, parce qu'il s'agit d'une preuve qui n'a pas été soumise à l'agent des visas.


[3]          Le dossier comporte également une déclaration solennelle de l'agent des visas, datée du 29 décembre 1998. La demande de contrôle judiciaire a été déposée le 3 février 1999. L'avocate de la Couronne a prétendu que la déclaration solennelle faisait à tort partie du dossier et qu'elle ne devrait pas être prise en considération. Toutefois, elle n'a pris aucune mesure avant la date de l'audition pour la faire retirer du dossier. L'avocat de la demanderesse a fondé son argumentation sur des parties de celle-ci. À mon avis, dans les circonstances de l'espèce, il serait inapproprié d'ordonner que la déclaration solennelle soit retirée du dossier.


[4]          Selon mon interprétation de la lettre de refus, l'agent des visas a conclu que Mme Chen n'était pas une étudiante à temps plein parce que (1) elle a échoué six des neuf matières requises pour obtenir son diplôme, (2) bien qu'elle ait prétendu avoir étudié l'anglais depuis 1995, elle n'a pas pu parler, lire ou écrire en anglais à l'entrevue du 6 octobre 1998, (3) elle a pris congé de l'école pour aider aux travaux agricoles à la maison, et (4) elle suivait des cours d' « autoformation » et elle devait uniquement assister à un cours de trois heures par jour.


[5]          Le premier argument soumis pour le compte de Mme Chen se rapporte au deux premiers fondements de la décision. L'avocat de Mme Chen soutient que, lorsqu'il a déterminé si elle « sui[vai]t à temps plein des cours » , l'agent des visas a commis une erreur parce qu'il a effectué une évaluation « qualitative » de ses études plutôt que de simplement déterminer si elle était inscrite à temps plein au collège et assistait aux cours.


[6]          Cette question découle en partie de décisions contradictoires de la Cour. La notion d'évaluation « qualitative » du fait de suivre des cours a été adoptée par le juge Gibson dans Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 122 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.) et dans Malkana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 125 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.). Le passage suivant se trouve au paragraphe 10 de la décision Khaira :

     À mon avis, le fait de « suivre des cours » comporte, dans le contexte de la définition de « fils à charge » , un élément quantitatif et un élément qualitatif, et l'agent des visas doit prendre l'un et l'autre en considération. Il a exprimé ses réserves quant à l'élément quantitatif, ayant constaté que le requérant n'allait qu'à 77 p. 100 de ses classes. Il a également constaté que celui-ci laissait beaucoup à désirer pour ce qui est de l'élément qualitatif en ce que, à supposer qu'il ait été physiquement présent à ces cours, ses réponses aux questions sur ce qui s'y passait ont été jugées nettement insuffisantes.

Le juge Gibson a certifié une question à cet égard dans les deux affaires, mais il semble que ces décisions n'ont pas été portées en appel.


[7]          Le juge Pinard a affirmé dans la décision Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-828-98, 16 avril 1999) que l'agent des visas est fondé à ne pas croire le demandeur qui maintient être un étudiant à temps plein si celui-ci ne montre pas qu'il connaît la matière qu'il prétend étudier. Dans cette affaire, la matière en question était l'anglais, et le demandeur ne pouvait pas parler l'anglais ou répondre à des questions simples qui lui étaient posées dans cette langue.


[8]          Par ailleurs, le juge Tremblay-Lamer a dit, dans la décision Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (5 octobre 1998, IMM-829-98), que le fait d'inclure un élément qualitatif dans la décision revient à ajouter des mots au règlement. À son avis, une preuve d'inscription en tant qu'étudiant à temps plein et de présence physique aux cours devrait suffire.


[9]          À mon avis, l'agent des visas doit tenir compte de la crédibilité du demandeur qui prétend être inscrit et suivre des cours en tant qu'étudiant à temps plein. Le fait que le demandeur n'ait pas appris la discipline qu'il étudie peut résulter d'une faiblesse intellectuelle ou d'une situation personnelle difficile. De tels facteurs n'appuient pas, à mon avis, la conclusion que la demanderesse ne suit pas des cours à temps plein. Mais, le fait que la demanderesse n'ait pas appris peut également indiquer qu'elle n'est pas sincère lorsqu'elle prétend suivre des cours à temps plein, et, à cet égard, j'accepte la proposition formulée dans les décisions Khaira et Malkana selon laquelle le fait de « suivre des cours » suppose nécessairement une présence physique et mentale.


[10]          Règle générale, il incombe à l'agent des visas seul d'évaluer la crédibilité du demandeur et le poids qu'il convient d'accorder à la preuve présentée pour le compte du demandeur. Dans les circonstances de l'espèce, toutefois, je ne peux dire avec certitude ce que l'agent des visas a inféré du fait que Mme Chen avait une connaissance insuffisante de l'anglais. Ni sa lettre de décision ni les notes au STIDI n'indiquent clairement son raisonnement à cet égard. En conséquence, je ne puis conclure que sa décision sur ce point était raisonnable.


[11]          Cela suffirait pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire en faveur de Mme Chen. Toutefois, je suis également troublée par ce qui semble être des contradictions entre la lettre de refus de l'agent des visas et les notes au STIDI. Après avoir examiné attentivement les observations de l'avocate de la Couronne, je dois conclure que ces contradictions demeurent inexpliquées.

[12]          Dans la lettre, l'agent des visas a indiqué que Mme Chen avait dit qu'elle avait pris congé de l'école pour aider aux travaux agricoles à la maison, qu'elle suivait des cours d' « autoformation » et qu'elle devait uniquement assister à un cours de trois heures par jour.


[13]          Les notes au STIDI indiquent qu'à un certain moment, Mme Chen a dit que les cours étaient seulement le matin, mais qu'elle a également essayé d'expliquer qu'une journée normale comprenait des cours le matin et l'après-midi. Mme Chen affirme dans son affidavit qu'elle a essayé d'expliquer qu'elle devait étudier toute seule pour préparer ses cours. Elle explique qu'on lui a demandé quel était son nombre minimum d'heures de cours dans une journée. Elle dit qu'elle a essayé d'expliquer que ce minimum était de trois heures, mais que certains jours elle devait faire jusqu'à trois heures d'étude pour trois heures de cours, ce qui faisait une moyenne de 30 heures par semaine.


[14]          Les notes au STIDI indiquent également que Mme Chen aidait ses parents à faire les plantations et la moisson pendant les « congés agricoles » . Dans sa lettre, l'agent des visas qualifie ces occasions de « congés agricoles » . L'affidavit de Mme Chen indique que l'agent des visas a tout simplement mal interprété la preuve.


[15]          Je ne puis conclure que la preuve étayait raisonnablement la décision de l'agent des visas sur ces questions de fait. Cela fournit un deuxième motif pour trancher la présente demande en faveur de Mme Chen.


[16]          Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il procède à un nouvel examen. Il n'y a pas lieu de certifier une question en l'espèce.

                             (s.) « K. Sharlow »

                                 J.C.A.

Le 29 août 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-470-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Cui Ying Chen
                         c.
                         MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 29 août 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge Sharlow, J.C.A.
DATE DES MOTIFS :              le 29 août 2000


ONT COMPARU :

M. Peter Larlee                  pour la demanderesse
Mme Pauline Anthoine              pour le défendeur

    


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee & Associates

Avocats

Vancouver (C.-B.)                  pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada                  pour le défendeur
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