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Date : 19991210


Dossier : T-1943-98

OTTAWA (Ontario), Le 10 décembre 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     GORDON WOLFE,

     demandeur,

     - et -


     JOHN ERMINESKIN,

     défendeur,

     - et -


     LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION ERMINESKIN,

     intervenants.


     VU la demande présentée par le demandeur en vue d"obtenir :

     i)      une ordonnance de quo warranto contre le défendeur, John Ermineskin, qui a été élu membre du Conseil de la Première Nation Ermineskin lors d"une élection tenue le 16 septembre 1998;
     ii)      subsidiairement, une ordonnance obligeant le directeur du scrutin de l"élection tenue le 16 septembre 1998, le chef et le Conseil de la Première Nation Ermineskin ou tout autre organisme que la Cour jugera approprié à déclarer que John Ermineskin s"est rendu [Traduction] "    coupable de manoeuvre frauduleuse relativement aux affaires de la tribu Ermineskin, de malhonnêteté ou de méfait " au sens du sous-alinéa 2.a )(iii) du règlement administratif no E-8601, intitulé Regulations Governing Ermineskin Tribe No. 138, Tribal Election Custom, (le règlement sur la coutume électorale de la tribu) et que le défendeur était inhabile à être mis en candidature, puis élu.

     APRÈS avoir entendu les avocats du demandeur, du défendeur et des intervenants, le chef et le Conseil de la Première Nation Ermineskin, à Edmonton, en Alberta, le 26 novembre 1999, et alors mis l"affaire en délibéré;

     APRÈS avoir examiné les arguments qui lui ont alors été présentés, la Cour concluant qu"il ne convient pas qu"elle exerce le pouvoir discrétionnaire d"accorder la réparation extraordinaire demandée pour les raisons suivantes

     i)      le demandeur n"a pas établi qu"il avait la qualité requise pour exercer un recours en quo warranto dans l"intérêt public afin de régler la question qu"il souhaite faire trancher, c"est-à-dire que la question de l"habileté du défendeur à occuper la charge élective de membre du conseil aurait pu être réglée par le recours aux procédures prévues par le règlement sur la coutume électorale de la tribu et aucune preuve ne démontre que le demandeur a tenté de faire enclencher ces procédures après l"élection du 16 septembre 1998;
     ii)      il n"a pas été établi que le demandeur était créancier d"une obligation de nature publique dont il pourrait exiger l"exécution au moyen d"une ordonnance de la nature d"un mandamus , adressée
         a)      soit au directeur du scrutin de la Première Nation Ermineskin en vertu du règlement sur la coutume électorale de la tribu
         b)      soit au chef et au Conseil de la Première Nation Ermineskin.

     APRÈS avoir constaté, lors de l"audition de la demande, que le demandeur et le défendeur réclament chacun leurs dépens dans l"instance si la Cour fait droit à leurs prétentions respectives et que l"intervenant n"a pas présenté d"arguments relativement aux dépens;



O R D O N N A N C E


     LA COUR STATUE QUE :

     1.      La demande est rejetée.


     2.      Le demandeur paiera les dépens du défendeur, sur la base habituelle partie-partie et le montant des dépens sera fixé par voie d"entente entre les parties ou, à défaut, par voie de taxation en conformité avec la colonne III du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998) .


                                     (signature) W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.


    


Date : 19991210


Dossier : T-1943-98



ENTRE :

     GORDON WOLFE,

     demandeur,

     - et -


     JOHN ERMINESKIN,

     défendeur,

     - et -


     LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION ERMINESKIN,

     intervenants.





     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE MACKAY



[1]          Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire présentée sous le régime de l"art. 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi), découlant censément de décisions rendues par le directeur du scurtin de la Première Nation Ermineskin et d"autres personnes, la veille de l"élection tenue par cette Première Nation le 16 septembre 1998 et concernant cette élection.



[2]          Le demandeur sollicite, en vertu de l"art. 18 de la Loi, une réparation qui prendrait la forme d"une ordonnance de quo warranto adressée au défendeur, John Ermineskin, qui a été élu membre du Conseil de la Première Nation Ermineskin lors de l"élection de septembre 1998. Subsidiairement, le demandeur sollicite une ordonnance, de la nature d"un mandamus , obligeant le directeur du scrutin, le chef et le Conseil de la Première Nation Ermineskin, intervenants en l"espèce, ou tout autre organisme que la Cour jugera approprié à déclarer que le défendeur s"est rendu [Traduction ] "    coupable de manoeuvre frauduleuse relativement aux affaires de la tribu Ermineskin, de malhonnêteté ou de méfait ", au sens du sous-alinéa 2a )(iii) du règlement administratif no E-86-01, intitulé Regulations Governing Ermineskin Tribe No. 138, Tribal Election Custom (révisé le 5 juillet 1995) (le règlement sur la coutume électorale de la tribu), et que le défendeur était inhabile à être mis en candidature, puis élu, par application de ce règlement.

Les faits


[3]          Le demandeur, Gordon Wolfe, et le défendeur, John Ermineskin, sont tous les deux membres de la Première Nation Ermineskin. Le demandeur affirme avoir obtenu la preuve que le défendeur a commis une manoeuvre frauduleuse en offrant de verser une somme d"argent, et en la versant effectivement à un tiers afin que ce dernier vote pour le défendeur en qualité de candidat au Conseil des Indiens Ermineskin à l"élection tenue par la Première nation Ermineskin en novembre 1997. Il allègue en outre que cette preuve a été portée à l"attention du directeur du scrutin de la Première Nation Ermineskin avant cette élection mais qu"aucune mesure n"a été prise relativement à cette preuve.



[4]          La preuve mentionnée est un enregistrement d"une conversation à laquelle a participé le tiers, dont l"affidavit en l"espèce décrit les circonstances. Ce tiers allègue que le défendeur, John Ermineskin, parle dans sa conversation enregistrée avec lui, d"une offre censément faite au tiers de lui verser une somme d"argent pour qu"il vote en faveur du défendeur, et d"autres sommes d"argent à d"autres personne qui pourraient être encouragées à voter pour le défendeur. Le tiers déclare sous serment qu"il a ensuite reçu une somme d"argent. On a fait des copies de l"enregistrement de cette conversation et le demandeur en a remis une au directeur du scrutin avant l"élection de 1997. Le défendeur affirme sous serment, dans son affidavit, ne pas avoir offert d"argent pour obtenir des votes et ne pas avoir versé de somme d"argent dans ce but.



[5]          À l"élection tenue en 1997, le défendeur n"a pas été élu au poste de membre du Conseil. Par la suite, des élections ont été planifiées pour le 16 septembre 1998 et le défendeur s"est à nouveau porté candidat au poste de membre du Conseil. Lors de l"assemblée de mise en candidature, présidée par le directeur du scrutin, ni le demandeur ni qui que ce soit ne se sont opposés à la candidature du défendeur.



[6]          Le 14 septembre 1998, deux jours avant la date prévue de l"élection, le demandeur a téléphoné au directeur du scrutin, qui avait aussi exercé ces fonctions lors de l"élection précédente, en 1997. Il lui a lu une lettre demandant l"examen de renseignements concernant le défendeur, qui se trouvaient censément entre les mains de l"administration de la tribu Four Band, dans laquelle le demandeur faisait apparemment allusion à la preuve fournie au directeur du scrutin avant l"élection de 1997. Cette lettre a été remise au directeur du scrutin le lendemain. Le directeur du scrutin a alors conseillé au demandeur de demander une opinion juridique au président de la Commission d"appel en matière d"élection constituée sous le régime du règlement sur la coutume électorale de la tribu Ermineskin. Lorsque le demandeur s"est adressé au président, celui-ci l"a informé que l"affaire n"aurait pas dû être renvoyée à la Commission d"appel en matière d"élection.



[7]          Le demandeur explique qu"en raison de ses appréhensions, lorsqu"il a constaté que le président de la Commission ne prenait aucune mesure le 15 septembre 1998 relativement à l"habileté du défendeur à se porter candidat à l"élection, il a immédiatement demandé au chef et à plusieurs membres du conseil de la Première Nation Ermineskin de convoquer une séance d"urgence pour débattre du report de l"élection prévue pour le lendemain. Le chef et les membres du Conseil n"ont alors rien fait.



[8]          L"élection a eu lieu le 16 septembre 1998 comme prévu. Le défendeur a été élu membre du Conseil de la Première Nation Ermineskin. Après l"élection, le demandeur n"a pas demandé au directeur du scrutin, à la Commission d"appel ni à un membre du Conseil, au chef ou au Conseil de la Première Nation Ermineskin de prendre d"autres mesures. Il demandé à la Cour le contrôle judiciaire [Traduction] "    de la décision prise par le directeur du scrutin, la Commission d"appel en matière d"élection et le chef et le Conseil, le 15 septembre 1998, de permettre à John Ermineskin de se porter candidat à la deuxième élection tenue par la Bande Ermineskin ".



[9]          Cette description, tirée de la demande déposée, a été modifiée plus tard quant à la réparation demandée; le demandeur a alors omis le directeur du scrutin et la Commission d"appel comme parties désignées. La demande qui a finalement été entendue ne sollicitait plus l"annulation des décisions rendues le 15 septembre 1998, mais une ordonnance de quo warranto contre le défendeur et son maintien en poste en qualité de membre du conseil, ou, subsidiairement, une ordonnance de la nature d"un mandamus adressée au directeur du scrutin ou au chef et au Conseil les enjoignant de déclarer le défendeur inhabile à occuper une charge élective.



[10]          Les parties ont convenu lors de l"audition que les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant les élections et les pouvoirs conférés par cette loi au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien concernant les élections des bandes ne s"appliquent pas en l"espèce. En l"occurrence, les élections ont été tenues conformément au droit coutumier de la Première Nation Ermineskin. En l"espèce, le règlement E86-01 codifie la coutume concernant les élections de la Première nation Ermineskin.



[11]          Certaines des dispositions pertinentes du règlement sur la coutume électorale de la tribu Ermineskin sont reproduites ci-dessous.

         a)      Le sous-alinéa 2a)(iii) prévoit en partie :
[Traduction] Un candidat sera déclaré inéligible et inhabile à être mis en candidature et élu, dans les cas suivants :
...
...
iii)      il s"est rendu coupable de manoeuvre frauduleuse relativement aux affaires de la tribu Ermineskin, de malhonnêteté ou de méfait.
     b)      Un code d"éthique décrivant certains comportements inacceptables inclut la disposition suivante (alinéa 16a )) :
     [Traduction] Nul candidat, agent ou représentant d"un candidat ne peut verser une somme d"argent ou une autre contrepartie de sorte qu"un électeur bénéficie d"un gain personnel, ni utiliser de la drogue ou de l"alcool pour influencer le vote d" un électeur.
     c)      Plusieurs responsabilités précises sont confiées au directeur du scrutin relativement aux mises en candidature et aux élections, dont celle de trancher les appels concernant la résidence d"un électeur, mais les responsabilités qui lui sont assignées expressément n"incluent pas celle de trancher la question de l"inéligibilité et de l"inhabilité pour les causes énoncées au sous-alinéa 2a )(iii).
     d)      Le règlement prévoit la constitution de la Commission d"appel en matière d"élection, à laquelle est conféré le pouvoir d"entendre les appels déposés par un candidat à une élection dans les quatorze jours suivant l"élection; la Commission doit tenir les enquêtes nécessaires, tenir une audience et rendre une décision par laquelle elle peut notamment ordonner la tenue d"un nouveau scrutin, éliminer des candidats ou les déclarer inhabiles à se présenter à la nouvelle élection ou à toute élection tenue dans une période de dix ans suivant l"appel.
     e)      Le chef et le Conseil se prononcent sur l"habilité des électeurs et affichent une liste des électeurs, censément en fonction de leur âge, de leur appartenance à la bande et de leur résidence; avant une élection, ils choisissent trois personnes qui siégeront à la Commission d"appel en matière d"élection; une fois par an, ils examinent le règlement administratif sur les élections et peuvent le modifier, sous réserve de la ratification de toute modification par l"ensemble des membres de la Première Nation.

Les questions en litige


[12]          Les parties n"ont soulevé aucune question concernant la compétence de la Cour relativement à la réparation demandée ou à la procédure de contrôle judiciaire prévue par l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, relativement aux actes des personnes responsables des élections tenues par la Première Nation Ermineskin..



[13]          Les questions en litige sont les suivantes : la qualité du demandeur pour exercer les recours extraordinaires dont il entend se prévaloir, c"est-à-dire les recours en quo warranto ou en mandamus; l"existence d"un autre recours que pourrait exercer le demandeur relativement à ses appréhensions; le caractère erroné des décisions prises le 15 septembre 1998 par le directeur du scrutin ou par le chef et le Conseil; enfin, dans le cas du recours subsidiaire en mandamus , le respect des conditions fondamentales pour l"obtention d"une ordonnance de cette nature.

La qualité pour agir


[14]          Le demandeur s"appuie sur la décision rendue par madame le juge Reed dans l"affaire Friends of the Island Inc. c. Canada, [1993] 2 C.F. 229, aux pages 280 à 287, pour affirmer qu"une question justiciable est en cause, que l"issue de l"élection a une incidence directe sur l"intérêt du demandeur en sa qualité de membre et d"électeur de la Première Nation Ermineskin, et qu"il n"existe aucun autre moyen efficace et pratique de soumettre l"affaire aux tribunaux. Dans cette affaire, la Cour était saisie de demandes de mandamus et de jugement déclaratoire, les conditions auxquelles pareilles demandes sont assujetties étaient remplies et la réparation demandée a été accordée.



[15]          Cette décision et celles sur lesquelles madame le juge s"est appuyée pour évaluer la qualité du demandeur, dont l"arrêt Finlay c. Canada (1986), 71 N.R. 338 (C.S.C.), portent sur la question de la qualité pour agir dans l"intérêt public lorsqu"une organisation ou une personne tente d"obtenir un jugement déclaratoire, une injonction ou une autre mesure de réparation extraordinaire relativement à l"exécution de fonctions publiques. Elles sont utiles pour trancher la demande de mandamus , mais elles le sont moins en ce qui concerne le recours en quo warranto.



[16]          Par sa nature même, ce dernier recours n"est accueilli que dans des situations extraordinaires pour obliger une personne qui occupe une charge publique, crée en vertu d"une loi ou de la prérogative, à démontrer le fondement sur lequel repose l"exercice de sa charge. Dans l"affaire Jock c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1992] 1 C.N.L.R. 103 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la demande de quo warranto a été rejetée en raison du retard du demandeur et de son défaut d"exercer les autres recours possibles pour régler l"affaire, mon collègue le juge Teitelbaum a fait notamment la remarque suivante, en passant en revue les conditions auxquelles est assujetti ce recours extraordinaire (à la p. 112) :

6.      Il faut que le demandeur ait un intérêt véritable à engager les procédures. De nos jours, n'importe qui aura probablement un intérêt suffisant à agir, pourvu qu'il n'agisse pas pour le compte d'intérêts privés.

Selon moi, la deuxième phrase vaut lorsque le tribunal compétent juge ce recours approprié, mais elle ne définit pas le critère à appliquer dans tous les cas afin d"apprécier la qualité pour agir du demandeur. En fait, les quelques décisions modernes portant sur ce recours spécial me laissent croire que les contestations relatives à l"habileté des titulaires de charges élus sont habituellement engagées sous le régime de dispositions législatives régissant les élections controversées ou au moyen d"une autre forme de recours. Un membre de la population en général, ou de la Première Nation Ermineskin en l"occurrence, sur lequel l"élection d"un candidat en particulier n"a pas une incidence plus grande ou plus négative que sur les autres membres de la population ou de la Première Nation, n"a pas l"intérêt particulier qui lui conférerait la qualité requise pour contester l"élection ou l"habileté de la personne élue à exercer sa charge.



L"existence d"un autre recours permettant l"examen de la question en litige


[17]          Les recours en quo warranto et en mandamus constituent des recours extraordinaires relevant du pouvoir discrétionnaire du tribunal et ne peuvent être accueillis lorsqu"il existe d"autres recours permettant l"examen de la question en litige soumise au tribunal. En l"espèce, un candidat à l"élection peut se prévaloir d"une telle procédure en vertu du règlement sur la coutume électorale de la tribu Ermineskin, en interjetant appel dans les 14 jours suivant l"élection contestée. Le demandeur soutient qu"il ne peut enclencher ce processus lui-même; de plus, il laisse entendre implicitement qu"il n"aurait pas pu persuader un candidat d"interjeter appel. C"est peut-être la conclusion à laquelle il est parvenu, mais il reconnaît ne pas avoir demandé, après l"élection, à quelque candidat que ce soit au poste de membre du Conseil d"interjeter appel de l"élection du défendeur auprès de la Commission d"appel en matière d"élection.



[18]          Lorsqu"il existe un processus comme celui prévu par le règlement en l"espèce, la partie qui choisit de ne prendre aucune mesure pour que le processus d"appel soit enclenché et de demander plutôt réparation à la Cour n"a habituellement pas gain de cause. Il convient davantage que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour refuser de prononcer une ordonnance de quo warranto et pour appuyer le processus établi par la coutume de la Première Nation Ermineskin.

La question du retard


[19]          Le demandeur nie tout retard excessif après le refus du directeur du scrutin et des autres personnes de prendre les mesures qu"il réclamait le 15 septembre 1998 et après l"élection tenue le lendemain.



[20]          Le défendeur et les intervenants font valoir qu"après avoir remis l"enregistrement au directeur du scrutin en novembre 1997, le demandeur n"a pris aucune autre mesure lors de l"assemblée de mise en candidature pour l"élection de 1998, ni après, jusqu"à la veille de l"élection. Il soutiennent qu"il s"agit là d"un retard excessif.



[21]          Si le recours en quo warranto était par ailleurs justifié, ce dont je ne suis pas convaincu en l"espèce, le retard allégué ne constituerait pas un élément négatif, car l"octroi de cette mesure de réparation extraordinaire n"est possible que lorsque la personne qui usurpe censément sa charge l"a effectivement exercée. (Voir Jock, précité, à la p. 112; deSmith, Judicial Review of Administrative Action, (4th ed. par J. M. Evans, 1980), aux p. 463 et 464). Bref, une ordonnance de quo warranto ne pouvait être prononcée, le cas échéant, qu"après que le défendeur a été élu en 1998.

La prétendue erreur commise par le directeur du scrutin et par le chef et le Conseil


[22]          Il me paraît inutile de décider de façon définitive si, le 15 septembre 1998, le directeur du scrutin et le chef et Conseil ont commis une erreur en rendant leurs décisions relativement à la demande que leur avait adressée le demandeur. Dans la lettre qu"il lui a adressée, le demandeur demandait au directeur du scrutin d"examiner la candidature du défendeur; il a par ailleurs demandé au chef et au Conseil de convoquer une séance d"urgence et de reporter l"élection prévue pour le lendemain. Sans trancher la question de savoir s"ils ont commis une erreur en n"acquiesçant pas aux demandes du demandeur, il est difficile de conclure qu"au moment où ces demandes ont été formulées, l"un ou l"autre de leurs destinataires avait le pouvoir de trancher la question de l"habileté du défendeur. À cette époque, ils savaient vraisemblablement très bien que le règlement sur la coutume électorale de la tribu Ermineskin permettait aux candidats d"interjeter appel à la suite d"une élection, auprès d"une commission spéciale créée exclusivement pour trancher les appels relatifs à une élection et indépendante du directeur du scrutin ainsi que du chef et du Conseil.

Mandamus


[23]          Je traiterai brièvement de la demande d"ordonnance de la nature d"un mandamus enjoignant au directeur du scrutin ou au chef et au Conseil d"examiner la preuve présentée par le demandeur et de déclarer le défendeur coupable de manoeuvre frauduleuse au sens du sous-alinéa 2a)(iii) du règlement. Une ordonnance de mandamus peut être prononcée lorsque le demandeur est créancier d"une obligation de nature publique dont il a demandé ou exigé l"exécution, mais se l"est vu refuser.



[24]          Je ne suis pas persuadé que le directeur du scrutin avait une obligation de nature publique envers le demandeur au moment où celui-ci a lui a demandé d"examiner la candidature du défendeur à l"élection, le 14 et le 15 septembre 1998. Quelles qu"aient été ses obligations au moment de l"assemblée de mise en candidature, le directeur du scrutin n"avait pas nettement l"obligation par la suite de faire enquête et de se prononcer sur l"habileté d"une personne dûment désignée candidat à cette assemblée. De plus, l"affidavit du demandeur ne m"a pas convaincu que l"objet de la demande qu"il a adressée au chef et au Conseil le 15 septembre était la tenue d"une enquête et le prononcé d"une décision sur l"habileté du défendeur à participer à l"élection. Il dit plutôt avoir demandé la convocation d"une séance d"urgence pour qu"il soit débattu du report de l"élection. Le chef et le Conseil n"avaient aucune obligation de nature publique d"acquiescer à la demande du demandeur, selon ma perception de la preuve. Comme le demandeur n"a pas établi qu"il était créancier d"une obligation de nature publique dont on lui aurait refusé l"exécution, la première condition au prononcé d"une ordonnance de mandamus n"est pas remplie.

Conclusion


[25]          Je ne suis pas convaincu qu"une ordonnance de la nature d"un quo warranto doit être prononcée. Si cette mesure de réparation adressée à une personne élue à une charge peut être accordée, la Cour la refusera lorsqu"un autre recours peut être exercé pour contester l"exercice de cette charge, même si le processus en cause ne peut être enclenché par le demandeur, si ce dernier n"a pas établi qu"il a pris des mesures pour qu"il soit amorcé à la suite de l"élection en cause.



[26]          Par ailleurs, je ne suis pas persuadé que la preuve démontre que le directeur du scrutin ou le chef et le Conseil, intervenants, avaient une obligation de nature publique qu"ils ont refusé d"exécuter. Par conséquent, la demande d"ordonnance de la nature d"un mandamus n"est pas fondée.



[27]          Le demande est donc rejetée.



[28]          Le demandeur et le défendeur ont tous les deux demandé que leurs dépens leur soient adjugés s"ils avaient gain de cause. Les intervenants n"ont présenté aucun argument relativement aux dépens. Le défendeur ayant obtenu gain de cause relativement à la demande, il a droit aux dépens habituels sur la base partie-partie; le montant des dépens sera fixé par entente entre les avocats du demandeur et du défendeur ou, à défaut, selon la colonne III du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998) . C"est ce que statue la Cour dans l"ordonnance prononcée aujourd"hui.

    

                                     (signature) W. Andrew MacKay

     JUGE

OTTAWA (Ontario)

10 décembre 1999

Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          T-1943-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Gordon Wolfe c. John Ermineskin et autres
LIEU DE L"AUDIENCE :          Edmonton (Alb.)
DATE DE L"AUDIENCE :          26 novembre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :          10 décembre 1999

ONT COMPARU :

Me Sean McDonough

Me Nicholas Baggaley          POUR LE DEMANDEUR
Me James L. Dixon              POUR LE DÉFENDEUR
Me David Tupper              POUR LES INTERVENANTS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ackroyd, Piasta, Roth & Day

Edmonton (Alb.)              POUR LE DEMANDEUR

Cabinet Holteen

Lacombe (Alb.)              POUR LE DÉFENDEUR

Blake, Cassels & Graydon

Calgary (Alb.)                  POUR LES INTERVENANTS
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