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Date : 20000803


Dossier : IMM-5340-99


OTTAWA (ONTARIO), le 3 août 2000

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :


     DARREL WAYNE JACKSON


demandeur

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



     ORDONNANCE



[1]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                             « P. ROULEAU »

                        

                                  JUGE

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.







Date : 20000803


Dossier : IMM-5340-99



ENTRE :


     DARREL WAYNE JACKSON


demandeur

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un membre de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 18 octobre 1999, dans laquelle une demande de réouverture d'un appel aux termes de l'article 70 a été rejetée au motif que la section d'appel n'avait pas compétence pour faire droit à la requête.

[2]      Le demandeur, un citoyen des États-Unis d'Amérique, est entré au Canada à titre de résident permanent et a obtenu le droit d'établissement le 13 février 1974.

[3]      Le 14 avril 1998, M. Jackson a comparu devant un arbitre, il était accompagné de son avocat. Une décision a été rendue selon laquelle le demandeur était une personne visée à l'alinéa 27(1)d) de la Loi sur l'immigration, étant donné qu'il avait été déclaré coupable le 17 mars 1986 à Prince George (C.-B.) de l'infraction de s'être introduit par effraction dans un bâtiment commercial et d'y avoir commis un vol, par dérogation à l'article 306 du Code criminel. Cette décision n'était pas contestée et une mesure de renvoi a été édictée.

[4]      À la suite de la décision, le demandeur a été avisé qu'il possédait un droit d'appel. Les formulaires nécessaires ont été mis à sa disposition et, avec l'aide de son avocat, une telle demande a immédiatement été présentée.

[5]      Le 9 juin 1998, le demandeur et son avocat ont reçu signification d'un avis de convocation qui prévoyait que l'appel aux termes de l'article 70 de la Loi sur l'immigration serait entendu à Vancouver, le 9 novembre 1998 à 9 h.

[6]      L'audience a été convoquée le 9 novembre 1998. L'avocat de M. Jackson était présent mais ce dernier a fait défaut de comparaître. L'avocat a indiqué qu'il n'avait pas vu son client ni eu de ses nouvelles depuis le mois de juillet 1998 et, dans ses motifs, la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendu une décision. Le président de l'audience a dit ce qui suit :

         [TRADUCTION] L'appelant a déposé un avis d'appel le 14 avril 1998. Un avis de convocation a été signifié à l'appelant et à son avocat conformément aux Règles de la section d'appel de l'immigration, pour qu'ils comparaissent aujourd'hui. L'appelant n'est pas présent. Par conséquent, la section d'appel conclut au désistement de l'appel.

[7]      La décision, datée du 12 novembre 1998, a été acheminée à la dernière adresse connue de M. Jackson mais elle a été retournée. Le demandeur a par la suite été renvoyé aux États-Unis, le 26 janvier 1999.

[8]      Le 20 avril 1999, la Commission a reçu une demande de l'épouse de M. Jackson, par voie de télécopie et d'une lettre, qui visait la réouverture de l'appel. Dans sa lettre, elle a expliqué que son époux était incarcéré lors de l'audition de son appel et qu'il l'était depuis le début d'octobre 1998. Cette demande a été suivie d'une autre lettre, datée du 7 juin 1999, de la part du demandeur, qui sollicitait la réouverture de son appel. Par une lettre datée du 2 juillet 1999, adressée au demandeur par le biais de son épouse à Prince George, la Commission a accusé réception des lettres et a indiqué qu'elle considérerait cette correspondance comme une demande de réouverture de l'appel. Le 18 octobre 1999, la Commission a rendu la décision suivante dans cette affaire :

         [TRADUCTION] Je conclus que la section d'appel n'a pas compétence pour entendre une requête en réouverture d'un appel aux termes de l'article 70, déposé après le renvoi du Canada du demandeur, conformément à une mesure de renvoi rendue contre lui à Prince George (C.-B.), le 17 mars 1986. La requête de Darrel Wayne JACKSON visant la réouverture de son appel aux termes de l'article 70 est rejetée en raison de l'absence de compétence.

[9]      Dans les motifs de sa décision, la section d'appel se fonde sur trois décisions pour étayer sa conclusion : Grillas c. M.M.I., (1971), 23 D.L.R. (3e éd.) 1 (C.S.C.) 5,Canada (M.C.I.) c. Harrison [1998] 4 C.F. 557, et Canada (M.C.I.) c. Toledo [2000] A.C.F. no 438.

[10]      L'avocat du demandeur allègue que la Commission a commis une erreur de droit en décidant qu'elle n'avait pas compétence pour entendre la requête en réouverture de l'appel aux termes de l'article 70 de la Loi sur l'immigration. Il allègue que la compétence qu'a la Commission pour déterminer si une personne doit ou non être renvoyée du Canada est une compétence continue, que la Commission a la compétence de rouvrir une audience afin d'entendre de nouveaux éléments de preuve recueillis après la décision de la Commission de rejeter l'appel. Il allègue également que la Commission avait implicitement un pouvoir de réexamen, et particulièrement, qu'elle devrait reconnaître son manquement aux règles de la justice naturelle. Il se fonde sur Harrison, précité, une décision qui appuie cette allégation. Il ajoute que le fait pour une Commission de conclure au désistement d'un appel constitue un manquement aux règles de la justice naturelle et que le renvoi subséquent de cette personne du Canada est sans effet et devrait être annulé.

[11]      Le défendeur soutient que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a aucun manquement aux règles de la justice naturelle et qu'à ce titre, la section d'appel n'a pas compétence pour entendre la requête du demandeur en réouverture de l'appel aux termes de l'article 70. Le défendeur se fonde sur l'article 76 de la Loi sur l'immigration qui prévoit ce qui suit :


76. Désistement - Faute pour l'appelant d'entrer en communication avec elle, sur son ordre, ou de lui faire connaître sa dernière adresse, la section d'appel peut, dans le cas d'un appel relatif à une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, conclure au désistement d'appel.

76. Appeal declared abandoned - Where a person against whom a removal order or conditional removal order has been made files an appeal against that order with the Appeal Division but fails to communicate with the Appeal Division on being requested to do so or fails to inform the Appeal Division of the person's most recent address, the Appeal Division may declare the appeal to be abandoned.

[12]      Le demandeur, au soutien de sa prétention selon laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne peut se déclarer dessaisie et selon laquelle elle a une compétence d'équité continue, se fonde sur l'arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects [1989] 2 R.C.S. 848. Il ne fait aucun doute que dans cette décision particulière, la Cour suprême du Canada a décidé que le tribunal ne pouvait se déclarer functus officio parce que la décision qu'il avait rendu était ultra vires. À la page 860 de la décision, le juge Sopinka est très clair :

     La règle générale portant qu'on ne saurait revenir sur une décision judiciaire définitive découle de la décision de la Court of Appeal d'Angleterre dans In re St. Nazaire Co. (1879), 12 Ch. D. 88. La cour y avait conclu que le pouvoir d'entendre à nouveau une affaire avait été transféré à la division d'appel en vertu des Judicature Acts. La règle ne s'appliquait que si le jugement avait été rédigé, prononcé et inscrit, et elle souffrait deux exceptions:
         1. lorsqu'il y avait eu lapsus en la rédigeant ou
         2. lorsqu'il y avait une erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la cour. Voir Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., [1934] R.C.S. 186.

[13]      À la page 861, le juge Sopinka a également écrit :

         Je ne crois pas que le juge Martland ait voulu affirmer que le principe functus officio ne s'applique aucunement aux tribunaux administratifs. Si l'on fait abstraction de la pratique suivie en Angleterre, selon laquelle on doit hésiter à modifier ou à rouvrir des jugements officiels, la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe. En règle générale, lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., précité.

[14]      Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que M. Jackson a été avisé de la date de l'audition devant la section d'appel. Son avocat était présent mais le demandeur n'a pas tenté, soit par le biais de son épouse ou de son avocat, de chercher à obtenir un ajournement ou de prévenir quiconque qu'il était incarcéré. La section d'appel a rendu une décision finale. Elle a conclu au désistement de l'appel.

[15]      Comme Monsieur le juge Sopinka l'a écrit à la page 862 de l'arrêt Chandler, précité :

     Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la justice, afin d'offrir un redressement qu'il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel.

[16]      La Cour ne dispose pas d'éléments de preuve qui portent à croire que la mesure de renvoi aurait dû être annulée et il n'y a pas non plus de motifs qui ont été invoqués qui permettent de mettre en question la mesure de renvoi. Comme la Cour suprême du Canada l'a écrit, les procédures doivent avoir un caractère définitif. Il n'y a pas de « lapsus » ni d' « erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la cour » (le juge Sopinka, précité).

[17]      Je suis convaincu qu'il n'existe pas de pouvoir conféré par la loi en vertu duquel le tribunal pourrait entendre de nouveau une affaire sur laquelle il a statué. Je suis tout à fait convaincu qu'il n'y a eu aucun manquement aux règles de la justice naturelle. La jurisprudence est très claire. Une fois qu'une mesure d'expulsion a été exécutée, il n'est pas loisible à la Commission de rouvrir l'appel.

[18]      L'avocat du demandeur prétend que la question de portée générale suivante devrait être soumise à la Cour d'appel fédérale :

     [TRADUCTION] La section d'appel de l'immigration est-elle incompétente, en raison du principe functus officio , pour entendre une demande de réexamen relative à une décision qui conclut au désistement d'un appel aux termes de l'article 76 de la Loi sur l'immigration, au motif que la décision a été prise en contravention des règles de justice naturelle et alors que la demande de réexamen de la décision a été déposée auprès de la section après que le demandeur a été renvoyé du Canada?

[19]      L'avocat du défendeur a répliqué que la question la plus appropriée devrait se lire comme suit :

     [TRADUCTION] Lorsque la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté l'appel interjeté contre une mesure d'expulsion, a-t-elle compétence pour rouvrir l'appel si la mesure d'expulsion est exécutée avant le dépôt de la requête en réouverture?

[20]      Il ne fait aucun doute dans le récent arrêt Canada (M.C.I.) c. Toledo, précité, que la Cour d'appel fédérale a décidé qu'une section d'appel possède une compétence d'équité continue une fois qu'un avis d'appel a été déposé et, qu'advenant un renvoi subséquent avant que la section d'appel n'entende l'affaire, un appelant devrait être entendu. De cette jurisprudence l'on peut, par analogie, effectuer le raisonnement selon lequel une fois qu'une décision a été rendue par la section d'appel et que l'appelant est subséquemment renvoyé, la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est functus officio. Je ne vois aucune raison de soumettre la question à la Cour d'appel fédérale. La question proposée est vague et je suis convaincu qu'il n'y a eu aucun manquement aux règles de la justice naturelle.

[21]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.



                             « P. ROULEAU »

                        

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 3 août 2000




Traduction certifiée conforme




Kathleen Larochelle, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




NO DU GREFFE :              IMM-5340-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DARREL WAYNE JACKSON

                     c.

                     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 13 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              3 AOÛT 2000



ONT COMPARU :


WILLIAM MACINTOSH                      POUR LE DEMANDEUR

MARK SHEARDOWN                      POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


WILLIAM MACINTOSH                      POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                

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