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Date : 20010221

Dossiers : T-1564-97

T-1565-97

Référence neutre : 2001 CFPI 105

E n t r e :

              ASSOCIATION OLYMPIQUE CANADIENNE

                                                                                            appelante

                                                  - et -

                                                     

                  OLYMEL, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE

                                                     et

         REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                                intimés

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION

[1] L'Association olympique canadienne (l'AOC) a déposé un avis de requête daté du 13 septembre 2000 en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai qui lui était imparti pour interjeter appel de la décision rendue par le juge Lemieux dans la présente instance le 9 juin 2000.


[2] Olymel, Société en commandite (l'intimée)[1], s'est opposée à la demande de prorogation de délai de l'appelante et elle conteste toujours l'avis de requête de l'appelante.

LES FAITS

[3] La présente affaire se rapporte à deux oppositions formulées par l'appelante en 1992 et en 1993 contre les demandes présentées par l'intimée en vue de faire enregistrer les marques de commerce OLYMEL et OLYMEL & dessin. Aux termes de la décision qu'elle a rendue le 21 mai 1997, la Commission des oppositions s'est prononcée en faveur de l'intimée.

[4] L'intimée a également obtenu gain de cause dans l'appel interjeté devant la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada. La décision du juge Lemieux a été prononcée le 9 juillet 2000.

[5] L'alinéa 27(2)b) précise le délai dans lequel un avis d'appel d'un jugement définitif peut être déposé :



(2) L'appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d'un avis au greffe de la Cour, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire que la Section de première instance ou la Cour canadienne de l'impôt, selon le cas, peut, soit avant soit après l'expiration de celui-ci, fixer ou accorder. Le délai imparti est de :

b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.

27(2) An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Court

(b) in any other case, within thirty days, in the calculation of which July and August shall be excluded,


[6]         La date limite pour déposer l'avis d'appel en l'espèce serait donc le 11 septembre 2000, étant donné que le délai de trente jours calculé conformément à l'alinéa 27(2)b) aurait expiré le 9 septembre 2000, un samedi.

[7]         L'avis d'appel n'avait pas encore été déposé en date du 11 septembre en raison d'une erreur commise par l'avocat de l'appelant lors de l'inscription de la date du dépôt. En effet, Me McKay avait inscrit la date du 12 septembre et n'a découvert son erreur de calcul du délai qu'après la fermeture des bureaux ce jour-là.

[8]         Me McKay a communiqué le lendemain avec l'avocat de l'intimée pour obtenir son consentement à une prorogation du délai imparti pour déposer l'avis d'appel. L'avis de requête porte la date du 12 septembre 2000 et l'affidavit souscrit à l'appui par Me McKay est daté du 13 septembre. Suivant cet affidavit, Me McKay a pris sans délai des mesures pour trouver une solution au problème de l'expiration du délai dès qu'il s'est aperçu de ce problème. Il a assumé la responsabilité de l'erreur de calcul du délai et a entrepris de résoudre le problème dans les meilleurs délais.


[9]         Comme le délai d'appel est fixé par la Loi, il ne peut être prorogé que par un avis de requête tendant à obtenir une ordonnance prorogeant ce délai. Le prononcé de cette ordonnance relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Le consentement de la partie adverse à la présentation d'une requête visant à obtenir une mesure discrétionnaire ne lie évidemment pas le tribunal, mais constitue certainement un facteur dont il doit tenir compte. Or, ce consentement n'a pas été donné en l'espèce.

[10]       Au contraire, l'intimée conteste énergiquement la requête au motif que l'appelante n'a pas satisfait au critère permettant au tribunal d'exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur.

[11]       Dans la décision Sim c. La Reine, (1996), 67 C.P.R. (3d) 334, à la page 336, le protonotaire Hargrave a passé en revue les six facteurs dont il faut tenir compte lors de l'examen d'une requête en prorogation de délai :

1.         Le bien-fondé de l'appel lui-même ; il faut que les questions qui seront soumises à la Cour d'appel soient valables ;

           2.         Les circonstances spéciales montrant ou expliquant pourquoi l'appel n'a pas été interjeté dans le délai imparti ;

           3.         Le fait que le demandeur avait l'intention d'interjeter appel avant l'expiration du délai d'appel ;

           4.         La question de savoir si le retard est excessif ;

           5.         La question de savoir si la prorogation du délai imparti pour interjeter appel causera un préjudice à Sa Majesté ;


           6.         La question de savoir s'il est dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation du délai.

[12]       Le premier point à examiner est celui du bien-fondé de l'appel projeté. En d'autres termes, l'appel soulève-t-il des questions valables ? La thèse de l'appelante sur ce point est que le juge de première instance a commis certaines erreurs dans son interprétation de l'article 9 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-10, art 1. La nature de ces erreurs est exposée dans l'avis d'appel que l'appelante cherche à déposer ainsi que dans les observations écrites qu'elle a déposées le 7 novembre 2000. Les erreurs reprochées se rapportent à l'interprétation erronée que le juge Lemieux aurait donnée de l'arrêt Techniquip Ltd. c. Association olympique canadienne, (1999), 250 N.R. 302; (1999) 3 C.P.R. (4th) 298, de la Cour d'appel fédérale.

[13]       L'intimée fait valoir qu'elle a obtenu gain de cause tant devant la Commission des oppositions que devant le juge Lemieux, qui était saisi de l'appel de la décision de la Commission. L'intimée semble en fait prétendre que, comme elle a jusqu'à maintenant réussi à combattre les arguments de l'appelante, il n'y a aucun intérêt à prolonger le débat sur les questions soulevées dans la demande présentée par l'intimée en vue de faire enregistrer les marques de commerce en question.


[14]       Je n'accepte pas ces prétentions. Je suis convaincue que l'avis d'appel proposé soulève une question valable en ce qui concerne l'interprétation de la Loi sur les marques de commerce, précitée.

[15]       Deuxièmement, existe-t-il des circonstances spéciales ou une explication valable qui permette de savoir pourquoi l'appel n'a pas été interjeté dans le délai imparti ? Ainsi que je l'ai déjà signalé, il semble que c'est Me McKay qui a commis l'erreur en ce qui concerne l'inscription du délai d'appel. Lorsque l'erreur a été découverte, l'avocat de l'appelante a communiqué avec l'avocat de l'intimée pour obtenir son consentement au dépôt tardif de l'appel. Ce consentement a été refusé. L'avocat de l'appelante a alors déposé un avis de requête le 13 septembre.

[16]       À mon avis, la validité de l'explication doit être appréciée en fonction de l'événement à l'origine de l'erreur de date. À quoi l'erreur est-elle attribuable ? Elle s'explique par une erreur commise par l'avocat lors de l'inscription de la date limite. Il a réagi promptement et de façon raisonnable dès qu'il s'est aperçu de son erreur. Il lui incombait de s'assurer que l'avis d'appel soit déposé dans le délai imparti, mais en raison de l'erreur qu'il a commise dans l'inscription de la date dans son agenda, il a laissé le délai expirer.


[17]       Malgré tous ses efforts, l'avocat de l'intimée n'a pas réussi à ébranler les explications avancées par Me McKay. Celui-ci a expliqué de façon cohérente les raisons pour lesquelles il n'avait pas pu respecter le délai imparti. Il a également été franc au sujet de la nature de son erreur. Dans le jugement Thom Pac Inc. c. Kem-A-Trix Lubricants Inc. [1997] F.C.J. 937, le juge Dubé a conclu qu'une erreur imputable à un avocat qui n'avait pas été en mesure de former un appel en raison de la dépression dont il souffrait constituait une explication valable. Qui plus est, le défaut d'un avocat de respecter un délai doit également être évalué du point de vue de son client, qui aura à en subir les conséquences.

[18]       Eu égard aux circonstances de l'espèce, je suis convaincue que l'avocat de l'appelante a offert des explications valables pour expliquer son défaut de déposer l'avis d'appel dans le délai prescrit.

[19]       En troisième lieu, je dois me demander si l'appelante avait l'intention d'interjeter appel avant l'expiration du délai d'appel (voir la décision Shepherd c. Canada (Solliciteur général), [1990] 34 F.T.R. 134).


[20]       Dans sa lettre datée du 14 juin 2000 qui a été versée au dossier de la requête supplémentaire de l'appelante, Me McKay recommandait que les décisions du juge Lemieux soient portées en appel et précisait que la date limite pour interjeter appel était le 10 juillet 2000.

[21]       Il ressort à l'évidence de cette lettre que l'appelante avait l'intention d'interjeter appel avant l'expiration du délai d'appel.

[22]       En quatrième lieu, il y a lieu de se demander si le retard est excessif. L'appelante a déposé l'appel d'appel le lendemain de l'expiration du délai, ce qui, selon ce que l'intimée reconnaît à contrecoeur, ne constitue pas un retard excessif. Sinon, l'intimée soutient que l'appelant n'a pas présenté une preuve suffisante en ce qui concerne toutes les autres questions en litige.

[23]       Suivant l'alinéa 27(2)b), il ne faut pas tenir compte des mois de juillet et d'août pour calculer le délai de trente jours qui est prescrit pour le dépôt d'un avis d'appel. La durée du retard ne doit pas être évaluée en fonction de la période ininterrompue écoulée entre le 9 juillet et le 12 septembre. Ainsi que je l'ai déjà signalé, l'avis d'appel devait être déposé au plus tard le 11 septembre et il ne l'a pas été. Le retard d'un seul jour n'est pas excessif.


[24]       Le cinquième facteur dont il faut tenir compte est celui de savoir si la prorogation du délai imparti pour interjeter appel causerait un préjudice à l'intimée. L'argument de l'intimée sur ce point est que le règlement définitif du litige serait retardé d'environ douze mois si l'appelante était autorisée à déposer son avis d'appel et à conduire son appel.

[25]       Je ne vois pas comment cela constitue un préjudice. Si l'appel est rejeté, l'intimée aura un jugement définitif en sa faveur. Si l'appel est accueilli, l'intimée aura simplement perdu sa cause, ce qui constitue un risque inhérent à tout procès. Le différend qui oppose les parties remonte à de nombreuses années. Si l'avis d'appel avait été déposé dans le délai imparti, c'est-à-dire quelque vingt-quatre heures avant que l'avocat de l'appelante ne s'aperçoive de son erreur, l'intimée aurait quand même eu à attendre l'issue de l'instance introduite devant la Cour d'appel.

[26]       L'intimée n'a pas démontré qu'elle subirait un préjudice. En revanche, si la présente demande de prorogation de délai est rejetée, l'appelante risque de subir un préjudice réel. Vu les éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance, je conclus que l'appelante n'est pas responsable de l'erreur à l'origine de la présente demande de prorogation de délai. L'erreur est celle de son avocat.

[27]       Je conclus que, lorsqu'on examine la question du préjudice, la prépondérance des inconvénients favorise l'appelante.


[28]       Le dernier point à examiner est celui de savoir s'il est dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation du délai. Le juge McNair s'est penché sur cette question dans l'affaire Banque nationale de Grèce, S.A. c. Polar Paraguay (Le), [1986] F.C.J. No. 306.

[29]       Cette affaire portait également sur une demande de prorogation du délai imparti pour déposer un avis d'appel d'une décision refusant la prorogation du délai imparti pour déposer des affidavits à l'appui d'une réclamation portant sur le produit de la vente d'un navire. Dans cette affaire, le retard était également attribuable à une erreur commis de bonne fois par un avocat. La Cour a déclaré ce qui suit :

À mon avis, les requérantes ont nettement établi que l'intention des requérantes d'interjeter appel est née le 12 février 1986. L'erreur porte sur les moyens choisis pour interjeter appel. Les requérantes auraient dû déposer un avis distinct d'appel immédiatement après qu'on leur eût signifié l'avis d'appel de l'intimée le 24 janvier 1986. L'intention d'appeler est née le 12 février, c'est-à-dire 19 jours seulement après l'expiration du délai d'appel. Il est vrai qu'il n'y a pas eu d'explication précise ou de raison justifiant le retard de 19 jours. Néanmoins, j'estime qu'on ne devrait pas empêcher une partie d'intenter un recours discrétionnaire par l'application stricte des règles relatives au délai dans lequel un recours doit être interjeté, lorsque le délai n'est pas excessif et qu'il existe une preuve forte que l'intention réelle d'exercer ce recours est née peu après l'expiration de la date susmentionnée. Les cours hésitent à exclure une partie en raison d'une erreur de bonne foi ou d'une omission par inadvertance de la part de l'avocat.

[30]       L'appelante adopte le point de vue selon lequel l'intérêt de la justice favorise l'exercice par le tribunal de son pouvoir discrétionnaire de manière à rendre une ordonnance prorogeant le délai imparti pour déposer l'appel d'appel.


[31]       L'intimée soutient pour sa part qu'il n'est pas dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation du délai, parce que l'intérêt de la justice favorise de rendre à terme les deux procès en matière de marques de commerce. En outre, il serait contraire à l'intérêt de la justice de priver l'intimée de l'avantage du délai de prescription applicable à l'appel.

[32]       À mon avis, l'intimée a une perception erronée de la situation en formulant l'argument qui précède. Ce type de prétention relève davantage du débat sur la question du préjudice.

[33]       À mon avis, il est dans l'intérêt de la justice d'ordonner l'instruction de l'appel sur le fond. Lorsqu'il y a matière à procès, il n'y a pas lieu de rejeter la demande au motif que l'avocat a commis une erreur en inscrivant la date limite du dépôt de l'avis d'appel.

[34]       En conclusion, les arguments formulés par l'intimée ne m'ont pas convaincue. L'ordonnance sollicitée par l'appelante est accordée.

[35]       Il y a lieu de traiter des dépens. Le paragraphe 410(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) s'applique en l'espèce. En voici le texte :


410(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens afférents à une requête visant la prolongation d'un délai sont à la charge du requérant.

410(2) Unless the Court orders otherwise, the costs of a motion for an extension of time shall be borne by the party bringing the motion.



[36]       Compte tenu des efforts faits par l'appelante pour chercher à obtenir une solution rapide et expéditive au problème créé par son avocat, du contre-interrogatoire long et en partie inutile qu'a subi Me McKay et de l'audition assez longue de la présente requête, je fixe les dépens à la somme de 1 500 $ que l'appelante est condamnée à payer sans délai à l'intimée, indépendamment de l'issue de la cause.

[37]       Une ordonnance sera prononcée en conséquence.

[38]       Les présents motifs seront déposés dans le dossier T-1564-97 et une copie en sera versée au dossier T-1565-97 dans lequel les présents motifs auront la même force et le même effet que s'ils y avaient été déposés.

                                                                                   « E. Heneghan »                     

                                                                                               J.C.F.C.                    

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 21 février 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

        AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DE DOSSIER :                               T-1564-97, T-1565-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite et Registraire des marques de commerce

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 15 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Heneghan le 21 février 2001

ONT COMPARU :

Me Kenneth McKay                                                      pour l'appelante

Me J.-Guy Potvin                                                            pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay                                    pour l'appelante

Toronto ON

Cabinet de Me Potvin

Ottawa ON                                                                    pour les intimés


                                                     

Date : 20010221

Dossiers : T-1564-97

T-1565-97

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE), LE 21 FÉVRIER 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

E n t r e :

              ASSOCIATION OLYMPIQUE CANADIENNE

                                                                                            appelante

                                                  - et -

                                                     

                  OLYMEL, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE

                                                     et

         REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                                intimés

                                        ORDONNANCE


La requête est accueillie. Le délai imparti pour déposer l'avis d'appel de la décision du juge Lemieux est prorogé à la date du prononcé de l'ordonnance et l'avis d'appel joint à l'avis de requête déposé le 13 septembre 2000 est réputé avoir été déposé à cette date. L'appelante est condamnée à payer sans délai à l'intimée Olymel, Société en commandite, la somme de 1 500 $ à titre de dépens, indépendamment de l'issue de la cause.

Les présents motifs seront déposés dans le dossier T-1564-97 et une copie en sera versée au dossier T-1565-97 dans lequel les présents motifs auront la même force et le même effet que s'ils y avaient été déposés.

                                                                                   « E. Heneghan »                      

                                                                                               J.C.F.C.                     

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.



[1]Le regsitraire des marques de commerce n'a pas participé à la présente requête.

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