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Date : 19981014


Dossier : T-1352-97

Ottawa (Ontario) le 14 octobre 1998.

EN PRÉSENCE DU JUGE MULDOON

ENTRE :

     FIRST GREEN PARK PTY. LTD.,

     requérante,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     ORDONNANCE

     VU la demande que la requérante a présentée afin d'obtenir une ordonnance annulant la décision en date du 22 mai 1997 par laquelle la commissaire aux brevets a refusé de lui accorder un délai supplémentaire pour procéder en application du Traité de coopération en matière de brevets et du règlement connexe, laquelle demande a été entendue à Toronto les 2 et 3 juin 1998 en présence des avocats de chaque partie;

     APRÈS avoir différé sa décision,

     LA COUR rejette la présente demande sans frais pour l'une ou l'autre des parties.

                             F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19981014


Dossier : T-1352-97

ENTRE :

     FIRST GREEN PARK PTY. LTD.,

     requérante,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale à l'égard d'une décision en date du 22 mai 1997 par laquelle la commissaire aux brevets a rejeté la demande que la requérante avait présentée en vue d'obtenir une prorogation du délai de rétablissement à l'égard de la demande de brevet numéro PCT/AU91/00350. Cette demande de brevet a été déposée en application du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), 19 juin 1970, [1990] R.T.C. no 22. Il s'agissait du deuxième refus de la demande de la requérante, la première décision portant refus ayant été prise par le commissaire aux brevets intérimaire le 19 janvier 1995.

[2]      La première décision a été annulée et renvoyée au commissaire par suite d'une demande de contrôle judiciaire accueillie à son égard.

[3]      Afin de bien comprendre la nature de la présente demande, il est nécessaire de décrire les différentes étapes énoncées dans le PCT quant à l'obtention de la protection internationale en matière de brevets. Le PCT facilite l'obtention de cette protection lorsque celle-ci est demandée dans l'un ou l'autre des États membres du Traité. La procédure préalable à l'octroi d'un brevet comporte deux phases : la phase internationale et la phase nationale. La phase internationale se compose de quatre étapes, dont les trois premières sont automatiques, tandis que la dernière est facultative pour la partie requérante.

[4]      Dans le cadre de la première étape de la phase internationale, la partie requérante dépose une seule demande auprès d'un office récepteur reconnu et désigne un certain nombre de pays membres où la protection est recherchée. Une partie requérante peut invoquer la priorité par rapport à une demande déposée précédemment; toutefois, si aucune demande antérieure n'existe, la date de dépôt devient la date à compter de laquelle commence à courir le délai relatif à la phase nationale. Par la suite, une recherche internationale visant à savoir s'il existe une technique antérieure susceptible de faire naître des doutes sur la validité de l'invention est menée. La troisième étape correspond à la publication de la demande internationale ainsi qu'à la communication de celle-ci par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) au bureau des brevets national de chaque pays désigné dans la demande. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'une demande dans laquelle le Canada est désigné, le Bureau canadien des brevets reçoit de l'OMPI une demande internationale complète ainsi qu'un rapport de recherche. La quatrième étape réside dans la préparation d'un rapport d'examen préliminaire international par l'un des organismes d'examen internationaux. Cette dernière étape est également appelée " chapitre II ".

[5]      Une fois les étapes de la phase internationale franchies, la demande internationale entre dans la phase nationale, soit l'examen et la délivrance de brevets nationaux. Pour entreprendre la phase nationale à l'intérieur de chacun des États désignés, la partie requérante ou son mandataire doit prendre certaines mesures, faute de quoi la demande internationale cessera de produire ses effets dans chacun des États désignés concernés1.

[6]      Lorsqu'une partie requérante décide de procéder sous le régime du chapitre II, elle n'est pas tenue d'entreprendre la phase nationale avant 30 mois suivant la date de priorité ou, s'il n'y en a pas, suivant la date de dépôt de la demande internationale. Si la demande respecte les règles du pays désigné, un brevet est accordé dans celui-ci et la date de priorité coïncide avec la date de dépôt de la demande internationale. Ces délais étaient prescrits au paragraphe 15(1) du Règlement d'application du Traité de coopération en matière de brevets qui était alors en vigueur et dont le texte est le suivant2 :

         (1)      Le demandeur doit satisfaire aux exigences de l'article 13 et, s'il y a lieu, de l'article 14 dans un délai maximal :
             a) lorsque le Canada est désigné dans une demande internationale, sauf dans le cas prévu à l'alinéa b), de 20 mois suivant la date de priorité;
             b) lorsque l'élection du Canada a été faite avant l'expiration du 19e mois suivant la date de priorité, de 30 mois suivant la date de priorité.

[7]      La requérante est une société australienne qui a déposé une demande de brevet internationale le 8 août 1991 à l'égard d'un système d'emballage des viandes. La date de priorité était le 9 août 1990, en raison d'une demande antérieure déposée en Australie. La requérante a désigné le Canada dans cette demande. Le 3 mars 1992, elle a choisi le Canada aux termes du chapitre II du PCT en vue de l'examen et de la délivrance d'un brevet national. Par conséquent, la date limite à laquelle la requérante pouvait entreprendre la phase nationale de la démarche au Canada était le 9 février 1993, soit 30 mois suivant la date de priorité du 9 août 1990, faute de quoi la demande serait réputée abandonnée conformément au paragraphe 15(2) du Règlement d'application du PCT.

[8]      Conformément au Règlement d'application du PCT alors en vigueur, la date limite à laquelle la requérante pouvait demander le rétablissement de sa demande était le 9 avril 1993, soit deux mois suivant date de l'abandon présumé. Le pouvoir du commissaire de rétablir une demande réputée abandonnée est énoncé au paragraphe 15(3) [mod. par DORS/94-284, art. 4] du Règlement d'application du PCT. Voici le texte de ce paragraphe qui était alors en vigueur :

         (3)      À la requête du demandeur, le commissaire peut rétablir une demande internationale réputée avoir été abandonnée en application du paragraphe (2) si, dans les deux mois suivant la date à laquelle la demande internationale a été réputée abandonnée, le demandeur :         
             a)      satisfait aux exigences prévues à l'article 13 et, s'il y a lieu, à l'article 14;
             b)      acquitte la taxe de rétablissement prévue à l'annexe;
             c)      convainc le commissaire, par affidavit, qu'il ne pouvait auparavant raisonnablement satisfaire aux exigences prévues à l'article 13 et, s'il y a lieu, à l'article 14.
                         [non souligné à l'original]

[9]      Tant le délai relatif au dépôt de la demande que le délai à l'intérieur duquel celle-ci pouvait être rétablie n'ont pas été respectés et la demande a été réputée abandonnée le 9 février 1993 et réputée caduque le 9 avril 1993. Selon une " pratique " en usage au Bureau des brevets à l'époque, la partie requérante disposait d'un délai supplémentaire de dix mois pour demander le rétablissement de sa demande après l'abandon réputé, de sorte que le délai de rétablissement des demandes était de 12 mois. La prorogation du délai au-delà de la période initiale de deux mois ne repose sur aucun pouvoir d'origine législative, mais la commissaire aux brevets a présumé à tort que ce pouvoir découlait du paragraphe 48(2) du PCT. S'il était permis de considérer le délai supplémentaire de dix mois comme une période à l'intérieur de laquelle une demande pouvait être rétablie, la date la plus tardive à laquelle la demande aurait pu être rétablie serait le 9 février 19943.

[10]      Le 30 juin 1994, l'oubli a été porté à l'attention de la requérante. Le 12 octobre 1994, les mandataires canadiens de la requérante ont fait parvenir au commissaire aux brevets une demande de prorogation de délai fondée sur la Règle 139 de la Loi sur les brevets du Canada afin de rétablir la demande abandonnée4. Cette demande a été présentée 16 mois après la date à laquelle la demande a été présumée caduque et 18 mois après celle à laquelle elle aurait pu être rétablie, car la date finale à cette fin était le 9 avril 1993.

[11]      Un fonctionnaire de la section du PCT du Bureau des brevets a rejeté la demande, au motif que plus de 12 mois s'étaient écoulés depuis la date à laquelle celle-ci avait été réputée abandonnée. L'agent des brevets de la requérante a demandé au commissaire aux brevets de prendre une décision. Dans une lettre datée du 19 janvier 1995, le commissaire intérimaire a rejeté la demande de la requérante.

[12]      Cette décision a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire dont la Cour a été saisie. Le 5 mars 1997, le juge Richard a fait droit à la demande de contrôle judiciaire dans le jugement publié dans [1997] 2 C.F. 845 (C.F. 1re inst.). Dans cette décision, il a statué que le commissaire n'était nullement tenu de donner à la partie requérante un avis écrit portant que la demande serait réputée abandonnée à moins qu'une demande de prorogation de délai ne soit présentée. Il a également présumé que le commissaire pouvait, en se fondant sur le paragraphe 48(2) du PCT, excuser tout retard lié au dépôt d'une demande. Voici le libellé de cette disposition :

         a)      Tout État contractant doit, pour ce qui le concerne, excuser pour des motifs admis par sa législation nationale tout retard dans l'observation d'un délai.
         b)      Tout État contractant peut, pour ce qui le concerne, excuser pour des motifs autres que ceux qui figurent au sous-alinéa a) tout retard dans l'observation d'un délai.         

[13]      Lorsqu'il a rendu sa décision, le juge Richard a formulé la remarque suivante :

         L'article 48.2b) confère au commissaire aux brevets un pouvoir discrétionnaire considérable pour excuser un délai.         

[14]      Sur la foi de cette remarque, il a statué que le commissaire intérimaire avait entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire fondé sur la Règle (2)b) de l'article 48 du PCT en refusant d'exercer le pouvoir dont il disposait dans des circonstances où la demande de rétablissement avait été présentée après le délai de 12 mois imposé par l'État. De plus, il a statué que le commissaire n'entraverait pas l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en considérant le délai de 12 mois comme un délai qui le lie et en excluant d'autres motifs valables ou pertinents qui lui permettraient d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Il a donc enjoint au commissaire d'exercer le pouvoir discrétionnaire dont il disposait en vertu de l'alinéa 48(2)b) du PCT conformément à la loi.

[15]      La commissaire aux brevets a exercé son pouvoir discrétionnaire dans une décision datée du 22 mai 1997 et a décidé de ne pas rétablir la demande de brevet internationale de la requérante. Voici l'extrait pertinent de sa décision.

             [TRADUCTION] J'en arrive maintenant à la conduite de la requérante. J'ai en mains l'affidavit de Peter Johnstone, l'un des inventeurs et le directeur général de la partie requérante, ainsi qu'un affidavit de Laurence John Dyson, l'avocat en brevets australien, qui s'occupe de la présentation de la demande. Quelques mois avant février 1993, Johnstone et Dyson ont entrepris des discussions concernant le choix des États aux fins de la phase nationale. Je ne puis trouver dans la preuve aucune directive explicite par laquelle la requérante aurait fait savoir à son avocat qu'elle avait l'intention de procéder au Canada en entreprenant la phase nationale. Les directives ont été données par téléphone; les documents de la pièce F jointe à l'affidavit de Dyson sont des copies des notes prises au cours de l'une de ces conversations. Ces documents renferment notamment une copie annotée du formulaire PCT/IB/332 ainsi qu'une feuille contenant des notes manuscrites. Le Canada est remarquablement absent, puisqu'aucune marque de contrôle n'a été apposée à côté de son nom sur le formulaire PCT/IB/32 et qu'aucune mention ne figure non plus à son sujet sur la feuille manuscrite. Je ne suis pas convaincu par l'argument selon lequel, étant donné que le Brésil, la Finlande, la Hongrie et la Norvège, où des frais de traduction doivent être engagés, ont été désignés, l'intention de procéder au Canada, où il n'est pas nécessaire d'engager des frais de traduction, était sous-entendue. Le second argument fait état de certains autres pays au regard desquels aucune marque n'a été apposée (voir le paragraphe 9 de l'affidavit de Dyson); toutefois, cet argument est réfuté par la mention explicite de ces mêmes pays sur la même page au paragraphe 7 de l'affidavit. Les deux déposants indiquent que le marché nord-américain était important pour la requérante au point où une demande nationale visant à compléter la demande faite aux États-Unis a été déposée au Mexique sous le régime du PCT, ce qui sous-entendait l'intention de procéder au Canada. Si ce marché était à ce point important, il m'est difficile de comprendre pourquoi le client et l'avocat ont tous deux omis de mentionner explicitement le Canada.
             J'examine maintenant les délais concernés. Je reconnais que le PCT est un système qui permet à une partie requérante de gagner du temps avant de décider de procéder ou non dans un État désigné. Lorsque le chapitre II est choisi, la partie requérante dispose d'un délai de 30 mois suivant la date de priorité pour agir. Au Canada, la partie requérante disposait d'un autre délai de 12 mois pour rétablir sa demande. Le choix du délai de 12 mois visait à permettre aux professionnels des brevets de relever les retards, etc. par l'entremise de leurs systèmes de contrôle internes. Le problème de la requérante a été découvert plus de 16 mois plus tard, le 30 juin 1994, lorsque la requérante a communiqué avec son agent des brevets pour connaître l'état d'avancement de la demande canadienne. Il faut donc conclure que l'avocat en brevets de la requérante n'utilisait pas un système de tenue des registres satisfaisant, dans la mesure où la requérante avait effectivement l'intention à l'époque d'entreprendre la phase nationale au Canada. De plus, même après avoir été mise au courant de l'erreur le 30 juin 1994, ce n'est que plus de trois mois plus tard, le 14 octobre 1994, que les observations ont été présentées au Bureau canadien des brevets. Ces retards m'apparaissent très importants, compte tenu des intérêts des tierces parties, qui ont peut-être présumé que la requérante n'entreprendrait pas la phase nationale au Canada à l'égard de la demande en question. De plus, peu d'explications satisfaisantes ont été fournies à l'égard de ces retards, compte tenu de l'importance des dates pour le système des brevets et les professionnels agissant dans ce domaine.         
             Eu égard à toutes ces circonstances, j'ai décidé de refuser d'accorder une prorogation de délai aux termes de l'alinéa 48(2)b) du PCT.         

[16]      Encore là, la commissaire a présumé qu'elle avait compétence pour entendre une demande après le délai de deux mois prévu au Règlement d'application du PCT.

[17]      La requérante conteste cette décision pour les motifs suivants :

             [TRADUCTION]         
             1.      La commissaire a tiré des conclusions de fait erronées de manière abusive sans tenir compte de la totalité du matériel dont elle était saisie ainsi que des conclusions auxquelles la Cour fédérale en était arrivée dans la première demande de contrôle judiciaire;         
             2.      La commissaire s'est fondée sur des facteurs non pertinents;         
             3.      La commissaire a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, contrairement aux règles de droit et aux directives du juge Richard.         

[18]      Au cours des plaidoiries, les avocats ont été appelés à présenter des arguments sur le pouvoir de la commissaire d'excuser un retard au-delà du délai prévu au paragraphe 15(3). Si la commissaire avait effectivement le pouvoir d'accorder un délai supplémentaire à la requérante, la Cour estime en l'espèce que, le 22 mai 1997, elle a exercé tout à fait légalement son pouvoir discrétionnaire en refusant d'accorder un délai supplémentaire. Comme je l'expliquerai plus loin, ce pouvoir discrétionnaire n'appartient pas à la commissaire en réalité; par conséquent, les arguments susmentionnés que la requérante invoque ne sont pas pertinents et il n'est pas nécessaire que la Cour les examine en l'espèce.

[19]      Même si le juge Richard était d'avis que l'alinéa (2)b) de l'article 48 " confère au commissaire aux brevets un pouvoir discrétionnaire considérable pour excuser un délai ", cette conclusion n'est pas aussi évidente pour la Cour. L'alinéa 48(2)b ) accorde un large pouvoir discrétionnaire à l'État contractant, et non au commissaire, pour excuser tout retard. Il convient de rappeler que la commissaire ne peut être considérée comme un État contractant au sens du Traité et que son pouvoir d'agir lui est plutôt conféré par l'article 4 de la Loi sur les brevets.

[20]      Le pouvoir constitutionnel de conclure des accords internationaux est exercé au nom du Canada par le gouverneur en conseil, mais c'est le Parlement qui s'occupe de la mise en oeuvre des traités en édictant des lois intégrant les dispositions du traité en question. Une fois que la loi en question est édictée, le Canada est lié par l'entente internationale. Le commissaire aux brevets n'est nullement autorisé à conclure un accord international au nom du Canada et n'est pas partie non plus aux accords internationaux. Dans la présente affaire, afin d'intégrer les dispositions du PCT dans les règles de droit national, le législateur a modifié la Loi sur les brevets en 1987 (L.R.C. (1985), ch. 33 (3e suppl.), art.3, sanctionné le 19 novembre 1987) en ces termes :

             (1)      Le gouverneur en conseil peut, par règle ou règlement:         
                 ...                 
             h)      rendre effectives les stipulations de tout traité, convention, accord ou entente qui subsiste entre le Canada et tout autre pays;         
             i)      par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, rendre effectives les dispositions du Traité de coopération en matière de brevets fait à Washington le 19 juin 1970;
                 ...

                         [non souligné à l'original]

[21]      Étant donné que la commissaire aux brevets n'est pas partie au traité et qu'elle n'est pas non plus un État contractant, la seule façon dont elle peut rétablir les demandes réputées abandonnées est d'appliquer un règlement adopté par le gouverneur en conseil. Le règlement intégrant le PCT dans les règles de droit canadien a été édicté conformément à l'alinéa 12(1)I) de la Loi sur les brevets et fait état du pouvoir de la commissaire d'excuser les retards. Tel qu'il est mentionné ci-dessus, le Règlement accordait à la commissaire le pouvoir d'excuser un retard dans les deux mois suivant la date à laquelle la demande était réputée abandonnée. Ce délai a plus tard été remplacé par une période de 12 mois. Ni le Règlement d'application du PCT non plus que le Traité lui-même ne renferment de dispositions autorisant unilatéralement la commissaire à proroger le délai au-delà du délai prescrit au paragraphe 15(3) du Règlement d'application du PCT.

[22]      Étant donné que la commissaire ne disposait d'aucun pouvoir explicite l'autorisant à excuser les délais au-delà de la période prévue au paragraphe 15(3), la requérante soutient que la commissaire était investie d'un pouvoir implicite. Cet argument est fondé sur la portée de l'article 6 du Règlement d'application du PCT, sur l'objet du paragraphe 48(2) et sur la définition du mot " délai " figurant dans le Règlement d'application du PCT .

[23]      Selon la requérante, l'article 6 du Règlement d'application du PCT, dont le texte entier est reproduit ci-après, autorise la commissaire à proroger le délai relatif au rétablissement des demandes réputées abandonnées au-delà de la période prévue au paragraphe 15(3) :

             Les dispositions du Traité et le Règlement d'exécution du Traité s'appliquent aux demandes suivantes :         
             a)      une demande internationale déposée à l'office récepteur au Canada;         
             b)      une demande internationale dans laquelle le Canada est désigné;
             c)      une demande internationale dans laquelle le Canada est désigné et élu.         

[24]      Selon la requérante, cette disposition permet de dire que tous les articles du PCT et du Règlement d'application du PCT5 sont expressément intégrés dans le droit canadien pour ce qui concerne les demandes internationales. Si tel est le cas, l'alinéa 48(2)b) est également intégré dans le droit national et il n'est pas nécessaire de tenir compte du paragraphe 15(3) du Règlement d'application du PCT pour décider si la commissaire avait le pouvoir de rétablir les demandes au-delà du délai prescrit dans le Règlement.

[25]      Cet argument est inacceptable. L'article 6 ne fait que codifier les types de demandes de brevet visés par le Traité et son Règlement et ne concerne pas le pouvoir du commissaire de proroger le délai d'acceptation des demandes, même implicitement. Le PCT est intégré dans le droit canadien en vertu de l'article 12 de la Loi sur les brevets et le pouvoir restreint du commissaire de rétablir une demande abandonnée est prévu explicitement au paragraphe 15(3) du Règlement d'application du PCT. Ce pouvoir est aussi explicite que les limites à l'intérieur desquelles il doit ou non être exercé.

[26]      La décision australienne qui a été rendue dans l'affaire Sanyo Electric Co. Ltd. v. Commissioner of Patents, [1996] AIPC 91-283 (tribunal des appels administratifs) et que la requérante invoque ne lie évidemment pas le Canada et n'est pas vraiment pertinente. Au paragraphe 17 de sa décision, ce tribunal mentionne que le paragraphe 223(2) de la loi pertinente prévoit des exceptions à la règle générale des délais, mais précise aussi que [TRADUCTION] " l'exercice du pouvoir discrétionnaire du commissaire qui est prévu dans cette disposition est illimité ". Tel n'est pas le cas ici, comme je l'ai mentionné plus haut.

[27]      Aucun des avocats des parties n'a pu invoquer une délégation légale du pouvoir en faveur de la commissaire ou de l'OCPI en l'espèce, comme le permet l'alinéa 2(xii) du Traité.

[28]      Par conséquent, la commissaire n'était pas autorisée à proroger le délai relatif à l'acceptation des demandes au-delà de la période précisée au paragraphe 15(3). Il n'y a donc aucune raison de conclure que la commissaire intimée a commis une erreur en refusant de proroger le délai de rétablissement de la demande réputée abandonnée de la requérante, simplement parce que la commissaire n'avait pas le pouvoir de prendre cette décision.

[29]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire de la requérante doit être rejetée; toutefois, en raison de la fausse perception apparemment générale au sujet de l'exercice d'un pouvoir dont la commissaire n'était pas investie, aucuns frais ne sont adjugés.

                             F.C. Muldoon

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1352-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          FIRST GREEN PARK PTY LTD. c.
                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :              2 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

EN DATE DU :                  14 octobre 1998

ONT COMPARU :

Me Frank Farfan                          POUR LA REQUÉRANTE
Me Gail Sinclair                          POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

MacBeth & Hohnson

Toronto (Ontario)                          POUR LA REQUÉRANTE

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  POUR L'INTIMÉ
__________________

     1      Ces mesures comprennent la remise au Bureau canadien d'une traduction de la demande internationale en français ou en anglais et le paiement des frais nationaux de base : article 13 du Règlement d'application du PCT.

     2      Le Règlement d'application du PCT a été abrogé et est maintenant fusionné dans les nouvelles Règles sur les brevets, DORS/96-423, qui sont entrées en vigueur le 28 août 1996.

     3      Il importe également de souligner que le paragraphe 15(3) du Règlement d'application du PCT a été modifié le 14 avril 1994. La modification a eu pour effet de codifier la " pratique " et prévoyait ce qui suit :          (3)      A la requête du demandeur, le commissaire peut rétablir une demande internationale réputée avoir été abandonnée en application du paragraphe (2) si, dans les 12 mois suivant la date à laquelle la demande internationale a été réputée abandonnée, le demandeur...
     Cette modification ne touche pas la demande de la requérante, qui était déjà réputée caduque avant le 14 avril 1994.
     En 1996, le Règlement d'application du PCT a été abrogé, mais les principales dispositions ont été intégrées à la partie II des nouvelles Règles sur les brevets DORS/96-423. Le paragraphe 58(3) est désormais la disposition équivalant quant au fond au paragraphe 15(3) du Règlement d'application du PCT. Cette disposition prévoit également un délai de 12 mois à l'intérieur duquel une demande réputée abandonnée peut être rétablie.

     4      Voici le texte de cette Règle :          Sous réserve des présentes règles, le commissaire, s'il est convaincu, à la suite d'un affidavit établissant les faits pertinents, qu'eu égard à toutes les circonstances, un délai quelconque prescrit par les présentes règles ou institué par le commissaire pour l'exécution d'un acte quelconque devrait être prolongé, pourra prolonger ce délai, soit avant, soit après son expiration.
     Il est important de souligner que cette Règle peut être invoquée uniquement lorsqu'une demande est présentée au cours de la phase nationale du système PCT et non au cours de la phase internationale. Étant donné qu'en l'espèce, la requérante n'a jamais entrepris la phase nationale, en raison de l'abandon présumé, cette Règle ne s'applique pas.

     5      Plus précisément, la Règle 82bis , dont voici le libellé :          82bis.1 Signification de " délai " dans l'article 48(2)
         La référence à "un délai" dans l'article 48.2) s'entend notamment d'une référence          (i)      à tout délai fixé dans le traité ou dans le présent règlement d'exécution;          (ii)      à tout délai fixé par l'office récepteur, par l'administration chargée de la recherche internationale, par l'administration chargée de l'examen préliminaire international ou par le Bureau international ou à tout délai applicable par l'office récepteur en vertu de sa législation nationale;          (iii)      à tout délai fixé par l'office désigné ou élu ou dans la législation nationale applicable par cet office pour tout acte devant être accompli par le déposant auprès dudit office.                                  [non souligné à l'original]

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