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Date : 20020418

Dossier : IMM-2761-01

Référence neutre : 2002 CFPI 442

Ottawa (Ontario), le jeudi 18 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                          AMRITPAL SINGH BRAR

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

        Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel (SAI) de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue le 23 avril 2001. Dans cette décision, la SAI a infirmé la décision d'un agent des visas selon laquelle Manjit Kaur Brar (Mme Brar) n'était pas un membre de la catégorie des parents, malgré son mariage avec M. Amritpal Singh Brar, le défendeur.


        M. Brar est un citoyen canadien qui a parrainé la demande d'établissement de Mme Brar sous la catégorie des parents en sa qualité d'épouse.

        L'agent des visas a rejeté la demande de Mme Brar, après lui avoir fait passer une entrevue, au motif que le mariage entre M. et Mme Brar n'avait pas été contracté pour qu'ils puissent vivre ensemble en permanence, mais plutôt pour que Mme Brar puisse être admise au Canada.

        La question dont était saisie la SAI, qui examinait l'appel de la décision, consistait à savoir si Mme Brar était visée par le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration, 1978, DORS/78-172 (le Règlement) qui prévoit ce qui suit :

4(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

4(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.

        La preuve déposée devant la SAI était composée des documents déposés devant l'agent des visas, des notes de ce dernier provenant du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), d'une brève déclaration sous serment de Mme Brar et du témoignage oral de M. Brar ainsi que de la personne qui a présenté M. Brar à Mme Brar.


        Dans ses courts motifs rendus oralement, la SAI a conclu que M. Brar était en général crédible lorsqu'il témoignait. La SAI a considéré que l'explication donnée sur la manière dont la rencontre avait été préparée et la raison pour laquelle M. Brar avait cherché une épouse en Inde était crédible. On a considéré que beaucoup de gens avaient assisté au mariage, et la SAI a conclu qu'il y avait eu un grand nombre de contacts entre les époux depuis le mariage puisque M. Brar était allé en Inde pour passer plusieurs mois avec son épouse. La SAI a remarqué que les époux avaient à peu près le même âge, qu'il avaient des antécédents semblables et que M. Brar connaissait très bien la situation personnelle, la famille et les antécédents de Mme Brar.

        La SAI a conclu ses motifs de la façon suivante :

[Traduction] Il est généralement préférable dans ces affaires de faire témoigner la requérante pour apprécier sa cohérence et évaluer sa crédibilité, étant donné que c'est son intention qui doit être déterminée, mais il n'est pas obligatoire que la requérante témoigne.

Compte tenu de toute la preuve dont je suis saisi, je conclus que l'appelant a prouvé que la requérante l'a épousé dans un but autre que celui d'obtenir l'admission au Canada et qu'elle avait l'intention au moment du mariage de vivre en permanence avec lui. Elle est donc membre de la catégorie des parents et l'appel est accueilli.

LES QUESTIONS EN LITIGE

        Le ministre a affirmé que la SAI avait commis trois erreurs :

1.          La SAI a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur les opinions et croyances de M. Brar, alors que seule Mme Brar pouvait témoigner de ses véritables intentions;


2.          Il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve déposés devant la SAI pour permettre à cette dernière de conclure que Mme Brar avait l'intention de vivre en permanence avec M. Brar s'il lui était permis de venir au Canada;

3.          La SAI n'a pas tenu compte du manque de raisons uniformes et satisfaisantes pour expliquer pourquoi les parents de M. Brar n'ont pas participé à la préparation du mariage et pourquoi M. Brar a attendu cinq mois avant d'entamer la procédure de parrainage. Ce dernier point a été considéré important non seulement pour la durée, mais également parce que M. Brar a déclaré que l'une des raisons principales du mariage consistait à trouver une personne pour l'aider à s'occuper de ses parents. Ainsi, on a considéré qu'il était invraisemblable qu'il ait attendu cinq mois avant de déposer une demande de parrainage.

ANALYSE

(i) La norme de contrôle judiciaire

        Il n'était pas contesté que la norme de contrôle judiciaire des décisions de la SAI est en général celle de la décision manifestement déraisonnable, à l'exception des questions concernant l'interprétation d'une loi, où l'on applique la norme de la décision correcte.


(ii) La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en fondant sa décision relative à l'intention de Mme Brar sur le témoignage de M. Brar?

      Les principes juridiques applicables aux demandes de ce type sont les suivants :

a)          Il revient à la personne qui présente la demande d'établissement d'établir l'authenticité du mariage;

b)          Pour rejeter une demande en fonction du paragraphe 4(3) du Règlement, on doit conclure que le mariage a été contracté par l'époux parrainé principalement pour des fins d'immigration et que cet époux n'a pas l'intention de vivre en permanence avec l'autre époux;

c)          C'est l'intention de l'époux parrainé qui est pertinente, et non les croyances et l'intention du répondant.

Voir : Horbas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 359 (C.F. 1re inst.); et Canada (solliciteur général) c. Bisla (1994), 88 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.).

      Selon la partie des motifs de la SAI citée ci-dessus, il est évident que cette dernière a bien tenu compte de ces principes juridiques.


      Bien qu'en général la personne parrainée puisse fournir la meilleure preuve de ses intentions, ces dernières peuvent également être inférées à partir d'autres faits correctement déposés en preuve. Autrement, le propre témoignage de la personne qui présente la demande serait largement déterminant quant à la question de l'intention.

      Par conséquent, la SAI n'a pas, à mon avis, commis d'erreur en déclarant qu'il n'était pas obligatoire, pour une personne présentant une demande, de témoigner. La SAI a reconnu qu'il s'agissait certainement de la norme et de la meilleure façon de faire.

(iii) Y avait-il suffisamment d'éléments de preuve déposés devant la SAI permettant à cette dernière de conclure qu'elle était convaincue de l'intention de Mme Brar?

      La preuve déposée devant la SAI attestait l'intention de Mme Brar de la façon suivante :

a)          Les notes du STIDI contiennent les renseignements suivants que Mme Brar a transmis à l'agent des visas en ce qui concerne son intention :

[traduction]

- Que ferez-vous au Canada?

J'occuperai un travail que je trouverai.

- Avez-vous, votre époux et vous-même déjà parlé des projets que vous pouviez avoir?

Il dit qu'il me trouverait un emploi, peu importe lequel.


[...]

- Je vais expliquer les préoccupations que j'ai : votre époux et vous-même ne semblez pas très compatibles?

C'est une question de destin, de la personne que vous êtes destiné à épouser. On ne peut rien y faire.

- Je me préoccupe de savoir si vous avez l'intention de vivre avec votre époux ou de simplement venir au Canada.

Je me suis mariée parce que c'était mon destin.

b)          Dans son court affidavit de sept paragraphes, Mme Brar a indiqué ce qui suit :

[traduction]

Après notre mariage, j'ai passé du temps avec mon époux à l'extérieur de notre village. C'est une chose qu'une femme non mariée de notre collectivité n'oserait pas faire avec un homme qui n'est pas son époux parce qu'elle serait méprisée et ridiculisée par tout le village si on finissait par savoir qu'il n'y avait pas réellement eu de mariage et, en conséquence, elle perdrait des chances de se marier et ruinerait son avenir, un risque que je ne prendrais sous aucun prétexte.

c)          La personne qui a présenté les deux époux l'un à l'autre a indiqué ce qui suit dans son témoignage devant la SAI :

[traduction]

Q.             Si Manjit Kaur n'était pas véritablement mariée à cet homme, M. Amritpal Singh, et qu'il y avait un divorce, quelles sont les chances d'un nouveau mariage en Inde?

R.             Il n'y a pas eu de personnes divorcées, de divorces dans ma famille ni dans celle de l'appelant et je, je ne crois pas que les chances sont très bonnes, si elle divorce, de se remarier. Je ne vois aucune possibilité de divorce parce qu'il est allé passer quatre mois avec elle. Autrement, les enfants d'ici ne voudraient pas aller là-bas pendant quelques jours, ou quelques jours, sans parler d'un si grand nombre de mois.


d)          Les lettres déterminées être celles écrites par Mme Brar en Inde et envoyées à son époux expriment la difficulté d'être loin et son désir de [traduction] « s'unir à mon époux bientôt » .

      Un contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable nécessite que la Cour examine le caractère évident ou flagrant d'un défaut présent dans la décision contrôlée. Un défaut manifeste au vu des motifs du tribunal rend la décision manifestement déraisonnable : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 au paragraphe 57.

      Dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CSC 1, au paragraphe 41, la Cour suprême du Canada a davantage précisé qu'une décision est manifestement déraisonnable lorsqu'elle est déraisonnable à première vue, non étayée par la preuve ou viciée par l'omission de tenir compte des facteurs pertinents ou d'appliquer la procédure appropriée.

      En l'espèce, des éléments de preuve appuient la conclusion de la SAI concernant l'intention de Mme Brar. La SAI a appliqué les principes de droit appropriés. Je ne peux conclure que la décision était erronée à première vue.


      J'ai examiné les observations du ministre selon lesquelles la SAI a commis une erreur en ne tirant pas une inférence défavorable à l'égard de l'omission de Mme Brar de témoigner.

      Une explication de cette omission a été donnée à la SAI : Mme Brar n'avait pas de téléphone et il était difficile de prendre des dispositions à cet égard, et elle avait passé une entrevue avec l'agent des visas. La SAI avait le droit de soupeser cette explication avec les autres éléments de preuve et elle n'avait pas à tirer une inférence défavorable de l'omission de Mme Brar de témoigner.

(iv) La SAI a-t-elle fait défaut de tenir compte de l'absence de certaines explications uniformes et satisfaisantes?

      À mon avis, ce motif d'erreur prétendue concerne la façon dont la SAI évalue la preuve et son droit de considérer qu'elle est vraisemblable ou non. Aucune erreur susceptible de révision n'a été établie quant à ce motif.

      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

      Les avocats n'ont demandé la certification d'aucune question, en conséquence, aucune question ne sera certifiée.


ORDONNANCE

[23]            PAR LA PRÉSENTE, LA COUR ORDONNE :

1.          que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.          qu'aucune question ne soit certifiée.

  

      « Eleanor R. Dawson »       

                                                                                                             Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 IMM-2761-01

INTITULÉ :              M.C.I. c. AMRITPAL SINGH BRAR

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              21 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                     18 avril 2002

COMPARUTIONS:

Emilia Pech                                               POUR LE DEMANDEUR

John Hira                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada        POUR LE DEMANDEUR

John Hira                                                  POUR LE DÉFENDEUR

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