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Date : 19980807


Dossier : IMM-337-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 AOÛT 1998

DEVANT : LE JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE


JORGE ALBERTO PORTILLO,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     Une requête ayant été présentée pour le compte du demandeur en vue de l"obtention d"une ordonnance de sursis d"exécution de la mesure de renvoi prise contre celui-ci.

     Les avocats des parties ayant été entendus par conférence téléphonique;

     CETTE COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La requête est rejetée.


(Sign.) " J. Richard "    

Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19980807


Dossier : IMM-337-98

ENTRE


JORGE ALBERTO PORTILLO,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

[1]      Dans cette requête, le demandeur sollicite le sursis d"exécution de la mesure d"expulsion par laquelle il devait être renvoyé au Salvador le 10 août 1997, en attendant qu"il soit statué sur trois demandes d"autorisation de contrôle judiciaire. Dans le dossier IMM-3453-98, le demandeur présente une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire d"une décision par laquelle le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le ministre) a conclu, le 23 juin 1998, qu"il constitue un danger pour le public conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration. Dans le dossier IMM-337-98, le demandeur présente une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire d"une décision qui lui a été communiquée oralement le 14 janvier 1998, par laquelle le ministre avait décidé de le renvoyer du Canada. Dans le dossier IMM-3737-98, le demandeur présente une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire d"une décision de l"agent chargé du renvoi, datée du 9 juillet 1998, selon laquelle il devait être renvoyé du Canada le 10 août 1998.

[2]      Le demandeur est né au Salvador en 1954; il est citoyen de ce pays. Il a obtenu le droit d"établissement au Canada le 26 janvier 1984 à titre de RC1 (réfugié au sens de la Convention) conformément à un visa d"immigrant délivré par l"ambassade du Canada, au Mexique.

[3]      Entre le 30 septembre 1988 et le 30 janvier 1998, le demandeur a été déclaré coupable des infractions suivantes :

     30-09-1988

Poss. d"arme

Art. 85 du C.C.

Condamnation avec sursis, un an de probation et interdiction de posséder des armes à feu, des munitions ou des explosifs pendant cinq ans

     30-01-1998

Voies de fait

Al. 245.1(1)b) du C.C.

7 jours

[4]      Par suite de ces condamnations, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a établi un rapport conformément à l"article 27 de la Loi sur l"immigration. Par une lettre datée du 17 avril 1989, CIC a informé le demandeur qu"il avait été décidé de ne pas déférer l"affaire pour enquête, mais on l"a averti que s"il violait encore une fois les dispositions de la Loi sur l"immigration, il pourrait faire l"objet d"une enquête qui pourrait donner lieu à son renvoi.

[5]      Entre le 15 mars 1991 et le 16 mars 1993, le demandeur a été déclaré coupable des infractions suivantes :

     15-03-1991

Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

200 $ 1-D 5 jours

     08-07-1991

(1) Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

(2) Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

(3) Omission de se conformer à un engagement

Par. 145(3) C.C.

100 $ 1-D 4 jours

300 $ 1-D 12 jours conséc.

Peine cons. de 14 jours et un an de probation

     18-11-1991

Omission de se conformer à l"ordonnance de probation

Par. 740(1) C.C.

7 jours

     08-04-1992

Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

7 jours

     07-08-1992

Entrave à un agent de la paix

Un jour

     25-11-1992

(1) Omission de se conformer à une ordonnance de probation

Par. 740(1) du C.C.

(2) Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

(3) Trafic de stupéfiant

Par. 4(1) Loi sur les stupéfiants

(4) Trafic de stupéfiant

Par. 4(1) Loi sur les stupéfiants

(1-2) Peine purgée

Un mois

Peine cons. de deux mois et un an de probation

     16-03-1993

Trafic de stupéfiant

Par. 4(1) Loi sur les stupéfiants

45 jours et 18 mois de probation

[6]      Le 20 mai, un deuxième rapport a été établi en vertu de l"article 27 de la Loi ; il y était allégué que le demandeur était un résident permanent visé au sous-alinéa 27(1)d)(ii) de la Loi, en ce sens qu"il était une personne déclarée coupable d"une infraction punissable d"un emprisonnement égal ou supérieur à cinq ans.


[7]      L"affaire a été déférée pour enquête. Le 23 août 1993, une mesure d"expulsion a été prise contre le demandeur conformément au sous-alinéa 27(1)d )(ii) de la Loi.

[8]      Le 23 août 1993, le demandeur a déposé un avis d"appel de la mesure d"expulsion auprès de la section d"appel de l"immigration de la Commission de l"immigration du statut de réfugié (la SAI). Par une décision datée du 29 juillet 1994, la SAI a rejeté l"appel.

[9]      Le 20 janvier 1994, la revendication du demandeur a été jugée recevable aux fins d"une détermination par la section du statut de réfugié (la SSR). Par une décision datée du 28 juin 1995, la SSR a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle a conclu qu"il n"y avait pas de possibilité raisonnable de persécution au Salvador dans le cas du demandeur et que celui-ci n"était pas visé par la définition " réfugié au sens de la Convention " conformément aux sections Fb ) et c) de l"article premier de la Convention.

[10]      Le demandeur a reçu une décision datée du 18 décembre 1995 portant qu"il n"appartenait pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la CDNRSRC).

[11]      Le 4 juillet 1996, le demandeur a été déclaré coupable de l"infraction pénale suivante :

     04-07-1996

Poss. de stupéfiant

Par. 3(1) Loi sur les stupéfiants

500 $ - 1-D jour

[12]      Le 20 mai 1997, CIC a signifié au demandeur un avis de son intention de demander au ministre de décider, conformément à l"alinéa 53(1)d ) de la Loi, que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada.

[13]      Le 14 janvier 1998, le demandeur a été arrêté pour être renvoyé du Canada. Il a été mis en liberté sous condition le lendemain, soit le 15 janvier 1998.

[14]      L"autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été accordée dans le dossier IMM-337-98 le 4 août 1998.

[15]      De plus, le 28 janvier 1998, le demandeur a présenté une requête dans laquelle il demandait la réouverture de l"appel qu"il avait interjeté devant la SAI, lequel avait été rejeté le 29 juillet 1994. La requête a été accueillie le 3 avril 1998.

[16]      Le 2 février 1998, le demandeur a été accusé de voies de fait en vertu de l"article 266 du Code . Cette accusation est encore pendante devant les tribunaux.

[17]      Par une lettre datée du 16 février 1998, le demandeur a été informé qu"on avait l"intention de demander au ministre d"exprimer un avis conformément au paragraphe 70(5) de la Loi .


[18]      Le 10 mars 1998, le demandeur a été accusé d"agression armée en vertu de l"alinéa 267a ) du Code. Cette accusation est encore pendante devant les tribunaux.

[19]      En réponse aux objections du demandeur, CIC a modifié l"avis d"intention relatif à l"avis prévu au paragraphe 70(5) et a de nouveau signifié l"avis au demandeur le 23 avril 1998. L"avocat du demandeur a présenté des observations sur ce point le 19 mai 1998.

[20]      Le 23 juin 1998, le représentant du ministre a conclu que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada conformément au paragraphe 70(5) de la Loi. Le demandeur présente une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision dans le dossier IMM-3453-98.

[21]      Le 9 juillet 1998, CIC a signifié au demandeur un document l"informant qu"il serait renvoyé du Canada le 10 août 1998. Le demandeur présente une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision dans le dossier IMM-3737-98.

[22]      Le 15 juillet 1998, l"avocat du demandeur a transmis à la SAI des observations dans lesquelles il soutenait que la SAI avait encore la compétence voulue pour examiner l"appel qu"il avait interjeté à l"égard de la décision rendue en vertu du paragraphe 70(5).

[23]      Le 21 juillet 1998, le demandeur ne s"est pas présenté à l"entrevue relative au renvoi tel qu"il avait été prévu. Le 28 juillet 1998, il ne s"est pas non plus présenté comme il était tenu de le faire en vertu des conditions de la mise en liberté accordée le 15 janvier 1998. Toutefois, il s"est présenté le 29 juillet 1998.

[24]      Depuis 1993, le demandeur cohabite avec une citoyenne canadienne avec qui il a eu deux enfants. Maya Davina Portillo (Maya) est née le 30 mai 1996 et Sophanna Issac Portillo (Emilio) est né le 18 septembre 1997.

[25]      Le 12 mars 1997, la Cour provinciale de la Colombie-Britannique a ordonné que le demandeur se voie accorder la garde de Maya, et le 6 novembre 1997, le demandeur a obtenu la garde provisoire unique et entière d"Emilio.

[26]      Le 30 octobre 1997, la Cour provinciale de la Colombie-Britannique a ordonné qu"Emilio soit placé dans un foyer du ministère et que le demandeur se voie accorder des droits de visite raisonnables. Le 29 janvier 1998, la durée de cette ordonnance a été prorogée pour six mois. La durée de l"ordonnance a de nouveau été prorogée pour trois mois le 30 juillet 1998. Le demandeur visite apparemment Emilio environ deux fois par semaine.

[27]      À l"heure actuelle, le demandeur n"est pas sous garde. Il habite avec sa fille, Maya, depuis qu"il a été mis en liberté le 15 janvier 1998.

[28]      Étant donné que le juge Gibson a accordé l"autorisation le 24 août 1998, à l"égard du contrôle judiciaire dans le dossier IMM-337-98, le défendeur a concédé qu"il existait une question grave à trancher. Les avocats des deux parties ont donc limité leurs observations aux questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients.

[29]      En ce qui concerne la question du préjudice irréparable, le demandeur a soutenu qu"il risque sérieusement d"être torturé ou exécuté par les escadrons de la mort s"il retourne au Salvador. Toutefois, il n"a présenté aucun élément de preuve à l"appui de cette assertion, et il n"a pas non plus traité de la conclusion de la SSR selon laquelle il ne risquait pas raisonnablement d"être persécuté au Salvador.

[30]      En ce qui concerne le préjudice irréparable, le demandeur a principalement soutenu que sa famille serait séparée d"une façon irrévocable s"il était expulsé. Il maintient que, même s"il a la garde unique et entière de Maya et d"Emilio, il ne pourra pas amener les enfants avec lui au Salvador. Le demandeur a présenté une lettre datée du 17 mars 1998 dans laquelle Jake Malone, travailleur social au Ministry for Children and Families de la Colombie-Britannique (le ministère), déclare que si le demandeur était expulsé, Emilio devrait continuer à être sous les soins du ministère indéfiniment pour être éventuellement adopté. La lettre dit également que le ministère exigerait un plan de protection qu"il devrait approuver avant que Maya soit autorisée à accompagner le demandeur au Salvador.

[31]      Les avis sont partagés en ce qui concerne la question de savoir si la séparation familiale à elle seule constitue un préjudice irréparable aux fins de l"octroi d"un sursis d"exécution d"une mesure de renvoi du Canada. Dans la décision Duve c. MCI , [1996] A.C.F. no 387 [Q.L.] (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge McKeown a statué que la séparation familiale ne constitue pas à elle seule un préjudice irréparable, et ce, pour les raisons suivantes (par. [4]) :

     Je suis d'accord avec l'interprétation que le juge Simpson donne aux termes préjudice irréparable dans la décision Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995), 92 F.T.R. 107 (C.F. 1re inst.), no du greffe IMM-346-95, ordonnance du 14 mars 1995:         
         Dans l'affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d'une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant. Le critère est très exigeant et j'admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ.                         
     En l'espèce, la preuve a fait ressortir les difficultés regrettables liées à la séparation familiale qui surviendra probablement si le requérant est expulsé, mais il n'y a aucun élément de preuve établissant que la vie ou la sécurité du requérant seraient mises en péril s'il était renvoyé aux îles Fiji.         
     Par conséquent, il n'y a aucun préjudice irréparable de nature à justifier un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion.         

[32]      L"avis exprimé par le juge McKeown n"a pas été adopté dans d"autres décisions, notamment dans la décision Calabrese c. MCI , [1996] A.C.F. no 723 [Q.L.] (C.F. 1re inst.), où Monsieur le juge Gibson a statué que la perte de l"appui communautaire aux fins de la réadaptation de M. Calabrese constituerait un préjudice irréparable. Dans la décision Al Yamani v. Canada (1994), 27 Imm. L.R. (2d) 116 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge MacKay a conclu que le demandeur, qui subvenait aux besoins de sa femme et de son enfant, et dont l"enfant avait de graves problèmes de santé, subirait un préjudice irréparable si le sursis n"était pas accordé. Voir également : Toth v. M.E.I. (1988), 6 Imm. L.R. (2d) (C.A.F.), juge Heald; Muncan c. Canada (MCI), [1998] A.C.F. no 248 [Q.L.] (C.F. 1re inst.), juge Campbell; Ponnampalan v. M.C.I. (1995) 30 Imm. L.R. (2d) 178 (C.F. 1re inst.), juge Muldoon.

[33]      Compte tenu de la preuve présentée en l"espèce, il y a plusieurs circonstances dont le demandeur n"a pas traité d"une façon satisfaisante. Le défendeur a déposé l"affidavit de Marc Towaij, agent chargé du renvoi, CIC Vancouver. M. Towaij a déclaré qu"après avoir examiné le contenu de l"affidavit de M. Malone, il a transmis l"affidavit à Jaime Martinez, superviseur du Child Protection Family Services Office , Ministry of Child, Family and Community Services, qui est le superviseur direct de M. Malone. Après avoir examiné le contenu de l"affidavit de M. Malone et en avoir discuté avec son superviseur direct et le gestionnaire du réseau, Jaime Martinez a déclaré ceci à l"alinéa 28a ) au sujet de l"affidavit de M. Towaij :

     [TRADUCTION]         
     a) sans faire de déclaration au sujet de l"exactitude du contenu de l"affidavit [de M. Malone], il y a quelque chose que Jake Malone a fait sans consulter M. Martinez, ou sans recevoir d"instructions ou une confirmation de sa part, en sa qualité de superviseur direct de M. Malone, et sans consulter d"autres fonctionnaires du ministère ou sans recevoir d"instructions ou une confirmation de leur part, et à coup sûr, aucun d"entre eux n"aurait autorisé la chose. L"affidavit ne devrait pas être interprété comme ayant l"appui du ministère.         

[34]      Le défendeur affirme que l"avis de M. Malone, en ce qui concerne les mesures que le ministère prendra à l"égard de Maya et d"Emilio si le demandeur est expulsé, est donc sujet à caution.


[35]      Le défendeur a également soutenu que le demandeur dispose de certains choix à l"égard de la garde de Maya s"il est renvoyé au Salvador. Voici ce que M. Martinez a dit aux alinéas 28g ) et h) :

     [TRADUCTION]         
     g)      [...] si le demandeur est renvoyé au Salvador, Emilio deviendrait probablement en permanence un pupille du ministère et diverses possibilités, en ce qui concerne les soins, seraient étudiées. La première solution serait de confier Emilio à des membres de la famille, et notamment au demandeur, soit au Canada, soit au Salvador. Si cela n"est pas approprié, le ministre songerait à placer Emilio en vue de son adoption ou à le placer en permanence dans une famille d"accueil;         
     h)      [...] si le demandeur est renvoyé du Canada, le ministère lui enlèvera la garde de Maya, en vertu de la clause 30, conformément à l"article 13 de la CF & CSA . Le ministère déterminera alors si un plan de protection est en place, de façon que Maya puisse vivre en sécurité avec le demandeur au Salvador. À cette fin, les services sociaux au Salvador seraient consultés. Si la chose n"est pas réalisable, le ministère envisagerait la possibilité de confier Maya à d"autres membres de la famille, au Canada ou au Salvador. Le placement de Maya chez un membre de la famille (y compris le demandeur) est la meilleure solution. Il serait également possible de placer l"enfant dans une famille d"accueil et peut-être de la placer en vue de son adoption.         

[36]      Si le demandeur est renvoyé au Salvador, il disposera donc d"un certain nombre de choix en ce qui concerne les deux enfants. Son renvoi ne causera donc pas automatiquement la séparation irrévocable de sa famille. Si le demandeur est renvoyé au Salvador, les enfants seront probablement sous les soins du ministère, comme Emilio l"est déjà.

[37]      Le demandeur n"a pas établi que son expulsion lui causera un préjudice irréparable puisque sa famille sera séparée.

[38]      Le demandeur a invoqué un argument secondaire, à savoir que s"il est expulsé, la SAI n"aura plus compétence pour connaître de l"appel et partant qu"il subira un préjudice irréparable. Le demandeur allègue qu"il perdra le droit d"en appeler pour le motif qu"une fois qu"il aura été expulsé, la SAI n"aura plus compétence pour rouvrir l"appel : MCI c. Binns , [1996] A.C.F. no 1470 [Q.L.] (C.F. 1re inst.); Ramkisson v. M.M.I. (1997), 82 D.L.R. 406 (C.A.F.). Toutefois, le défendeur a soutenu que la SAI n"a plus compétence pour connaître de l"appel une fois que le ministre a décidé que le demandeur constitue un danger conformément au paragraphe 70(5) de la Loi , qui est ainsi libellé :

     70. (5) Ne peuvent faire appel devant la section d"appel les personnes visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a ) ou b), qui, selon la décision d"un arbitre :         
         a) appartiennent à l"une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c ), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;             
         b) relèvent du cas visé à l"alinéa 27(1)a .1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;             
         c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d"une loi fédérale d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l"alinéa 27(1)d ) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.             

[39]      Le demandeur affirme que le paragraphe 70(5) ne s"applique pas dans son cas parce que l"audition de l"appel a commencé avant l"entrée en vigueur du paragraphe 70(5).

[40]      Le paragraphe 70(5) est entré en vigueur le 10 juillet 1995 en vertu de la Loi modifiant la Loi sur l"immigration et la Loi sur la citoyenneté et modifiant la Loi sur les douanes en conséquence, L.C. 1995, ch. 15 (la Loi modificatrice). Le législateur a prévu l"application du paragraphe 70(5) pendant une période de transition, au paragraphe 13(4) de la Loi modificatrice , qui est ainsi libellé :

     13.(4) Subsection 70(5) of the Act, as enacted by subsection (3), applies to an appeal that has been made on or before the coming into force of that subsection and in respect of which the hearing has not been commenced, but a person who has made such an appeal may, within fifteen days after the person had been notified that, in the opinion of the Minister, the person constitutes a danger to the public in Canada, make an application for judicial review under section 82.1 of the Act with respect to the deportation order or conditional deportation order referred to in subsection 70(5).         
                         * * *
         13.(4) Le paragraphe 70(5) de la même loi, édicté par le paragraphe (3), s"applique aux appels interjetés dans le cadre de l"article 70 dont l"audition n"est pas commencée à la date de son entrée en vigueur; cependant, toute personne visée peut, dans les quinze jours suivant la date à laquelle elle est avisée que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada, présenter une demande de contrôle judiciaire, dans le cadre de l"article 82.1, à l"égard de la mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel.

[41]      Dans l"arrêt Tsang v. Canada (M.C.I.) (1997), 37 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.), Monsieur le juge Marceau a examiné la question par rapport aux dispositions transitoires de la Loi modificatrice; il s"est demandé si, lorsqu"un répondant interjette appel avant le 10 juillet 1995 devant la SAI à l"égard d"une personne parrainée qui n"est pas admissible en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi , et que l"audience commence après le 10 juillet 1995, la décision du ministre, selon laquelle le demandeur constitue un danger pour le public, a pour effet d"éteindre le droit d"appel du répondant. Le juge Marceau a répondu par l"affirmative. C"est donc la date à laquelle l"audience commence, plutôt que la date à laquelle l"appel est interjeté, qui permet de savoir si le paragraphe 70(5) s"applique de façon à éteindre le droit d"appel.

[42]      Par conséquent, compte tenu de l"arrêt Tsang , lorsqu"il est conclu en vertu du paragraphe 70(5) que le demandeur constitue un danger, le demandeur n"aura plus le droit d"en appeler devant la SAI si l"audience n"a pas commencé avant le 10 juillet 1995.

[43]      Si le demandeur réussit à établir que l"audition de l"appel a commencé avant le 10 juillet 1995, la SAI continuera à avoir pleinement compétence en equity . S"il ne réussit pas à le faire, l"arrêt Tang s"applique et le demandeur perd son droit d"appel. Dans un cas comme dans l"autre, la mesure d"expulsion ne causera pas de préjudice irréparable.

[44]      Je conclus que le demandeur n"a pas réussi à établir l"existence d"un préjudice irréparable dans ce cas-ci.

[45]      Cela étant, et compte tenu de l"article 48 de la Loi , la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

[46]      La requête est donc rejetée.


" J. Richard "    

Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 7 août 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :              IMM-337-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      JORGE ALBERTO PORTILLO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA ET VANCOUVER PAR TÉLÉCONFÉRENCE
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 5 AOÛT 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT EN DATE DU 7 AOÛT 1998

ONT COMPARU :

SHANE MOLYNEAUX              POUR LE DEMANDEUR
LEIGH A. TAYLOR              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McPHERSON, ELGIN & CANNON      POUR LE DEMANDEUR

VANCOUVER (C.-B.)

MORRIS ROSENBERG              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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