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Date : 20040924

Dossier : T-2311-00

Référence : 2004 CF 1312

ENTRE :

                                                          OCTAVIE CALLIHOO

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                                                                                                           

                                                                                                                                                           

                                                                            et

                                  SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                                représentée par

                                      LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

                                                      ET DU NORD CANADIEN

                                                                                                                                        défenderesse

                                                                                                                                                           

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                      (Prononcés à l'audience à Calgary (Alberta), le 23 septembre 2004)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                D'après mon interprétation de la présente affaire, il n'est pas nécessaire que j'examine la requête présentée par la défenderesse en vue d'obtenir la radiation de certains paragraphes de l'affidavit de la demanderesse et je ne le ferai pas.


[2]                La défenderesse a demandé un jugement sommaire ainsi que la radiation de la déclaration et je pense que je préfère considérer qu'il s'agit d'une requête en jugement sommaire parce que les deux parties ont produit une preuve par affidavits que, normalement, notre Cour ne pourrait pas admettre ni examiner sur présentation d'une simple requête en radiation.

[3]                À mon avis, la requête de la défenderesse soulève une pure question de droit et de compétence qui peut être rapidement tranchée à partir des documents dont j'ai été saisi et au sujet de laquelle il faut conclure que notre Cour ne peut pas exercer sa compétence. L'action vise à obtenir un jugement déclaratoire portant principalement que la demanderesse est une Indienne inscrite et a le droit d'être inscrite comme telle.

[4]                Elle vise par conséquent à obtenir une déclaration portant que certaines dispositions de Loi sur les Indiens de 1985 ne sont pas conformes à la Charte mais ce redressement, je le répète, dépend essentiellement du principal objectif de l'action qui est d'obtenir un jugement déclaratoire portant que la demanderesse est une Indienne.

[5]                La demanderesse a été inscrite pour la première fois comme Indienne peu de temps après l'entrée en vigueur des modifications apportées à la Loi sur les Indiens en 1985.      

[6]                Environ dix ans plus tard, soit en septembre 1998, le registraire a écrit à la demanderesse pour lui indiquer son intention de retrancher son nom du registre en raison de certains renseignements qui avaient été portés à son attention. En réponse à cette lettre, la demanderesse a fait parvenir au registraire au début de décembre 1998 une lettre de son fils dans laquelle ce dernier attirait l'attention du registraire sur certains faits et indiquait qu'il estimait que sa mère devrait continuer d'être inscrite au registre. La lettre ne précise pas qu'il s'agit d'une protestation formulée en vertu de la Loi.

[7]                En février 1999, le registraire a retranché le nom de la demanderesse du registre et en a informé celle-ci par écrit tout en lui indiquant qu'elle avait le droit de formuler une protestation contre le retranchement de son nom et en précisant comment elle devait s'y prendre.

[8]                Un peu plus tard, soit en mars 1999, l'avocat de la demanderesse a écrit au registraire pour lui faire part de son intention de déposer une protestation, mais il ne l'a jamais fait. La présente action a été engagée par le dépôt d'une déclaration en décembre 2000. Ni la déclaration, ni la déclaration amendée ultérieure ne font état d'une protestation.

[9]                Il convient de souligner que la défense déposée au début de 2001 attire l'attention sur le fait qu'aucune protestation n'a été formulée et qu'au moment où ce document a été signifié, la demanderesse aurait encore pu déposer à temps une protestation.

[10]            Les articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens prévoient ce qui suit :

Protestations

14.2(1) Une protestation peut être formulée, par avis écrit au registraire renfermant un bref exposé des motifs

écrit au registraire renfermant un bref exposé des motifs invoqués, contre l'inclusion ou l'addition du nom d'une personne dans le registre des Indiens ou une liste de bande tenue au ministère ou contre l'omission ou le retranchement de son nom de ce registre ou d'une telle liste dans les trois ans suivant soit l'inclusion ou l'addition, soit l'omission ou le retranchement.

Protests

      14.2 (1) A protest may be made in respect of the inclusion or addition of the name of a person in, or the omission or deletion of the name of a person from, the Indian Register, or a Band List maintained in the Department, within three years after the inclusion or addition, or omission or deletion, as the case may be, by notice in writing to the Registrar, containing a brief statement of the grounds therefor.



Protestation relative à la liste de bande

      (2) Une protestation peut être formulée en vertu du présent article à l'égard d'une liste de bande par le conseil de cette bande, un membre de celle-ci ou la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant.

Protestation relative au registre des

Indiens

      (3) Une protestation peut être formulée en vertu du présent article à l'égard du registre des Indiens par la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant.

Charge de la preuve

      (4) La personne qui formule la protestation prévue au présent article a la charge d'en prouver le bien-fondé.

Le registraire fait tenir une enquête

      (5) Lorsqu'une protestation lui est adressée en vertu du présent article, le registraire fait tenir une enquête sur la question et rend une décision.

Preuve

      (6) Pour l'application du présent article, le registraire peut recevoir toute preuve présentée sous serment, par affidavit ou autrement, si celui-ci, à son appréciation, l'estime indiquée ou équitable, que cette preuve soit ou non admissible devant les tribunaux.

Décision finale       (7) Sous réserve de l'article 14.3, la décision du registraire visée au paragraphe (5) est définitive et sans appel.

L.R.C. 1985, ch. 32 (1er suppl.), art. 4.

Protest in respect of Band List          

      (2) A protest may be made under this section in respect of the Band List of a band by the council of the band, any member of the band or the person in respect of whose name the protest is made or that person's representative.

Protest in respect of Indian Register

      (3) A protest may be made under this section in respect of the Indian Register by the person in respect of whose name the protest is made or that person's representative.

Onus of proof

      (4) The onus of establishing the grounds of a protest under this section lies on the person making the protest.

Registrar to cause investigation

      (5) Where a protest is made to the Registrar under this section, the Registrar shall cause an investigation to be made into the matter and render a decision.

Evidence

      (6) For the purposes of this section, the Registrar may receive such evidence on oath, on affidavit or in any other manner, whether or not admissible in a court of law, as the Registrar, in his discretion, sees fit or deems just.

Decision final       (7) Subject to section 14.3, the decision of the Registrar under subsection (5) is final and conclusive.

R.S.C. 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4.



Appel

      14.3 (1) Dans les six mois suivant la date de la décision du registraire sur une protestation prévue à l'article 14.2, peuvent, par avis écrit, en interjeter appel devant le tribunal visé au paragraphe (5):

a) s'il s'agit d'une protestation formulée à l'égard d'une liste de bande, le conseil de la bande, la personne qui a formulé la protestation ou la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant;

b) s'il s'agit d'une protestation formulée à l'égard du registre des Indiens, la personne dont le nom a fait l'objet de la protestation ou son représentant.

Copie de l'avis d'appel au registraire                                

    (2) Lorsqu'il est interjeté appel en vertu du présent article, l'appelant transmet sans délai au registraire une copie de l'avis d'appel.

Documents à déposer par le registraire

      (3) Sur réception de la copie de l'avis d'appel prévu au paragraphe (2), le registraire dépose sans délai au tribunal une copie de la décision en appel, toute la preuve documentaire prise en compte pour la décision, ainsi que l'enregistrement ou la transcription des débats devant le registraire.

Décision

      (4) Le tribunal peut, à l'issue de l'audition de l'appel prévu au présent article:

a) soit confirmer, modifier ou renverser la décision du registraire;

b) soit renvoyer la question en appel au registraire pour réexamen ou nouvelle enquête.

Tribunal

(5) L'appel prévu au présent article peut être entendu:

a) dans la province de Québec, par la Cour supérieure du district où la bande est située ou dans lequel réside la personne qui a formulé la protestation, ou de tel autre district désigné par le ministre;

a..1) dans la province d'Ontario, par la Cour supérieure de justice;

b) dans la province du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan ou d'Alberta, par la Cour du Banc de la Reine;c) dans les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, par la Section de première instance de la Cour suprême;

c.1)

[Abrogé, 1992, ch. 51, art. 54]

d) dans les provinces de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie- Britannique, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, par la Cour suprême;

e) au Nunavut, par la Cour de justice.

Appeal

      14.3 (1) Within six months after the Registrar renders a decision on a protest under section 14.2,

(a) in the case of a protest in respect of the Band List of a band, the council of the band, the person by whom the protest was made, or the person in respect of whose name the protest was made or that person's representative, or

(b) in the case of a protest in respect of the Indian Register, the person in respect of whose name the protest was made or that person's representative,

may, by notice in writing, appeal the decision to a court referred to in subsection (5).

Copy of notice of appeal to the

Registrar

      (2) Where an appeal is taken under this section, the person who takes the appeal shall forthwith provide the Registrar with a copy of the notice of appeal.

Material to be filed with the court by

Registrar

      (3) On receipt of a copy of a notice of appeal under subsection (2), the Registrar shall forthwith file with the court a copy of the decision being appealed together with all documentary evidence considered in arriving at that decision and any recording or transcript of any oral proceedings related thereto that were held before the Registrar.

Decision

      (4) The court may, after hearing an appeal under this section,

(a) affirm, vary or reverse the decision of the Registrar; or

(b) refer the subject-matter of the appeal back to the Registrar for reconsideration or further investigation.

Court

(5) An appeal may be heard under this section

(a) in the Province of Quebec, before the Superior Court for the district in which the band is situated or in which the person who made the protest resides, or for such other district as the Minister may designate;

(a.1) in the Province of Ontario, before the Superior Court of Justice;

(b) in the Province of New Brunswick, Manitoba, Saskatchewan or Alberta, before the Court of Queen's Bench;

(c) in the Province of Prince Edward Island or Newfoundland, before the Trial Division of the Supreme Court;

(c.1)

[Repealed, 1992, c. 51, s. 54]

(d) in the Province of Nova Scotia or British Columbia, in Yukon or in the Northwest Territories, before the Supreme Court; or

e) in Nunavut, before the Nunavut Court of Justice.


[11]            À mon avis, les articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens renferment un code exhaustif régissant la détermination des questions concernant le statut d'Indien dans un cas comme l'espèce. Ils prévoient qu'une protestation peut être formulée à l'encontre de la décision du registraire. Cette protestation est adressée au registraire qui doit faire tenir une enquête. Une fois que le registraire a rendu sa décision sur la protestation, il existe un droit d'appel devant une cour supérieure provinciale. Ce droit d'appel est crucial.

[12]            Tout d'abord, j'estime qu'il exclut la compétence de notre Cour en l'espèce. Il a été décidé dans des jugements antérieurs que notre Cour pouvait rendre des jugements déclaratoires concernant le statut d'Indien en vertu des dispositions antérieures de la Loi sur les Indiens, mais il faut rappeler que, depuis ce temps, la Loi sur les Cours fédérales a été modifiée et qu'en ce qui concerne les cas de demandes de réparation contre la Couronne pour lesquelles notre Cour avait auparavant compétence exclusive, cette compétence est maintenant concurrente et, ce qui est plus important, la Cour ne peut plus intervenir dans les cas où cette compétence est conférée aux cours supérieures des provinces.

[13]            Le paragraphe 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit :



Incompétence de la Cour fédérale

      (6) Elle n'a pas compétence dans les cas où une loi fédérale donne compétence à un tribunal constitué ou maintenu sous le régime d'une loi provinciale sans prévoir expressément la compétence de la Cour fédérale.

Federal Court has no jurisdiction                           

      (6) If an Act of Parliament confers jurisdiction in respect of a matter on a court constituted or established by or under a law of a province, the Federal Court has no jurisdiction to entertain any proceeding in respect of the same matter unless the Act expressly confers that jurisdiction on that court.


[14]            C'est exactement le cas en l'espèce. Le paragraphe 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales a pour effet de retirer à la Cour sa compétence dans les circonstances visées par les articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens. Il s'agit, je le répète, d'un code exhaustif de procédure permettant de formuler une protestation à l'encontre de la décision du registraire et d'obtenir une décision subsidiaire sur le droit d'une personne au statut d'Indien dans des circonstances comme celles dont il est question en l'espèce.

[15]            Je n'ai pas à examiner, et je ne le ferai pas, d'autres situations hypothétiques éventuelles où il n'y a pas de décision de la part du registraire. Mais, dans les circonstances de l'espèce, j'estime que la demanderesse était tenue de suivre la procédure prévue aux articles 14.2 et 14.3 de Loi sur les Indiens.


[16]            Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'examiner la question qui a été débattue assez longuement, savoir s'il s'agit ou non d'une réparation appropriée. Je dirais qu'à première vue on peut considérer que toute disposition qui prévoit un recours devant les cours supérieures des provinces et éventuellement devant la Cour suprême du Canada s'il y a lieu représente une réparation appropriée. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller aussi loin. Je crois qu'il suffit d'affirmer que la compétence de notre Cour est exclue en l'espèce par l'application de l'article 17.6 de la Loi sur les Cours fédérales. Et la réparation qui est prévue, savoir un recours devant une cour supérieure provinciale, donne à la demanderesse la possibilité de faire valoir devant l'instance compétente tous ses arguments qu'ils soient fondés sur la Constitution, sur la Charte ou sur d'autre lois. J'estime qu'il est malheureux que la demanderesse n'ait pas suivi, pour une raison ou une autre, la procédure qui était prévue pour elle dans la Loi.

[17]            En conséquence, je conclus que notre Cour n'a pas compétence pour connaître de la présente action et celle-ci est rejetée, la requête en jugement sommaire étant par conséquent accueillie.

[18]            La demanderesse étant une dame assez âgée disposant de moyens financiers limités, je ne crois pas qu'il y a lieu de rendre une ordonnance quant aux dépens.

                                                                                                                         « James K. Hugessen »   

JUGE         

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2311-00

INTITULÉ :                                       OCTAVIE CALLIHOO

                                                                                                                                        demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA représentée par

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

                                                                                                                                          défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 24 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                       Le 24 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Ranji Jeerakathil                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Kevin P. Kimmis

Dale Slaferek                                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ackroyd, Piasta, Roth & Day

Edmonton (Alberta)                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                              POUR LA DÉFENDERESSE


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