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     Date: 19980126

     No du greffe: IMM-4760-96

ENTRE

     TEWG, JUN-YEN,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

Il est fait droit à la demande. Un agent des visas différent réexaminera la demande que le requérant a présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement en vue de déterminer s'il existe des raisons d'ordre humanitaire permettant d'accorder une dispense en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. En rendant sa décision, l'agent des visas examinera la question de savoir si le requérant satisfait aux exigences de la ligne directrice relative aux derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger.

         "P. Rouleau"

        

         Juge

OTTAWA (Ontario),

le 26 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date: 19980126

     No du greffe: IMM-4760-96

ENTRE

     TEWG, JUN-YEN,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU :

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un agent des visas a refusé la demande que le requérant avait présentée en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada.

[2]      Le requérant, qui est né à Taïwan le 13 novembre 1970, a été inclus à titre de personne à charge accompagnant sa mère dans la demande de résidence permanente que cette dernière avait présentée le 17 décembre 1991. Le requérant avait plus de 19 ans au moment où la demande a été présentée, mais il a été inclus à titre de "fils à charge" au sens du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration , C.R.C., ch. 940, 1978 :

     "fils à charge" Fils :         
         [...]         
         b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :         
             (i) d'une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage,         
             (ii) d'autre part, selon un agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage;         

[3]      Le requérant a commencé ses études universitaires en 1989 et il les a abandonnées du mois de septembre 1989 au mois de juillet 1990. En septembre 1990, il est retourné à l'université où il a étudié jusqu'au mois d'août 1992. Entre le 16 mars 1993 et le 29 janvier 1995, le requérant a effectué son service militaire obligatoire. Il est retourné étudier à plein temps à l'université en février 1995.

[4]      Par une lettre datée du 20 mai 1993, la mère du requérant a été informée qu'il était impossible de délivrer un visa au requérant puisqu'il ne détenait pas de passeport valide. Étant donné que le requérant ne pouvait pas obtenir un passeport tant qu'il n'avait pas accompli son service militaire obligatoire, on a demandé à sa mère si elle voulait qu'un visa lui soit délivré ainsi qu'aux autres membres de sa famille, à l'exception du requérant. La mère a en outre été informée que le requérant pouvait de nouveau demander la résidence permanente après avoir accompli son service militaire, mais qu'on ne pouvait pas garantir qu'il satisferait alors aux critères de sélection. Par une lettre datée du 13 juillet 1993, la mère du requérant a demandé qu'on continue à traiter sa demande sans inclure le requérant. Le 19 juillet 1993, la mère du requérant a obtenu un visa et elle est entrée au Canada avec son mari et son fils cadet le 10 octobre 1993.

[5]      Après avoir terminé son service militaire, le requérant a présenté une demande de résidence permanente et il a eu une entrevue avec un agent des visas, Angela Gawel, le 11 décembre 1995. Par une lettre datée du 20 septembre 1996, le requérant a été informé qu'on ne pouvait pas alors traiter son cas à titre de personne à charge dans le cadre de la demande initiale de résidence permanente que sa mère avait présentée et que la seule catégorie à l'égard de laquelle sa demande pouvait être examinée était celle de parent aidé. Le requérant n'a pas obtenu un nombre suffisant de points d'appréciation en vertu de l'alinéa 10(1)b.1) du Règlement sur l'immigration pour être admissible à titre de parent aidé. En outre, l'agent des visas a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour permettre d'accorder une dispense en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. La demande que le requérant avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement a donc été rejetée.

[6]      Le requérant sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision qui a été prise de rejeter la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement pour le motif que l'agent des visas a commis une erreur en interprétant et en appliquant la Loi sur l'immigration et son règlement d'application et qu'il a limité son pouvoir discrétionnaire en évaluant la demande tant à l'égard de la catégorie "parent aidé" qu'en vertu de la dispense relative aux raisons d'ordre humanitaire.

[7]      Je suis convaincu, pour les motifs énoncés dans le jugement Chen, Chih-Kai c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada, IMM-461-96, 20 juin 1997, que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il était impossible d'évaluer la demande du requérant à titre de "fils à charge" dans le cadre de la demande que la mère avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement. Le requérant a cessé d'être un "fils à charge" lorsque ses études ont été interrompues pour une période de deux ans.

[8]      Toutefois, je suis convaincu que l'agent des visas a commis une erreur lorsqu'il s'est demandé s'il existait suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour qu'il soit possible d'accorder une dispense au requérant en vertu du paragraphe 114(2). La chose n'était pas précisée dans la lettre par laquelle le requérant a été informé du rejet de sa demande de résidence permanente, mais dans son affidavit, l'agent des visas déclare s'être demandé s'il était possible de tenir compte du cas du requérant d'une façon favorable en vertu de la ligne directrice relative aux derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger. Cette ligne directrice a pour objet :

     d'indiquer une façon de procéder en vertu de laquelle le cas des personnes qui sont, à toutes fins pratiques, à la charge de leurs parents au Canada, peut être traité au même titre que celui des membres de la famille accompagnant le requérant principal, même si ces personnes ne sont pas proprement dites des membres de la catégorie de la famille, selon la définition qu'en donne le Règlement. Certains cas pourront être étudiés au moment où immigre la cellule familiale, ou par la suite. [Je souligne.]         

[9]      Cette ligne directrice s'applique aux membres d'une famille qui sont des étudiants "dépassant l'âge limite" s'ils démontrent qu'ils continuent à être à la charge de leurs parents au Canada sur le plan financier et émotionnel.

[10]      Il ressort clairement de l'affidavit de l'agent des visas et de la transcription de son contre-interrogatoire, que celui-ci a conclu que le cas du requérant ne pouvait pas être pris en considération d'une façon favorable en vertu de la ligne directrice relative aux derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger, et ce, pour deux raisons : en premier lieu, étant donné que les parents du requérant avaient décidé de venir au Canada sans lui, le requérant ne pouvait pas démontrer qu'il était à leur charge sur le plan émotionnel et, en second lieu, le fait que le requérant avait effectué son service militaire obligatoire pendant deux ans l'empêchait d'être à la charge de ses parents au Canada sur le plan financier et émotionnel.

[11]      Le fait que les parents du requérant sont partis sans lui est une considération non pertinente. En fait, comme le dit le passage souligné ci-dessus : "Certains cas pourront être étudiés au moment où immigre la cellule familiale, ou par la suite." Si la prémisse sur laquelle l'agent des visas s'est fondé est retenue, la ligne directrice ne pourrait jamais s'appliquer au requérant dont le cas est examiné après la migration de la cellule familiale. Cette conclusion est clairement contraire à la politique énoncée. L'agent des visas était obligé de tenir compte des circonstances particulières qui s'appliquaient au cas du requérant dans leur ensemble et de déterminer si le requérant était de fait à la charge de sa famille sur le plan émotionnel.

[12]      De même, il ressort clairement de la transcription du contre-interrogatoire de l'agent des visas que ce dernier ne s'est pas demandé si le requérant était à la charge de ses parents sur le plan financier. L'agent s'est plutôt fondé sur l'hypothèse selon laquelle les deux années de service militaire obligatoire empêchaient le requérant d'être à la charge de ses parents sur le plan financier ou émotionnel. L'agent des visas était obligé de tenir compte de toutes les circonstances de nature financière et de se fonder sur ces circonstances pour déterminer si le requérant était à la charge de ses parents sur le plan financier.

[13]      Par conséquent, il est fait droit à la demande. Un agent des visas différent réexaminera la demande que le requérant a présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement afin de déterminer s'il existe des raisons d'ordre humanitaire permettant d'accorder une dispense à ce dernier en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. En rendant sa décision, l'agent des visas se demandera si le requérant satisfait aux exigences de la ligne directrice relative aux derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger.

                                 "P. Rouleau"

                                

                                         Juge

OTTAWA (Ontario),

le 26 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :      IMM-4760-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      TEWG, Jun-Yen c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 27 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      du juge Rouleau

en date du      26 janvier 1998

ONT COMPARU :

Wm. Melvin Weigel      POUR LE REQUÉRANT

Caroline Doyon      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

WM. Melvin Weigel      POUR LE REQUÉRANT

Montréal (Québec)

George Thomson      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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