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     T-502-96

ENTRE

     SYNDICAT DES JOURNALISTES

     DE RADIO-CANADA (CSN),

     Requérant,

     - et -

     LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA,

     Intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

     Il s'agit en l'espèce d'un appel basé sur la règle 336(5) des Règles de la Cour fédérale, de la décision rendue le 27 septembre 1996 par Me Richard Morneau, protonotaire. Cet appel a été entendu conjointement avec deux autres appels de décisions semblables du même protonotaire, rendues le même jour, dans les dossiers T-949-96 et T-1369-96. Les présents motifs doivent donc s'appliquer mutatis mutandis à l'appui de mes ordonnances rendues ce jour en regard de ces deux autres appels.

     La seule question à résoudre est celle de savoir si le protonotaire a eu tort de refuser au Procureur général du Canada et à l'office fédéral concerné la désignation formelle de "mis-en-cause" dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire faite par le requérant.

     On n'a porté à mon attention aucune disposition législative ni aucune règle de cette Cour qui aurait pu justifier le protonotaire d'obtempérer à la demande de désignation formelle de "mis-en-cause", que ce soit pour le Procureur général du Canada ou un office fédéral. C'est avec beaucoup d'à-propos, d'ailleurs, que le protonotaire a exprimé:

         A mon avis, la partie V.I des règles (les règles 1600 à 1620) - qui furent décrites comme un code de règles en soi (voir l'affaire Frank Bernard, supra, p. 460, note en bas de page 24) - non seulement ne prévoit pas cette institution, mais ses règles 1604 et 1611 - qui se doivent d'être lues ensemble - disposent de façon exhaustive du rôle que les rédacteurs des règles entendaient faire jouer au Procureur général du Canada et à l'office fédéral dans le cadre de toute demande de contrôle judiciaire lorsqu'à bon titre le Procureur général n'est pas soit requérant, soit intimé1.                 

     Les règles 1604 et 1611 des Règles de la Cour Fédérale se lisent comme suit:

             1604.      (1) L'avis de requête, les affidavits de la partie requérante et ceux de la partie intimée sont signifiés:                 

             (a)      aux autres parties;

             (b)      à l'office fédéral visé par la demande;

             (c)      à toute personne intéressée, sauf ordonnance contraire de la Cour.

             (2) La partie requérante signifie une copie de la requête au procureur général du Canada si ce dernier n'a pas reçu de copie conformément à l'alinéa (1).                 
             (3) La preuve de signification des avis de requête et des affidavits visés aux paragraphes (1) et (2) est déposée sans délai après la signification.                 
             1611.      (1) Quiconque, y compris l'office fédéral dont la décision fait l'objet de la demande de contrôle judiciaire, désire intervenir à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire, dépose un avis de demande d'autorisation d'intervenir et en signifie copie aux parties.                 

             (2) L'avis;

             a) indique le nom et l'adresse de l'auteur de l'avis et ceux de son avocat, le cas échéant;                     
             b) décrit la façon dont l'auteur de l'avis désire participer à l'audition;                 
             c) décrit brièvement l'intérêt de l'auteur de l'avis dans la demande;                 
             d) indique brièvement la position de l'auteur de l'avis et les observations qu'il présentera pour soutenir sa position;                 
             e) est daté et signé par son auteur ou l'avocat de celui-ci.                 
             (3) La Cour peut accorder l'autorisation d'intervenir à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire aux conditions qu'elle considère appropriées et peut donner des directives quant à la procédure à suivre lors de l'intervention, quant à sa portée, quant à la présentation et à la signification des documents et quant à toute autre question pertinente à l'intervention.                 

     On peut donc constater que ces règles prévoient la signification de toute requête en contrôle judiciaire tant à l'office fédéral visé par la demande qu'au Procureur général du Canada, leur offrant ainsi la possibilité d'intervenir.

     La règle 5 des Règles de cette Cour n'est d'aucun secours à l'appelant. Tel que mentionné dans Frank Bernard, supra, les Règles 1600 à 1620 constituent un code distinct réglant les demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu des articles 18.1 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Ces règles reconnaissent bien les statuts de partie requérante, de partie intimée et de partie intervenante, mais ne comportent rien qui puissent justifier la reconnaissance du statut de "mis-en-cause". Il n'y a donc pas de lacune dans ces règles qui donne ouverture à la détermination prévue à la règle 5.

     Quant à la tolérance passée manifestée par cette Cour en regard de la désignation formelle de "mis-en-cause", on n'a apporté à mon attention aucun cas, antérieur à la décision du protonotaire visée par le présent appel, où l'usage de cette désignation aurait été sérieusement mis en question par qui que se soit. D'ailleurs, la pratique, à cet égard n'est pas constante, certaines mises-en-cause ayant été tolérées jusqu'à la décision finale de la demande de contrôle judiciaire, d'autres, ayant été radiées à un stage plus ou moins avancé de la procédure. On ne saurait donc parlé ici de pratique cohérente et éprouvée pouvant fonder la consécration d'un statut de "mis-en-cause" que, dans la réalité, les rédacteurs de nos règles ont tout simplement ignoré et dont les droits et obligations demeurent tout à fait nébuleux. Il semblerait qu'en pratique, tant et aussi longtemps qu'une entité demeure mise-en-cause, elle bénéficie de la signification et de la communication de toute procédure, de tout affidavit, de tout document et de toute directive ou décision de la Cour, et ce, jusqu'au terme de la demande de contrôle judiciaire. Ainsi, si la tolérance passée, d'une part, à pu permettre au Procureur général du Canada, mieux informé, de retarder son intervention ou même d'y renoncer, d'autre part, elle a souvent été cause de duplication inutile et coûteuse, et ce, au profit d'entités jamais véritablement intéressées à participer au litige. Sans étude systématique des dossiers concernés et sans consultation avec tous les intéressés, il n'est pas possible de sérieusement évaluer les avantages et inconvénients de la consécration d'un statut de mis-en-cause en matière de demande de contrôle judiciaire. À mon humble avis, cette tâche, impliquant la détermination souhaitable de droits et obligations reliés à ce statut particulier, appartiendrait plutôt au compétent Comité des règles constitué sous l'autorité de l'article 45.1 de la Loi sur la Cour fédérale, si quelqu'un le satisfaisait de l'importance de considérer la question.

     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

OTTAWA (Ontario)

le 17 janvier 1997

                                

                                         JUGE


__________________

1      Voir l'arrêt Commission des droits de la personne c. Canada, [1994] 2 C.F. 447 (l'affaire Frank Bernard)

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