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Date : 20001106


Dossier : T-2492-84

ENTRE:

     COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

     Demanderesse

     - et -



     SA MAJESTÉ LA REINE

     Défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]      Il s'agit d'une requête de la demanderesse visant à faire trancher la question de l'admissibilité en preuve d'une partie d'une version expurgée d'un rapport daté du 20 juin 1984, préparé par les Forces armées canadiennes et dont l'objet est le même que celui en litige en la présente instance, à savoir les défaillances dans le maintien de la sécurité et le contrôle de l'accès aux armes et munitions de la Base militaire de Carp en 1984.



LES FAITS

[2]      Afin de faciliter le déroulement du présent dossier, les parties ont accepté la tenue d'une conférence préparatoire le 16 décembre 1999. Le 3 février 2000, la conférence préparatoire s'est continuée et il fut discuté de la simplification des questions en litige suivant la règle 263(b) des Règles de la Cour fédérale, 1998.

[3]      Le 21 mars 2000, la demanderesse a fait parvenir une lettre à la défenderesse dans laquelle la demanderesse proposait à la défenderesse deux options relativement à la possibilité d'admissions quant aux faits, en plus des admissions ressortant déjà des procédures.

[4]      La première option consistait à ce que les parties consentent à verser au dossier les témoignages des divers militaires contenus dans le Rapport d'enquête du Comité des Forces armées (le "Rapport") sur les événements du 8 mai 1984 ainsi que la transcription des témoignages rendus devant les tribunaux de juridiction criminelle du Québec.

[5]      La deuxième option consistait à ce que la défenderesse admette certains éléments factuels, dont la demanderesse faisait état dans sa lettre et qui découlaient tous directement des témoignages rendus par les militaires devant le Comité des Forces armées en mai et juin 1984, ou de commentaires inclus au Rapport, ou d'autres déclarations extrajudiciaires.

[6]      Suite à la conférence préparatoire du 29 mars 2000, il fut ordonné que la défenderesse réponde, au plus tard le 30 juin 2000, à la liste d'admissions possibles que la demanderesse avait fait parvenir à la défenderesse.

[7]      Le 28 juin 2000, la défenderesse a fait parvenir une lettre à la demanderesse dans laquelle la défenderesse acceptait de déposer en preuve la transcription des témoignages de tous les militaires entendus par le Comité d'enquête des Forces armées, à l'exception du témoignage du Capitaine York, décédé, et pour le moment, du Caporal Jean-François Forrester et du MWO Patrick Muise, que la défenderesse n'avait pas encore pu rencontrer. La défenderesse acceptait également de déposer les témoignages des militaires qui ont comparu devant la Cour supérieure du Québec, Chambre criminelle, lors du premier procès subi par Denis Lortie, à l'exception pour l'instant du témoignage du Caporal Forrester.

[8]      Le consentement de la défenderesse était cependant conditionnel à ce que le consentement ne soit pas interprété comme une renonciation de la part de la défenderesse à s'objecter, pour les motifs exposés dans leur mémoire de conférence préparatoire, au dépôt en preuve du Rapport du Comité d'enquête.

[9]      Suite à la conférence préparatoire du 20 juin 2000, il fut ordonné que:

     La demanderesse décidera d'ici quelques semaines si elle présentera une requête pour obliger la défenderesse à déposer le Rapport d'enquête, ce que la défenderesse refuse de faire.

[10]      Le 12 juillet 2000, la demanderesse communiquait à la défenderesse son intention d'adresser à la Cour la requête visant à faire trancher la question de l'admissibilité en preuve du Rapport expurgé de l'Armée.

LES PRÉTENTIONS DE LA DEMANDERESSE

[11]      La demanderesse soumet que pour déterminer l'admissibilité en preuve d'un document, la notion de pertinence est capitale.

[12]      La demanderesse allègue que la pertinence générale du Rapport en litige est évidente à la lumière de la décision du 22 décembre 1989 du Juge Addy dans la présente affaire.

[13]      La demanderesse soumet de plus qu'en mentionnant le Rapport d'enquête dans son affidavit, la défenderesse a elle-même admis la pertinence du rapport, compte tenu du libellé de la règle 222(2) des Règles de la Cour fédérale, 1998.

[14]      La demanderesse soutient que la preuve que constitue le Rapport interne est essentielle, ne serait-ce que pour lui permettre de démontrer que les allégations d'absence de négligence contenues à la défense de la défenderesse sont clairement contredites par un rapport interne qui émane de la défenderesse elle-même et qui fut préparé de façon contemporaine aux événements.

[15]      La demanderesse fait également remarquer que la défenderesse n'a pas revendiqué de privilège de non-divulgation à l'égard du Rapport puisque le Rapport figure à l'annexe 1 de son affidavit de documents amendé du 15 décembre 1999.

[16]      La demanderesse soutient que le Rapport d'enquête est hautement préjudiciable à la défenderesse et, qu'émanant de la défenderesse elle-même, le Rapport ne constitue pas du ouï-dire.

[17]      La demanderesse soutient que les constats consignés dans le Rapport d'enquête et les recommandations et décisions de nature disciplinaire qu'il contient sont assimilables à des déclarations extrajudiciaires, voire des admissions de négligence émanant de la défenderesse elle-même, qui la lient et qui lui sont opposables.

[18]      La demanderesse suggère également qu'il serait incongru, contraire à une saine administration de la justice, aux intérêts de la justice en général et de la demanderesse en particulier, qu'un document hautement pertinent et capital pour la solution du litige ne puisse être soumis pour appréciation au tribunal chargé d'adjuger alors que la partie qui s'y oppose, et dont le document émane, en a déjà remis copie aux médias.

[19]      En dernier lieu, la demanderesse soutient que l'admissibilité en preuve du Rapport favorisera une solution au litige la plus juste, la plus expéditive et la plus économique possible puisque les parties pourront mieux connaître, dès à présent, une partie de la preuve qui sera soumise à l'appréciation du tribunal, et pourront préparer le procès plus efficacement, voire mieux évaluer l'opportunité d'un tel procès.

LES PRÉTENTIONS DE LA PARTIE DÉFENDERESSE

[20]      La défenderesse s'oppose à la recevabilité du Rapport d'enquête en preuve car selon elle, le Rapport d'enquête constitue du ouï-dire et/ou des opinions qui ne peuvent d'aucune manière, faute de force probante, lier, ou encore influencer, le tribunal devant lequel sa production est requise.

[21]      Selon la défenderesse, le Rapport d'enquête n'est pas pertinent puisqu'il n'est qu'un constat d'opinions et que les opinions, exception faite des opinions d'experts, sont dénuées de toute force probante et ne permettent pas d'établir les faits générateurs du droit réclamé par la demanderesse.

[22]      La défenderesse soutient qu'il appartient au juge du procès de se former une opinion sur les questions pertinentes à la résolution du litige et que les opinions que le Comité d'enquête ou encore l'autorité constituante aurait pu exprimer, bien que reliées aux faits du présent litige, ne sauraient lier ou encore influencer le juge du procès d'aucune manière.

[23]      La défenderesse soutient que l'absence d'une revendication de privilège de non-divulgation ne permet pas d'établir un quelconque lien entre cette absence de revendication d'un privilège et l'admissibilité du document en preuve puisqu'il existe des distinctions fondamentales entre les règles traditionnelles d'admissibilité de la preuve et les règles d'exclusion de la preuve fondées sur des privilèges d'intérêt public.

[24]      La défenderesse soutient que l'argument de la demanderesse à l'effet que le Rapport d'enquête échappe à la règle du ouï-dire en raison de sa nature préjudiciable n'est pas représentatif de la réalité puisque le Rapport d'enquête indique les conclusions du Comité d'enquête quant à l'absence de lien de causalité entre les gestes posés par Denis Lortie et la négligence de la défenderesse. La défenderesse soutient que le Rapport d'enquête est favorable à sa cause mais que l'admission du Rapport irait à l'encontre des règles les plus élémentaires du droit de la preuve.

[25]      La défenderesse allègue également que le Rapport d'enquête ne peut être admis en preuve à titre d'aveu extrajudiciaire de la défenderesse, tel que le prétend la demanderesse.

[26]      La défenderesse soutient que l'aveu extrajudiciaire est la reconnaissance d'un fait et ne peut porter que sur des faits. La défenderesse allègue que le Rapport d'enquête est un constat d'opinions et qu'à ce titre, il est constitué de déclarations mixtes de faits et de droit et ne peut, par conséquent, constituer un aveu extrajudiciaire.

[27]      La défenderesse soumet par ailleurs que les conclusions tirées par une personne autre que le juge du procès sur des questions pertinentes à la solution d'un litige ne sont aucunement pertinentes juridiquement et sont inadmissibles en preuve car elles ne peuvent ni ne doivent influencer le juge du procès.

[28]      La défenderesse soutient que le fait qu'un document est déjà en la possession d'un tiers n'est d'aucune utilité lorsqu'il s'agit de décider de l'admissibilité en preuve de ce document.

[29]      La défenderesse soutient que la règle 3 de cette Cour, ne saurait servir de guide à l'interprétation des règles de preuve et encore moins permettre à la demanderesse de bonifier la position de fond qu'elle prône dans sa requête.

QUESTION EN LITIGE

Est-ce que le Rapport daté du 20 juin 1984, préparé par le Comité d'enquête des Forces armées canadiennes, est admissible en preuve?



ANALYSE

[30]      Dans l'ouvrage, The Law of Evidence in Canada1, (ci-après The Law of Evidence in Canada) les critères relatifs à l'admissibilité de la preuve ont été discutés ainsi à la page 21:

     To be received evidence must meet two basic requirements. First, it must be admissible. Second, the trier of law must not have exercised his or her judicial discretion to exclude the evidence. Two further concepts make up the principle of admissibility. Evidence is not admissible unless it is: (1) relevant; and (2) not subject to exclusion under any other clear rule of law or policy. Therefore, the trier of law in determining whether a particular piece of evidence should be considered by the trier of fact will first consider whether it is relevant. If it is not, then it will be rejected. If it is relevant, then the trier of law will consider whether it is subject to any exclusionary rule of the law of evidence. If the evidence is subject to an exclusionary rule or is irrelevant, there is no generally recognized judicial discretion to nevertheless receive the evidence.

[31]      La pertinence d'une preuve fut définie ainsi à la page 22 dans The Law of Evidence in Canada:

     Pratte J. in R. v. Cloutier accepted a definition from an early edition of Cross on Evidence:
         For one fact to be relevant to another, there must be a connexion or nexus between the two which makes it possible to infer the existence of one from the existence of the other. One fact is not relevant to another if it does not have real probative value with respect to the latter.

[32]      Dans l'ouvrage, The Law of Evidence,2 (ci-après The Law of Evidence), les auteurs D. Paciocco et L. Stuesser expliquent la pertinence d'une preuve ainsi:

     Evidence is relevant where it has some tendency as a metter of logic and human experience to make the proposition for which it is advanced more likely than that proposition would appear to be in the absence of that evidence. To identify logically irrelevant evidence, ask, "Does the evidence assist in proving the fact that my opponent is trying to prove?"

     [...]

     Evidence is relevant where it has some tendency as a matter of logic and human experience to make the proposition for which it is advanced more likely than that proposition would be in the absence of that evidence. As the Supreme Court of Canada has said:
         To be logically relevant, an item of evidence does not have to firmly establish, on any standard, the truth or falsity of a fact in issue. The evidence must simply tend to "increase of diminish the probability of the existence of a fact in issue." ... As a consequence, there is no minimum probative value required for evidence to be relevant.

     [je souligne]

[33]      La demanderesse a également cité un passage pertinent en ce qui a trait à la définition de pertinence. Dans Domaine de la Rivière inc. c. Aluminium du Canada ltée, [1985] R.D.J. 30, le juge LeBel a indiqué ce qui suit:

     La notion de pertinence s'apprécie en effet par rapport à l'obligation des parties de faire la preuve de l'ensemble des éléments de base de la réclamation.
     Nadeau et Ducharme font observer que pour déterminer si un élément de preuve est pertinent, on doit rechercher s'il permet d'établir l'effet générateur du droit réclamé. Il faut donc s'interroger au préalable sur la nature du droit réclamé. Ensuite, on essaie de déterminer si la preuve offerte établit, ou du moins tend à démontrer, l'effet générateur ou constitutif du droit réclamé. (Voir Nadeau et Ducharme, La Preuve, page 48; aussi Wigmore On Evidence, 13e édition, p. 667).

[34]      À la page 24 dans The Law of Evidence in Canada, les auteurs ont indiqué:

     A fact will be relevant not only where it relates directly to the fact in issue, but also where it proves or renders probable the past, present or future existence (or non-existence) of any fact in issue.

[35]      Dans la présente affaire, je suis d'accord avec la demanderesse que le Rapport d'enquête est pertinent et relié au litige. Le Rapport traite des mêmes éléments soulevés par la demanderesse dans ses plaidoiries, soit les éléments du contrôle des armes et des munitions lors de l'incident du 8 mai 1984. Le Rapport tend à accroître ou diminuer, selon le cas, la probabilité de l'existence de certains faits en litige.

[36]      Il est à noter que la pertinence d'une preuve n'ajoute rien à sa valeur probante au procès. Même si un document est admis en preuve, le juge des faits doit quand même déterminer lors du procès si le document à une valeur probante. À la page 26 du texte, The Law of Evidence in Canada, les auteurs font référence à l'affaire R. v. Morris, [1983] 2 R.C.S. 190 et indiquent:

     The accused was charged with trafficking in heroin imported from Hong Kong. A search of the accused's premises disclosed a clipped article on the subject of sources of supply of heroin in Pakistan. At issue was the admissibility of this article. McIntyre J. for the majority held that this was admissible circumstantial evidence. He stated that:
         ... an inference could be drawn from the unexplained presence of the newpaper clipping among the possessions of the appellant, that he had an interest in and had informed himself on the question of sources of supply of heroin, necessarily a subject of vital interest to one concerned with the importing of the narcotic.
     Although McIntyre J. agreed that the probative value of this evidence was low, it was an error for the judge to confuse relevance with weight. His Lordship noted that if the article had been on sources of heroin supply in Hong Kong it would have had greater weight and if it had been a step by step guide to importing heroin its weight would have been greater still. Yet the clipping was nevertheless still relevant evidence and it should have been put before the trier of fact. The trier of law determines if the evidence is relevant. The trier of fact determines what, if any, weight is to be given to it. Obviously, where the judge is the trier of both fact and law the distinction becomes blurred and the weight to be given the evidence becomes paramount consideration. Without relevance the evidence can have no weight.

                

[37]      La question qui doit donc être soulevée maintenant est à savoir si le Rapport peut être exclu en raison d'une règle de droit.

[38]      La défenderesse soutient que le rapport ne peut pas être admissible parce qu'il constitue du ouï-dire en raison notamment des différences fondamentales entre un processus d'enquête, sa mission et les règles qui le régissent et le processus judiciaire traditionnel dans le cadre duquel la responsabilité civile ou criminelle d'une personne est recherchée.

[39]      La règle du ouï-dire a été définie ainsi à la page 156 dans The Law of Evidence in Canada:

     Written or oral statements, or communicative conduct made by persons otherwise than in testimony at the proceeding in which it is offered, are inadmissible, if such statements or conduct are tendered either as proof of their truth or as proof of assertions implicit therein.

[40]      À la page 157 les auteurs ajoutent:

     Special attention has been given to hearsay as being particularly fraught with untrustworthiness because its evidential value rests on the credibility of an out-of-court asserter who is not subject to the oath, cross-examination or a charge of perjury. As Dickson J. stated in R. v. Abbey:
         The main concern of the hearsay rule is the veracity of the statements made. The principal justification for the exlusion of hearsay evidence is the abhorrence of the common law to proof which is unsworn and has not been subjected to the trial by fire of cross-examination. Testimony under oath, and cross-examination has been considered to be the best assurances of the truth of the statements of facts presented.

[41]      Il semblerait à la lumière des passages qui précèdent que le Rapport en litige constitue du ouï-dire puisque la demanderesse tente de mettre en preuve le Rapport pour la véracité de son contenu et également parce que l'auteur du Rapport ne témoignera pas de ses conclusions au procès où il serait sous serment et pourrait être contre-interrogé.

[42]      Des exceptions existent cependant à la règle du ouï-dire. Une de ces exceptions a trait aux rapports produits par une partie dans le cours ordinaire des affaires. Cette exception à la règle du ouï-dire se retrouve à l'article 30 de la Loi sur la Preuve au Canada, L.R.C 1985, ch. C-5. Cependant, il appert que le législateur n'a pas voulu permettre l'admissibilité en preuve des rapports d'enquête puisque le sous-alinéa 30(10)a)(i) de la Loi dit ce qui suit:

(10) Le présent article n'a pas pour effet de rendre admissibles en preuve dans une procédure judiciaire:

a) un fragment de pièce, lorsqu'il a été prouvé que le fragment est, selon le cas:

(i) une pièce établie au cours d'une investigation ou d'une enquête.

(10) Nothing in this section renders admissible in evidence in any legal proceeding

(a) such part of any record as is proved to be

(i) a record made in the course of an investigation or inquiry,

[43]      Cependant, à l'alinéa 30(11) on peut lire ce qui suit:

(11) Les dispositions du présent article sont réputées s'ajouter et non pas déroger:

a) à toute autre disposition de la présente loi ou de toute autre loi fédérale concernant l'admissibilité en preuve d'une pièce ou concernant la preuve d'une chose;

b) à tout principe de droit existant en vertu duquel une pièce est admissible en preuve ou une chose peut être prouvée.

(11) The provisions of this section shall be deemed to be in addition to and not in derogation of

(a) any other provision of this or any other Act of Parliament respecting the admissibility in evidence of any record or the proof of any matter; or

(b)any existing rule of law under which any record is admissible in evidence or any matter may be proved.

[44]      Il ressort des articles précédents de la Loi sur la Preuve au Canada qu'un document établi lors d'une enquête peut être admissible s'il existe un principe de droit ou une loi qui en permet l'admissibilité.

[45]      Par exemple, un rapport d'enquête pourrait être admissible parce qu'il constitue une exception à la règle du ouï-dire, telle que l'opinion d'un expert, ou les déclarations d'une partie qui vont à l'encontre de ses intérêts.

[46]      En ce qui a trait aux rapports d'enquête et leur possibilité d'être admis en raison d'une exception à la règle du ouï-dire, la Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée sur la question dans D.C. Gem Craft Inc. v. Pafco Insurance Co. (1998), 40 O.R. (3d) 218 (C.A.). Dans cette affaire, il était question de l'admissibilité d'un rapport d'enquête d'un ajusteur pour une compagnie d'assurance. La Cour a indiqué:     

     Documents produced in response to a discovery request, representing investigative reports made on behalf of a defendant, may be relied upon in evidence at trial by the opposite party even though technically "hearsay": Canada Cement LaFarge Ltd. v. Caterpillar Tractor Co. (1982), 29 C.P.C. 207 (Ont. H.C.J.). The insurance adjuster was in effect an agent of the respondent and the dangers the rule against hearsay is designed to prevent are not raised if this report is accepted into evidence. Accordingly, the trial judge should have accepted as evidence the report of the respondent's insurance adjuster in which the set-up theory was put forward.
     Even if the report of the insurance adjuster cannot be admitted, discovery evidence given by a corporate representative on the basis of information from other persons, whether or not employees of the corporation, should be accepted as an admission against interest of the corporation unless when such evidence is given the person answering the question identifies a reservation as to the accuracy of the information or any reason why the information is "not adopted" or that the person offering it is not "prepared to live with the information as reflecting the truth for the purposes of the issues before the court": Claiborne Industries Ltd. v. National Bank of Canada (1989), 69 O.R. (2d) 65 at pp. 75-77, 59 D.L.R. (4th) 533 (C.A.).

[47]      Dans la cause Canada Cement LaFarge Ltd., supra, il était question de deux rapports d'enquête au sujet d'accidents similaires causés par l'équipement de la partie défenderesse. Les rapports avaient été préparés par les employés du défendeur.

[48]      La Haute Cour de l'Ontario a statué ainsi dans cette affaire:

     It appears to be part of the defendant Caterpillar's routine reporting system to have reports of incidents made by employees of its dealers sent, either directly to the company itself, or to its subsidiaries. These in turn are sent on to the defendant Catapillar and eventually get to the appropriate department for consideration. There are a number of such reports contained in the document book Ex. No. 2, which were made by the defendant Thompson, who was an employee of the defendant Crothers, and which appear to have gone to the defendant Caterpillar and the plaintiff, with a copy, I take it, being retained by Corthers. They were admitted without objection and some have been referred to by Caterpillar thus far in the trial.
     Such reports are, in one way, hearsay, but in view of the use that has been made of them, the world-wide organization of this defendant, the reporters of the incidents, have become the agents of Caterpillar to report. Because of the way in which they are originated, in my opinion, the rigours of the rule against hearsay evidence must give way to the practicalities and methods of large modern businesses and must be admitted.

[49]      Je ne crois pas, toutefois, que le Rapport d'enquête dans le présent litige puisse s'apparenter à un rapport d'un ajusteur ou aux rapports d'employés, tel que dans la cause LaFarge, supra. Dans ces causes, les rapports étaient de routine lors de tels incidents et semblaient être une pratique des défendeurs. On pouvait donc faire le parallèle que ces rapports étaient produits dans le cours ordinaire des affaires des défendeurs et pouvaient être admissibles comme étant des déclarations d'une partie qui vont à l'encontre de ses intérêts.

[50]      Néanmoins, même si la preuve ne tombe pas dans une des classes d'exclusion déjà établies, une exception à la règle du ouï-dire peut être démontrée si la preuve dont l'admissibilité est contestée, respecte certains critères d'admission.

[51]      Dans l'arrêt R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531, la Cour Suprême a énoncé des critères relativement à l'admissibilité de preuves de ouï-dire. La Cour Suprême a conclu que deux critères devaient être satisfaits afin d'admettre une preuve, soit: la nécessité et la fiabilité. La Cour Suprême a indiqué ce qui suit:

     Notre Cour a statué que les dossiers devraient être admis même si selon les règles traditionnelles ils étaient inadmissibles.    La Cour a accepté (à la p. 624) la proposition que "[c]e sont les juges qui façonnent la common law et il est toujours de leur compétence de l'adapter à l'occasion de manière qu'elle serve l'intérêt de ceux qu'elle lie", particulièrement en matière de droit procédural:    lord Donovan, dissident, dans l'arrêt Myers v. Director of Public Prosecutions, [1965] A.C. 1001, à la p. 1047.    Le juge Hall, à la p. 624, a cité les extraits suivants des motifs de lord Pearce, dissident dans l'arrêt Myers (pp. 1040 et 1041):
         [TRADUCTION]    Je ne puis admettre qu'une "incertitude dangereuse" soit créée par des améliorations nécessaires et raisonnables apportées aux moyens que le tribunal emploie pour atteindre la vérité.    On a le choix entre les obiter dicta de deux juges célèbres; pour ma part, j'opte pour celui du Maître des rôles Jessel.    Son dictum, reproduit à 1 P.D. 154, page 241, est le suivant:
             [TRADUCTION] "Maintenant, je comprends que le principe fondamental de toutes ces exceptions est le même. Premièrement, l'affaire doit comporter une difficulté d'obtenir d'autres preuves, car il ne fait aucun doute que la recevabilité des exceptions est fondée sur cette difficulté même.    Deuxièmement, le déclarant doit être désintéressé; c'est-à-dire, désintéressé au sens que sa déclaration ne serve pas son intérêt personnel.    Et, troisièmement, la déclaration doit avoir été faite avant le différend ou litige de sorte qu'elle ait été faite sans parti-pris découlant de l'existence d'un différend ou litige que le déclarant pourrait être soupçonné de favoriser.    Enfin, et cela me semble l'une des meilleures raisons de l'admettre, le déclarant doit avoir eu des moyens de connaissance qui ne sont pas à la portée des gens ordinaires".    Face à cet énoncé de principe, il a reconnu une extension que l'on accepte depuis lors, à la "Probate Division".
     Finalement, notre Cour a conclu que les notes des infirmières devraient être admises en preuve, soulignant toutefois que leur admission "ne devrait en aucune façon empêcher une partie de contester l'exactitude de ces dossiers ou des écritures, si elle veut le faire", et ajoutant que les infirmières "étaient présentes en Cour et disponibles pour témoigner à la demande de l'intimé" (p. 626).
     Les quatre critères de lord Pearce peuvent se ramener à deux exigences générales:    la nécessité et la fiabilité.    En l'espèce, la déclaration de l'enfant à sa mère satisfait à ces exigences générales ainsi qu'aux critères plus précis.    Il y avait nécessité puisque, comme le juge du procès l'a conclu, les autres éléments de preuve de l'événement étaient inadmissibles.    Pour reprendre les propos de lord Pearce, la situation comportait une difficulté d'obtenir d'autres éléments de preuve.    Le témoignage comportait également des indices sérieux de fiabilité.    T. était désintéressée, en ce sens que sa déclaration ne servait pas son intérêt personnel. Elle a fait la déclaration avant même qu'il ne soit question de litige.    Et il ne fait pas de doute qu'elle avait des moyens de connaissance particuliers de l'événement dont elle a fait part à sa mère.    En outre, la déclaration d'un enfant en bas âge sur ces questions peut comporter en soi sa propre marque de fiabilité.

[52]      En l'espèce donc, il faut établir si le Rapport satisfait aux exigences de nécessité et de fiabilité.

[53]      Dans l'arrêt Ethier c. Canada (Commissaire de la GRC),Commissioner), [1993] 2 F.C. 659 (C.A.), la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question d'admissibilité d'un rapport d'enquête. La Cour d'appel a indiqué ce qui suit:

     The evidence here sought to be introduced consisted of materials which the appellant had obtained from the Public Service Commission, one of the respondents, following a request under the Access to Information Act [See Note 3 below].    It is not without significance that respondent's counsel had generally refused requests for production of such documents during the preliminaries leading up to the hearing in the Trial Division.    The documents are in two categories, file notes and memoranda relating to an investigation carried out by the Public Service Commission at appellant's request (Exhibit A), and contemporary official documents generated by the Commission or by the Royal Canadian Mounted Police (Exhibit B).    Both categories relate directly either to the decision to hold an open competition to fill for an indeterminate period the position then held by the appellant on a term basis, or to the competition itself.    Those two matters were, of course, the very subject of the section 18 proceedings in the Trial Division.
     In our view, in the circumstances of this case, the documents in question meet the first criterion of reliability. We, of course, say nothing of the weight they should have at this stage, but on a prima facie basis we think that the manner in which they were generated is such as to "substantially negate the possibility that the declarant was untruthful or mistaken." [See Note 4 below]    These are the respondents' own documents created during an internal investigation into alleged improprieties in the appointment process.    To the extent that they are advanced by the appellant to support his case, it is almost inconceivable that the various declarants would have said anything that was untrue.    As to the possibility of mistake, while it is always present, we can see nothing in the circumstances which would lead us to believe that it is realistic in this case, at least in so far as the preliminary question of admissibility is concerned, to say that the declarants erred.
     There can equally be no serious question as to the criterion of necessity in the circumstances.    Respondents, by their counsel, had blocked any normal means of access to the material.    Even once it was obtained through Access to Information Act proceedings it was hardly realistic to expect appellant's solicitor to approach the various declarants and seek affidavits from them, assuming that he could have done so without committing a serious breach of professional ethics. Their production, by means of the Supplementary Affidavit, was clearly the most practical and convenient way to bring them forward without putting in jeopardy any of the respondents' rights to reply or explain if they wished to do so.

[54]      Dans l'arrêtHarris v. Kuntz, [1993] B.C.J. No. 2075 (C.S.C.B.), la Cour Suprême de la Colombie-Britannique s'est penchée sur la question d'admissibilité d'un rapport d'enquête sur les pratiques d'un médecin. La Cour a noté ce qui suit au paragraphe 8:

     The plaintiff argues that these documents are of compelling relevance to the plaintiff's case and are necessary to rebut the defendant's case.    Counsel for the plaintiff contends that the admission of the documents into evidence is not for the purpose of proving that Dr. Kuntz was generally incompetent, but rather for the purpose of rebutting specific defenses raised by counsel for the defendant in his opening statement.    The defendant's opening statement does not, of course, constitute pleading.    The statement a [sic] of defense is essentially a bare denial of the essential claims of negligence, breach of contract, and battery.
     [...]
     The objection to the admission of the investigation report is founded on the ground that the report contains statements made by numerous and often unidentified individuals to one or more of the three physicians who conducted the review of Dr. Kuntz.    It is also argued that the report contains conclusions based on documents which are not attached to the report and which are therefore not available for inspection by counsel or this Court.
     It is apparent from the list of those things which I am told the report contains, that the sources of information on which the investigating committee drew in forming its opinion included obvious sources of hearsay and double hearsay.    It is also clear that none of the authors of the report are compellable for cross-examination in this trial: s. 61, Medical Practitioners Act.
     Counsel for the defendant argues that the reliability of the investigation report cannot be tested by cross-examination, thereby offending a fundamental characteristic of the common law trial system.
     [...]
     If one examines those reasons in the context of the criterion of reliability referred to by Chief Justice Lamer in R. v. Smith, one must be satisfied that the circumstances under which the statement was made are such as to "substantially negate that the declarant was untruthful or mistaken".    Here we have a report which consists of not just one, or even a few, statements, but a potentially huge number of statements.    It includes a review of the College file. Does that file include statements made by patients, surgeons, colleagues and others?    There is a review of 70 hospital charts.    Do those charts include nurses notes, intern and resident notes, admission reports, etc.?    Common sense suggests that they must.    In view of the potentially great number of statements which form the basis of the report, I cannot conclude that all of those numerous and sometimes unidentified declarants were truthful or not mistaken.    That is not to impugn the integrity of the investigating physicians.    Their task was to conduct an investigation of the skill and knowledge of Dr. Kuntz in accordance with the Medical Practioners Act.    But the mere fact that the investigation was conducted pursuant to statute and with ethical motives does not, in my view, constitute a "substitute factor to demonstrate sufficient reliability to make it safe to admit the evidence" (per Lamer, C.J., R. v. K.G.B., at p. 49).    The sheer numbers suggest opportunities for mistakes or errors to have been made, of the kind which the hearsay rule is intended to protect from.
     [...]
     It is plain from R. v. Smith that "necessity" refers to the necessity of hearsay evidence to prove a fact in issue.    Counsel for the plaintiff has not said what fact or facts in issue it is necessary to prove by this evidence.    It is evident from the voluminous expert medical evidence filed on behalf of both parties that there is scant shortage of evidence going to all of the matters in issue as disclosed by the pleadings.    I therefore conclude that "necessity" has not been made out.
     [...]
     Lastly, the plaintiff suggests that the documents are admissible because the defendant disclosed them in a supplementary list of documents in this action, and attached copies of the documents to an affidavit filed in the Supreme Court action referred to above: Kuntz v. College of Physicians and Surgeons. The plaintiff says the report is "almost notorious" and that to not permit the documents to be tendered into evidence would constitute an abuse of process because this Court would then be kept in ignorance of facts which the plaintiff contends are compellingly relevant.    I cannot accede to that proposition.    The publication of the report by attaching it as an exhibit to an affidavit in other proceedings does not make it admissible in these proceedings. Nor does it render the document a public document, for it does not meet the test laid down by the Privy Council in Ioannon v. Demetriou [1952] R.C.    84 which requires that the document be not only available for public inspection (which this document now would be through the Court file), but that it was brought into existence for that very purpose (which the investigation report was not suggested to be).

[55]      Dans la présente cause, je crois qu'il ne fait pas de doute que le rapport répond au critère de fiabilité. À cet égard j'accepte les conclusions de la Cour fédérale dans Ethier supra:

     These are the respondents' own documents created during an internal investigation into alleged improprieties in the appointment process.    To the extent that they are advanced by the appellant to support his case, it is almost inconceivable that the various declarants would have said anything that was untrue.    As to the possibility of mistake, while it is always present, we can see nothing in the circumstances which would lead us to believe that it is realistic in this case, at least in so far as the preliminary question of admissibility is concerned, to say that the declarants erred.

[56]      Je ne suis cependant pas convaincu que le critère de nécessité est établi.

[57]      Dans la cause R. v. Hyde, [1994] S.J. No. 700, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a étudié le critère de nécessité et indiqué:

     The companion criterion of "necessity" refers to the necessity of the hearsay evidence to prove a fact in issue. Thus, in Khan, the infant complainant was found by the trial judge not to be competent to testify herself. In this sense, hearsay evidence of her statements was necessary, in that what she said to her mother could not be adduced through her. It was her inability to testify that governed the situation.
     The criterion of necessity, however, does not have the sense of "necessary to the prosecution's case". If this were the case, uncorroborated evidence which satisfied the criterion of reliability would be admissible if uncorroborated, but might no longer be "necessary" to the prosecution's case if corroborated by other independent evidence. Such an interpretation of the criterion would thus produce the illogical result that uncorroborated hearsay evidence would be admissible, but could become inadmissible if corroborated. This is not what was intended by this court's decision in Khan.
     (14)      As indicated above, the criterion of necessity must be given a flexible definition, capable of encompassing diverse situations. What these situations will have in common is that the relevant direct evidence is not, for a variety of reasons, available. Necessity of this nature may arise in a number of situations. Wigmore, while not attempting an exhaustive enumeration, suggested at 1421 the following categories:
     (1)      The person whose assertion is offered may now be dead, or out of the jurisdiction, or insane or otherwise unavailable for the purpose of testing [by cross-examination]. This is the commoner and more palpable reason...
     (2)      The assertion may be such that we cannot expect, again or at this time, to get evidence of the same value from the same or other sources... The necessity is not so great; perhaps hardly a necessity, only an expediency or convenience, can be predicated. But the principle is the same.

[1]      Le Rapport d'enquête pourrait donc être admis s'il est démontré que l'on ne pourrait pas établir une preuve de même valeur des mêmes témoins ou autres sources.

[2]      En l'espèce, je suis d'accord avec l'argument de la défenderesse à l'effet que les conclusions et recommandations du Rapport constituent des opinions qui devraient être exclues selon la règle d'exclusion d'opinions de personnes non déclarées expertes.

[3]      Dans The Law of Evidence, D. Paciocco et L. Stuesser indiquent au sujet de la règle relative aux opinions, à la page 126:

     It is sometimes said, as a general rule, that "opinion evidence" is not admissible. It is the neutral, impartial trier of fact who is to form conclusions about questions of fact, not the witness. The role of a witness is simply to recount the facts that she has observed so that the trier of fact can draw its own conclusions.

     [...]

     Since lay witnesses have no more expertise than the triers of fact, there is generally no point in having them provide opinions. Their views will be superfluous, adding nothing that the trier of fact cannot accomplish itself. In some cases, however, even the evidence of lay witnesses is presented in the form of opinions.


[4]      Dans The Law of Evidence in Canada à la page 523, les auteurs expliquent les raisons qui sous-tendent l'exclusion d'opinions de personnes non déclarées expertes ainsi:

     The exclusion of such opinion evidence was primarily based upon the fear that it would otherwise result in a usurpation of the functions of the judge or jury and that such opinion was irrelevant.

     [...]

     Finally, Dickson J. in R. v. Graat all but did away with the illogical distinction between so-called fact and opinion.

     [...]

     Returning to broad principles, Dickson J. put the admissibility of such evidence on a rather simple basis:
         The witness had an opportunity for personal observation. They were in a position to give the Court real help.
     Couched in these terms, the modern opinion rule should pose few exclusionary difficulties. The real issue will be the assessment and weight to be given to such evidence after it is admitted. Thus, the law had moved away from the requirement of "necessity" whereby opinion evidence was received in the case of a lay witness only if he or she could not "owing to the nature of the matter adequately convey to the jury the data from which such inference is made"...

     [...]

     Courts now have greater freedom to receive lay witnesses' opinions; but as such evidence approaches the central issues that the courts must decide, one can still expect an insistence that the witnesses stick to the primary facts and refrain from giving their inferences. It is always a matter of degree. As the testimony shades towards a legal conclusion, resistance to admissibility develops.
     [je souligne]

[5]      Un témoin ne peut faire part de son opinion sur une question pure de droit. D. Paciocco et L. Stuesser indiquent à ce sujet, à la page 130:

     The rule is easy to state and to understand - evidence is to be about questions of fact, not law. Therefore, neither a lay witness nor an expert can testify that a driver was "negligent". "Negligence" is a legal concept with its own definition that is applied to the facts of a case as found. To express an opinion on the matter, the witness would not only have to know the facts but also understand the legal concept and apply it correctly, a task that is, of course, the job of the trier.

[6]      Les conclusions du Rapport se rapportent à l'élément de négligence de la défenderesse et le juge du procès est en mesure de faire ses propres conclusions à son sujet sans avoir recours au Rapport. La preuve des éléments dans le présent litige peut se faire d'une autre façon que par l'intermédiaire du Rapport et la demanderesse n'est pas empêchée dans faire la preuve d'une autre façon acceptable selon les règles d'admissibilité de la preuve.

[7]      À mon avis, il m'apparaît essentiel de diviser le rapport dont il est question entre ses différentes composantes.

[8]      D'abord la partie qui constitue les témoignages des militaires interrogés à l'occasion de l'enquête qui constitue la partie la plus volumineuse du Rapport. Quant à cette partie du Rapport, les parties au litige ont déjà convenu qu'elle soit acceptée et déposée comme preuve lors du procès, donc je n'y reviens pas.

[9]      Suite à l'audition des différents témoignages, le Comité d'enquête est arrivé à certaines conclusions et a formulé des recommandations; suivant l'analyse de la jurisprudence et des règles de droit en vigueur, je suis d'accord avec la partie défenderesse et cette partie du Rapport ne peut être acceptée en preuve. La partie demanderesse aura tout le loisir lors des interrogatoires et de ses représentations devant le tribunal de convaincre la Cour qu'elle peut en arriver aux mêmes conclusions suivant les témoignages entendus et la transcription des témoignages reçus devant les autres instances, lesquels seront déposés dans la présente instance.

[10]      Il reste deux autres parties audit Rapport qui ne peuvent être traitées de la même façon: en effet, après avoir entendu les témoins, les autorités militaires sont arrivées à certaines conclusions et ont formulé certaines recommandations, le Rapport fait état de décisions qui sont à la fois d'ordre administratif et d'ordre disciplinaire.

[11]      Ces mesures prises par l'officier responsable, bien qu'ayant été prises dans les semaines et mois suivants les événements survenus entre le 5 et 8 mai 1984, sont tout à fait contemporaines à ces événements et y sont irrémédiablement liées.

[12]      Ces décisions administratives et disciplinaires sont des faits.

[13]      Il est indéniable que ces décisions touchent à la fois la personne qui les a prises tout comme les personnes visées par ces décisions, lesquelles pourraient être appelées à témoigner au cours du procès.

[14]      Cependant, seize années se sont écoulées depuis ces événements et il n'est pas certain que l'on puisse retrouver à la fois les documents d'origine ayant trait aux mesures administratives non plus que les conséquences directes des mesures disciplinaires recommandées puisque de nombreux documents ont été détruits depuis ce moment.

[15]      Rien n'empêche les deux parties de faire témoigner les personnes qui sont encore en mesure de le faire sur ces décisions, ce qui pourra permettre aux parties d'expliquer le contexte dans lequel ces décisions ont été prises.

[16]      Cependant, l'intérêt de la justice commande que cette partie du rapport puisse être déposée en preuve, il restera au tribunal d'en apprécier la valeur probante, compte tenu de l'ensemble de la preuve qui sera faite devant lui.

[17]      Pour tous ces motifs, la requête de la demanderesse est accordée en partie et une partie du rapport apparaissant à l'annexe O de la requête sera déposée en preuve au moment du procès, soit les pages suivantes:

     -      P-1 (à partir du paragraphe 4.C);
     -      P-2, P-3, P-4, P-5 (jusqu'au paragraphe 12 inclusivement);
     -      la page suivant la page P-7, portant les signatures et la date du 8 juin 1984;
     -      les pages 3 à 13 inclusivement;
     -      les pages 463, 464, 465, 466;
     -      quant à la partie représentant la transcription des témoignages, elle sera également déposée, suivant l'entente intervenue entres les parties, à cet effet.

[18]      Le tout, frais à suivre l'issue du dossier.




                             (Sgd.) "Pierre Blais"

                                 Juge


Vancouver, Colombie Britannique

Le 6 novembre 2000

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    


DOSSIER :      T-2492-84

INTITULÉ :      COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

     SÉCURITÉ DU TRAVAIL

     v.

     SA MAJESTÉ LA REINE



LIEU DE L'AUDIENCE :      Québec, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :      28 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE le juge Blais

EN DATE DU :      6 novembre 20000



COMPARUTIONS :

Me. Michel Beaupré

Me. Serge Kronstrom          POUR LE DEMANDERESSE

Me. Michel Miller

Me. René Leblanc          POUR LE DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kronstrom, Desjardins

Québec, Québec          POUR LE DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sou-procureur général

du Canada          POUR LE DÉFENDERESSE

__________________

1      J. Sopinka, S.N. Lederman, A.W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, (Toronto: Butterworth, 1992).

2      D. Paciocco, L. Stuesser, 2ed., The Law of Evidence, (Toronto: Twin Law, 1999).

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