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     T-1153-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 24e JOUR D'OCTOBRE 1996

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE NOËL

ENTRE:

     M. FRANÇOIS GHALI

-et-

MME CAROLINE SAUVÉ

-et-

MME NATHALIE DUHAMEL

-et-

M. LUC PHARAND

-et-

M. LUCIEN PIGEON

-et-

MME PAMELA MORROS

-et-

M. LOUIS J. OTTONI

-et-

CITOYENS POUR UNE QUALITÉ DE VIE/

CITIZENS FOR A QUALITY OF LIFE

-et-

C.É.S.A.M.M.

     Requérants

     ET

     Hon. DAVID ANDERSON, ès qualité,

ministre DES TRANSPORTS


-et-


Hon. SERGIO MARCHI, ès qualité,

ministre DE L'ENVIRONNEMENT

     Intimés

     ET

     AÉROPORTS DE MONTRÉAL

     Intervenante

     ORDONNANCE

     Pour les motifs qui accompagnent cette ordonnance, la requête en mandamus est rejetée.

     Marc Noël

     juge

     T-1153-96

ENTRE:

     M. FRANÇOIS GHALI

-et-

MME CAROLINE SAUVÉ

-et-

MME NATHALIE DUHAMEL

-et-

M. LUC PHARAND

-et-

M. LUCIEN PIGEON

-et-

MME PAMELA MORROS

-et-

M. LOUIS J. OTTONI

-et-

CITOYENS POUR UNE QUALITÉ DE VIE/

CITIZENS FOR A QUALITY OF LIFE

-et-

C.É.S.A.M.M.

     Requérants

     ET

     Hon. DAVID ANDERSON, ès qualité,

ministre DES TRANSPORTS


-et-


Hon. SERGIO MARCHI, ès qualité,

ministre DE L'ENVIRONNEMENT

     Intimés

     ET

     AÉROPORTS DE MONTRÉAL

     Intervenante

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE NOËL:

     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, suivant l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, par laquelle les requérants demandent à cette Cour d'ordonner à l'honorable David Anderson, en sa qualité de ministre des Transports, de procéder, conformément aux articles 5, 11 et 14 et suivants de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale1, à l'évaluation environnementale du projet d'Aéroports de Montréal (ci-après "l'intervenante" ou "ADM") de "libéraliser" l'assignation des vols réguliers internationaux.2

I      LES PARTIES

     A)      LES REQUÉRANTS

         i)      Citoyens pour une qualité de vie

     Les requérants membres de la corporation sans but lucratif "Citoyens pour une qualité de vie" sont tous propriétaires ou occupants d'immeubles situés dans les municipalités de Pointe-Claire et Ville Saint-Laurent, les propriétés elles-mêmes étant situées à l'intérieur du corridor aérien utilisé par les avions desservant l'aéroport de Dorval.

     "Citoyens pour une qualité de vie" est une corporation sans but lucratif formée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies composée de citoyens canadiens qui

a)      habitent les municipalités où est situé l'aéroport de Dorval, soit Dorval, Pointe-Claire et Ville Saint-Laurent, dans la province de Québec; ou
b)      habitent les municipalités qui ne sont pas directement situées en bordure de l'aéroport de Dorval mais qui sont tout de même affectées par le bruit, la pollution et les risques d'écrasement d'avions découlant de la proximité de l'aéroport de Dorval.

         ii)      C.É.S.A.M.M.

     La Coalition élargie pour le soutien de l'aéroport Montréal-Mirabel [ci-après "C.É.S.A.M.M."] est une corporation sans but lucratif qui a pour objet, notamment, de défendre et promouvoir la protection de l'environnement.

     B)      L'INTERVENANTE

         i)      ADM

     ADM est la corporation chargée d'administrer les aéroports internationaux de Montréal situés à Dorval et à Mirabel selon la Loi sur les cessions d'aéroports3.

     Selon les lettres patentes de ADM émises le 21 novembre 1989, en vertu de la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, les objets de ADM sont, notamment:

         a.      agir comme organisme public rendant des services aéroportuaires de qualité qui répondent aux besoins spécifiques de la communauté, tout en recherchant l'efficience ainsi que le développement économique et commercial, notamment par la mise en valeur du potentiel des installations qu'elle peut prendre à sa charge;         
         b.      (...)         
         c.      assurer l'exploitation des installations dont elle peut prendre charge dans le meilleur intérêt du public, sur une base financièrement viable permettant de dégager les capitaux nécessaires au développement optimal du transport aérien;         
         d.      contribuer au développement économique de la grande communauté montréalaise, tout en rencontrant les besoins présents et futurs des réseaux de transports aériens national et international de même que ceux des industries du transport aérien et de l'aéronautique;         
         e.      agir comme interlocuteur auprès des autorités compétentes relativement à toute question touchant la gestion ou le développement des installations que peut prendre en charge la société ou touchant les intérêts ou les besoins à cet égard de la population desservie par telles installations.         

     Les membres du conseil d'administration de ADM sont nommés parmi les membres de la Société de promotion des aéroports de Montréal ("SOPRAM").

     SOPRAM est la Société de promotion des aéroports de Montréal, soit une société sans but lucratif créée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies du Québec, le 22 décembre 1987 sous le nom Conseil de l'aéroport international de Montréal. Les lettres patentes du SOPRAM ont été modifiées le 21 novembre 1989, le jour même de la constitution de ADM alors que le Conseil de l'aéroport international de Montréal adoptait une nouvelle dénomination, celle de SOPRAM et modifiait ses projets qui prévoient maintenant, entre autres:

         a)      Regrouper des instances représentatives des intérêts économiques et politiques de la grande communauté montréalaise, préoccupés par l'ensemble des questions touchant le transport aérien dans la région desservie par les installations aéroportuaires à l'usage de cette communauté;         
         (...)         
         c)      Promouvoir le développement et le rayonnement des installations aéroportuaires à l'usage de la grande communauté montréalaise;         
         d)      Faire valoir les intérêts et besoins du public desservi par les installations aéroportuaires à l'usage de la grande communauté montréalaise;         
         e)      Désigner les membres de Aéroports de Montréal une société sans but lucratif constituée en vertu de lettres patentes émises selon la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes.         

     C)      LES INTIMÉS

     L'honorable David Anderson est ministre des Transports et est à ce titre l'individu qui fait l'objet du présent recours.

     L'honorable Sergio Marchi est ministre de l'Environnement. Dans leur requête introductive d'instance, les requérants demandaient l'émission d'un bref de mandamus enjoignant le ministre de l'Environnement d'examiner la possibilité de renvoyer à une commission d'évaluation environnementale le projet de libéraliser l'assignation des vols réguliers internationaux. Cependant le ministre de l'Environnement a depuis décidé d'étudier la possibilité d'assujettir le projet de ADM à une commission d'évaluation environnementale rendant par le fait même ce second recours académique. Comme nous le verrons, les résultats de cette étude furent annoncés quelque jours avant que ne débute l'audition.

II      HISTORIQUE ET FAITS

     C'est en 1946 que le gouvernement canadien désigne l'aéroport de Dorval comme point d'entrée des vols internationaux, lui conférant ainsi un rôle de plaque tournante pour le transport aérien nord-atlantique et nord-américain. Parallèlement à l'exploitation continue de l'aéroport de Dorval par le ministère des Transports, le gouvernement du Canada décide de mettre en chantier puis d'ouvrir en 1975 l'aéroport de Mirabel dont le rôle original était d'accueillir tous les vols commerciaux internationaux, transfrontaliers et intérieurs, long courrier, desservant la région montréalaise; depuis son ouverture, l'aéroport de Mirabel accueille les vols internationaux.

     En décembre 1986, après des débats publics portant sur l'opportunité de maintenir la dualité aéroportuaire de Montréal, selon les assignations établies en 1975, le gouvernement fédéral annonce sa décision de maintenir les deux aéroports dans leurs rôles respectifs et d'intégrer Dorval et Mirabel dans une structure de gestion centralisée.

     Dès 1987, le gouvernement fédéral a envisagé la possibilité de céder la propriété ou l'exploitation des aéroports fédéraux à des organismes ou groupes intéressés tels que, entre autres, les gouvernements provinciaux, les municipalités, les administrations locales ou le secteur privé, aux fins de mettre en oeuvre un nouveau concept de gestion d'aéroports, axé sur l'orientation commerciale des aéroports, leur contribution possible au développement économique et leur sensibilisation aux préoccupations et aux intérêts locaux.

     Dans le cadre de cette nouvelle politique du gouvernement fédéral, il était entendu que le gouvernement fédéral demeurerait en contrôle des questions de sûreté et de sécurité, des services à la navigation aérienne, du contrôle de trafic aérien et de l'homologation des aéroports et que les organismes bénéficiaires succédant au gouvernement fédéral devraient exploiter les aéroports cédés en respectant les conditions de leurs certificats d'exploitation, de même que les règlements de sécurité et de sûreté prescrits pour le type d'activités et d'aéronefs aux aéroports impliqués.

     À cette nouvelle politique du gouvernement fédéral de 1987 se sont ajoutés, en juin 1989, trente-six principes de base supplémentaires devant régir la création et le fonctionnement des administrations aéroportuaires locales (AAL). Il y était conçu et stipulé, entre autres, que le gouvernement fédéral amorcera les négociations de cession en fonction d'une location à long terme des aéroports et que ces AAL, constituées en vue de gérer et d'exploiter un système aéroportuaire local, devraient être des entreprises visant à être financièrement autonomes, composées d'un conseil d'administration comprenant des représentants du milieu des affaires et des intérêts de la communauté et chargées de gérer l'entreprise selon une orientation commerciale susceptible de contribuer au développement économique, tout en étant sensibles aux préoccupations et aux intérêts locaux.

     Le 19 mars 1992, le Gouverneur en Conseil a, par décret, autorisé le ministre des Transports à conclure, au nom de Sa Majesté du chef du Canada, une convention de cession avec l'intervenante ADM, en vue de céder à cette dernière la gestion, l'exploitation et l'entretien du système intégré comprenant les aéroports de Dorval et de Mirabel.

     Par convention de cession conclue en date du 1er avril 1992 entre Sa Majesté du chef du Canada et l'intervenante, Sa Majesté a convenu de cesser de gérer, d'exploiter et d'entretenir l'aéroport international de Montréal (Dorval et Mirabel) à compter du 1er août 1992. L'intervenante a alors quant à elle convenu de louer ledit aéroport et d'en assumer la gestion, l'exploitation et l'entretien. Par bail foncier conclu le 31 juillet 1992, Sa Majesté du chef du Canada a loué à l'intervenante pour une période soixante (60) ans le système intégré de l'aéroport international de Montréal (Dorval et Mirabel).

     Le 20 février 1996, l'intervenante a annoncé publiquement son projet de "libéraliser", à compter d'avril 1997, l'assignation des vols réguliers internationaux en vue de laisser aux compagnies aériennes, à compter de cette date, le choix de diriger leurs vols internationaux réguliers vers Dorval ou vers Mirabel. Quelques jours auparavant, lors d'une réunion regroupant des représentants de l'intervenante et du ministre des Transports, l'intervenante avait informé le ministre des Transports de son intention d'ainsi libéraliser l'assignation des vols réguliers internationaux.

     Cette décision comporte un changement de vocation des aéroports de Dorval et de Mirabel. Premièrement, l'aéroport de Dorval, selon ADM, "deviendra une porte d'entrée nord-américaine pour les liaisons entre le continent et l'Europe. Les vols réguliers internationaux pourront dorénavant partir de cet aéroport et Mirabel se voit quant à lui attribuer une vocation tout cargo et vacances pour desservir l'ensemble des vols nolisés.

     Face à ce projet et en l'absence d'évaluation environnementale menée conformément à la Loi, les requérants ont en date du 2 mai 1996 mis le ministre des Transports en demeure de déclencher le processus d'évaluation prévu à la LCEE. N'ayant pas reçu de réponse au cours des semaines qui suivirent, les requérants déposèrent en date du 17 mai 1996 le présent recours judiciaire.

     Trois jours avant le début de l'audition, soit le 18 octobre 1996, le ministre de l'Environnement rendait publique sa décision de ne pas assujettir le projet de ADM à une commission d'évaluation environnementale. À cette occasion, le ministre publia un document intitulé "Analyse environnementale du projet de libéralisation de l'assignation des vols réguliers internationaux entre Dorval et Mirabel". La décision du ministre fut ainsi expliquée dans un communiqué de presse émis par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale:

              Transfert de vols de Mirabel à Dorval         
              Pas d'effets environnementaux négatifs importants         
         Ottawa -- le 18 octobre 1996 - Le ministre fédéral de l'Environnement, Sergio Marchi, après avoir consulté d'autres ministères gouvernementaux, a rendu publique une étude préparée par son ministère qui révèle que le transfert prévu des vols réguliers internationaux de Mirabel à Dorval n'entraînerait pas d'effets environnementaux négatifs importants. L'analyse effectuée par Environnement Canada se fonde sur une augmentation prévue de 11 départs par jour.         
         À la suite de cette étude qui s'est achevée le 16 septembre 1996, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, après avoir considéré d'autres aspects de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la "Loi"), a recommandé au ministre de ne pas renvoyer ce projet à un examen par une commission d'évaluation environnementale. Le ministre a accepté cette recommandation.         
         Le ministre a tenu compte des préoccupations soulevées par plusieurs personnes lui demandant de renvoyer à une commission la décision d'Aéroports de Montréal (ADM) de permettre le transfert des vols réguliers internationaux vers Dorval.         
         Les projets entrepris dans la plupart des aéroports canadiens étaient auparavant assujettis à l'évaluation environnementale fédérale. Mais depuis la proclamation de la Loi et en raison du transfert de l'administration des aéroports aux autorités locales, les dispositions de la Loi ne s'appliquent plus à plusieurs des projets réalisés sur ces terres louées.         
         Pour corriger la situation, le ministre a demandé à ses représentants, en consultation avec les autorités aéroportuaires et Transports Canada, de proposer des mesures qui feraient en sorte que les projets sur ces terres, proposés par les autorités aéroportuaires, soient évalués conformément à la Loi.4         

III      QUESTIONS EN LITIGE

     Les requérants sont d'avis que le ministre des Transports a l'obligation de s'assurer qu'une évaluation environnementale soit effectuée avant la mise en oeuvre du projet de ADM. Plus précisément, les requérants soumettent que:

         a)      de par les bénéfices qu'il tirera des frais imposés ou perçus par ADM dans le cadre de sa décision du 20 février 1996, le ministre des Transports devient le promoteur, en partie, du projet au sens de l'article 5 1) a) LCEE; il en est aussi, en partie, le promoteur à titre de propriétaire sous condition suspensive des améliorations qu'ADM effectuera à l'aéroport de Dorval et de par le contrôle qu'il conserve, à titre de Locateur, sur les opérations d'ADM;         
         b)      de par son rôle dans le paiement des taxes municipales d'ADM de même que du fait du report du loyer d'ADM, le ministre des Transports se trouve à financer, garantir le financement ou accorder une autre aide financière pour les travaux effectués par ADM dans le cadre de son projet de libéralisation de l'assignation des vols, au sens de l'article 5 1) b) LCEE;         
         c)      de par les termes du bail, le ministre des Transports se trouve à autoriser la cession de terres domaniales dans le cadre de son projet de libéralisation de l'assignation des vols, au sens de l'article 5 1) c) LCEE.         

     ADM et le ministre des Transports rétorquent que ce dernier exercerait, à l'égard du projet en cause aucune des attributions décrites aux articles 5(1) a), b) ou c) de la LCEE. Ils soutiennent en conséquence que le ministre des Transports n'est pas tenu de procéder à l'évaluation environnementale du projet.

     ADM soumet que le recours des requérants est à tout événement caduc depuis que le ministre de l'Environnement a conclu, le 18 octobre 1996, suite à l'étude qu'il a faite du projet, qu'il "n'est pas de nature à générer d'effets environnementaux négatifs importants".

IV      DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

     La LCEE a été sanctionnée le 23 juin 1992, mais n'est pas entrée en vigueur à cette date. Les articles 61 à 70, 73, 75 et 78 à 80 sont entrés en vigueur le 22 décembre 1994, alors que les articles 1 à 60, 71, 72, 74, 76 et 77 sont entrés en vigueur le 19 janvier 1995. À cette même date, le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, qui régissait depuis 1984 le processus fédéral d'évaluation environnementale, a été abrogé.5

     Les dispositions de la LCEE qui sont pertinentes aux fins du présent litige, sont toutes entrées en vigueur le 19 janvier 1995.

         Préambule à la Loi         
         que l'évaluation environnementale constitue un outil efficace pur la prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision, de façon à promouvoir un développement durable;         
         que le gouvernement fédéral s'engage à jouer un rôle moteur tant au plan national qu'au plan international dans la prévention de la dégradation de l'environnement tout en veillant à ce que les activités de développement économique soient compatibles avec la grande valeur qu'accordent les Canadiens à l'environnement;         
         que le gouvernement fédéral s'engage à favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projets à entreprendre par lui ou approuvés ou aidés par lui, ainsi qu'à fournir l'accès à l'information sur laquelle se fonde cette évaluation.         
         2.(1)      Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.         
         "autorité fédérale"         
                      a) Ministre fédéral;         
         "autorité responsable"         
                      L'autorité fédérale qui, en conformité avec le paragraphe 11(1), est tenue de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation environnementale d'un projet.         
         "évaluation environnementale"         
                      Évaluation des effets environnementaux d'un projet effectuée conformément à la présente loi et aux règlements.         
         "examen préalable"         
                      Évaluation environnementale qui, à la fois:         
                          a)      est effectuée de la façon prévue à l'article 18;         
                          b)      prend en compte les éléments énumérés au paragraphe 16(1).         
         "liste d'étude approfondie"         
                      Liste des projets ou catégories de projets désignés par règlement aux termes de l'alinéa 59d).         
         "liste d'exclusion"         
                      Liste des projets ou catégories de projets par règlement aux termes de l'alinéa 59c).         
         "projet"         
                      Réalisation - y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture - d'un ouvrage ou proposition d'exercice d'une activité concrète, non liée à un ouvrage, désignée par règlement ou faisant partie d'une catégorie d'activités concrètes désignée par règlement aux termes de l'alinéa 59b).         
         "promoteur"         
                      Autorité fédérale ou gouvernement, personne physique ou morale ou tout organisme qui propose un projet.         
         Projets visés         
         5.(1)      L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes:         
              a)      une autorité fédérale en est le promoteur et le met en oeuvre en tout ou en partie;         
              b)      une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l'aider à mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d'emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l'aide financière est accordée sous forme d'allègement - notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise - d'une taxe ou d'un impôt qui est prévu sous le régime d'une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en oeuvre d'un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l'allègement;         
              c)      une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d'une province l'administration et le contrôle, en vue de la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;         
              d)      une autorité fédérale, aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou prend toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.         
         Exclusions         
         7.(1)      Par dérogation à l'article 5, n'ont pas à faire l'objet d'une évaluation environnementale les projets:         
              a)      qui sont vidés dans les listes d'exclusion;         
              b)      qui sont mis en oeuvre en réaction à des situations de crise nationale pour lesquelles des mesures d'intervention sont prises aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence;         
              c)      qui sont mis en oeuvre en réaction à une situation d'urgence et qu'il importe, soit pour la protection de biens ou de l'environnement, soit pour la santé ou la sécurité publique, de mettre en oeuvre sans délai.         
         (2)      Il est entendu qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer une évaluation environnementale dans les cas où l'autorité fédérale exerce une attribution visée à l'alinéa 5(1)b) à l'égard d'un projet dont les détails essentiels ne sont pas déterminés avant cet exercice ou au moment de celui-ci.         
         [...]         
         11.(1)      Dans le cas où l'évaluation environnementale d'un projet est obligatoire, l'autorité fédérale visée à l'article 5 veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable, et est appelée, dans la présente loi, l'autorité responsable de ce projet.         
         (2) L'autorité responsable d'un projet ne peut exercer ses attributions à l'égard de celui-ci que si elle prend une décision aux termes des alinéas 20(1)a) ou 37(1)a).         
         [...]         
         13.      Dans le cas où un projet appartient à une catégorie visée dans la liste d'étude approfondie, ou si un examen par une commission ou un médiateur doit être effectué, malgré toute autre loi fédérale, l'exercice d'une attribution qui est prévu par cette loi ou ses règlements pour mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie est subordonné à l'achèvement de l'évaluation environnementale de celui-ci et à la prise d'une décision à son égard aux termes de l'alinéa 37(1)a).         
         14.      Le processus d'évaluation environnementale d'un projet comporte, selon le cas:         
              a)      un examen préalable ou une étude approfondie et l'établissement d'un rapport d'examen préalable ou d'un rapport d'étude approfondie;         
              b)      une médiation ou un examen par une commission prévu à l'article 29 et l'établissement d'un rapport;         
              c)      l'élaboration et l'application d'un programme de suivi.         
         [...]         
         18.(1)      Dans le cas où le projet n'est pas visé dans la liste d'étude approfondie ou dans la liste d'exclusion, l'autorité responsable veille:         
              a)      à ce qu'en soit effectué l'examen préalable;         
              b)      à ce que soit établi un rapport d'examen préalable.         
         18(3)      Avant de prendre sa décision aux termes de l'article 20, l'autorité responsable, dans les cas où elle estime que la participation du public à l'examen préalable est indiquée ou dans le cas où les règlements l'exigent, avise celui-ci et lui donne la possibilité d'examiner le rapport d'examen préalable et les documents consignés au registre public établi aux termes de l'article 55 et de faire ses observations à leur égard.         
         [...]         
         20.(1)      L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3):         
              a)      sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;         
              b)      si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale et qui pourraient lui permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;         
              c)      s'adresser au ministre pour une médiation ou un examen par une commission prévu à l'article 29:         
                  (i)      s'il n'est pas clair, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, que la réalisation du projet soit susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants,         
                  (ii)      si la réalisation du projet, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants et si l'alinéa b) ne s'applique pas,         
                  (iii)      si les préoccupations du public le justifient.         
         [...]         
         29.(1)      Sous réserve du paragraphe (2), dans le cas où un projet doit faire l'objet d'une médiation ou d'un examen par une commission, le ministre:         
              a)      soit renvoie l'évaluation environnementale du projet à un médiateur ou à une commission;         
              b)      soit renvoie une partie de l'évaluation environnementale du projet à un médiateur et une partie de celle-ci à une commission.         
         [...]         
         37.(1)      Sous réserve du paragraphe (1.1), l'autorité responsable, après avoir pris en compte le rapport du médiateur ou de la commission ou si le ministre, à la suite du rapport d'étude approfondie, lui demande de prendre une décision aux termes de l'alinéa 23a), prend l'une des décisions suivantes:         
              a)      si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants ou est susceptible d'en entraîner qui sont justifiables dans les circonstances, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre totale ou partielle du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;         
              b)      si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux qui ne sont pas justifiables dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale et qui pourraient permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.         

V      ANALYSE ET DÉCISION

     La seule question à trancher est celle à savoir si le ministre des Transports est tenu de mener une évaluation environnementale en vertu des paragraphes a), b) ou c) de l'article 5(1) de la LCEE. Dans la mesure où le ministre a une telle obligation, une question additionnelle se posera quant à l'impact de la toute récente décision du ministre de l'Environnement sur cette obligation.

     De façon préliminaire, les requérants font valoir que c'est en vertu du décret qui fut remplacé par la LCEE6 qu'ont été tenues les évaluations environnementales relatives aux agrandissements des aéroports de Vancouver et Pearson (Toronto). Ils ajoutent qu'il serait difficile de croire que la LCEE, à la lumière de son préambule, ait une portée moins grande et une efficacité plus limitée que le décret.

     1)      L'ARTICLE 5(1) A)

         5.(1)      L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes:         
                  a) une autorité fédérale en est le promoteur et le met en oeuvre en tout ou en partie;         

     Les requérants soumettent que le ministre des Transports est promoteur du projet à au moins trois titres:

     1.      à titre de personne qui possède suffisamment de droits en vertu du bail et de la convention sur les services et installations aéronautiques pour empêcher ou autoriser le projet. En l'espèce, les requérants prétendent que le silence du ministre équivaut à une autorisation;
     2.      à titre de propriétaire sous condition suspensive des améliorations effectuées par ADM dans le cadre de l'exécution du projet;
     3.      au titre de son intérêt économique et en particulier à l'égard du pourcentage des frais imposés aux passagers par ADM et aux revenus de stationnement qu'il recevra en tant que locateur.

     Quant au premier point, les requérants s'en remettent à une multitude de clauses que l'on retrouve dans le bail ainsi que dans la Convention sur les services et installations aéronautiques et qui, selon eux, sont évocatrices d'un droit de contrôle. Ils ajoutent que puisque par son silence, le ministre des Transports a sanctionné le projet, il en est le promoteur.

     Quant au deuxième point, les requérants soulignent que le ministre des Transports est propriétaire, sous condition suspensive, de toutes les améliorations qui peuvent être effectuées sur les lieux loués.7 Malgré le fait que ce droit ne se concrétisera qu'à la fin du bail, les requérants soulignent qu'en vertu des dispositions pertinentes du Code civil du Québec8, le ministre des Transports sera, à ce moment-là, réputé avoir été propriétaire depuis le 31 juillet 1992, de toute installation qui aura été construite par ADM. Dans ce contexte, les requérants se demandent "comment peut-on prétendre que le propriétaire d'un bien n'en est pas le promoteur lorsque ce bien se construit?9

     Quant au troisième point, les requérants soulignent que le ministre des Transports participera aux bénéfices économiques reliés au projet de ADM à deux égards10, et que de ce fait il en est le promoteur.

     En réponse à ces arguments portant sur l'article 5(1) a), l'intimé fait remarquer que l'article en question exige que l'autorité fédérale soit non seulement le promoteur du projet mais aussi celui qui le met en oeuvre en tout ou en partie. Il précise que les requérants n'ont aucunement démontré comment le ministre des Transports doit mettre en oeuvre, en totalité ou en partie, le projet de ADM.

     L'intervenante et l'intimé font aussi remarquer à titre préliminaire que, selon les termes du bail, ADM doit gérer, exploiter et entretenir le système aéroportuaire pour son propre compte, seule, et à l'exclusion de quiconque.11 Aucune relation d'agent ou de mandataire est entendue ou sous-entendue. Ils précisent que tous les droits aménagés en faveur du ministre des Transports à même le bail sont l'apanage normal d'une telle convention gardant à l'esprit le fait que le ministre devait, par ailleurs, se donner les accès nécessaires pour remplir ses obligations dans le domaine de l'aéronautique.12 Plus précisément, l'intervenante et l'intimé font valoir que tous les droits que s'est réservé le ministre des Transports ont pour but soit de protéger ses intérêts à titre de bailleur de fonds ou de lui permettre de vaquer à ses obligations dans le domaine de l'aéronautique.

     Au-delà de ceci, l'intimé et l'intervenante s'en remettent à la définition du mot promoteur et soulignent que le ministre des Transports a nié avoir proposé le projet de ADM ou d'avoir eu quelque implication que ce soit à titre de promoteur de ce projet au sens de la Loi.13 Ils ajoutent que la privatisation des aéroports de Montréal qui a donné naissance à ADM avait précisément comme objectif de confier au secteur privé à l'exclusion de l'administration fédérale, notamment le ministre des Transports, l'administration de ces aéroports. C'est ce qui explique selon eux le fait que le ministère des Transports n'ait joué aucun rôle quant à l'élaboration et la mise sur pied de la proposition véhiculée par ADM.

     Je note à ce stade-ci que les requérants n'allèguent pas qu'il y ait trompe-l'oeil quant aux relations factuelles et juridiques entre ADM et le ministre des Transports. Ils reconnaissent que ces relations sont conformes à ce que laissent entendre les contrats qui les lient. Ils reconnaissent aussi que la perception que ces derniers nous ont donnée de leurs faits et gestes est conforme à la réalité.

     Gardant ceci à l'esprit, la seule façon de faire du ministre des Transports un promoteur du projet de ADM au sens de la Loi est de prétendre que ce dernier a, par son silence face au projet de ADM, de fait proposé ledit projet. C'est d'ailleurs ce que font valoir les requérants au paragraphe 87 de leur mémoire. Si je comprends bien leur point de vue, le ministre des Transports aurait, de par les droits et pouvoirs qu'il exerce en vertu du bail et de la convention connexe, pu bloquer le projet, et puisqu'il ne l'a pas fait, il en devient un promoteur. Malheureusement, même en prenant pour acquis que le ministre des Transports avait le loisir de bloquer le projet et que dans cette mesure, il peut être accusé de l'avoir sanctionné, ceci ne fait pas de lui un promoteur du projet au sens de la définition. Il en est de même quant au fait que le ministre des Transports possède aujourd'hui par le biais du bail antérieur un intérêt financier dans le projet, quant au fait qu'il puisse en bout de ligne en faciliter le financement et quant au fait qu'il soit susceptible de devenir le propriétaire immédiat ou éventuel des immeubles à être construits dans le cadre du projet.

     Même si le mot promoteur a un sens usuel très large14, le sens qui a été retenu par le législateur dans le cadre de la LCEE est restreint. Selon les termes mêmes de la Loi, le promoteur d'un projet est celui qui le propose. Or, à cet égard, la preuve est sans équivoque. Le ministre des Transports n'a pas de près ou de loin proposé le projet, ni en totalité ni en partie. C'est ADM qui, dans le cadre des pouvoirs exclusifs qui lui furent conférés par le bail et la convention de 199215, a assumé la gestion du système aéroportuaire et qui, dans l'exercice de ce pouvoir, a décidé de libéraliser les vols et mettre de l'avant son projet.16 Le seul privilège auquel le ministre des Transports a eu droit à ce titre, c'est d'être informé de la décision de ADM quelques jours avant que ne le soit le public. Ceci n'a pas pour effet d'en faire l'auteur ou le co-auteur de la proposition de ADM.

     2)      L'ARTICLE 5(1) B)

         5.(1)      L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes:         
                  b)      une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l'aider à mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d'emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l'aide financière est accordée sous forme d'allègement - notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise - d'une taxe ou d'un impôt qui est prévu sous le régime d'une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en oeuvre d'un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l'allègement;         

     Quant à l'article 5(1) b), les requérants prétendent que tant le droit conféré à ADM de différer le paiement du loyer pour une période de six ans17 que le paiement par le ministre des Transports aux municipalités concernées d'un montant équivalent aux taxes municipales par ailleurs payables constituent une aide financière au sens dudit article.

     Les requérants reconnaissent cependant que cette aide ne peut avoir été concédée dans le but d'aider ADM à mettre en oeuvre son projet puisqu'en 1992, le projet avait encore à être conçu et que donc personne ne l'avait à l'esprit.18 Ils prétendent cependant que l'aide financière, le cas échéant, a tout de même été concédée "en vue" d'aider ADM à mettre en oeuvre son projet comme l'exige l'article 5(1) b).

     Pour ce faire, les requérants s'en remettent à certaines décisions en matière fiscale19 pour conclure que tout ce que l'article 5(1) b) exige, c'est qu'il y ait concomitance entre l'utilisation de l'aide financière et le projet en question. Or, les décisions sur lesquelles se fondent les requérants pour en venir à cette conclusion ont l'effet diamétralement opposé. Ce qu'elles établissent comme principe, c'est qu'un dollar est déductible même s'il n'a pas de fait généré du revenu en autant qu'il ait été déboursé dans le but de générer du revenu.

     Les mots "en vue de", ou "for the purpose of" dans le texte anglais, sont sans ambiguïté comme le confirme la jurisprudence citée par les requérants. Pour qu'une aide financière donne lieu à l'application de l'article 5, elle doit avoir été avancée ou concédée "en vue" du projet que l'on désire assujettir à une évaluation environnementale. Puisque dans le cas qui nous occupe, il est acquis, de part et d'autre, que l'aide financière, s'il en est, n'a pu être concédée "en vue" du projet, l'article 5(1) b) ne peut s'appliquer.

     3)      L'ARTICLE 5(1) C)

         5.(1)      L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes:         
                  c) une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d'une province l'administration et le contrôle, en vue de la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;         

     Quant à l'article 5(1) c) de la Loi, les requérants s'en remettent aux termes des articles 3.01.03 et 3.01.04 du bail, lesquels se lisent, en partie, comme suit:

         3.01.03         
         Le locateur renonce de façon expresse, en faveur du locateur, au bénéfice de son droit d'accession à toute installation nouvelle érigée sur un bien-fonds aménageable20 ...         
         3.01.04         
         Si le locataire en fait la demande, le locateur renoncera également au bénéfice du droit d'accession sur toute installation nouvelle devant être érigée sur toute autre partie des lieux loués. ...         

     Ils précisent que le bail n'est pas de nature emphytéotique et que le ministre des Transports conserve à prime abord la propriété des installations à être érigées. Ce n'est que par la renonciation de ce droit de propriété, laquelle est prévue aux articles 3.01.03 et 3.01.04, que ADM devient propriétaire des installations nouvelles, et il y a là selon les requérants vente ou cession à bail au sens de l'article 5(1) c). Encore une fois, je note que la cession prévue à l'article 5(1) c) doit avoir lieu "en vue de la mise en oeuvre du projet".

     Or, de deux choses l'une. Ou bien la rétrocession des immeubles à être érigés aux termes du bail a lieu au moment où le ministre des Transports a renoncé à son droit d'accession, soit lors de la signature du bail en 1992, ou bien il y a rétrocession des immeubles au moment où ils sont érigés21. Dans le premier cas, l'application de l'article 5(1) c) est exclue puisque, comme nous l'avons vu, il est admis qu'aucune des parties en cause n'avait en vue le projet de ADM lors de la signature du bail. Dans le deuxième cas, l'application de l'article 5(1) c) est aussi exclue puisque, selon la preuve, il n'existe à l'heure actuelle aucun immeuble susceptible de rétrocession.

     Au-delà de ceci, je me permets de dire, en obiter, que la question à savoir si l'article 5(1) c) sera susceptible d'être enclenché lorsque des installations seront construites, le cas échéant, doit se répondre dans la négative. Selon moi, c'est lors de la signature du bail que le ministre des Transports s'est formellement engagé à céder la propriété des immeubles à être érigés, et c'est donc à cette date qu'il en a autorisé la cession au sens de l'article 5(1) c).

     J'en viens donc à la conclusion que l'article 5 de la Loi ne s'applique pas et que donc le processus d'examen environnemental que tentent de mettre en branle les requérants ne peut avoir lieu.

     Pour ceux qui prétenderont que cette conclusion est conforme à la lettre de la Loi mais en ignore l'esprit, je dirai, au-delà du fait que la Cour d'appel est là pour leur donner raison, ce qui suit. L'esprit de la Loi doit se déceler à partir des mots utilisés par le législateur pour l'exprimer. En l'occurrence, le ministre de l'Environnement a laissé entendre dans son communiqué du 18 octobre qu'il est troublé par le fait que l'article 5 de sa Loi laisse échapper à l'étude environnementale les projets initiés par les administrations aéroportuaires privatisées.22 J'en conviens, et je suis heureux en tant que citoyen de constater que le ministre ait cette préoccupation. Mais, ce n'est pas à moi, en tant que juge, de décider quelle devrait être la politique du ministre de l'Environnement à cet égard, ni de fausser l'interprétation de la Loi actuelle en décidant moi-même de ce qu'elle devrait être.

     La Loi telle qu'elle se présente devant moi est claire et sans équivoque. Mon seul devoir est de l'appliquer. L'on peut blâmer les juges de mal interpréter les lois, mais on ne peut les blâmer de la respecter et de laisser aux élus le soin de légiférer.

     Pour ces motifs, la requête en mandamus est rejetée.

     Marc Noël

     juge

Montréal (Québec)

le 24 octobre 1996

             T-1153-96

M. FRANÇOIS GHALI ET AL

             Requérants

ET

Hon. DAVID ANDERSON, ès qualité,

ministre DES TRANSPORTS

-et-

Hon. SERGIO MARCHI, ès qualité,

ministre DE L'ENVIRONNEMENT

             Intimés

ET

AÉROPORTS DE MONTRÉAL

             Intervenante

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-1153-96

M. FRANÇOIS GHALI ET AL

     Requérants

ET

Hon. DAVID ANDERSON, ès qualité,

ministre DES TRANSPORTS

-et-

Hon. SERGIO MARCHI, ès qualité,

ministre DE L'ENVIRONNEMENT

     Intimés

ET

AÉROPORTS DE MONTRÉAL

     Intervenante

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE:les 21, 22, 23 et 24 octobre 1996

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:L'honorable juge Noël

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 24 octobre 1996

COMPARUTIONS:

Mes Sylvain Lussier/Jean F. Keable/Karine Brassard      pour les Requérants

Mes Yves Leboeuf/David Lucas      pour les Intimés

Mes Raynold Langlois/Michel Bellemare      pour l'Intervenante

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Mes Sylvain Lussier/Jean F. Keable/Karine Brassard      pour les Requérants

Desjardins Ducharme Stein Monast

Montréal (Québec)

Me George Thomson      pour les Intimés

Sous-procureur général du Canada

Ministère fédéral de la Justice

Montréal (Québec)

Mes Raynold Langlois/Michel Bellemare      pour l'Intervenante

Jean-François Longtin/Stéphane Nobert

Langlois Robert

Montréal (Québec)

__________________

     1      L.C. (1992), ch. 37, ci-après la "LCEE" ou la "Loi".

     2      Ce projet a pour effet pratique de transférer tous les vols réguliers internationaux de l'aéroport de Mirabel à celui de Dorval et de réserver à Mirabel le statut d'aéroport spécialisé (vacances et tout-cargo) desservant l'ensemble des vols nolisés.

     3      L.R.C. 1985, c. A-10.4. Il est à noter que cette loi est administrée par le Ministre des Transports.

     4      Affidavit de Youssef Sabeh déposé en date du 20 octobre 1996.

     5      Voir Décret fixant au 22 décembre 1994 la date d'entrée en vigueur de certains articles de cette Loi , TR/95-3; Décret fixant au 19 janvier 1995 la date d'entrée en vigueur de certains articles de cette Loi, TR/95-11; Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467; Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement - Abrogation, DORS/95-72.

     6      Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, lu de pair avec l'article 74 de la LCEE.

     7      Voir le paragraphe 3.08.01 du bail.

     8      Articles 1506 et 1507.

     9      Mémoire des requérants, paragraphe 118.

     10      En vertu du paragraphe 4.03.02 du bail, le ministre des Transports a droit à un pourcentage des revenus provenant des frais d'utilisation par passager prélevés par ADM. Le ministre des Transports touchera également, en vertu du paragraphe 4.02.01 du bail, à une quote-part des revenus accrus du stationnement suite à l'augmentation projetée de 3,100 places de stationnement ainsi que des revenus de concessions.

     11      Article 8.02.01 du bail.

     12      Service de navigation et contrôle du trafic aérien, homologation des aéroports et sécurité, article 3.01.02 du bail.

     13      Affidavit de Sam Henderson, dossier des intimés, page 4.

     14      Les mots "promoteur" ou "promotion" ont plusieurs sens. Ils incluent au-delà de la personne qui propose ou qui donne la première impulsion à un projet, celle qui le finance ou l'organise. (Voir Le Petit Robert, Nouvelle édition, mis à jour en 1992; The Concise Oxford Dictionary, Eighth Edition, 1992.)

     15      En particulier, l'article 8.02.02 du bail, et l'article 30.01.01 de la convention.

     16      Je n'ai pas par ailleurs à me prononcer sur la légalité de cette décision, et me garde bien de le faire, puisque la question sera débattue devant la Cour supérieure au cours des prochains jours.

     17      Article 4.05 du bail.

     18      En date du 28 juillet 1995, ADM prévoyait toujours maintenir à Dorval et Mirabel les assignations originales. Voir Plan directeur des installations aéroportuaires de Dorval et Mirabel, Dossier des requérants, page 1785.

     19      Premium Iron Ores Limited v. The Minister of National Revenue (1966) R.C.S. 685, en particulier à la page 703; The Minister of National Revenue v. M.P. Drilling Limited, 76 DTC 6028; Royal Trust Company v. Minister of National Revenue, 57 DTC 1055 et Matabi Mines c. Le Ministre du Revenu (Ontario), [1988] 2 R.C.S. 175, à la page 187.

     20      L'article 4.02.01 du bail définit par ailleurs le terme "bien-fonds aménageable" comme toute partie des lieux loués autre que, inter alia , l'aérogare et les installations de stationnement.

     21      Dans le cas de l'article 3.01.04 du bail, au moment où les immeubles sont érigés et ADM fait une demande de rétrocession.

     22      Je dirai à cet égard que seul l'article 5(1)a) présente une déficience en raison du sens restreint attribué au mot "promoteur". Le fait que les articles 5(1) b) et c) ne s'appliquent pas est attribuable à des facteurs temporels plutôt qu'au transfert de l'administration aéroportuaire à des autorités locales.

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