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Date : 20020422

Dossier : T-87-01

Référence neutre : 2002 CFPI 457

ENTRE :

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        Appelant

                                                                                   et

                                                           CHI MING ANDREW LIE

                                                                                                                                                            Intimé

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

        La Couronne vise à obtenir une ordonnance pour une prorogation du délai pour signifier et déposer une demande d'audience. La demande, fondée sur un oubli par inadvertance de la date de dépôt, conjuguée à une prétention éculée selon laquelle l'intimé n'avait pas indiqué qu'il subissait un préjudice découlant du retard alors que, à une étape antérieure, le retard de la Couronne l'avait amené à devoir subir un examen de l'état de l'instance, échoue.


        Pour être plus précis, je dirai que les exigences pour obtenir une prorogation de délai sont bien connues. Dans l'arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263, le juge en chef Thurlow a fait remarquer, à la page 272, que la question fondamentale était la nécessité que justice soit faite entre les parties. Le juge Marceau a formulé la même observation à la page 280, mais il a ensuite ajouté, à la page 282, qu'il convenait d'apprécier et de soupeser les différents facteurs pertinents, y compris les motifs du retard et la présence ou non d'une cause défendable. Le critère pour une prorogation de délai a aussi été examiné par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399, aux pages 399 et 400 :

[3] Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré

1. Une intention constante de poursuivre sa demande;

2. Que la demande est bien fondée;

3. Que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

4. Qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

Je ne présume pas qu'en énonçant ces quatre éléments, la Cour d'appel, dans les très courts motifs, ait eu, de quelque façon que ce soit, l'intention d'aller à l'encontre de son opinion antérieure, dans l'arrêt Grewal, selon laquelle l'objectif global doit être que justice soit faite entre les parties.

        Dans l'arrêt Hennelly, la demande de prorogation de délai se fondait sur l'inadvertance, la Couronne ayant oublié de déposer son dossier en temps utile. L'intimé, qui se représentait lui-même, a eu gain de cause, le juge Muldoon décidant que l'inadvertance ne suffisait pas, en droit et d'après la jurisprudence, pour justifier un retard : Canada (Procureur général) c. Hennelly (1995), 91 F.T.R. 317, aux pages 318 et 319. La Cour d'appel a confirmé la décision du juge Muldoon.


        La Couronne, en l'espèce, plutôt que de produire des observations écrites sur cette question, traitant du critère tel qu'il est énoncé dans Grewal ou dans Hennelly, a simplement retravaillé quelques-unes seulement des observations écrites utilisées en réponse à l'avis antérieur d'examen de l'état de l'instance. En fait, les observations écrites concernant la présente requête sont encore censées être des observations en réponse à un avis d'examen de l'état de l'instance, avec une référence non pertinente à la décision de principe concernant l'examen de l'état de l'instance, Baroud c. Canada (1999), 160 F.T.R. 91. Ces observations écrites ne sont pas très utiles à la cause du demandeur.


        L'affidavit au soutien de la présente requête n'aborde pas la question de savoir si la demande est fondée. Il renferme une simple affirmation que l'avocat a toujours eu l'intention de déposer une demande d'audience, mais cela ne satisfait pas à l'exigence qui doit être remplie, soit de savoir s'il existe une intention continue de poursuivre la demande en soi. L'affidavit touche à la question de l'inadvertance. L'excuse pour avoir fait défaut de déposer la demande d'audience en temps opportun consiste en ce que, lorsqu'un avis d'examen de l'état de l'instance a été délivré par le juge en chef adjoint Lutfy le 22 octobre 2001, le demandeur, pour se rappeler de déposer la demande d'audience, attendait le dossier du défendeur devant être produit le 10 mai 2001, lequel n'a jamais été reçu. La demande d'audience doit être produite dix jours après que le dossier du défendeur est reçu, ou devrait être produit, selon la première de ces deux éventualités : voir la règle 314. Selon le sens ordinaire du paragraphe 314(1), un demandeur ne doit pas escompter que la réception du dossier du défendeur lui donne le signal pour présenter une demande d'audience. En me fondant sur les décisions Hennelly, précitées, je considère que l'inadvertance ou la présente explication de l'inadvertance ne sont pas utiles à la cause du demandeur.

        Le défendeur a déposé un dossier de requête en réponse, lequel ne contient que des observations écrites. Au vu de ces observations, qui ne peuvent être considérées comme des éléments de preuve, je peux comprendre la frustration du défendeur, qui a collaboré en aidant le demandeur à répondre à l'avis d'examen de l'état de l'instance, mais qui trouve maintenant que les choses se sont étirées un peu trop longtemps.

        Si l'on revient à l'arrêt Grewal, le principe sous-tendant une prorogation de délai, c'est que justice soit faite entre les parties. En l'espèce, je ne vois aucune injustice pour le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration si une prorogation du délai pour produire une demande d'audience est refusée : je l'affirme, parce que personne ne déclare, au nom du ministre, que la demande du ministre est fondée de quelque façon que ce soit. Il n'existe pas non plus de véritable élément de preuve au sujet de l'intention continue de poursuivre la demande ou d'explication raisonnable ou valable relativement au retard. Que justice soit faite entre les parties ne signifie pas qu'il doit nécessairement y avoir un préjudice à éviter. Il s'agit plutôt d'une valeur morale généralement considérée comme la fin que le droit doit viser. Il est approprié et conforme au principe que justice soit faite que l'on permette à M. Lie, qui est étudiant, de continuer ses études sans qu'elles soient interrompues ou gênées par cette demande de contrôle judiciaire qui, d'après le dossier ainsi que les documents passés et présents, semble avoir été menée de manière négligente et nonchalante.


        La demande de prorogation de délai de la Couronne pour déposer la demande d'audience est refusée.

« John A. Hargrave »

                                                                                                                        Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 22 avril 2002

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                            AVOCATS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-87-01

INTITULÉ :                                        MCI c. Chi Ming Andrew Lie

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 avril 2002

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Pauline Anthoine                                                                             POUR L'APPELANT

Ministère de la Justice

Chi Ming Andrew Lie                                                                     POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                           POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Chi Ming Andrew Lie                                                                     POUR L'INTIMÉ

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