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Date : 20010614

Dossier : IMM-6106-99

Référence neutre : 2001 CFPI 657

Ottawa (Ontario), le jeudi 14 juin 2001.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

DZEZAIR BAHTIJARI

demandeur

-et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]        Le demandeur, Dzezair Bahtijari, Slave d'origine musulmane âgé de 44 ans, est un ancien citoyen de la région du Kosovo, en Yougoslavie. Monsieur Bahtijari a fait une demande de résidence permanente au Canada en tant que réfugié sous le parrainage du gouvernement cherchant à se réinstaller au Canada. Il demande le contrôle judiciaire de la décision, datée du 10 novembre 1999, d'une agente des visas du Consulat du Canada à Bonn, en Allemagne. Les détails quant à la nature de cette décision sont décrits ci-dessous.


[2]        M. Bahtijari habitait en Allemagne depuis février 1992 parce qu'il s'opposait en tant qu'objecteur de conscience, à la guerre déclenchée par le régime de Slobodan Milosevic.

[3]        Le Consulat canadien a reçu la demande de résidence permanente de M. Bahjtijari au mois de mars 1999. Cette demande a été refusée dans une lettre datée du 29 juillet 1999, pour les raisons suivantes : comme il ne s'était pas conformé au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 ( « Loi » ), il est entré dans la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi, et parce qu'il ne correspondait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention, il ne répondait pas aux critères d'immigration au Canada. De plus, la lettre de refus précisait que les motifs invoqués relativement à sa crainte d'être persécuté par le régime serbe n'étaient plus fondés étant donné que le Kosovo n'était plus contrôlé par ce régime et que la ville qu'il avait fuie avait été incluse, de concert avec les commandants de la KFOR, dans les territoires où règnent les conditions nécessaires pour assurer un retour en toute sécurité. Enfin, la lettre de refus indiquait que [TRADUCTION] « nos interlocuteurs insistent sur le fait que les réfugiés musulmans et albanais du Kosovo sont, en général, capables de retourner maintenant, et que c'est pour cela que des retours en masse sont organisés. »


[4]        En octobre 1999, le Consulat du Canada a reçu des documents et des arguments supplémentaires de la part du demandeur au sujet de sa demande. Dans une lettre datée du 10 novembre 1999, l'agente des visas a informé M. Bahtijari qu'après l'examen des renseignements fournis par ce dernier, son cas ne serait pas réexaminé.

[5]        Les parties diffèrent radicalement d'avis sur la nature de la décision datée du 10 novembre 1999. Le demandeur affirme qu'il s'agit d'une nouvelle décision refusant la demande de M. Bahtijari, qui incorpore les raisons du refus décrites dans la lettre du 29 juillet 1999. De son côté, le défendeur soutient que cette deuxième décision de l'agente des visas venait préciser qu'il n'y avait aucune raison pour cette dernière de reconsidérer sa décision précédente refusant la demande de résidence permanente de M. Bahtijari, et qu'aucun réexamen ne serait effectué.

[6]        En substance, l'agente des visas a expliqué sa décision comme suit dans sa lettre du 10 novembre 1999 :

[TRADUCTION] La présente fait référence à mon refus de la demande de résidence permanente au Canada en tant que réfugié au sens de la Convention - parrainé par le gouvernement - cherchant à se réinstaller au Canada (CR1), lequel est daté du 29 juillet 1999. La décision de refuser votre demande a été prise d'un commun accord par un agent des visas et par un agent principal. J'accuse réception de votre lettre et de vos documents reçus le 28 octobre 1999, mais j'ai le regret de vous informer que je ne considère pas que ces renseignements justifient un réexamen de votre cas. Veuillez consulter les raisons énumérées dans ma lettre de refus du 29 juillet 1999 prouvant que nous avons tenu compte du fait que vous n'êtes pas d'origine albanaise. Je regrette que cette décision ne puisse être davantage en votre faveur.

[7]        L'agente des visas a déclaré dans l'affidavit déposé pour contester la présente demande :

[TRADUCTION] Je n'ai trouvé aucune raison de réexaminer l'évaluation initiale de la demande et j'ai envoyé une lettre le 10 novembre 1999 à l'avocat du demandeur et au demandeur lui-même, les informant que je ne considérais pas que les renseignements reçus justifiaient un examen de son cas. La lettre se trouve à la page 4 du dossier du tribunal.


L'agente des visas n'a pas été contre-interrogée au sujet de cette déclaration.

[8]        Après un examen minutieux de la formulation de la lettre du 10 novembre, de l'affidavit de l'agente des visas et des arguments des avocats, je conclus que la lettre du 10 novembre prouve que l'agente des visas avait décidé de ne pas réexaminer la demande de M. Bahtijari. C'est, selon moi, le sens clair des mots [TRADUCTION] « je ne considère pas que ces renseignements [la lettre et les documents reçus le 28 octobre 1999] justifient un réexamen de votre cas » .

[9]        De plus, je ne crois pas que cette décision incorporait la décision précédente du 29 juillet 1999 de façon à permettre un examen de cette dernière dans le cadre de la présente instance. La conclusion opposée ne serait pas étayée par la formulation de la lettre du 10 novembre ni par le témoignage de l'agente des visas, et elle ne serait pas conforme au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, qui exige que ce type de décision soit contestée dans un délai de 30 jours suivant la communication de la décision.

[10]      Il s'ensuit que la portée du présent contrôle judiciaire se limite à déterminer s'il était raisonnable pour l'agente des visas de conclure qu'il n'était pas justifié de réexaminer sa décision de refuser la demande de M. Bahtijari .


[11]      En ce qui concerne cette décision, aucune des parties n'a soulevé le fait que l'agente des visas était dessaisie lorsqu'elle a pris sa décision le 10 novembre 1999. Le défendeur a souligné que la jurisprudence est divisée sur la question de savoir si un agent des visas qui a refusé une demande d'établissement au Canada a le pouvoir discrétionnaire de réexaminer cette même décision. Toutefois, il a déclaré qu'il n'était pas nécessaire de se pencher sur cette question dans le cas présent.

[12]      Je partage cet avis parce que j'ai conclu que si l'agente des visas avait le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision, elle n'a commis aucune erreur susceptible de révision en exerçant ce pouvoir. C'est d'ailleurs ainsi que le juge Gibson a procédé dans Bi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 405 (C.F. 1re inst.); il a qualifié tout pouvoir discrétionnaire de ce type comme un pouvoir discrétionnaire pur et a examiné si l'agente des visas pouvait raisonnablement exercer le pouvoir discrétionnaire de ne pas réexaminer une décision.

[13]      J'ai examiné les documents et les arguments supplémentaires déposés en octobre 1999 pour le compte de M. Bahtijari; ils ne comportaient pas de nouveaux éléments de preuve documentaire appuyant sa prétention selon laquelle il était victime de persécution aux mains des Albanais ou contredisant les conclusions de l'agente des visas au sujet des conditions actuelles régnant dans le pays.


[14]      Compte tenu de ce qui précède, M. Bahtijari n'a pas réussi à me convaincre qu'il était déraisonnable de la part de l'agente des visas de conclure que les renseignements supplémentaires fournis ne justifiaient pas un réexamen.

[15]      Tout grief de M. Bahtijari au sujet de la décision originale aurait dû prendre la forme d'une demande de contrôle judiciaire visant cette décision.

[16]      J'ai pris connaissance des arguments des avocates sur la certification d'une question, mais comme je n'ai pas jugé nécessaire de me prononcer sur l'applicabilité de la doctrine du dessaisissement, aucune question n'est certifiée.


[17]      Pour ces motifs :

ORDONNANCE

[18]      LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R.Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

______________________________

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU GREFFE :                                 IMM-6106-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Dzezair Bahtijari

                                                                 c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 19 avril 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                         Le 14 juin 2001

ONT COMPARU :

Mme Mary Lam                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Mme Marianne Zoric                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Mary Lam                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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