Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040506

Dossier : T-62-03

Référence : 2004 CF 665

ENTRE :

                                    JAMES DUNLOP GEORGE LEONARD

                                                                                                                                appelant

                                                                      et

                                              SA MAJESTÉLA REINE DU

                            CHEF DU CANADA (MINISTRE DES AFFAIRES

INDIENNES ET DU NORD CANADIEN),

                                  ROBERTA NAHANEE, TRACY GODDYN,

                                BARBARA LEONARD, CHUCK LEONARD,

                                       JOHN LEONARD, SANDY GEORGE

                                                       et RUSTY WATTS

                                                                                                                                   intimés

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION


[1]                 James Dunlop George Leonard (James Leonard ou l'appelant) a interjeté appel, conformément à l'article 47 de la Loi sur les Indiens (la Loi), de la décision par laquelle la représentante du ministre a conclu, le 5 novembre 2002, qu'un document en date du 5 avril 1999 (le document) signé par son grand-père, John George Leonard, n'était pas de nature testamentaire. Ce dernier, lors de son décès, le 31 mai 2001, était un résident ordinaire de la réserve indienne no 1 de Kamloops (la réserve) à titre de membre de la bande indienne de Kamloops.

[2]                L'article 42 de la Loi attribue au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien une compétence exclusive sur « les questions testamentaires » relatives aux Indiens décédés.

[3]                Par une lettre adressée à l'appelant le 24 décembre 2002, Crystal Hecht, agente principale des successions, Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), expliquait pourquoi la représentante du ministre avait conclu que le document n'était pas un testament.

[4]                Cette lettre est reproduite en partie :

[traduction] Vous avez posé deux questions :

1.              Quelle partie du document du 5 avril 1999 ne remplit pas les conditions qui s'appliquent à un testament?

[...]

En réponse à votre première question, un testament doit satisfaire à quatre conditions en vertu du paragraphe 45(2) de la Loi sur les Indiens :

-                Le testament doit être fait par écrit;

-                Le document doit être signé par le testateur;

-                Il doit y avoir disposition de biens;

-                Le document doit prendre effet lors du décès

Le ministre a examinéle document et il a conclu que le document peut en fait prendre effet avant le décès et qu'il ne satisfait donc pas à la quatrième condition. [Non soulignédans l'original.]


[5]                Les articles 42, 43, 45 et 47 de la Loi sur les Indiens se lisent comme suit :



42. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, la compétence sur les questions testamentaires relatives aux Indiens décédés est attribuée exclusivement au ministre; elle est exercée en conformité avec les règlements pris par le gouverneur en conseil.

                              [. . .]

42(3) Application des règlements

(3) Les règlements prévus par le paragraphe (2) peuvent être rendus applicables aux successions des Indiens morts avant ou après le 4 septembre 1951 ou à cette date.

L.R., ch. I-6, art. 42.

43 Pouvoirs particuliers

43. Sans que soit limitée la portée générale de l'article 42, le ministre peut_:

a) nommer des exécuteurs testamentaires et des administrateurs de successions d'Indiens décédés, révoquer ces exécuteurs et administrateurs et les remplacer;

b) autoriser des exécuteurs à donner suite aux termes des testaments d'Indiens décédés;

c) autoriser des administrateurs à gérer les biens d'Indiens morts intestats;

d) donner effet aux testaments d'Indiens décédés et administrer les biens d'Indiens morts intestats;

e) prendre les arrêtés et donner les directives qu'il juge utiles à l'égard de quelque question mentionnée à l'article 42.

L.R., ch. I-6, art. 43.

                              [. . .]

45. (1) La présente loi n'a pas pour effet d'empêcher un Indien, ou de lui interdire, de transmettre ses biens par testament.

45(2) Forme de testaments

(2) Le ministre peut accepter comme testament tout document écrit signépar un Indien dans lequel celui-ci indique ses désirs ou intentions à l'égard de la disposition de ses biens lors de son décès.

45(3) Homologation(3) Nul testament fait par un Indien n'a d'effet juridique comme disposition de biens tant qu'il n'a pas été approuvé par le ministre ou homologué par un tribunal en conformité avec la présente loi.

L.R., ch. I-6, art. 45.

46(1) Le ministre peut déclarer nul un testament

46. (1) Le ministre peut déclarer nul, en totalité ou en partie, le testament d'un Indien, s'il est convaincu de l'existence de l'une des circonstances suivantes_:

a) le testament a été établi sous l'effet de la contrainte ou d'une influence indue;

b) au moment où il a fait ce testament, le testateur n'était pas habile à tester;

c) les clauses du testament seraient la cause de privations pour des personnes auxquelles le testateur était tenu de pourvoir;

d) le testament vise à disposer d'un terrain, situé dans une réserve, d'une façon contraire aux intérêts de la bande ou aux dispositions de la présente loi;

e) les clauses du testament sont si vagues, si incertaines ou si capricieuses que la bonne administration et la distribution équitable des biens de la personne décédée seraient difficiles ou impossibles à effectuer suivant la présente loi;

f) les clauses du testament sont contraires à l'intérêt public.

46(2) Cas de nullité

(2) Lorsque le testament d'un Indien est déclaré entièrement nul par le ministre ou par un tribunal, la personne qui a fait ce testament est censée être morte intestat, et, lorsque le testament est ainsi déclaré nul en partie seulement, sauf indication d'une intention contraire y énoncée, tout legs de biens meubles ou immeubles visé de la sorte est réputé caduc.

L.R., ch. I-6, art. 46.

APPELS

47 Appels à la Cour fédérale

47. Une décision rendue par le ministre dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 42, 43 ou 46 peut être portée en appel devant la Cour fédérale dans les deux mois de cette décision, par toute personne y intéressée, si la somme en litige dans l'appel dépasse cinq cents dollars ou si le ministre y consent.

[Non souligné dans l'original.]

42. (1) Subject to this Act, all jurisdiction and authority in relation to matters and causes testamentary, with respect to deceased Indians, is vested exclusively in the Minister and shall be exercised subject to and in accordance with regulations of the Governor in Council.

                               . . .

43 Particular powers

43. Without restricting the generality of section 42, the Minister may

(a) appoint executors of wills and administrators of estates of deceased Indians, remove them and appoint others in their stead;

(b) authorize executors to carry out the terms of the wills of deceased Indians;

(c) authorize administrators to administer the property of Indians who die intestate;

(d) carry out the terms of wills of deceased Indians and administer the property of Indians who die intestate; and

(e) make or give any order, direction or finding that in his opinion it is necessary or desirable to make or give with respect to any matter referred to in section 42.

R.S., c. I-6, s. 43.

                               . . .

45. (1) Nothing in this Act shall be construed to prevent or prohibit an Indian from devising or bequeathing his property by will.

45(2) Form of will

(2) The Minister may accept as a will any written instrument signed by an Indian in which he indicates his wishes or intention with respect to the disposition of his property on his death.

45(3) Probate

(3) No will executed by an Indian is of any legal force or effect as a disposition of property until the Minister has approved the will or a court has granted probate thereof pursuant to this Act.

R.S., c. I-6, s. 45.

46(1) Minister may declare will void

46. (1) The Minister may declare the will of an Indian to be void in whole or in part if he is satisfied that

(a) the will was executed under duress or undue influence;

(b) the testator at the time of execution of the will lacked testamentary capacity;

(c) the terms of the will would impose hardship on persons for whom the testator had a responsibility to provide;

(d) the will purports to dispose of land in a reserve in a manner contrary to the interest of the band or contrary to this Act;

(e) the terms of the will are so vague, uncertain or capricious that proper administration and equitable distribution of the estate of the deceased would be difficult or impossible to carry out in accordance with this Act; or

(f) the terms of the will are against the public interest.

46(2) Where will declared void

(2) Where a will of an Indian is declared by the Minister or by a court to be wholly void, the person executing the will shall be deemed to have died intestate, and where the will is so declared to be void in part only, any bequest or devise affected thereby, unless a contrary intention appears in the will, shall be deemed to have lapsed.

R.S., c. I-6, s. 46.

APPEALS

47 Appeal to Federal Court

47. A decision of the Minister made in the exercise of the jurisdiction or authority conferred on him by section 42, 43 or 46 may, within two months from the date thereof, be appealed by any person affected thereby to the Federal Court, if the amount in controversy in the appeal exceeds five hundred dollars or if the Minister consents to an appeal. [emphasis mine]


HISTORIQUE

[6]                La succession du défunt comprend deux parcs pour caravanes : le G & M Trailer Court et le Leonard Estates Trailer Park. Le litige se rapporte au Leonard Estates Trailer Park. Les deux parcs pour caravanes sont situés dans la réserve.

[7]                Le document qui, selon l'appelant, exprime l'intention testamentaire de son grand-père en ce qui concerne le Leonard Estates Trailer Park est daté du 5 avril 1999; il est intitulé : [traduction] « Objet : Leonard Estates » et est adressé [traduction] « À qui de droit » . Ce document est signé par George Leonard ainsi que par sa conjointe, Roberta Nahanee, à titre de témoin, et il est reconnu par John Kushniruk. Il est rédigé sur du papier à en-tête au nom de Halston Homes Limited. Ce document est rédigé comme suit :

[traduction] Le 5 avril 1999, je, GEORGE LEONARD, de COLD CREEK, KAMLOOPS, étant sain de corps et d'esprit, consens par les présentes à ce que toute entente que j'ai conclue avec JOHN KUSHNIRUK, dirigeant de Halston Homes Limited, au sujet de la planification, de la mise en valeur et des affaires financières de LEONARD ESTATES, 240 G & M ROAD, KAMLOOPS, revienne à JAMES DUNLOP GEORGE LEONARD, dans le cas oùje ne serais pas capable de m'occuper de mes affaires ou en cas de décès. [Non souligné dans l'original.]

[8]                Le sens de ce document peut uniquement être compris si l'on se reporte à l'entente conclue entre Halston Homes Ltd. et le défunt aux fins de la mise en valeur d'emplacements sur la propriété. L'entente du 30 mai 1997 a été préparée par l'avocat de M. Leonard; elle se lit comme suit :

[traduction]

                                               JOHN GEORGE LEONARD

                                                                C.P. 568

                                   KAMLOOPS (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

                                                                V2C 5L2

           NUMÉRO DE TÉLÉPHONE ET DE TÉLÉCOPIEUR : (250) 573-5013

Le 30 mai 1997

À l'attention de : John Kushniruk

Halston Homes Limited

1021, Ricardo's Road

Kamloops (Colombie-Britannique)

V2H 1G7

Objet : Entente concernant la mise en valeur d'emplacements au Leonard Estates Trailer Park

Messieurs,

À la suite de la lettre que vous m'avez envoyée le 21 mai 1997 et de la discussion que nous avons eue aujourd'hui, je tiens à profiter de l'occasion pour confirmer l'entente par laquelle vous avez convenu de mettre en valeur les emplacements de mon prochain parc pour caravanes connu sous le nom de « Leonard Estates » , situédans la réserve indienne no 1 de Kamloops, lequel est situé à côté du parc pour caravanes existant, connu sous le nom de G & M Trailer Court.

1.       Halston Homes Limited (Halston) mettra en valeur au plus soixante emplacements pour caravanes sur ma propriétéaux fins de la vente de nouvelles maisons préfabriquées;

2.      Halston aura le droit exclusif de vendre des maisons préfabriquées sur lesdits emplacements;

3.      Le nouveau propriétaire de chaque maison préfabriquée aura le droit de conclure une entente mensuelle avec moi (Leonard) aux fins de la location de l'emplacement;


4.      Halston financera la mise en valeur des soixante emplacements, les coûts y afférents devant inclure l'accès aux services d'égout, d'aqueduc, d'électricité, de téléphone, ainsi que l'installation de boîtes à lettres, l'éclairage des voies publiques et les travaux paysagers, et devant s'élever en tout, selon les estimations, à 6 000 $ par emplacement;

5.      Une fois que Halston aura vendu une maison préfabriquée, une somme de 8 000 $ sera recouvrée sur le prix de vente et sur cette somme, un montant de 2 000 $ sera verséà Leonard et un montant de 6 000 $ sera verséà Halston;

6.      Àl'heure actuelle, chaque emplacement sera louépour une somme mensuelle de 225 $, qui pourra être rajustée au moyen d'une entente conclue entre Halston et Leonard au cours de la phase de mise en valeur des soixante emplacements;

7.      Si les frais engagés par Halston sont supérieurs à 6 000 $ par emplacement, Halston rentrera dans ses frais en touchant une fraction du montant du loyer mensuel;

8.      Halston gérera gratuitement l'entreprise de Leonard Estates pendant la période de mise en valeur des soixante emplacements;

9.      Leonard et Halston ouvriront un compte bancaire conjoint pour Leonard Estates à la succursale principale de la Banque de Montréal; les chèques devront être signés par Leonard et par John Kushniruk et le compte sera ferméà la fin des travaux de mise en valeur des soixante emplacements sauf entente écrite contraire;

10.      Leonard et Halston conviennent mutuellement que les frais d'exploitation et d'entretien du parc pour caravanes comprendront les frais àpayer pour un préposé àl'entretien et un aide-comptable;

11.      Halston remettra des états financiers mensuels à Leonard en ce qui concerne les frais de mise en valeur et d'exploitation;

12.      Toutes les sommes, en sus des frais de mise en valeur et d'exploitation, appartiendront à Leonard et seront versées à Leonard s'il y a lieu et au moment où le compte conjoint sera fermé;

13.      Dans l'éventualitéoùLeonard serait atteint d'une incapacitéou en cas de décès, Halston aura le droit de récupérer tous ses frais;

Si vous souscrivez aux dispositions susmentionnées, veuillez donner votre assentiment en signant la présente lettre dans l'espace réservé à cette fin ci-dessous.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

John George Leonard

Halston Homes Limited accepte par les présentes l'entente, en apposant ci-dessous son sceau, avec la signature de son agent autorisé, le 4 juin 1997.

        « John Kushniruk »

_______________________

Administrateur/agent autorisé

[Non souligné dans l'original.]


AUTRES FAITS CONVENUS

[9]                L'appelant et l'intimée, Sa Majesté la Reine, ont reconnu que la décision de la représentante du ministre a été prise conformément à l'article 42 de la Loi.

[10]            D'autres faits convenus entre l'appelant et l'intimée, Sa Majesté la Reine, sont ci-dessous exposés.

[11]            Premièrement, si un Indien meurt et s'il a rédigé un testament, il incombe à AINC de nommer l'exécuteur testamentaire. Si un Indien meurt intestat, il incombe à AINC de nommer l'administrateur de la succession. Au moment du décès d'un Indien, AINC détermine tout d'abord s'il y a un testament.

[12]            Deuxièmement, il a été convenu, dans le cas du défunt, qu'AINC a effectué des recherches dans les registres du bureau régional de la Colombie-Britannique et au bureau provincial d'enregistrement des testaments, mais qu'aucun testament n'a été trouvé. Il est déclaré qu'il n'existe aucune exigence voulant qu'un testament soit enregistré au bureau d'enregistrement provincial des testaments ou qu'il soit déposé auprès d'AINC.

[13]            Troisièmement, il est convenu qu'en l'absence d'un testament, conformément à la Loi, les héritiers du défunt sont sa conjointe, Roberta Nahanee; ses trois enfants, Barbara Leonard, John Leonard et Charles Leonard; et ses quatre petits-enfants, dont l'appelant.


[14]            Il est reconnu que, le 24 juillet 2002, John Kushniruk a remis à AINC une copie de l'entente qu'il avait conclue le 30 mai 1997 avec le défunt et que cette entente [traduction] « énonce les conditions de l'arrangement qui a été conclu, sur le plan commercial, entre le défunt et M. Kushniruk (pour le compte de Halston Homes Ltd.) aux fins de la mise en valeur d'emplacements au Leonard Estates Trailer Park » .

[15]            Cinquièmement, dans l'exposé conjoint des faits, il est fait mention d'une lettre en date du 19 septembre 2002, dans laquelle M. Kushniruk a fourni des renseignements additionnels à AINC [traduction] « au sujet de la raison pour laquelle il croit que le document est un document de nature testamentaire » . Cette lettre traite notamment de l'entente conclue le 30 mai 1997 entre John George Leonard et Halston Homes Ltd. Monsieur Kushniruk mentionnait également une entente conclue entre le défunt et son petit-fils, James Leonard, [traduction] « qui s'engageait à s'occuper du parc » ; il mentionnait également que [traduction] « le fait que la responsabilité de la gestion du parc lui était confiée le soulageait » . La lettre disait que l'entente prévoyait que [traduction] « 60 emplacements seraient mis en valeur par Halston Homes » et que [traduction] « la situation économique actuelle et la disponibilité d'emplacements pour des maisons mobiles [avaie]nt eu pour effet de retarder la mise en valeur des six autres emplacements, la situation pouvant toutefois changer si les affaires repren[aient] » . [Non souligné dans l'original.]


[16]            Sixièmement, dans l'exposé conjoint des faits, il est fait mention d'une lettre également datée du 19 septembre 2002, que l'appelant a remise à AINC. Cette lettre est ainsi libellée :

[traduction] Leonard Estates est un parc pour maisons mobiles composéde 54 habitations. L'idée que John Kushniruk et moi-même, George Leonard, avons eue d'agrandir le parc pour maisons mobiles G & M a étéà l'origine de la création du parc. Je me suis occupéde la gestion du parc pour maisons mobiles existant (G & M) pendant 12 ans, période pendant laquelle j'ai agi à titre de fondéde pouvoir. Étant donnéque j'ai été élevé par George depuis ma tendre enfance, je suis devenu son bras droit et je me suis occupéde la plupart de ses affaires jusqu'à ce que je me voie obligé, pour des raisons familiales, de chercher un emploi ailleurs.

Par la suite, l'idée d'agrandir le parc n'a pas étéabandonnée, mais il devait y avoir deux parcs, G & M et Leonard Estates. Lors d'un séjour que j'ai effectuéà la maison, mon grand-père m'a clairement fait savoir que le nouveau parc pour maisons mobiles devait un jour m'appartenir, en récompense des nombreuses années de service loyal et parce qu'il était fier de ma réussite dans une autre carrière difficile, à savoir le forage et le dynamitage. Mon grand-père avait également exécuté des travaux de forage et de dynamitage dans sa jeunesse. C'est alors que George a demandéà John Kushniruk de rédiger le testament afin de s'assurer que cela se produise. J'ai constatédes lacunes dans ce testament; j'ai donc demandé à John Kushniruk d'en rédiger un autre et d'y inclure le numéro de parcelle qui n'était pas indiquédans l'original, mais je n'ai pas eu le coeur d'inquiéter mon grand-père, étant donnéqu'il se portait de plus en plus mal. Le fait que mon grand-père devait avoir un autre testament confirmant ses intentions me réconfortait.Sauf pour le parc Leonard Estates. À cet égard, j'estime être dans une situation privilégiée étant donné la relation spéciale que j'entretenais avec lui. Il agissait comme un père à mon égard et je connaissais ses intentions. Même si le testament est peut-être vague et peut être contestésur le plan juridique, une chose demeure certaine. Il y a un élément qui fait qu'un testament est bien un testament et c'est l'intention. George Leonard voulait que ce parc m'appartienne; je le sais; la famille le sait; et personne ne s'est présenté pour contester la chose. J'ai tout fait pour veiller à ce que le parc soit bien géré. Je continuerai à déployer de grands efforts s'il est décidé que ce testament n'est pas valide, car je ne renoncerai jamais à en appeler tant que le testament de George ne sera pas confirmé. [Non souligné dans l'original.]

[17]            Septièmement, l'exposé conjoint des faits disait que, le 5 novembre 2002, la représentante du ministre, Sheryl Yoner, avait décidé que le document n'était pas de nature testamentaire parce qu'il aurait pu prendre effet avant le décès de George Leonard.

L'INSTANCE ET LES POINTS LITIGIEUX

[18]            Conformément à l'ordonnance rendue par le juge MacKay le 2 avril 2003, les parties ci-après désignées ont déposé des mémoires devant la Cour : l'avocat de l'appelant et l'intimée principale, Sa Majesté la Reine. L'avocate de Roberta Nahanee et l'avocate de Barbara Leonard ont également déposé des mémoires.

[19]            Tous les avocats ont comparu à l'audience ainsi que l'avocate de Roberta Nahanee, sur invitation de la Cour; ils ont présenté de brefs arguments; l'avocate de Barbara Leonard n'a pas présenté d'arguments formels; elle s'est contentée de dire que sa cliente voulait que les voeux de son père soient respectés.

[20]            Les questions suivantes sont soulevées en l'espèce :

(1)         L'appel a-t-il été interjeté de la façon appropriée en vertu de l'article 47 de la Loi?

(2)         Quelle est la norme de contrôle à appliquer?


(3)         La décision du ministre selon laquelle le document n'est pas de nature testamentaire peut-elle résister à l'examen si elle est appréciée par rapport à la norme de contrôle applicable et, dans l'affirmative, la disposition irrégulière est-elle susceptible de dissociation?

ANALYSE

Première question : L'article 47 de la Loi entre-t-il en jeu?

[21]            La question de savoir si l'appel a été interjeté de la façon appropriée en vertu de l'article 47 de la Loi a été soulevée dans les arguments écrits de Roberta Nahanee, qui allègue que la décision a été prise en vertu de l'article 45 de la Loi et qu'elle ne peut pas faire l'objet d'un appel aux termes de l'article 47 de la Loi.

[22]            D'autre part, l'avocat de l'appelant et l'avocate du ministre ont convenu que la décision avait été prise en vertu de l'article 42 de la Loi.

[23]            L'argument soulevé par l'avocate de Roberta Nahanee a été rejeté par la juge Dawson dans la décision Morin c. Canada, [2001] CFPI 1430.


[24]            Dans la décision Morin, précitée, la juge Dawson a conclu que la compétence conférée au ministre, lorsqu'il s'agit d'accepter un instrument écrit comme testament, tire son origine de l'article 42 de la Loi, qui attribue au ministre la compétence voulue sur les questions relatives à l'attribution et à la révocation des lettres de vérification.

[25]            La juge Dawson a statué que l'article 45 de la Loi n'est pas une disposition qui confère des pouvoirs au ministre. Il s'agit d'une disposition qui prévoit expressément que les Indiens peuvent transmettre des biens par testament, que les Indiens ne sont pas liés par les exigences formelles qui sont énoncées dans la législation provinciale sur les testaments, et qu'aucun testament n'a d'effet juridique tant qu'il n'a pas été approuvé par le ministre ou homologué par un tribunal. La juge a ajouté que l'article 45 vise à définir les droits des Indiens plutôt qu'à conférer un pouvoir au ministre.

[26]            À mon avis, il est utile de reproduire les paragraphes 45 à 49 des motifs de jugement prononcés par la juge :

[45]          J'en conclus que, en conférant, par l'article 42 de la Loi, une compétence au ministre sur les questions testamentaires, le législateur fédéral lui conférait une compétence semblable à celle qui concerne l'attribution et la révocation des lettres de vérification ou d'administration, ainsi qu'une compétence sur les matières accessoires. Le législateur a donc attribué au ministre une compétence semblable à celle qui est exercée par les tribunaux des successions et des tutelles. Dans Halsbury's Laws of England, vol. 17(2), 4e éd. (Londres : Butterworths, 2000), aux paragraphes 75 et 103, il est mentionné que les fonctions premières d'un tribunal des successions et des tutelles consistent à dire si un document peut ou non être homologué comme instrument testamentaire, et à dire qui a droit d'être constitué représentant personnel du défunt.

[46]          L'une des caractéristiques principales d'un instrument testamentaire est que cet instrument est censé prendre effet au décès du testateur. Par conséquent, dire si un document est un instrument testamentaire requiert de s'enquérir de l'intention de son auteur.


[47]          Cette interprétation du contenu de l'article 42 de la Loi s'accorde avec les pouvoirs particuliers dévolus au ministre en vertu de l'article 43 de la Loi. Sans que soit limitée la portée générale de l'article 42, l'article 43 mentionne clairement que le ministre peut, entre autres, nommer et révoquer des exécuteurs testamentaires et administrateurs successoraux et les autoriser à donner suite aux termes de testaments.

[48]          Tous les sujets mentionnés dans l'article 43 de la Loi participent de la compétence historique en matière d'homologation de testaments.

[49]          La compétence attribuée aux tribunaux des successions et des tutelles au regard des « questions testamentaires » n'était pas une compétence sur tous les aspects se rapportant aux successions. Les cours supérieures ont toujours exercé une compétence étendue. C'était aux cours supérieures qu'il fallait s'adresser pour la solution de questions se rapportant à l'interprétation d'un testament admis à vérification, ainsi que dans les cas qui commandaient une enquête minutieuse sur tous les faits entourant la rédaction d'un présumé testament avant qu'il ne soit admis à vérification. Dans ce dernier cas, l'affaire pouvait être renvoyée à la cour supérieure, qui, pour une telle investigation, avait à sa disposition des moyens plus étendus et plus efficaces. Voir par exemple l'arrêt Jones c. Momberg (1915), 8 W.W.R. 1059 (C.A. du Man.). Les cours supérieures exerçaient aussi une compétence au regard des lois sur le soutien des personnes à charge.

[Non souligné dans l'original]

[27]            À partir de ces paragraphes de la décision Morin, précitée, je tire les conclusions ci-après énoncées :

(1)         Les pouvoirs conférés au ministre à l'article 42 de la Loi sont semblables à ceux qui sont exercés par les tribunaux des successions et des tutelles, dont les fonctions premières consistent à dire si un document peut ou non être homologué comme instrument testamentaire, et à dire qui a le droit d'être constitué représentant personnel du défunt;

(2)         L'une des caractéristiques principales d'un instrument testamentaire est que cet instrument est censé prendre effet au décès du testateur, ce qui requiert de s'enquérir de l'intention de son auteur;


(3)         La compétence attribuée aux tribunaux des successions et des tutelles sur les « questions testamentaires » n'englobait pas une compétence sur tous les aspects se rapportant aux successions parce que les cours supérieures ont toujours exercé une compétence étendue lorsqu'il s'agissait entre autres de régler les questions se rapportant à l'interprétation d'un testament admis à la vérification.

[28]            Sur ce point, je citerai en dernier lieu le passage suivant des motifs de jugement prononcés par le juge Dickson, qui était alors membre de la Cour d'appel du Manitoba, dans l'affaire A.G. c. Canard (1972), 30 D.L.R. (3d) 9, à la page 16 :

[traduction] L'article 42 et les dispositions suivantes constituent un code testamentaire exhaustif à l'égard des Indiens. En édictant ces dispositions, le législateur voulait clairement que la législation provinciale concernant les testaments, la dévolution successorale et les procédures successorales applicables aux autres ne s'appliquent pas aux Indiens ou à l'administration des successions des Indiens à moins que le ministre ne l'ordonne.

Deuxième question : La norme de contrôle


[29]            Quant à la deuxième question, à savoir la norme de contrôle pertinente, ayant appliqué les quatre facteurs de l'analyse pragmatique et fonctionnelle énoncés dans de nombreuses décisions de la Cour suprême du Canada, et notamment dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 20 (présence ou absence d'une clause privative; expertise du tribunal; objet de la loi; nature de la question), je souscris aux avis exprimés par l'avocat du demandeur, à savoir que la norme de contrôle pertinente en l'espèce est celle de la décision correcte, et ce, pour les raisons suivantes : il n'y a pas de clause privative, le ministre n'a pas d'expertise particulière en ce qui concerne l'interprétation du document, la législation vise à établir un régime d'administration des successions pour les Indiens individuels qui ne sont pas touchés par des facteurs polycentriques et la question en litige est principalement une question de droit.

[30]            En particulier, la question ici en cause, contrairement à ce qui était le cas dans la décision Morin, précitée, n'était pas axée sur l'intention testamentaire de John George Leonard, mais plutôt sur les exigences juridiques d'un testament dans le contexte de la Loi sur les Indiens.

Troisième question : La décision du ministre est-elle correcte?

[31]            L'avocate du ministre ne conteste pas que le document du 5 avril 1999 qui est ici en cause était un écrit, qu'il avait été signé par le défunt et qu'il pouvait être interprété comme conférant des droits à l'égard de biens. Toutefois, selon le ministre, le document ne révèle pas l'intention du défunt de disposer du parc Leonard Estates à son décès.


[32]            L'avocate du ministre invoque deux raisons pour lesquelles le document, à première vue, n'indique pas une intention testamentaire, c'est-à-dire un document qui est censé prendre effet après le décès du testateur. En premier lieu, l'avocate du ministre soutient que le document ne dépend pas entièrement du décès pour s'appliquer parce qu'il aurait pu prendre effet avant le décès, si le défunt avait été incapable de s'occuper de ses affaires. En second lieu, l'avocate affirme que l'arrangement dont M. Leonard et Halston Homes Ltd. ont convenu sur le plan commercial aurait pu prendre fin avant que M. Leonard soit atteint d'une incapacité ou avant son décès, de sorte que le document devenait inefficace, c'est-à-dire que les 60 emplacements pour caravanes dans le parc Leonard Estates auraient pu être mis en valeur et vendus avant le décès de M. Leonard, le document n'ayant donc plus aucun effet.

[33]            Dans son mémoire, l'avocate du ministre a également affirmé que les circonstances extrinsèques entourant le document n'indiquaient pas une intention testamentaire parce que le document avait été rédigé dans le contexte d'un arrangement commercial qui, pour être valide, dépendait de l'entente conclue le 30 mai 1997. Le document a été rédigé sur du papier à en-tête au nom de Halston et il est avec raison possible d'inférer qu'il visait à modifier le paragraphe 13 de l'entente. De plus, le défunt n'avait apparemment pas fait d'autre testament ou n'avait pas pris d'autres dispositions à l'égard de ses autres actifs et il semble qu'il n'ait jamais consulté son avocat au sujet du document. Enfin, sa conjointe, qui a signé le document à titre de témoin et qui est une intimée dans l'appel, prend la position selon laquelle le document n'est pas un instrument testamentaire.

[34]            Je ne suis pas prêt à accorder du poids aux circonstances externes mentionnées par l'avocate du ministre parce que la représentante du ministre n'a pas invoqué ce point pour nier l'intention testamentaire à l'égard du document.

[35]            Il est possible de dire la même chose au sujet du deuxième point soulevé par l'avocate du ministre, à savoir l'achèvement possible des travaux liés aux soixante emplacements du parc Leonard Estates. Il ne s'agissait pas d'un moyen sur lequel le ministre s'était fondé pour soutenir que le document n'était pas un testament et, de toute façon, les travaux de mise en valeur du parc Leonard Estates n'étaient pas complètement achevés au moment du décès de George Leonard, de sorte que le défunt continuait à posséder, en vertu de l'entente qu'il avait conclue le 30 mai 1997 avec Halston Homes, certains droits qui étaient transmissibles à son décès.

[36]            Il est clair que la représentante du ministre a décidé que le document ne satisfaisait pas aux conditions applicables à un testament parce que [traduction] « le document [pouvait] en fait prendre effet avant le décès » , c'est-à-dire que George Leonard aurait pu être atteint d'une incapacité avant son décès.


[37]            Je note l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel le document exprime les désirs de George Leonard, lorsqu'il s'agissait de transmettre, au moment de son décès, certains droits découlant de l'entente conclue le 30 mai 1997 avec Halston Homes. Selon l'avocat, ces droits auraient été transmis à l'appelant, le petit-fils [traduction] « dans le cas où [George Leonard] ne serai[t] pas capable de [s]'occuper de [s]es affaires ou en cas de décès » , c'est-à-dire dans un cas ou dans l'autre; or, en fait, George Leonard est décédé et n'a jamais été atteint d'une incapacité.

[38]            L'avocat de l'appelant a en outre soutenu que la Loi sur les Indiens ne contient aucune disposition prévoyant qu'un testament doit uniquement porter sur la disposition de biens au moment du décès du testateur, soit une condition qui semble être une restriction interne que le ministre a imposée à l'égard des testaments des Indiens, et qui n'est pas conforme à l'acceptation générale des actes testamentaires exigée par la Loi.

[39]            À supposer, sans toutefois trancher la question, que la position prise par la représentante du ministre soit incontestable pour ce qui est de la possibilité que le document prenne effet avant le décès de George Leonard, la représentante a commis une erreur, à mon avis, en ne se demandant pas si, eu égard aux circonstances, il convient de dissocier la condition irrégulière [traduction] « dans le cas où je ne serais pas capable de m'occuper de mes affaires » et une disposition clairement testamentaire, à savoir la transmission au petit-fils, au moment du décès, de certains droits découlant de l'entente que le défunt avait conclue avec Halston Homes.

[40]            Les autorités que l'avocat de l'appelant a citées étayent la thèse relative à la dissociation : la possibilité de dissocier une disposition testamentaire et une autre disposition figurant dans le même document qui prend effet avant le décès, et d'admettre cette disposition testamentaire à la vérification :

(1)        Feeney's Canadian Law of Wills, 4e éd. (Markham: Butterworth's 2000) à 1.1, 1.7, 1.22;

(2)        Wolfe c. Wolfe, [1902] 12 I.R. 246 (K.B.); et

(3)        Perry c. Mercer, [1971] N.J. No. 7.

[41]            L'avocate du ministre a cherché à restreindre la portée de la doctrine de la dissociation en soutenant qu'elle ne s'appliquait pas lorsque, comme c'est ici le cas, le document confère le même droit à la même personne dans deux circonstances différentes. Or, je n'interprète pas les autorités citées par l'avocat de l'appelant comme imposant pareille restriction.


[42]            J'ajoute un autre facteur en ce qui concerne la question de savoir s'il convient de dissocier les dispositions en cause eu égard aux circonstances particulières de l'espèce. À coup sûr, George Leonard voulait qu'à son décès ou s'il était incapable de s'occuper de ses affaires, l'entente qu'il avait conclue avec Halston Homes revienne à son petit-fils. L'incapacité et le décès ne pouvaient pas coexister; un cas devait précéder l'autre. Eu égard aux circonstances de l'espèce, la disposition relative à l'incapacité figurant dans le document du 5 avril 1999 est devenue redondante ou n'avait plus qu'un intérêt théorique et il devait y avoir dissociation; en effet, si ce n'était pas le cas, cela ferait échec aux intentions testamentaires de George Leonard.

[43]            Pour ces motifs, je conclus que le document est un document testamentaire auquel le ministre doit donner effet.

[44]            Je n'exprime aucun avis au sujet des droits qui sont transmis à l'appelant au moyen du document; si je comprends bien, cette question doit être tranchée par d'autres tribunaux judiciaires.

[45]            Étant donné la conclusion que j'ai tirée, je n'ai pas examiné l'argument subsidiaire de l'appelant selon lequel la disposition relative à l'incapacité figurant dans le document était nulle ab initio.


[46]            L'appel sera accueilli avec dépens, le montant y afférent étant imputable à la succession de George Leonard et devant être versé à l'appelant.

« François Lemieux »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 6 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-62-03

INTITULÉ :                                                    James Dunlop George Leonard

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), Roberta Nahanee, Tracy Goddyn, Barbara Leonard, Chuck Leonard, John Leonard, Sandy George et Rusty Watts

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 12 février 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   le 6 mai 2004

COMPARUTIONS :

Roger D. Lee                                                    POUR L'APPELANT

Janice Rodgers                                                  POUR L'INTIMÉE, Sa Majesté la Reine

Teressa Nahanee                                              POUR L'INTIMÉE, Roberta Nahanee

Marlene S. Harrison                                          POUR L'INTIMÉE, Barbara Leonard

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)                    POUR L'APPELANT

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    POUR L'INTIMÉE, Sa Majesté la Reine


Teressa Nahanee

Avocate

Merritt (Colombie-Britannique)                          POUR L'INTIMÉE, Roberta Nahanee

Mair Jensen Blair

Kamloops (Colombie-Britannique)                     POUR L'INTIMÉE, Barbara Leonard

Dennis M. Nielson

Avocat

Calgary (Alberta)                                               POUR LES INTIMÉS, Tracy Gordon, Chuk

Leonard et John Leonard

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.