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Date : 20000707


Dossier : T-756-99

     AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 56 de la

     Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13)

     et une décision que le registraire des marques de commerce

     a rendue le 2 mars 1999 au sujet de la

     demande de marque de commerce 755,658

à l'égard de la marque de commerce

GOÛT DE BEURRE COMME AU CINÉMA

déposée par Hunt-Wesson, Inc.

ENTRE :


LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA/

DAIRY FARMERS OF CANADA,

appelant,


et


HUNT-WESSON, INC.,

intimée.



MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE NADON


[1]      L'appelant, Les producteurs laitiers du Canada, interjette appel d'une décision en date du 2 mars 1999 par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition qu'il a présentée relativement à une demande de l'intimée Hunt-Wesson Inc. en vue de faire enregistrer la marque de commerce « Goût de Beurre Comme au Cinéma » . L'appel interjeté sous le régime de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985) ch. T-13 ( « la Loi » ), vise à obtenir une ordonnance infirmant la décision du registraire et confirmant le bien-fondé de l'opposition de l'appelant à l'enregistrement de la marque de commerce. L'appelant demande également que la décision de la Cour soit déposée auprès du registraire des marques de commerce et que des frais lui soient adjugés.

[2]      Le 25 mai 1994, l'intimée a présenté une demande de marque de commerce formulée comme suit :

Goût de Beurre Comme au Cinéma
[TRADUCTION] Le requérant se désiste du droit à l'usage exclusif des mots GOÛT DE BEURRE en dehors de la marque de commerce.
MARCHANDISES : (1) Maïs à éclater, soit du maïs non éclaté. (2) Maïs éclaté, soit du maïs soufflé. En usage au Canada depuis octobre 1993 ou avant en liaison avec les marchandises indiquées (01). Usage proposé au Canada en liaison avec les marchandises indiquées (02).

[3]      Le 16 janvier 1996, l'appelant s'est opposé à la demande de l'intimée en invoquant les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi1. Au nom du registraire des marques de commerce, M. Myer Herzig, de la Commission des oppositions des marques de commerce, a rejeté l'opposition de l'appelant le 2 mars 1999.

Décision du registraire

[4]      Le registraire a décidé que la marque ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse, étant donné qu'elle ne se composait pas simplement des mots « goût de beurre » , mais bien des mots « goût de beurre comme au cinéma » . De l'avis du registraire, les consommateurs ont l'habitude de voir le mot « beurre » utilisé en liaison avec des produits alimentaires qui ne contiennent pas de beurre, par exemple, « I can't believe it's not butter » et « Souvenirs de beurre » . Par conséquent, selon le registraire, même si les consommateurs s'attendent à une certaine forme de saveur de beurre, ils ne seraient pas incités à tort à penser que le produit contient du beurre de ferme.

[5]      Le registraire a également rejeté le moyen d'opposition de l'appelant selon lequel la marque n'était pas distinctive du fait que, par suite d'un transfert, au moins deux personnes l'utilisaient concurremment. Le registraire a conclu à l'absence d'éléments de preuve établissant un transfert de la marque à une autre partie, contrairement à ce que l'appelant soutenait, et n'a donc pas tenu compte de cet argument.

[6]      De plus, le registraire a rejeté l'argument de l'appelant selon lequel la marque n'était pas distinctive parce que l'intimée avait permis à des tiers de l'utiliser sans égard aux dispositions relatives à l'octroi de licence. Le registraire a jugé que cet argument n'était pas formulé de façon suffisamment précise pour permettre à l'intimée d'y répondre, comme l'exige l'alinéa 38(3)a)2, parce que l'appelant n'avait pas indiqué le nom des tiers dans ses actes de procédure ni décrit la façon particulière dont la tierce partie utilisait la marque. De plus, selon le registraire, la preuve n'indiquait nullement que l'intimée n'avait aucun contrôle sur ses marchandises.

[7]      Enfin, le registraire a rejeté le dernier moyen d'opposition de l'appelant selon lequel la marque n'était pas distinctive parce que le régime d'octroi de licence était insatisfaisant. Le registraire a conclu que la licence de l'intimée concernait la mise en marché et la vente de maïs soufflé plutôt que la production de ce produit.

Les arguments des parties

[8]      Dans l'avis d'appel qu'il a déposé conformément à l'article 56 de la Loi, l'appelant soutient que le registraire a commis les erreurs suivantes : en rejetant son argument fondé sur le paragraphe 38(2) selon lequel la marque de commerce n'est pas enregistrable; en concluant que l'intimée avait prouvé que sa marque ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse; en concluant que l'emploi par l'intimée de la marque de commerce ne concernait pas le beurre ou la crème contenu dans un produit alimentaire; en concluant que la marque de commerce ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse de la teneur en beurre du maïs soufflé et de la nature ou de la qualité du maïs soufflé en question; en concluant que la marque de commerce donnait simplement à penser que le produit offrait un certain type de goût de beurre, mais que les consommateurs ne croiraient pas qu'il contient du beurre de ferme et, enfin, en concluant que les consommateurs avaient l'habitude de voir le mot « beurre » employé en liaison avec des produits qui ne contenaient pas de beurre.

[9]      Au soutien de son appel, l'appelant a présenté en preuve un sondage d'opinions mené par le Research Management Group au sujet de la marque de commerce « Goût de Beurre Comme au Cinéma » . Un échantillon de consommateurs3 ont été interrogés au sujet de leur perception de la marque de commerce. Les consommateurs devaient d'abord examiner un emballage de maïs à éclater Reden Budders comportant la marque de commerce « Goût de Beurre Comme au Cinéma » . Une série de questions leur étaient ensuite posées au sujet de leurs impressions concernant le produit; par exemple, ils se faisaient demander s'ils croyaient que le produit contenait du beurre lorsqu'ils lisaient les mots sur l'emballage. De l'avis de cinquante-neuf pour cent des personnes interrogées, le produit contenait du beurre et le fabricant avait vraiment l'intention de donner cette impression.

[10]      L'appelant soulève les trois questions suivantes dans son mémoire. D'abord, la conclusion du registraire au sujet de l'emploi du mot « beurre » est-elle erronée? En deuxième lieu, le registraire a-t-il commis une erreur lorsqu'il a conclu que la marque de commerce ne donnait pas une description claire des marchandises? En troisième lieu, compte tenu de la preuve supplémentaire de l'appelant (c.-à-d. le sondage), la Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et substituer sa décision à celle du registraire?

[11]      L'appelant soutient que la présente affaire est visée par les critères énoncés dans l'arrêt George Weston4, selon lesquels la Cour peut infirmer une décision du registraire lorsqu'elle est convaincue que la conclusion de celui-ci est erronée ou qu'elle est saisie de nouveaux éléments de preuve de fond indiquant que le registraire a commis une erreur. Comme le juge Teitelbaum l'a souligné à la page 267 de cette décision :

         Il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle est saisie d'un appel formé contre une décision du registraire, d'annuler celle-ci parce que la Cour peut arriver à une conclusion différente de celle du registraire.
         Ce n'est que lorsque l'appelante peut démontrer, il lui incombe de le faire d'ailleurs, que le registraire n'a pas interprété de façon appropriée les faits dont il est saisi ou n'a pas examiné ceux-ci qu'il y a lieu pour la Cour de modifier la décision du registraire.
         La Cour peut modifier la décision du registraire si de nouveaux éléments de preuve de fond, sous forme d'affidavit ou de déclaration statutaire, lui sont présentés pour montrer qu'étant donné la preuve, le registraire est arrivé à une conclusion erronée.

[12]      À cet égard, l'appelant fait valoir que les éléments de preuve qu'il présente (c.-à-d. les questionnaires indiquant que les consommateurs croiraient que le produit contient du beurre) constituent des éléments de preuve importants. Par conséquent, selon l'appelant, le registraire a commis une erreur lorsqu'il a conclu que la marque ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse. À ce sujet, l'appelant cite les lignes directrices d'Industrie Canada qui, sous réserve de certaines exceptions, interdisent l'utilisation du mot « beurre » même lorsque le produit est partiellement composé de beurre5. L'appelant ajoute que l'intention de l'intimée était d'indiquer aux consommateurs que son produit contenait du beurre. Selon l'appelant, étant donné que le produit donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, la marque de commerce n'est pas enregistrable.

[13]      De plus, l'appelant fait valoir que le registraire a commis une erreur lorsqu'il a conclu que l'intimée respectait les exigences de l'alinéa 30i) de la Loi, c'est-à-dire qu'il était convaincu que l'intimée avait le droit d'employer la marque de commerce.

[14]      L'intimée souligne que le fardeau de preuve de l'appelant est élevé dans ce genre de situation et que la Cour ne peut simplement substituer sa décision à celle du registraire, à moins que celui-ci n'ait commis une erreur ou mal interprété les faits mis en preuve devant lui (Imperial Tobacco6, George Weston, supra). De plus, la Cour peut intervenir lorsque de nouveaux éléments de preuve de fond indiquent que le registraire a tiré une conclusion erronée (George Weston). De l'avis de l'intimée, les nouveaux éléments de preuve que l'appelant a présentés (c.-à-d. le sondage) ne sont pas des éléments de preuve de fond, parce qu'ils ne portent pas sur la véritable question à trancher en appel (c.-à-d. le caractère enregistrable de la marque de commerce). À ce sujet, l'intimée a déposé l'affidavit d'un spécialiste expérimenté en étude de marché, M. David Thexton, qui critique le sondage et soutient qu'il ne peut être utilisé, parce qu'il est fondé sur un questionnaire faussé qui porte sur les mots figurant sur l'emballage plutôt que sur ceux de la marque de commerce elle-même.

[15]      L'intimée m'a également rappelé que les lignes directrices n'étaient pas impératives, mais simplement des recommandations ou des suggestions et qu'elles indiquaient que « Lorsqu'il est clairement établi que les termes « beurre » , « crème » ou « crémeux » se rapportent à la texture, à la forme, à la couleur ou à quelque autre aspect et non à la teneur en crème ou en beurre de l'aliment, leur emploi serait permis » . Par conséquent, l'intimée fait valoir que les consommateurs canadiens ont l'habitude de voir les produits alimentaires en liaison avec lesquels le mot « beurre » est employé, mais qui ne contiennent pas de beurre (ou en contiennent très peu) les mots servant simplement à décrire le goût. L'intimée ajoute qu'aucun élément de preuve n'indique que les consommateurs ont été trompés par la marque de commerce « Goût de beurre comme au cinéma » . De l'avis de l'intimée, il importe d'examiner la marque de commerce en entier et non simplement le mot « beurre » ; de plus, elle ajoute que le simple emploi du mot « beurre » ne rend pas en soi l'ensemble de la marque de commerce non enregistrable.

[16]      En ce qui a trait à la question découlant de l'alinéa 30i), soit la déclaration selon laquelle l'intimée est convaincue qu'elle a le droit d'employer la marque de commerce, l'intimée soutient qu'elle a respecté la Loi, étant donné qu'elle a déposé la déclaration prescrite qu'elle croyait être vraie. L'intimée ajoute que l'argument de l'appelant à ce sujet est fondé sur la proposition selon laquelle l'intimée ne pouvait raisonnablement avoir cru qu'elle avait le droit d'employer la marque de commerce, compte tenu des lignes directrices. Toutefois, comme l'intimée l'a déjà souligné, les lignes directrices ne sont pas impératives et, même si elles l'étaient, le mot « beurre » de la marque de commerce ne renvoie pas à la teneur en beurre du produit.

[17]      L'intimée ajoute que le consommateur ordinaire ne ferait pas le lien entre une saveur de beurre particulière et un cinéma et qu'aucun élément de preuve n'indique à quoi cette saveur pourrait correspondre. Elle fait donc valoir que la marque de commerce « Goût de beurre comme au cinéma » ne donne pas une description claire ou une description fausse et trompeuse. En fait, l'intimée allègue que les conclusions du registraire sont bien fondées.

Analyse

[18]      Dans l'affaire United States Polo Association c. Polo Ralph Lauren Corp. (1999), 163 F.T.R. 59, j'ai commenté la démarche qu'un juge de la Cour doit suivre pour trancher un appel fondé sur le paragraphe 56(1) de la Loi :

         Les présents appels ont été interjetés en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. C-13 (la Loi). Le paragraphe 56(5) de cette Loi énonce que les parties à un appel de cette sorte peuvent, en plus de la preuve fournie à la Commission, présenter une nouvelle preuve au tribunal et que ce dernier peut, en conséquence, « exercer toute discrétion dont le registraire est investi » . Dans la décision McDonald's Corp. c. Sylcorp. Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207, le juge Strayer (tel était alors son titre) a ainsi défini, à la page 210, le rôle de la Cour touchant les appels en matière d'opposition :

Il semble clair qu'en matière d'oppositions, lorsque le litige porte essentiellement sur des faits relatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. La Cour est donc libre d'examiner les faits afin d'établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant, cette décision ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles : voir Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1, à la p. 8, 1 D.L.R. (3d) 462, [1969] R.C.S. 192, aux p. 199 et 200 (C.S.C.). Bien qu'à diverses reprises la Cour d'appel fédérale ait jugé qu'en appel, la Cour avait l'obligation d'établir si le registraire avait ou non rendu une décision « manifestement erronée » ou s'il avait simplement « eu tort » , il semble que le juge saisi d'un appel semblable à l'espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l'expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui.
La décision du juge Strayer a été portée en appel devant la Cour d'appel fédérale, mais sans succès. Le juge Stone, au nom de la Cour, a reconnu dans la décision McDonald's Corp. c. Silcorp. Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 67, à la page 68, que s'il incombait au juge de première instance de trancher les questions qui lui étaient soumises, il ne fallait pas, non plus, porter atteinte à la légère aux décisions de la Commission.

Nous ne sommes pas persuadés que le juge Strayer a commis une quelconque erreur relativement aux questions dont il était saisi, lesquelles confirmaient dans tous ses aspects essentiels la décision de la Commission. Dans les circonstances, nous sommes d'avis que le principe établi par la Cour suprême du Canada, tel qu'énoncé par le juge Ritchie, dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1, aux p. 8 et 9, 1 D.L.R. (3d) 462, [1969] C.S.C. 192, est tout à fait pertinent en l'espèce. Il dit :
À mon avis, la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d'un grand poids et la conclusion d'un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien doit rendre des décisions sur ce point et sur d'autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère...

Même si, comme l'indique également ce cas-là, le distingué magistrat n'était pas déchargé de la responsabilité de trancher les questions en litige, compte tenu des circonstances de l'espèce, il s'est bien acquitté, à nos yeux, de cette responsabilité.
Dans les cas sous étude, les parties ont soumis des preuves dont la Commission n'a pas eu connaissance au moment de rendre les décisions qui font l'objet du présent appel. Je partage entièrement les observations du juge Strayer dans la décision McDonald's voulant que je doive former mon propre jugement quant au bien-fondé des conclusions de la Commission. Ce faisant, je ne dois cependant pas perdre de vue « l'expérience et [l]es connaissances particulières dont disposent le registraire ou la Commission » , et prendre en compte les nouvelles preuves qui m'ont été fournies. Je suis donc d'avis que l'appelante doit prouver, à la lumière de tous les éléments de preuve, que les décisions de la Commission ne sont pas « exactes » .

[19]      Compte tenu de ces principes, l'appelant ne m'a pas convaincu que la conclusion du registraire est erronée. J'estime que sa décision était raisonnable principalement parce que, comme il l'a souligné, la marque de commerce doit être considérée dans son ensemble et que, dans la présente affaire, elle ne se compose pas simplement des mots « goût de beurre » , mais bien des mots « goût de beurre comme au cinéma » . Sa décision est fondée sur l'hypothèse selon laquelle la plupart des consommateurs ne s'attendraient pas à ce que le produit contienne du beurre ou une quantité importante de beurre. À cet égard, le registraire a fait allusion à d'autres produits dont l'emballage comportait le mot « beurre » alors que le produit lui-même n'en contenait pas afin de conclure que la plupart des consommateurs ne seraient pas incités à tort à penser que le produit de l'intimée contient du beurre. Comme l'intimée l'a fait remarquer au paragraphe 67 de son mémoire, bon nombre de marques de commerce déposées contiennent le mot beurre ou « butter » (p. ex., Molly McButter) et la Commission des oppositions des marques de commerce a jugé ces marques de commerce enregistrables7.

[20]      De plus, examiné comme un tout, le produit correspondre non pas au beurre lui-même, mais au goût de beurre offert au cinéma. Il est important de souligner que la marque de commerce ne se compose pas seulement des mots « Goût du Beurre » , mais bien des mots « Goût du Beurre Comme au Cinéma » . À cet égard, je souscris aux observations suivantes que le registraire a formulées :

[TRADUCTION] Dans la présente affaire, j'en arrive à la conclusion que la marque demandée, examinée dans son ensemble, n'est pas suffisamment précise pour donner une description claire ou une description fausse et trompeuse du maïs; examinée dans son ensemble, la marque indique simplement que la marchandise de la requérante offre une certaine saveur de beurre et les consommateurs ne seraient pas incités à tort à croire que le beurre de ferme est un ingrédient du produit.

[21]      De plus, j'aimerais souligner que le registraire a procédé à une analyse assez fouillée de la marque de commerce et de la façon dont le mot « butter » ( « beurre » ) a été employé en liaison avec d'autres produits avant d'en arriver à sa conclusion. À mon sens, l'analyse du registraire est tout à fait raisonnable, compte tenu de la preuve, et je ne vois aucune raison de modifier la décision à laquelle il en est arrivé.

[22]      Sur ce plan, j'estime, à l'instar de l'intimée, que le sondage de l'appelant n'est pas fiable. De toute évidence, la question à trancher consiste à savoir si la marque de commerce en soi, c'est-à-dire les mots dont elle se compose, donne une description claire ou une description fausse et trompeuse et non si celle qui figure sur une étiquette ou sur un emballage donné produit ce résultat8. À ce sujet, le sondage de l'appelant renvoie spécifiquement à l'emballage et, effectivement, les questions exigent un examen de l'emballage. Ainsi, voici comment la question 5 est formulée :

[TRADUCTION]
Lorsque vous voyez les mots [Goût du Beurre Comme au Cinéma] sur cet emballage, laquelle des phrases suivantes décrit le mieux l'impression que vous avez au sujet du produit?
[ ] Ce produit contient du beurre.
[ ] Ce produit ne contient pas de beurre.

[23]      En présentant aux consommateurs une image de l'emballage illustrant du beurre, cette formulation modifie l'objet véritable de la question, qui consiste à savoir si les mots de la marque de commerce en soi donnent l'impression que le produit contient du beurre. Étant donné qu'à mon avis, les questions ne portent pas vraiment sur le véritable objet du débat, il est impossible de dire que les réponses des consommateurs traduisent de façon exacte la perception qu'ils ont de la marque de commerce en soi. Effectivement, un échantillon des réponses indique que les consommateurs ont été attirés par l'emballage : p. ex., [TRADUCTION] « On dirait qu'il y a beaucoup de beurre » ; « J'aime l'emballage, il attire l'attention » ; « Le maïs nage dans le beurre » ; « Le dessin est attirant et représente très bien le produit » ; « Très bel emblème » .

[24]      Par conséquent, à l'instar de M. Thexton, j'estime que le sondage était faussé, parce qu'il était fondé sur l'emploi de l'emballage pour l'interprétation de la marque de commerce. C'est pourquoi les réponses données au sondage ne doivent pas être prises en compte.

[25]      Si cette preuve supplémentaire n'est pas prise en compte, l'appel dont je suis saisi ne pourra être accueilli, parce qu'aucun élément de preuve n'indique que le registraire a commis une erreur de droit ou de fait lorsqu'il a conclu que la marque de commerce de l'intimée ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse. Par conséquent, l'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.


                                                         MARC NADON

                                                                         Juge


Q U É B E C (Qc)

Le 7 juillet 2000.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :                      T-756-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA/DAIRY FARMERS OF CANADA,

    

     appelant,

                                                         c.


                                                         HUNT-WESSON, INC.,

     intimée.


LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Qc)

DATE DE L'AUDIENCE :                  10 avril 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE NADON


EN DATE DU :                      7 juillet 2000

ONT COMPARU :                      M e François M. Grenier      pour l'appelant

                                                         M e Dan Hitchock      pour l'intimée


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Léger, Robic & Richard

                                                         Montréal (Qc)      pour l'appelant

Riches, McKenzie & Herbert
Toronto (Ontario)      pour l'intimée



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

(Section de première instance)



Date : 200007/07


Dossier : T-756-99


Entre :


LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA/

DAIRY FARMERS OF CANADA,


appelant,

et


HUNT-WESSON, INC.,


intimée.










MOTIFS DU JUGEMENT




__________________

1      Le paragraphe 38(2) de la Loi sur les marques de commerce est ainsi libellé :Cette opposition peut être fondée sur l'un des motifs suivants :a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30*;b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;c) le requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement;d) la marque de commerce n'est pas distinctive
*L'article 30 porte sur le contenu de la demande (p. ex., déclaration relative aux marchandises, adresse du requérant).

2      L'alinéa 38(3)a ) de la Loi est ainsi libellé : La déclaration d'opposition indique : a) les motifs de l'opposition, avec détails suffisants pour permettre au requérant d'y répondre.

3      Soit exactement 307 consommateurs.

4      88766 Canada Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260.

5      Effectivement, ce que les Lignes directrices interdisent, c'est l'emploi du mot « beurre » pour décrire un produit partiellement composé de beurre, à moins que le produit ne contienne une quantité suffisante de cet ingrédient pour être caractérisé de cette façon : « C'est avec prudence que l'on doit employer les mots `beurre' ou `crème' dans le nom ou la description d'un aliment. Il est interdit de se servir de ces termes pour qualifier un aliment composé ou partiellement composé de crème ou de beurre, à moins qu'il contienne une quantité suffisante de ces ingrédients pour en être caractérisé » .

6      Imperial Tobacco Ltd. c. Rothmans, Benson & Hedges Inc. (1992), 45 C.P.R. (3d) 354 (C.F. 1re inst.).

7      Voir Bureau Laitier du Canada v. Alberto-Culver Co. (1995), 64 C.P.R. (3d) 542, Dairy Bureau of Canada v. Swift Co. (1988), 22 C.P.R. (3d) 144.

8      Dairy Farmers, supra, page 155.

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