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Date : 20011113

Dossier : T-777-98

Montréal (Québec), le 13 novembre 2001

En présence de MONSIEUR RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE :

                                                    ANNETTE LUCILLE GODDARD

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                        JUGEMENT

L'action en dommages-intérêts de la demanderesse est accueillie pour la somme de 2 286 $, plus les intérêts, si des intérêts sur le trop-perçu sont réclamés par la défenderesse.

Comme les deux parties obtiennent gain de cause, il n'est pas adjugé de dépens.

Richard Morneau      

                                            Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20011113

Dossier : T-777-98

Référence neutre : 2001 CFPI 1248

ENTRE :

                                                    ANNETTE LUCILLE GODDARD

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

[1]                 La demanderesse - qui présente elle-même sa cause - a engagé une action simplifiée dans laquelle elle réclame une somme de 4 572 $, plus intérêts, parce que les employés de la Commission de l'assurance-emploi (ci-après la Commission) lui auraient par négligence faussement déclaré, un jour qu'elle s'était présentée à la Commission, qu'il lui était possible de percevoir des prestations de maternité tout en recueillant une indemnité de départ.


Contexte

[2]                 Durant la première moitié de 1995, la demanderesse était enceinte de son deuxième enfant. Elle était membre des Forces armées canadiennes et à cette époque son service se vit offrir une forme de retraite anticipée, en application du Programme de réduction des forces (le PRF). Elle songea donc à se libérer, tout en recueillant les prestations de maternité que prévoyait la Loi sur l'assurance-chômage et auxquelles, croyait-elle, elle aurait droit.

[3]                 Afin de s'assurer qu'elle aurait droit à des prestations de maternité selon la Loi sur l'assurance-chômage en même temps qu'elle serait libérée selon le PRF, elle s'informa oralement auprès de la Commission.


[4]                 Le témoignage non contredit de la demanderesse est qu'elle a expressément interrogé la Commission sur son droit aux prestations dans le cadre des formalités de sa libération selon le PRF. Elle fut informée par les employés de la Commission que, « oui » , elle avait droit aux prestations de maternité tout en obtenant sa libération selon le PRF et que les prestations seraient versées dès la date de début de son congé de maternité (le 11 juin 1995) jusqu'à ce qu'elle reçoive effectivement son indemnité de départ au titre du PRF. Lorsqu'elle recevrait l'indemnité de départ, elle devait alors cesser d'envoyer ses talons de prestations, puis les prestations cesseraient et le montant de l'indemnité du PRF serait « à partir de cette date » réparti sur les mois suivants, selon le cas. À l'expiration de cette période, elle devait retourner à la Commission et demander la partie restante de ses prestations de maternité.

[5]                 La demanderesse a témoigné que le personnel de la Commission ne lui a jamais communiqué l'information exacte résultant du paragraphe 58(9) du Règlement sur l'assurance-chômage, et selon laquelle les indemnités du PRF seraient réparties sur la période débutant à la date de prise d'effet de sa libération des Forces canadiennes, soit le 4 juillet 1995.

[6]                 Durant sa déposition, la demanderesse n'a pas été en mesure de préciser à quel employé de la Commission elle s'était adressée, mais elle a néanmoins indiqué - et elle n'a pas été contredite sur ce point - que le premier commis à qui elle a parlé à la Commission n'avait pu la renseigner sur ses droits et que ce commis s'était adressé à un autre employé, qui lui avait donné des renseignements inexacts. Ce dernier employé avait aussi vérifié son information auprès d'un troisième employé, en la présence de la demanderesse. Je ne considère pas que cette preuve constitue un ouï-dire de la part de la demanderesse puisqu'elle était présente auprès desdits employés aux moments pertinents. La demanderesse a aussi indiqué clairement que, si elle avait reçu des renseignements exacts, elle n'aurait pas décidé de se libérer des Forces canadiennes.


[7]                 Dans une lettre datée du 18 janvier 1996, la Commission informa la demanderesse que la somme totale de 42 628,39 $ reçue de son employeur et représentant l'indemnité de départ et le traitement pour vacances était considérée comme une rémunération et serait déduite des prestations d'assurance-chômage de la demanderesse, ce qui signifiait que des prestations ne seraient pas payables à la demanderesse du 4 juillet 1995 au 13 septembre 1996. Cependant, la demanderesse fut informée que sa période de prestations était prolongée de cinquante-deux semaines.

[8]                 Par suite de l'affectation des gains aux semaines commençant le 4 juillet 1995, la demanderesse avait reçu un trop-perçu de prestations pour la somme de 4 572 $, somme qu'elle devait à la Commission.

Analyse

[9]                 La demanderesse s'appuie considérablement sur la décision Luo c. Canada (Procureur général) (1997), 33 O.R. (3d) 300, dans laquelle le demandeur avait réussi en appel à faire admettre son droit à réparation par suite de renseignements inexacts que lui avaient donnés les employés de la Commission à propos de son droit à des prestations. Dans cette affaire, à la page 309, la Cour de l'Ontario (Division générale) a exposé ainsi l'état du droit lorsqu'une action est fondée sur des déclarations inexactes :

[TRADUCTION]


Il est bien établi en droit que des déclarations inexactes peuvent entraîner la responsabilité : Hedley Byrne & Co. v. Heller & Partners Ltd., [1964] A.C. 465, [1963] 2 All. E.R. 575 (C.L.). Comme l'a fait observer Hogg, dans Liability of the Crown, précité (à la p. 138), [TRADUCTION] « il existe aujourd'hui de nombreux cas dans lesquels la Couronne ou une municipalité a été jugée responsable des conséquences de déclarations inexactes » , lorsque des fonctionnaires de l'État donnent des renseignements. La Cour suprême du Canada s'est récemment prononcée, dans l'arrêt La Reine c. Cognos Inc., [1993] 1 R.C.S. 87, 45 C.C.E.L. 153, sur la responsabilité de la Couronne à la suite de déclarations inexactes faites par l'un de ses représentants. Pour avoir gain de cause, le demandeur doit remplir les cinq conditions générales énoncées par le juge Iacobucci, à la p. 110, R.C.S., et à la p. 171, C.C.E.L. :

(1) il doit y avoir une obligation de diligence fondée sur un « lien spécial » entre l'auteur et le destinataire de la déclaration; (2) la déclaration en question doit être fausse, inexacte ou trompeuse; (3) l'auteur doit avoir agi d'une manière négligente; (4) le destinataire doit s'être fié d'une manière raisonnable à la déclaration inexacte faite par négligence, et (5)le fait que le destinataire s'est fié à la déclaration doit lui être préjudiciable en ce sens qu'il doit avoir subi un préjudice.

L'arrêt Cognos a été récemment appliqué par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Spinks c. Canada, [1996] 2 C.F. 563, 134 D.L.R. (4th) 223, où un employé de l'État avait négligé de communiquer au demandeur des renseignements qui auraient profité au demandeur dans l'exercice de ses droits à pension.

(...)

(...) la question de fond soulevée par le présent appel est la suivante : le dossier permet-il d'affirmer que l'appelant a engagé sa responsabilité délictuelle envers l'intimé? J'examinerai si l'intimé répond aux cinq conditions énoncées dans l'arrêt Cognos.

[10]            Pour la première condition, je crois qu'il y avait ici un devoir de prudence de la Commission envers la demanderesse. Dans son argumentation, l'avocat de la défenderesse a admis qu'il était concevable que la Cour arrive à cette conclusion.

[11]            Pour la deuxième condition, je crois qu'elle est remplie elle aussi puisque la preuve non contredite autorise la Cour à conclure que la demanderesse a obtenu des renseignements qui ne s'accordaient pas avec le texte du paragraphe 58(9) du Règlement sur l'assurance-chômage. Par conséquent, les renseignements fournis étaient faux, inexacts ou trompeurs.

[12]            Je n'ai aucune difficulté non plus à conclure que la Commission a agi d'une manière négligente dans les déclarations qu'elle a faites à la demanderesse. Ainsi que l'affirmait la Cour de l'Ontario dans la décision Luo, à la page 314, à propos des employés de la Commission :

[TRADUCTION]

Leur travail consiste à administrer et à fournir des renseignements sur les prestations pouvant être versées à certaines catégories de gens et concernant les changements apportés à l'admissibilité, et, en n'informant pas l'intimé de la nécessité de faire approuver les cours suivis et de la raison de la cessation de ses prestations, ils ont manqué à leur obligation de diligence.

Ces observations sont applicables à la présente affaire.

[13]            Oubliant pour l'instant la condition numéro 4, c'est-à-dire le crédit accordé par la demanderesse aux renseignements qu'elle a reçus, j'examinerai maintenant la dernière condition, selon laquelle la demanderesse, en donnant foi aux renseignements, doit avoir subi un préjudice.

[14]            Sur ce point, j'accepte de faire correspondre le préjudice de la demanderesse avec le trop-perçu réclamé par la défenderesse puisque, si la demanderesse était restée dans les Forces canadiennes, elle ne serait pas priée aujourd'hui de rembourser le trop-perçu de 4 572 $.


[15]            Revenant à la condition numéro 4, c'est-à-dire le crédit accordé par la demanderesse aux renseignements qu'elle a obtenus, je suis d'avis que la demanderesse, n'étant pas dans une situation aussi fragile que l'était M. Luo dans la décision Luo, précitée, ou que M. Norman Spinks dans l'affaire Spinks c. Canada, [1996] 2 C.F. 563 (mentionnée dans la décision Luo), n'était pas entièrement fondée à s'en remettre uniquement aux renseignements qu'elle avait obtenus. La demanderesse a reconnu dans son témoignage qu'elle n'avait fait par elle-même aucune recherche pour savoir si le Règlement sur l'assurance-chômage intéressait de quelque façon sa libération des Forces canadiennes. Si elle l'avait fait, elle aurait sans doute appris l'existence du paragraphe 58(9) de ce règlement.

[16]            Comme il est indiqué dans l'arrêt Spinks, précité, à la p. 588, il est maintenant établi que la faute partagée peut être opposée en défense partielle dans une action en responsabilité comme celle dont il s'agit ici. Parce qu'elle n'a pas mené sa propre recherche sur l'état du droit, je pense que la demanderesse est elle aussi fautive. Je suis donc d'avis qu'elle devrait supporter la moitié des dommages-intérêts qu'elle réclame.

[17]            Par conséquent, son action est accueillie pour la somme de 2 286 $, plus les intérêts, si la défenderesse réclame tels intérêts sur le trop-perçu.

[18]            Comme les deux parties obtiennent gain de cause, il n'est pas adjugé de dépens.

[19]            Jugement sera rendu en conséquence.

Richard Morneau      

Protonotaire

Montréal (Québec)

le 13 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                         Date : 20011113

                                                    Dossier : T-577-98

ENTRE :

           ANNETTE LUCILLE GODDARD

                                                             demanderesse

                                          et

                   SA MAJESTÉ LA REINE

                                                              défenderesse

                                                                                      

                   MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                                      


                                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-777-98

ANNETTE LUCILLE GODDARD

                                                                    demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                     défenderesse


LIEU DE L'AUDIENCE :Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :le 31 octobre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT : RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS :le 13 novembre 2001

ONT COMPARU

Mme Annette Lucille Goddard pour la demanderesse

M. Derek Edwards pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

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