Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20000323


Dossier : IMM-2489-99



ENTRE :

     YAN LUO

     demandeur



     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que Daniel Vaughan (l'agent des visas), Vice-consul au Consulat général du Canada à Hong Kong, a rendue le 29 avril 1999, et dans laquelle il refuse la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.

[2]      Le 3 août 1998, le demandeur a présenté sa demande de résidence permanente au Consulat général du Canada à Hong Kong dans la catégorie des travailleurs compétents indépendants à titre d'ingénieur mécanicien.

[3]      Sur le formulaire de demande d'immigration, le demandeur a indiqué qu'il envisageait d'exercer la profession d' « ingénieur mécanicien (CNP 2132) » au Canada1.

[4]      Le demandeur a fait ses études à la Northwest China Engineering University à Xian, République populaire de Chine (RPC), a obtenu un baccalauréat en génie en 1994 et a travaillé comme ingénieur auprès de la Guangzhou Aircraft Maintenance Engineering Company Ltd. (GAMECO) à Guangzhou, RPC, depuis lors2.

[5]      Le 26 avril 1999, l'agent des visas a fait passer une entrevue au demandeur qui, dans une lettre en date du 27 avril 1999, a été informé que sa demande de résidence permanente était refusée.


[6]      L'agent des visas a conclu que les fonctions du poste du demandeur et son expérience ne satisfont pas aux conditions d'accès à la profession d'ingénieur mécanicien énoncées dans la Classification nationale des professions (la CNP). En conséquence, il n'a obtenu aucun point pour le facteur de l'expérience. En vertu du paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration3, l'agent des visas ne peut délivrer un visa à un immigrant qui n'obtient pas au moins un point d'appréciation pour le facteur de l'expérience.

[7]      Pour la profession d'ingénieur mécanicien, le demandeur a obtenu les points d'appréciation suivants :

         Âge                      10
         Facteur professionnel          05
         Études et formation          17
         Expérience                  00
         Emploi réservé              00
         Facteur démographique          08
         Études                  15
         Anglais                  08
         Français                  00
         Personnalité                  05
        
         Total                      68

[8]      L'agent des visas a également apprécié le demandeur au regard de la profession de mécanicien d'aéronefs (CNP 7315.1), mais a conclu qu'il n'avait pas obtenu le nombre de points requis. En conséquence, l'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur.

[9]      Le demandeur prétend que l'agent des visas a commis une erreur en concluant que les fonctions actuelles de son poste ne sont pas inhérentes à celles d'un ingénieur mécanicien (CNP 2132) ou à celles d'un ingénieur en aérospatiale (CNP 2146) aux termes de la CNP, et que l'agent des visas a tiré une conclusion de fait erronée, n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents ou n'a pas évalué la preuve de façon appropriée lorsqu'il lui a attribué 5 points pour le facteur de la personnalité.

ANALYSE

     (A)      Appréciation de l'expérience

[10]      Dans Haughton c. MCI4, le juge Rothstein a affirmé que la CNP n'est pas simplement un guide pour les agents des visas, mais qu'il s'agit plutôt d'un système exécutoire de classification et d'évaluation.

[11]      En vertu de la CNP, un ingénieur mécanicien exerce les fonctions suivantes et c'est au regard de celles-ci que l'agent des visas doit apprécier l'expérience du demandeur :

-      mener des études en matière de faisabilité, de conception, d'exploitation et de performance des mécanismes et des systèmes;
-      établir des estimations de coûts et de temps, des devis de conception et autres documents concernant la machinerie et les systèmes et rédiger des rapports;
-      concevoir des centrales, des machines, des composants, des outils, des appareils et du matériel;
-      surveiller et inspecter la mise en place, la modification et la mise en service d'installations mécaniques sur des chantiers de construction ou dans des locaux industriels;
-      élaborer des normes d'entretien, des calendriers d'exécution et des programmes et encadrer les équipes d'entretien industriel;
-      rechercher la cause des défaillances mécaniques ou des problèmes d'entretien non prévus;
-      préparer des documents contractuels et évaluer des soumissions portant sur des travaux de construction ou d'entretien industriel;
-      superviser des techniciens, des technologues et autres ingénieurs et réviser et approuver les designs, les calculs et les coûts estimatifs5.

[12]      En l'espèce, le demandeur a, au cours de son entrevue, décrit à l'agent des visas les fonctions qu'il occupe auprès de la GAMECO de la façon suivante :

[TRADUCTION]
-      formation du personnel de l'entretien des aéronefs
-      entretien des aéronefs et diagnostic de pannes
-      supervision des techniciens et des apprentis mécaniciens6

[13]      Après avoir comparé ces deux descriptions, examiné la lettre du Conseil canadien des ingénieurs professionnels7 et appris que le demandeur n'avait aucune expérience en recherche ou conception, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'avait pas exécuté un nombre substantiel des fonctions principales énoncées dans la CNP pour la profession d'ingénieur mécanicien8 :

[TRADUCTION]
En concluant que le demandeur ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession d'ingénieur mécanicien, j'ai examiné la lettre datée du 21 août 1998 que le Conseil canadien des ingénieurs professionnels (D. Wolfe) a envoyée au demandeur [...] Bien que le CCIP ait accordé au demandeur une note acceptable pour son évaluation non officielle des titres et qualités, je ne suis pas convaincu que le demandeur a effectué le travail d'un ingénieur mécanicien au sens de la CNP.
J'ai également examiné la lettre de recommandation datée du 8 juin 1998 que la GAMECO a préparée pour le demandeur [...] Cette lettre ne m'a pas convaincu non plus que le demandeur avait effectué le travail d'un ingénieur mécanicien au sens de la CNP9.

[14]      Compte tenu de tous les renseignements qui lui ont été soumis, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'avait pas d'expérience en tant qu'ingénieur mécanicien. Contrairement à ce que prétend le demandeur, je suis d'avis que, compte tenu de ses notes, l'agent des visas n'a pas maintenu que toutes les fonctions devaient être exécutées. L'agent des visas a fondé sa décision non seulement sur l'absence d'expérience du demandeur en conception et en recherche, mais également sur le fait que le demandeur n'avait pas exécuté un nombre substantiel des fonctions principales d'un ingénieur mécanicien (et d'un ingénieur en aérospatiale). Je conviens avec le défendeur que l'agent des visas était fondé à accorder plus d'importance à certaines fonctions. En conséquence, je suis d'avis que sa décision n'était pas déraisonnable sur ce point.

     (B)      Personnalité

[15]      La personnalité est définie comme suit à l'annexe I du Règlement :

Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

[16]      En l'espèce, l'agent des visas a accordé au demandeur 5 points pour le facteur de la personnalité. L'appréciation que l'agent des visas a faite de ce facteur a été notée comme suit dans le STIDI :

[TRADUCTION] PERSONNALITÉ 5. L'IMMIGRANT ÉVENTUEL N'EST JAMAIS ALLÉ AU CANADA ET IL A UNE CONNAISSANCE LIMITÉE DU CANADA. L'IMMIGRANT ÉVENTUEL NE S'EST PAS RENSEIGNÉ AU SUJET DES CONDITIONS D'ACCÈS À LA PROFESSION DE MÉCANICIEN D'AÉRONEFS AU CANADA ET NE CONNAISSAIT PAS LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE PROFESSIONNELLE À TITRE DE T.E.A. CELA N'INDIQUE PAS QU'IL A DE L'INGÉNIOSITÉ, UN ESPRIT D'INITIATIVE ET DE LA MOTIVATION. L'IMMIGRANT ÉVENTUEL A UNE FLEXIBILITÉ PROFESSIONNELLE LIMITÉE AU CANADA ET LE FAIT QU'IL MANQUE DE PRÉPARATION POUR REMPLIR LES CONDITIONS D'ACCÈS À LA PROFESSION EN L'ESPÈCE PEUT RÉVÉLER UNE POSSIBILITÉ D'ADAPTATION ET D'ÉTABLISSEMENT LIMITÉE10.

[17]      L'agent des visas s'est demandé si le demandeur était déjà allé au Canada; il a également tenu compte du fait que sa connaissance du Canada était limitée et du fait que sa flexibilité professionnelle limitée traduisait un manque d'ingéniosité, d'esprit d'initiative et de motivation.

[18]      Dans la décisionManiruzzamam c. MCI11, la Cour a reconnu qu'il est nécessaire de faire une appréciation plus générale des caractéristiques de la personnalité du demandeur, en particulier quand il manque à celui-ci, comme en l'espèce, un ou deux points pour avoir le nombre de points requis. Dans la présente affaire, l'agent des visas a pris en considération le fait que le demandeur n'était jamais venu au Canada. Bien qu'il soit bien établi dans la jurisprudence que la connaissance du Canada constitue une considération pertinente dans l'appréciation de la personnalité, je suis d'accord avec la décision du juge Cullen dans l'affaire Milovanova c. MCI12 qu'on ne saurait reprocher au demandeur de n'être jamais venu au Canada.

[19]      En l'espèce, une lecture du contre-interrogatoire sur affidavit de l'agent des visas montre que celui-ci a accordé une très grande importance au fait que le demandeur n'était jamais venu au Canada.

[20]      Comme il ne s'agissait pas d'une considération pertinente dans l'appréciation de la personnalité du demandeur en ce qui concerne la réussite de son installation au Canada et qu'il manquait seulement quelques points au demandeur, je suis d'avis que cela constitue une erreur suffisante pour justifier un contrôle judiciaire.

[21]      Enfin, citant la décision Wen c. MCI13, l'avocat du demandeur prétend que l'agent des visas aurait dû tenir compte du fait que l'épouse du demandeur travaillait comme secrétaire dans l'appréciation de la personnalité du demandeur. Cependant, je crois que la décision Wen peut être distinguée d'avec la présente espèce parce que dans cette affaire, l'agente des visas a admis qu'elle aurait accordé au demandeur un point pour le facteur de la personnalité si elle avait su que l'emploi de son épouse figurait sur la liste de la demande dans la profession. Cette admission portait préjudice au demandeur.

[22]      En l'espèce, je suis d'accord avec l'argument du défendeur selon lequel la personnalité devrait être fondée sur la « faculté d'adaptation du requérant, sa motivation [...] [et] son ingéniosité » tel que l'indique l'annexe 1 du Règlement et non pas sur l'employabilité de l'épouse du demandeur.

[23]      Pour ces motifs, la décision de l'agent des visas est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas afin qu'il procède à un examen.



                         (s.) « Danièle Tremblay-Lamer »

                                 Juge


VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

Le 23 mars 2000


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE L'IMMIGRATION

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-2489-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Yan Luo
                         c.
                         MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 21 mars 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          le juge Tremblay-Lamer
DATE DES MOTIFS :              le 23 mars 2000


ONT COMPARU :

M. Dennis Tanack                  pour le demandeur
M. Mark Sheardown              pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dennis Tanack

Avocat

Vancouver (C.-B.)                  pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada              pour le défendeur
__________________

1      Dossier du demandeur, page 18, partie A, 9b).

2      Le défendeur ne reconnaît pas que le demandeur « a travaillé comme ingénieur » aux fins de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration de 1978, même si celui occupait un poste d' « ingénieur » .

3      DORS/78-172, et ses modifications.

4      (1996), 111 F.T.R. 226.

5      Dossier du demandeur, à la page 36.

6      Dossier du demandeur, aux pages 32 et 40.

7      Dossier du demandeur, à la page 38.

8      Dossier du demandeur, à page 14, paragraphe 8.

9      Dossier du demandeur, à la page 14, paragraphes 9 et 10.

10      Dossier du demandeur, à la page 10.

11      (3 mai 1999), IMM-3586-98 (C.F. 1re inst.).

12      (7 septembre 1999), IMM-4558-98 (C.F. 1re inst.).

13      (10 mars 1999), IMM-1556-98 (C.F. 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.